Notre époque est celle des incertitudes sur nombre de sujets et nous sommes de plus en plus à percevoir que nos sociétés progressistes sonnent le glas quant au promesses qui furent les leurs. Nous assistons à une danse macabre en laquelle telles des
La symbolisation du coeur en astrologie traditionnelle
Le cœur, organe central dans la constitution d’un être, est souvent présenté comme symbolisé par le Soleil, astre central dans le système solaire. Ceci résulte d’une application de la loi d’analogie. Toutefois, concernant le cœur, les choses sont un peu plus complexes que ceci. Quelques distinctions et précisions sont à effectuer, qui ne sont pas sans importance.
Si, effectivement, le Soleil représente le centre d’un être, il convient de ne pas lui attribuer sans réserves le cœur, organe physiologique. En effet, la Tradition évoque deux cœurs. Pour illustrer ceci, reprenons les réponses qu’a données Ramana Maharshi à des questions en rapport direct avec notre sujet :
Maharshi : C’est l’expérience spirituelle qui le prouve.
Demandeur : Le cœur que l’on sent alors battre du côté droit, s’appelle le cœur psychique ?
Maharshi : Oui.
Demandeur : Mais comment prouver qu’il est à droite ?
Maharshi : En en faisant vous-même l’expérience (1).
Demandeur : N’existe-t-il pas certains indices qui suppléent à l’expérience ?
Maharshi : Montrez-vous vous-même du doigt et observez. » (2)
Le cœur était représenté dans l’écriture hiéroglyphique égyptienne par un vase. Louis Charbonneau-Lassay souligne à cet égard que « le cœur de l’homme n’est-il pas en effet le vase où sa vie s’élabore continuellement avec son sang ? » (3). Dans l'écriture primitive chinoise, le coeur est représenté analogiquement de la sorte :
Le vase est un symbole lunaire, Cancer, car le propre d’un vase est d’accueillir, de contenir. Le croissant lunaire, en analogie avec le signe du Cancer, évoque l’idée d’un réceptacle. Ceci laisse songer que l’organe physiologique se trouve représentée par la triplicité Lune/Cancer/maison IV. Poursuivons.
René Guénonindique que, traditionnellement, vase et coupe recouvrent le même symbolisme. Les objets entretiennent en effet une parenté étroite. A la coupe est associé un autre symbole : le triangle renversé, pointe dirigée vers le bas. Cette forme représente schématiquement une coupe (4). Le triangle renversé n’est pas un symbole satanique comme trop d’occultistes l’ont soutenu. Tout symbole comporte en lui une multiplicité de sens, tous reliés par un principe commun. Conformément à la dualité de la manifestation, ces diverses significations sont produites par la polarisation de ce principe, d’où l’apparence de sens contradictoires dans un même symbole. Le satanisme consiste seulement à renverser le sens de celui-ci, en rompant son unité et, la plupart du temps, en en modifiant la hiérarchisation des significations (5). S’agissant du triangle renversé, René Guénon souligne que ce symbole « se rencontre […] dans certains yantras ou symboles géométriques de l’Inde. […] ce qui est très remarquable à notre point de vue, c’est que la même figure est également un symbole du cœur, dont elle reproduit d’ailleurs la forme en la simplifiant ; le « triangle du cœur » est une expression courante dans les traditions orientales. » Ce symbole était également employé par les hermétistes chrétiens du Moyen-Âge. Comme la coupe, le cœur recueille le sang.
Selon la Tradition,« un autre symbole qui équivaut fréquemment à celui de la coupe, c’est un symbole floral : la fleur, en effet, n’évoque-t-elle pas par sa forme l’idée d’un « réceptacle », et ne parle-t-on pas du« calice » d’une fleur ? » , comme le note René Guénon (6). La fleur évoque le déploiement des possibilités à partir d’un centre, d’un principe (7). La notion de réceptacle est lunaire. La fleur symbolique chrétienne est la rose. Elle figure dans certains symboles comme vivifiée par le sang qu’elle reçoit, le sang du Christ. Nous retrouvons encore une parenté étroite entre la Lune et le cœur, organe physiologique.
René Guénon conclut sur ce point par une notation nous intéressant tout particulièrement ici : « Il y a encore au moins un autre équivalent symbolique de la coupe : c’est le croissant lunaire » (8). Nous en avons vu les raisons plus haut. La boucle est bouclée. Etudions à présent la représentation graphique du Cancer
Ce symbole nous montre deux éléments symétriques, correspondant aux deux ensembles ventricule/oreillette constituant l’organe. L’enroulement des deux branches de l’hiéroglyphe du Cancer s’effectue en sens inverse l’une de l’autre, évoquant le double mouvement circulatoire autour du cœur (diastole et la systole) (9). Les deux queues sortant du cercle évoquent les artères et veines naissant et sortant du cœur. Il serait curieux d’attribuer au Soleil, qui est le centre, le point sans dimensions, un organe comme le cœur. Au contraire, le signe du Cancer représente adéquatement l’organe corporel cardiaque. De plus, notons que le cœur relève du système végétatif (« autonome » (10)). Ce système fonctionne passivement, ce qui est proprement lunaire. Les problèmes cardiaques entraînent des troubles importants de santé à travers tout le corps, ce qui correspond à la situation du Cancer comme un des deux principes du Zodiaque (11).
Ceci ne signifie pas pour autant que le Cancer se réduise à un aspect corporel. Toute la manifestation corporelle procède de la manifestation subtile. Le cœur physiologique correspond analogiquement aux fonctions subtiles décrites par le Cancer (12).
Puisque le cœur est figuré par la Lune et ses apparentés, que symbolise alors le Soleil ? Sa représentation (un point au centre d'un cercle) désigne le centre, ordonnant tout autour de lui, irradiant. Le point, par essence, est sans dimensions. On ne peut le saisir. Le Soleil ne saurait représenter ainsi des organes volumineux. Il symbolise ainsi corporellement, d’une part, le centre de l’individualité, le séjour vital de l’être humain (13), et, d’autre part, le« centre » de chaque organe. Dans ce dernier sens, il s’agit de centres secondaires par rapport au centre principal (14). Ce dernier, comme nous l’avons vu en début d’article, correspond au centre, au cœur de l’individualité (jîvâtmâ dans la Tradition hindoue), point de contact avec le Divin (15). Nous pouvons également attribuer au Soleil les plexus (16)et les centres subtils de l’être. Cette question est assez vaste. Nous proposons de la traiter sur un point, lié à la médecine traditionnelle chinoise, ce afin de faire sentir le symbolisme solaire à l’œuvre.
Notre corps a nécessairement besoin d’énergie pour fonctionner correctement et cette dernière doit être adéquatement distribuée dans le corps. Si la circulation de l’énergie cesse, notre organisme meurt. La médecine chinoise base toute sa science sur l’observation et la correction de l’état énergétique du corps humain. Il nomme l’énergie circulant dans notre corps, le Chi (ou Qi). Globalement, le Chi est l’énergie qui emplit l’univers. Le Chi ne se résume pas à un aspect sensible, mais revêt également une forme subtile, la manifestation corporelle n’étant qu’un symbole de la manifestation subtile. Le Chi circule dans notre corps au moyen de canaux subtils, encore nommés méridiens. Il existe 5 types de Chi : le Chi des organes (fonctionnement des organes), le Chi des méridiens (responsable du transport et du mouvement dans les 12 méridiens), le Chi nourricier (création et transformation du sang), le Chi gardien ou protecteur des agressions extérieures (circulant en dehors des méridiens et des organes, réchauffant les organes, humidifiant et protégeant la peau et les phanères) et le Chi ancestral. Nous allons nous arrêter sur ce dernier car il concerne le sujet traité ici. Le Chi ancestral réside en effet dans la poitrine, au centre du plexus solaire. Le Chi partant de ce point (encore appelé Shanzhong) peut descendre vers l’abdomen ou remonter vers la gorge (mouvement yang ou yin). Il a la responsabilité de la respiration, de la parole et surtout il régule les battements cardiaques. Il correspond également au Dan Tian moyen. Les Dan Tian (« champs de l’élixir ») sont au nombre de trois et représentent tous les endroits du corps humains capables de générer et stocker le Chi, d’où leur nom (17). Ils sont en analogie avec le rapport Ciel (Dan Tian supérieur, sur le front entre les deux yeux), Homme (Dan Tian moyen, l’intermédiaire, le centre au confluent des influences du Ciel et de la Terre) et Terre (Dan Tian inférieur sous le nombril). Ces Dan Tian sont apparentés au Soleil, dérivent en quelque sorte de lui (18).
Le Dan Tian moyen, centre du plexus solaire, représente aussi le cœur subtil, représenté comme tout centre par un point. L’organe cardiaque est mu, activé par le Chi émis par ce point. Nous trouvons ici le symbolisme solaire : un point concentrant en lui et irradiant, influençant autour de lui.
A présent que nous avons vu les attributions respectives du Soleil et de la Lune, envisageons les rapports entre ces deux symboles. Notons en premier lieu que le Lion et le Cancer, signes auxquels ces astres correspondent, se situent en haut du Zodiaque, au rang de principes (19). Contrairement aux autres signes qui s’apparient par un maître commun (20), le Lion et le Cancer sont régis par deux astres différents. En considération de leur position, ceci signifie que Soleil et Lune forment un couple. Tout couple étant la polarisation d’un principe commun, le Soleil et la Lune expriment les deux visages d’un principe. La Lune est le pôle féminin, le Soleil le pôle masculin (21). Transposons analogiquement ces données au Cœur. Ce dernier symbolise le centre de l’individualité. Ce centre se polarise entre féminin et masculin. Le premier est représenté par le Cancer (corporellement, le cœur, subtilement les fonctions de réceptivité), le second par le Lion (corporellement les centres de l’être que nous avons vu, subtilement l’influence, le centre irradiant de l’être, le cœur psychique). La notion de Cœur synthétise ces deux pôles, mais échappe à ce qui est exprimé distinctement dans une carte du ciel. Pour le retrouver, il faut synthétiser la combinaison soli-lunaire d’un thème.
On pourrait être étonné, vu la fonction centrale du Cœur, que la Tradition distingue deux cœurs et que par conséquent le Soleil ne le représente pas directement. Toutefois, tout complémentarisme, comme c’est le cas ici, se résout dans l’unité dont les deux termes procèdent. Tout ce qui se manifeste entre dans le domaine de la dualité. Il apparaît par conséquent cohérent de retrouver deux cœurs, les deux pôles du Cœur.
La figuration du centre de l’être par le cœur, organe corporel, peut également sembler étrange dans la mesure où nous avons vu que le Soleil représente ce centre de manière plus adéquate et que corporellement il correspond à un point situé à la droite de la poitrine. Cependant, rappelons que le propre du symbolisme est de fournir une image, un reflet des réalités supérieures. Or, la Lune symbolise justement le reflet. Dès lors, le cœur-organe corporel peut symboliser effectivement le centre de l’être (le Soleil) tout comme l’astre lunaire reflète la lumière de l’astre solaire. Ainsi, il n’y a pas de contradiction. Nous trouvons un analogue de ceci dans le Dan Tian moyen (solaire), point irradiant et influençant un organe qui le reflète : le cœur physiologique (lunaire). Ce cœur peut être alors pris comme symbole du Dan Tian moyen.
Certains symboles associent étroitement les représentations des deux cœurs. Ainsi, il existe une figure dans laquelle le cœur (solaire) est inscrit à l’intérieur d’un triangle tourné la pointe vers le bas (le cœur lunaire). Ici, nous trouvons le principe se logeant au centre. Ce symbole évoque celui de l’Androgyne primordial, équilibré sous tous les rapports, unissant le masculin et le féminin. Une représentation analogue est exposée dans les mythes arthuriens, dans celui de la quête du Graal (la coupe, le vase ayant recueilli le sang du Christ sur la Croix). Les chevaliers de la Table Ronde partent en quête de ce Saint Graal pour venir le replacer au centre de la Table. Cette dernière accueille douze chevaliers, nombre analogue à celui des signes du Zodiaque ou à celui des méridiens. Elle correspond au Zodiaque lui-même. L’union du masculin et du féminin se réalise ainsi au centre, comme nous l’avons vu précédemment. Ce mythe illustre la Réalisation spirituelle où il s’agit de replacer l’être au Centre de son état, point permettant de renouer avec le Principe.
Concluons cet article par quelques considérations pratiques. Les attributs respectifs du Soleil et de la Lune ont une grande importance en Astrologie médicale, mais aussi pour déterminer certaines professions. A ce titre, nous invitons à scruter le thème de Christian Barnard (né le 8 novembre 1922, à 20 heures, à Beaufort en Afrique du sud), un des pionniers (contesté à propos) de la greffe de cœur. La position de la Lune en maison II en Cancer paraît significative de ce genre de greffes : association du symbole du cœur« physique » et de la II, maison de l’attachement. Greffer, c’est attacher un nouveau cœur… La Lune s’y situe sur un degré Scorpion, indiquant crises, destruction. Ce degré désigne les cœurs des morts, les organes détachés de leur corps originel pour être transplantés. En Astrologie médicale, la lésion du Soleil, quant à elle, indique des problèmes touchant un ou des centres de l’individu. Nous pouvons lui attribuer certaines dépressions nerveuses par exemple. Le Soleil, par sa position, nous signale également certaines facultés subtiles de l’être dont nous étudions le thème. Il s’agit néanmoins d’un sujet trop vaste pour les dimensions de cet article, ne se voulant qu’une présentation de certaines bases en la matière.
(1)Ceci nous fait songer à une parole de René Guénon à propos des personnes réclamant sans cesse des preuves avant d’effectuer toute démarche : « Il est vraiment étrange qu’on demande de prouver la possibilité d’une connaissance au lieu de chercher à s’en rendre compte par soi-même en faisant le travail nécessaire pour l’acquérir. » (René Guénon,La métaphysique orientale, Editions traditionnelles, page 9).
(2)L’enseignement de Ramana Maharshi, éditions Albin Michel, page 373, n°382.
(3) Cité par René Guénon in Symboles de la Science sacrée, Editions Traditionnelles, Chapitre III, Le Sacré Cœur et la légende du Saint Graal, page 20.
(4)Ibid., page 123.
(5)Voir : René Guénon, Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, éditions Gallimard, coll. NRF, chapitre XXX, Le renversement des symboles, pages 197 et suivantes. Ce chapitre contient également des notions essentielles sur le symbolisme.
(6) René Guénon Symboles de la Science sacrée, Editions Traditionnelles, Chapitre III, Le Sacré Cœur et la légende du Saint Graal, page 25.
(7)Voir sur sujet : René Guénon,Symboles de la Science sacrée, éditions Gallimard, chapitre IX, Les fleurs symboliques, pages 73 et suivantes.
(8)René Guénon, Symboles de la Science sacrée, Editions Traditionnelles, Chapitre III, Le Sacré Cœur et la légende du Saint Graal, page 26.
(9)Le signe suivant le Cancer dans la branche lunaire du Zodiaque est les Gémeaux, signe du mouvement cyclique, dont un analogue se retrouve la circulation sanguine revenant sans cesse vers le cœur.
(10)Le terme est en fait impropre. Nous l’indiquons ici pour ceux ayant des connaissances médicales.
(11)Voir : G. Audebrand et I. Ravier, Les deux branches du Zodiaque (première partie).
(12)Sur ces fonctions, voir : G. Audebrand et I. Ravier, Astrologie traditionnelle, Principes de l’Astrologie, L’interprétation du thème, pages 31 et suivantes ; mêmes auteurs, Le sens du graphisme des signes zodiacaux, pages 5 et suivantes ; mêmes auteurs, Le sens du graphisme des planètes, pages 3 et 4.
(13)Voir : René Guénon, L’homme et son devenir selon le Vêdânta, Editions traditionnelles, chapitre III, Le centre vital de l’être humain, séjour de Brahma, page 41.
(14)Ceci constitue une analogie avec le Centre Suprême de la Tradition se déclinant en de nombreux centres secondaires.
(15)Sur le jîvâtmâ, voir cette entrée dans le livre de René Guénon, L’homme et son devenir selon le Vêdânta, Editions Traditionnelles.
(16)Entrelacement formé par plusieurs branches de nerfs, ou par des vaisseaux quelconques qui s'anastomosent. Sur l’attribution des plexus au Soleil, voir : René Guénon, Symboles de la Science sacrée, éditions Gallimard, coll. NRF, page 424. Citons le plexus solaire (doublement solaire), le plexus coronal, le plexus coeliaque, le plexus frontal…
(17)La langue chinoise est une langue basée sur des images, des symboles, traditionnelle contrairement à nos langues modernes. Ainsi, les traductions en français ne sont pas toujours possibles et se révèlent souvent approximatives.
(18) Sur les rapports entre cette division du centre de l'individualité en trois, voir : G. Audebrand et I. Ravier, Une figuration du Zodiaque sur la Cathédrale de Notre-Dame de Paris (seconde partie).
(19)Voir : G. Audebrand et I. Ravier, Les deux branches du Zodiaque (première partie).
(20) Gémeaux et Vierge ont comme maître commun Mercure, Taureau et Balance Vénus, Bélier et Scorpion Mars, Poissons et Sagittaire Jupiter,Verseau et Capricorne Saturne.
(21)Ceci correspond analogiquement au yin et au yang, à Prakriti et Purusha, à la substance et à l’essence, etc