Notre époque est celle des incertitudes sur nombre de sujets et nous sommes de plus en plus à percevoir que nos sociétés progressistes sonnent le glas quant au promesses qui furent les leurs. Nous assistons à une danse macabre en laquelle telles des
Toutes les religions du livre ont invariablement étaient dissociées dans leur histoire entre une tendance littéraliste et une tendance gnostique. Si certaines d'entre elles - comme le judaïsme - ont assimilé la gnose après des siècles de tension. D'autres - à l'instar du catholicisme - l'ont rejetée. Que dire de la démarche initiatique qui, d'une manière ou d'une autre, s'est vue vulgarisée par l'institution ou annihilée par le temps et la répression. N'en déplaise aux mécanismes mentaux et à la logique implacable des adeptes de la chronologie, l'histoire ne se répète pas car l'on ne serait réduire l'homme à des exceptions et à des généralités. Toutefois, demeure une singularité historique et anthropologique au Proche-Orient, dans ce pays fragmenté et sans frontière où vivent les Druzes.
Les Druzes apparaissent dans l'Histoire au XIe siècle comme une population adhérant à une hétérodoxie de l'ismaélisme. Or, il serait bien réducteur de leur attribuer un certificat de naissance à cette époque. A vrai dire, on ignore encore d'où ils viennent et comment une communauté visiblement homogène adopta unanimement la même foi. Toutes les théories ont été émises au propos de cette population. Certains voudraient qu'ils soient descendants de croisés, qu'ils appartiennent à une ethnie de l'antiquité lointaine. On a même murmuré qu'il s'agissait de juifs islamisés réfutant l'orthodoxie et pratiquant leur culte en secret. Les fantasmes se sont déchaînés et se perpétuent encore. Si une étude génétique récente (2004) ferait d'eux un peuple indo-européen passivement assimilé par l'histoire, il est certain que les migrations et les mélanges de populations caucasiens, turco-mongoles et indo-européenne depuis la nuit des temps complexifient la preuve par l'ADN. Socialement, une certitude existe : lorsque l'on parle des Druzes, on fait référence à une communauté montagnarde. Ceci expliquerait peut-être cela.
On parle de Duruz en arabe par référence à Muhammad bin Ismael Nashtakin ad-Darazi, prêcheur ismaélien d'origine turc et fondateur de ce mouvement. Malheureusement - et quoi que le personnage d'ad-Darazi nous soit connu -, nous ne possédons que peu des sources fiables sur les Druzes tant leur religion se réserve à une partie infime d'initiés (les ouqal). A lire le Livre des témoignages et des mystères de l'Unité, le Coran serait alors bicéphale : exotérique d'un côté et ésotérique de l'autre. La sharia'h est une simple question d'interprétation dans cette logique et seul un nombre restreint serait à même de comprendre la religion. C'est pourquoi reste-t-elle secrète et profondément initiatique.
Tout comme les chiites, les Druzes croient qu'il existe un imam caché et cet imam ne serait autre que le calife fatimide al-Hakim (985-1021) qui viendra de l'au-delà les guider. Qu'importe évidemment son enveloppe terrestre, il fut d'Adam jusqu'à Mohammed l'esprit de Dieu qui, au jour du jugement dernier, triera les croyants de la masse des impies. L'essentiel de la spiritualité des Druzes s'appuyant sur la métempsychose et les multiples émanations de Dieu, elle lui donne une teinte panthéiste (quoi que ce serait simplifier ce qui ne l'est pas). De cette philosophie, ils réprouvent la sharia'h même si leurs propres lois peuvent être profondément ostracistes. Toute la souplesse de leur foi consiste en une large acceptation de ce qu'est un prophète considérant Pythagore ou même Akhenaton comme des messagers de la sagesse divine - ou Dieu lui-même qui donne la sagesse, un djahhal (ignorant) ne peut de tout façon pas savoir. L'emblème de cette communauté, l'étoile d'Orient à cinq couleurs, représente justement les cinq émanations du divin : le vert pour l'intelligence, le rouge pour l'âme, le jaune pour le mot, son précédent est bleu et quant au blanc, il est l'immanence.
Quant à l'initiation druze en elle-même, seul un ouqal sait en quoi elle consiste exactement. On a dit les chevaliers francs initiés au "grand mystère" et que la franc-maçonnerie - en syncrétisme des traditions initiatiques d'orient et d'occident - aurait certaines ressemblances mais je ne m'aventurerai pas plus loin que la rumeur. Il s'avère néanmoins qu'il y ait une hiérarchie dans l'approche au sacré. Trois ordres émailleraient la vie d'un Druze. Selon le premier ordre, il devrait suivre la sharia'h (version druze, évidemment) par laquelle l'homme s'adresse à Dieu. Dans un deuxième temps, le croyant est amené à comprendre les voix prophétiques (donc la Vérité). Dans le troisième et dernier temps, il reçoit la gnose afin d'entreprendre sa quête visant à comprendre l'unité avec l'Unique.
La religion des Druzes est probablement la meilleure synthèse entre le platonisme (et une certaine forme de gnosticisme) avec l'islam. Loin d'être figée dans le temps, elle a été influencée par le soufisme et un bon nombre de philosophies qui lui sont étrangères à l'origine. Si les Druzes ont tendance à se replier sur eux-mêmes, ceci prouve qu'une certaine forme de tolérance envers l'étranger illustre cette communauté dans un Proche-Orient à feu et à sang.
Quant aux similarités avec la franc-maçonnerie, s'il existe une séparation très nette entre profane et sacré, des influences similaires et probablement un fragment de spiritualité partagé, je ne saurai affirmer si l'un est au balbutiement de l'autre comme le suggère la légende levantine.