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Notre époque est celle des incertitudes sur nombre de sujets et nous sommes de plus en plus à percevoir que nos sociétés progressistes sonnent le glas quant au promesses qui furent les leurs. Nous assistons à une danse macabre en laquelle telles des

Louis-Claude de Saint-Martin

De l'esprit des choses
ou
coup d'oeil philosophique sur la nature des êtres
et sur l'objet de leur existence ;
ouvrage dans lequel on considère l'homme
comme étant le mot de toutes les énigmes.
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Quia mens hominis rerum universalitatis speculum est.<o:p></o:p>

Par le Philosophe inconnu<o:p></o:p>

Tome premier<o:p></o:p>

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Idée du plan de cet ouvrage<o:p></o:p>

L'homme veut donner une raison à tout ce qu'il fait et en trouver à tout ce qu'il voit : j'ai présumé de là qu'il devait y en avoir à tout ce qui existait et que l'œil de l'homme était comme un juge souverain, établi pour discerner universellement la raison des choses et la maintenir partout dans la jouissance de ses droits.<o:p></o:p>

Dès lors j'ai cru devoir prendre cet homme lui-même pour mon optique, afin de tâcher d'acquérir des notions saines sur l'existence, la destination et les propriétés de tous les objets que j'approcherais de cet utile instrument.<o:p></o:p>

En effet, me suis-je dit, ce ne doit pas être en vain que l'esprit de l'homme désire et cherche partout, comme il le fait, un point d'appui sur lequel reposent en paix toutes les facultés qui le constituent. Il a besoin de découvrir un axiome vaste et lumineux qui le délivre des tourments de son universelle incertitude ; il lui faut une clarté totale que rien ne puisse voiler ni éteindre ; qui soit pour sa pensée comme un centre inamovible, assez puissant pour servir de pivot général à toute l'économie des choses et assez fécond pour vivifier et harmoniser la grande famille qui compose le cercle des êtres : c'est dire, en dernière analyse, qu'il soupire après la vérité, et après la vérité toute entière.<o:p></o:p>

C'est ce désir qui, étant rapproché de mon optique, est devenu pour moi un témoin important et qui m'a paru du plus grand poids ; car, selon un adage très commun, mais très instructif, on n'a point de désir pour une chose dont on n'a point de connaissance<o:p></o:p>

 

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 Ainsi, Ce désir seul prouve que l'homme a en lui des aperçus de la vérité, et qu'il la pressent, quelque embarrassé qu'il soit pour s'en rendre compte ;

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. On ne peut pas pressentir, sans qu'il y ait une base quelconque qui serve d'élément à nos pressensations, quelque confuses et quelque désordonnées qu'elles soient, comme dans les rêves et dans les délires, ou comme lorsque je tiens une boule de cire entre deux de mes doigts croisés ; de façon que nos désirs ardents pour arriver à la vérité et la connaissance, quoique informe, que nous avons d'elle, soient une des démonstrations de son existence.<o:p></o:p>

. Nous trouvons là aussi une forte présomption que notre esprit est d'une nature réelle et susceptible de participer à cette lumière impérissable : car, il n'y a de désirs qu'entre des êtres analogues ; ainsi nous ne désirerions pas la vérité, si nous n'étions pas de son espèce.<o:p></o:p>

Enfin, nous trouvons une nouvelle preuve de l'existence de cette vérité, ainsi que de notre analogie avec elle dans un fait incontestable, qui nous apprend que la pensée de l'homme ne peut vivre que d'admiration, et qu'il est le seul qui en soit susceptible parmi tous les autres êtres de la nature : car, si nous avons perpétuellement le besoin d'admirer, il faut qu'il y ait perpétuellement au-dessus de nous quelque chose qui puisse satisfaire en nous cet intarissable appétit et, réciproquement, cette source inépuisable et éternelle de l'admiration ne pourrait jamais produire aucun sentiment dans nous, si elle ne trouvait pas dans notre être l'affinité naturelle et nécessaire pour y opérer une si sublime et si délicieuse combinaison.<o:p></o:p>

Aussi pouvons-nous dire que, s'il n'y avait que de la matière, comme la grossière philosophie se plaît tant à l'enseigner, il en résulterait deux effets bien contraires à tout ce que l'observation nous indique.<o:p></o:p>

Le premier serait que jamais ce besoin d'admiration que nous éprouvons ne se serait fait sentir parmi les êtres : car, même les animaux qui partagent presque toutes nos autres affections, n'annoncent que de la stupéfaction ou rien, pour peu qu'on étende ou qu'on varie le cercle des relations bornées où ils sont circonscrits et que l'on veuille les approcher de ces torrents d'admiration qui nous remplissent. On voit aussi qu'ils jouissent ténébreusement de tous les bienfaits de la nature que nous avons le pouvoir et le plaisir d'analyser, tout en en jouissant comme eux. On voit enfin que devant les phénomènes imposants de cette nature, ils fuient, ils s'étonnent, tandis que nous jugeons, que nous calculons, que nous admirons.<o:p></o:p>

Le second effet serait que cette source radicale ou ce principe nécessaire d'admiration, qui existe au-dessus de nous, ne trouverait pas non plus un lieu de repos où il pût déposer les trésors dont il est plein et qu'il ne peut s'empêcher de chercher à répandre : car nous voyons bien que ce principe traverse toutes les substances de la nature, sans qu'elles puissent s'en apercevoir et sans qu'elles puissent l'admirer, comme nous voyons qu'il traverse toutes nos substances corporelles, pour arriver jusqu'à nous, sans qu'elles s'en aperçoivent et sans qu'elles l'admirent ; parce que ni les unes ni les autres ne peuvent le saisir, l'embrasser et le fixer en se liant à lui, au lieu qu'il trouve ce lieu de repos dans la pensée de l'homme et dans l'âme humaine ; et parce que toutes les preuves ci-dessus se réunissent pour nous convaincre que cette âme humaine a une base propre à le retenir, à le sentir et à sympathiser avec lui.<o:p></o:p>

Ce n'est qu'alors que le plan peut se remplir : car, s'il est vrai qu'il ne puisse y avoir d'idées de la vérité en nous sans que nous ayons de l'analogie avec elle, il faut aussi que, dès qu'il y a analogie, il puisse encore y avoir alliance, sans quoi le sentiment de cette analogie ne serait pour nous qu'une souffrance et un supplice, d'où nous pouvons tirer cette formule universelle : que dans le véritable ordre des choses, la connaissance et la jouissance de l'objet connu, doivent marcher de concert.<o:p></o:p>

Or, comme nous voyons que cette formule est en vigueur généralement dans toutes les classes de la nature, chacune selon leurs lois particulières, excepté dans l'homme, puisqu'il ne possède pas cette vérité qu'il cherche, qu'il désire et qu'il pressent, nous ne craignons point de nous égarer en affirmant que l'homme n'est point ici dans sa mesure, quelle que soit la raison de cette pénible irrégularité qu'il annonce et qu'il se démontre à lui-même aussi bien qu'à ses semblables, à tous les moments de son existence.<o:p></o:p>

Si l'analogie demande l'alliance, et si le défaut d'alliance est un état de souffrance ou hors de la mesure, il s'ensuit que la vérité suprême doit, par sa nature, tendre continuellement à faire cesser pour l'homme cet extralignement ou ce défaut de mesure où il se trouve, d'autant que pour l'intérêt même de cette vérité, il est bon que ce grand objet s'accomplisse, attendu que s'il y a du bonheur pour celui qui admire, il y a sûrement de glorieuses délices pour celui qui est la source de cette admiration.<o:p></o:p>

On voit, en outre, que cette magnifique alliance ne peut se former qu'entre des êtres qui aient à eux-mêmes la propriété de leur action, afin que leur rapprochement étant volontaire, ils puissent s'offrir mutuellement de valables témoignages de leur affection ; ou, en d'autres mots, on voit que cette magnifique alliance ne peut se former qu'entre des êtres libres.<o:p></o:p>

Aussi, parmi tous les êtres qui composent l'univers, n'en découvrant aucun, après l'homme, qui soit libre et qui éprouve de l'admiration, on doit conclure que ce n'est pas en eux non plus que la vérité trouve principalement à faire reposer sa gloire ni dans qui elle a mis ses délices du premier ordre, comme nous aurons lieu de l'observer par la suite.<o:p></o:p>

Enfin, cette tendance continuelle de la vérité à redresser les voies extralignées de l'homme, étant appuyée sur les principes naturels et irrévocables qui viennent d'être présentés, nous ne hasarderons rien de trop en disant que tout ce qui existe pour nous, autour de nous, hors de nous, par nous ou sans nous ; enfin, que tout ce qui peut être le sujet de nos observations et de nos découvertes, n'est que comme le recueil des objets d'instruction livrés à notre étude, pour que nous puissions apercevoir en quoi consiste cette alliance à laquelle notre analogie nous donne droit de prétendre, et le chemin qu'il nous faut tenir pour y arriver ; et de ce qu'on nous donne ainsi notre leçon à étudier, on peut de nouveau conclure incontestablement que nous sommes libres, puisqu'on n'offre point une pareille tâche à des êtres qui ne seraient pas les maîtres de l'accepter comme de la refuser, d'y prendre et d'y laisser, selon leur gré ; aussi les lois des animaux que l'on peut, si l'on veut, regarder comme des leçons, la nature ne les leur donne point à étudier à leur volonté, elle les exécute et les opère elle-même en eux, pour eux, et malgré eux.<o:p></o:p>

Les mythologies et les livres traditionnels de tous les pays et de tous les peuples, ayant tous ces sublimes vérités pour bases, quelque défigurées qu'elles y paraissent, pourront aussi se montrer à leur tour, mais comme de simples témoins qui déposent sur des faits déjà attestés et non pas avec empire ni comme preuves radicales de ces mêmes vérités prouvées sans les livres et par la seule inspection de l'homme : précaution que n'ont point eue les instituteurs fanatiques des diverses doctrines, qui n'ont su s'appuyer que sur des traditions et sur des livres et qui, par là, ont égaré ou trompé les hommes ; tandis qu'en n'employant les traditions et les livres que comme des moyens subsidiaires, ils auraient, sûrement, pu se promettre plus de succès.<o:p></o:p>

Ainsi la nature, les éléments, les arts, les sciences, l'homme, la pensée, les langues, les associations civiles et politiques, les traditions sacrées ou profanes, tout, enfin, va se présenter à nous sous un point de vue qui mérite toute notre attention.<o:p></o:p>

Non, homme, objet cher et sacré pour mon cœur, je ne craindrai point de t'avoir abusé en te peignant sous les couleurs les plus consolantes qu'il me sera possible, les richesses, les appuis et les témoignages qui se pressent autour de toi, pour attester à la fois la destination et les ressources qui te sont offertes pour la remplir ; regarde-toi donc au milieu de ces pensées pures et lumineuses qui dardent si souvent sur ton esprit ou sur ta faculté intelligente, au milieu de ces secrètes et intérieures insinuations qui stimulent si souvent ton âme ou ta faculté aimante, au milieu de tous les faits et de tous les tableaux visibles ou intellectuels qui t'environnent, au milieu de tous les merveilleux phénomènes de la nature physique, au milieu de toutes ces annales traditionnelles de l'histoire intime de ton être, au milieu de tes propres oeuvres et des productions de ton génie ; regarde-toi, dis-je, au milieu de tous ces fanaux, comme au milieu d'autant de points de ralliement, qui tendent tous à te rapprocher de l'immuable vérité dont tu ne peux te passer ; pense avec un respectueux transport, que tous ces points de ralliement ont pour objet d'ouvrir tes organes et tes facultés aux sources de cette admiration dont tu as besoin, et que Celui qui en est le principe ne s'occupe sans cesse qu'à la faire parvenir jusqu'à toi, parce que Son sublime amour pour toi est le plus sublime de Ses attributs, et qu'Il sait que plus se multiplieront pour toi les affections de cette admiration, plus se multiplieront aussi les affections de ton amour et de ton bonheur. Marchons donc ensemble avec vénération au milieu de ces temples innombrables que nous rencontrons à tous les pas, et ne cessons pas un instant de nous croire ici-bas dans les continuelles avenues des régions sacrées.<o:p></o:p>

 

De l'athéisme<o:p></o:p>

Quoique je n'aie point appelé Dieu cette vérité qui fait ici l'objet de mes recherches, ainsi qu'elle est partout l'objet des recherches de tous les hommes, et même de ceux qui passent pour athées, aucun de mes lecteurs ne s'y sera trompé sans doute, puisque ce nom de vérité n'est que le signe de cette suprême intelligence que toutes les nations de la terre ont reconnue pour Dieu, et que toutes ont honorée comme tel, quelque variées et quelles que soient les idées qu'elles s'en soient formées : ainsi je me servirai désormais du même nom que tous les peuples emploient pour la désigner.<o:p></o:p>

Quant à la raison pour laquelle les nations emploient le mot Dieu ou l'équivalent pour désigner cette vérité, elle doit sans doute exister, puisque tout doit avoir sa raison ; mais il faudrait pour la connaître, découvrir les plus actives propriétés de celui qui porte ce nom de Dieu, comme nous voyons que nous donnons aux choses autant que nous le pouvons, le nom qui exprime le mieux leurs propriétés les plus saillantes. Ainsi ce ne serait que l'étude suivie des propriétés de cette suprême source qui pourrait amener à cette connaissance ; ce n'est donc point à nous à avoir l'audace de vouloir enseigner cette grande raison, et nous passerons tout de suite à ceux qui, parce qu'ils ont répandu ou adopté des doctrines d'athéisme, se sont crus réellement athées et ont imaginé qu'il pouvait y en avoir dans le sens étendu que ce mot comporte.<o:p></o:p>

Nous ne craindrons plus d'affirmer, d'après tant de bases fécondes et naturelles, que, malgré toutes les aveugles déclamations de la philosophie de la matière, il n'y a jamais eu et il ne peut jamais y avoir d'athée complet, quoique presque tous les hommes le soient partiellement quand ils annulent la voix du Dieu qu'ils croient, ou, ce qui revient au même, quand ils ne la mettent pas à profit, et qu'ainsi ils n'admirent plus Celui qui seul a le droit d'être admiré, comme renfermant seul les principes et les bases de l'admiration.<o:p></o:p>

Car, dès qu'il n'y a pas d'homme dont l'être intégral n'ait un besoin essentiel d'admirer et que des sources innombrables d'admiration sont nécessaires pour étancher cette soif en nous, il n'y a pas un homme qui ne soit forcé intérieurement d'avouer l'existence nécessaire d'un foyer inextinguible quelconque de cette admiration, qui est pour lui un aliment indispensable ; et l'axiome étant posé, il ne s'agira plus que de suivre l'athée prétendu dans les diverses applications qu'il voudra faire de cet axiome, soit à l'univers physique et à la matière, soit à sa propre personne et à son propre esprit ; ce qui, dans le vrai, est foncièrement le cas le plus ordinaire depuis que, n'étant plus dans notre terre natale, nous sommes exposés à tant d'erreurs.<o:p></o:p>

Et véritablement qu'arrive-t-il à celui qui se dit athée ? Il sent intérieurement qu'il se divise, involontairement, en deux êtres dont l'un lui inspire l'admiration et dont l'autre l'éprouve ; et tout en s'admirant lui-même, il prouve et s'oblige à reconnaître que ce qui, dans lui, est admiré, ne peut pas être ce qui admiré ; qu'ainsi il faut qu'il y ait dans lui-même quelque chose de distinct de lui, qui, quoiqu'en lui, soit cependant au-dessus de lui ; ce qui, dans le vrai, n'est de sa part qu'un abus de mot et une transposition de l'être Dieu à lui qui ne l'est pas ; mais transposition qui, pour lui, est aussi funeste qu'elle est extravagante : car, ne puisant point à l'unique source d'admiration qui pourrait le vivifier, il n'est pas étonnant que son esprit vive dans un épuisement continuel de sa propre substance et dans une étisie permanente, d'où résultent tout le mal-être et les combats secrets de ces sortes de gens qui, en effet, seraient grandement déçus s'ils étaient pris au mot et qu'il n'y eût point de Dieu, comme ils le disent, puisqu'ils n'auraient plus qu'eux à admirer, et qu'ils se trouveraient bientôt par-là dans la disette.<o:p></o:p>

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Oui, le besoin d'admiration dans l'homme dépose hautement et victorieusement contre l’athéisme, et ce témoin irrévocable dont les réclamations ne cessent de retentir dans les âmes, est placé au nombre des enseignes éternelles du Dieu des êtres, pour frapper de terreur les yeux de l'insensé et le renverser dans la poussière.<o:p></o:p>

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Ainsi, supposant réellement des athées, on sent qu'au moins il leur serait impossible d'asseoir solidement une doctrine de l'athéisme, puisqu'un fondateur de doctrine doit avoir une base pour fonder cette doctrine, et que l'athée n'est tel que parce qu'il poursuit toujours cette base, dont il ne peut jamais s'emparer ; mais on s'abuse même sur l'existence de l'athée : car il ne faut pas oublier que l'homme séparé de Dieu et l'athée ne sont pas toujours la même chose. Rien de plus commun que de trouver des hommes sans Dieu, puisque rien n'est plus commun que de les voir vivre, penser, agir sans Lui, et qu'en effet ils sont sans Dieu, puisque Dieu n'est point avec eux ; mais on aurait tort de croire qu'ils soient athées pour cela, puisque celui qui est sans Dieu n'est pas toujours celui qui y croit le moins, et en ne prenant ici que comme mythologique l'histoire de ces titans et de ces puissances révoltées dont parlent les traditions de tous les peuples, cette classe nous est donnée comme étant sans Dieu ; mais elle nous est donnée comme croyant à cet Etre puissant, et c'est ce qui la tient au supplice.<o:p></o:p>

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L'athée est dans le même cas. Quoiqu'il soit sans Dieu, il croit en Dieu : car il lui est impossible de n'y pas croire et cela par un nouveau motif qui se présente ici, savoir : qu'avant de récuser ce Dieu suprême, il faudrait être évidemment sûr qu'il n'y a aucune raison finale de l'existence de l'âme humaine : or, cette raison finale nous l'avons déjà trouvée en partie, puisqu'elle est ce besoin essentiel que nous avons d'admirer ; et elle peut, dès ce moment, nous montrer l'âme humaine comme ayant pour destination d'être le témoin direct de la divinité.<o:p></o:p>

 

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Conséquences cachées de l'opinion
 qui accorde la pensée aux animaux
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Les docteurs matérialistes et les hommes légers qui se font leur écho, ont bien de la peine à accorder la pensée à l'homme ; ils n'en auraient peut-être même pas tant à l'accorder à la bête, et ce n'est quelquefois que par accommodement qu'on les amène à nous traiter, comme elle, sous le rapport de la pensée : mais quelle est la conséquence de cet accommodement ? La voici :<o:p></o:p>

Dès l'instant que vous aurez placé, avec eux, la bête sur la ligne de l'homme, ils voudront impérieusement placer l'homme sur la ligne de la bête ; et ils vous diront : Vous voyez bien que la bête qui a la pensée comme l'homme, ne reconnaît cependant point de divinité ; qu'elle n'a aucune de ces notions de spiritualité, de ces philosophies religieuses ni de ces sectes qui vous occupent et qui divisent universellement les hommes. Vous êtes donc moins sages qu'elle de vous livrer à toutes ces choses qu'elle a le bon esprit de laisser de côté. Suivez, comme elle, ce que vous dit sa simple raison et vous serez, comme elle, dans le repos.<o:p></o:p>

Telle est, dans le vrai, la solution finale de ces difficultés, sur lesquelles ils a appuient avec tant de ténacité ; ils ne veulent faire de la bête un être pensant, que pour faire de l'homme une bête et retrancher de lui le règne divin qu'ils ont laissé totalement défigurer dans leur esprit.<o:p></o:p>

Sans présenter encore ici un principe important, qui viendra à son lieu, sur ce qu'il n'y a rien qui ne fasse sa propre révélation et sur ce que l'homme peut abuser de tout, outrer et exagérer tout ; mais qu'il ne peut se conduire ainsi que par rapport à ce qui est, et que très certainement il n'invente rien, on peut, pour un moment, traiter ces docteurs, comme ils nous traitent eux-mêmes et leur dire : Quand on vous parle de ce besoin d'admirer, qui fait ici-bas le privilège de l'homme exclusivement ; quand on vous parle de ces langues qui le distinguent si sensiblement de la classe des animaux, vous nous dites que nous ne savons pas si les animaux n'admirent point, puisque nous ne savons pas s'ils ne parlent point ; que nous ne pouvons pas prononcer sur ce qui nous est inconnu ; que même à en juger par leur conduite très singulière en plusieurs circonstances, si on ne peut leur refuser la pensée, on ne peut non plus leur refuser tout ce qui dans l'homme paraît être l'apanage de cette pensée, et qu'ainsi on ne peut se dispenser de leur accorder des langues correspondantes à leur faculté pensante, quoique nous ne les entendions pas.<o:p></o:p>

Eh bien ! Nous vous répondrons aussi que si vous ne voulez pas qu'on leur refuse des langues, vous ne devez pas non plus leur refuser le pouvoir d'en faire l'usage qu'il leur plaît ; que dès lors vous ne pouvez pas prononcer s'il n'y a pas parmi eux des entretiens sur la spiritualité et les opinions religieuses comme parmi nous, ainsi que de ces discussions scolastiques et philosophiques sur les hautes matières qui nous occupent tant et avec si peu de fruit.<o:p></o:p>

Mais vous auriez de la peine à nous apprendre comment ils s'en tiendraient à de simples spéculations sur les matières de cette espèce, et ne seraient jamais parvenus au désir et à la tentation de réduire leurs opinions en actes sensibles et en culte ; puisque nous qui, dans notre pensée sur la chose religieuse, n'aurions que ce qu'ils auraient eux-mêmes, nous voyons que nous convertissons continuellement cette pensée dans des démonstrations sensibles, de mille formes différentes, ce qui engendre nos divisions et nos fanatiques abominations.<o:p></o:p>

Ainsi vous voilà forcés à retirer à ces animaux et la pensée et toutes les opinions religieuses et toutes les discussions qu'elles entraînent et les langues avec lesquelles ils pourraient les discuter ; ou bien vous nous mettez dans le cas de vous dire que vous ne savez pas non plus s'ils n'ont pas un culte, des synagogues, des pagodes, des mosquées, des temples ; s'ils ne vont pas au sanhédrin, au prêche, à la procession et ne font pas toutes les cérémonies que nous faisons, puisque toutes ces choses sont comme une suite naturelle de tout ce que vous voudriez établir parmi eux, en leur accordant la pensée comme à nous.<o:p></o:p>

Car l'incognito, en cela, ne doit pas beaucoup vous embarrasser, attendu que de même que quant à toutes ces questions que nous traitons et à tous les actes religieux qui en sont la suite, les animaux ne paraissent pas s'apercevoir de ce que nous disons et de ce que nous faisons en ce genre ; de même, nous diriez-vous, il serait possible qu'ils enseignassent et exerçassent toutes ces mêmes choses dans leur classe et que nous ne nous en aperçussions pas davantage. Ainsi, dans le moment où vous voyagez tranquillement sur votre cheval, dans le moment où votre chien prend une caille et votre chat une souris, peut-être sont-ils, les uns dans une Sorbonne, les autres en chaire, les autres faisant les fonctions de derviches, etc.<o:p></o:p>

Je laisse à penser d'après cela, à quelles extravagances l'esprit de ces docteurs s'expose quand, dès le premier pas, ils sont si vacillants sur les principes, et si nous n'avons pas eu raison de dire que les matérialistes ne plaidaient tant en faveur des bêtes, que dans l'intention de plaider par là contre l'homme : c’est un départ qu'ils voudraient faire d'après la loi des affinités ; mais l'expérience ne peut pas réussir.<o:p></o:p>

Néanmoins, rien de plus astucieux et de plus dangereux pour le parti opposé, que la marche qu'ils suivent avec un interlocuteur adverse qui n'est pas sur ses gardes ; ils tâchent d'engager cet interlocuteur à ouvrir sa fontaine et à en laisser couler les eaux ; mais ils ont soin de ne présenter pour les recevoir qu'un vaisseau sans fond et, comme il ne s'y trouve rien, quelque quantité d'eau que vous y versiez, ils concluent que vous ne leur en avez point donné : c'est pourquoi l'interlocuteur adverse, s'il est sensé, aura l'attention de n'épancher sa liqueur que quand il trouvera des vaisseaux prêts ; jusque-là il ne doit employer que des armes puissantes pour ne pas laisser la moindre ressource à la paresse de ses ennemis : car c'est une chose certaine que toutes leurs difficultés, tous leurs subterfuges, toutes leurs lenteurs n'ont pas d'autres causes que cette paresse.<o:p></o:p>

Il y a aussi un autre inconvénient dans leur marche, c'est que quand de semblable s discussions s'engagent, ils font une telle dépense de loquacité, qu'à force de fatiguer et d'étourdir la vérité, ils la font sortir eux-mêmes de l'audience, et puis ils la condamnent par défaut.<o:p></o:p>

Docteurs, docteurs, bestialisez-vous tant qu'il vous plaira, vous en avez le pouvoir ; mais plus vous vous bestialiserez, plus vous devrez vous interdire de décider sur les grandes questions ci-dessus : car l'animal ne s'en occupe point du tout en remplissant ses fonctions bestiales, quelque haute idée que vous tâchiez de nous donner de sa pensée et de sa langue, et s'il ne dit rien de cet Être suprême, c'est qu'il n'est pas admis, comme vous l'étiez par votre nature, à en annoncer l'existence. Oui, la parole dont vous jouissez et qui lui manque, vous avait été donnée, comme nous le verrons quand nous en serons à la parole, pour témoigner en faveur de la source suprême et non pas pour établir son néant ; attendu qu'un témoin n'est jamais que secondaire, relativement au fait qu'il vient établir, tandis qu'avec votre prétendu néant, votre témoignage serait plus que le fait que vous voudriez prouver ; ainsi par votre parole même vous déclarez que vous étiez appelés à témoigner pour ce qui est, puisqu'on n'aurait pas eu besoin de vous pour démontrer ce qui ne serait pas.<o:p></o:p>

 

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De l'organisation des êtres
et de la source de leurs propriétés
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Selon les doctrines vulgaires, toutes les propriétés d'un être ne sont que le résultat de son organisation ; selon d'autres doctrines, qui sont moins généralement reçues, l'organisation des êtres est le résultat de leurs propriétés.<o:p></o:p>

Pour concilier ces diversités, il faudrait, je crois, reconnaître deux ordres de propriétés dans tous les êtres que nous observons : les unes seraient leurs propriétés radicales et génératrices et les autres leurs propriétés secondaires et produites : car, lorsque je considère une flûte, ou tout autre instrument à vent, je ne puis nier que les sons qui en émanent ne soient modelés et dépendants de la contexture, de la configuration et de l'organisation de l'instrument qui les produit ; ainsi, sous ce rapport-là, les partisans du système de l'organisation ont parfaitement raison et on aurait tort de leur contester une vérité aussi démontrée.<o:p></o:p>

Mais il est également démontré que si je n'ai pas commencé par construire cette flûte, et même après l'avoir construite, si je ne souffle pas dedans, sa configuration restera stérile et l'instrument ne manifestera aucune propriété, eut-il la plus parfaite des configurations possibles.<o:p></o:p>

Dans cet exemple, l'empire de la configuration sur les propriétés n'est qu'un empire secondaire et comme une délégation ; tandis que le pouvoir que j'ai de construire une flûte et de lui faire rendre des sons, est un empire primaire, dans lequel ce sont mes propriétés qui créent, pour ainsi dire, la configuration de l'instrument et, par conséquent, sont supérieures même aux propriétés dont cet instrument devient l'organe.<o:p></o:p>

Ainsi, dans le cas dont il s'agit, les deux systèmes contradictoires sont également vrais puisque, d'un côté, la configuration l'emporte sur les propriétés, et de l'autre, les propriétés sur la configuration : il ne s'agit que de tenir chacun de ces deux systèmes dans les limites qui lui sont propres.<o:p></o:p>

Or, ce que nous disons de cet instrument de la main de l'homme, ne pourrions-nous pas le dire aussi de tous les corps qui composent la nature : y aurait-il deux lois différentes, quand il y a une similitude d'effets ? Car je vois sortir de tous les êtres de la nature une multitude de diverses propriétés qui sont, à la vérité, comme dans la dépendance de la configuration des corps d'où elles dérivent ; mais je ne vois aucun de ces corps qui ne reçoive la configuration par des êtres ou par des puissances extérieures à lui ; et après avoir reçu cette configuration, il est encore sous la dépendance d'une propriété quelconque, à part de lui, pour qu'il puisse même donner cours aux propriétés dont il est l'organe. C'est ainsi que les végétaux ne donnent ni leurs couleurs ni leurs odeurs, si la terre et la force réactive de l'atmosphère extérieure à eux, ne viennent les vivifier ou les féconder dans les saisons convenables.<o:p></o:p>

On peut faire le même raisonnement par rapport aux animaux qui ont besoin d'être engendrés et n'agissent et ne vivent que par le secours des éléments extérieurs à eux.<o:p></o:p>

Ainsi tous les êtres de la nature peuvent être considérés comme autant d'instruments de la forme desquels résulte le jeu de toutes ces propriétés diverses qu'ils nous communiquent ; mais il est clair que ni leur configuration particulière ni les propriétés quelconques qu'ils nous transmettent, conformément à cette configuration, ne sont leur oeuvre proprement dite, et qu'ainsi ils sont dans la dépendance d'une propriété antécédente qui les domine et dont ils sont, en effet, la production et le sujet.<o:p></o:p>

Mais s'il n'y a qu'une loi, on ne peut pas sans doute se dispenser d'appliquer également le principe à la classe des êtres pensants, écartant toutefois le système qui regarde la pensée comme innée en eux, et ne leur en admettant que le germe, que la propriété de la concevoir, de la féconder et de la faire croître, comme dans tous les autres ordres de productions.<o:p></o:p>

Ainsi, dès ce moment, nous allons voir tomber la doctrine qui veut que la pensée et toutes les merveilles des propriétés de l'esprit de l'homme ne soient que le produit de la configuration des organes de la matière.<o:p></o:p>

Il faut bien se garder néanmoins de contester que l'état bien ou mal ordonné de notre physique, n'influe grandement sur le jeu de toutes nos propriétés morales et spirituelles ; mais cet être physique n'est, par rapport aux propriétés de notre pensée, que ce qu'est la flûte par rapport aux talents du flûteur qui, en effet, seraient nuls et ne se développeraient que d'une manière irrégulière, si la flûte était dérangée ou mal conformée. Malgré cela, il est certain que les talents de ce flûteur ne seraient, dans la dépendance de l'instrument, que relativement à leur exercice et non pas relativement à leur principe et à leur existence particulière.<o:p></o:p>

Regardant donc ici la pensée de l'homme comme le flûteur, il faudra, si nous voulons juger de ce qu'elle est, la considérer en elle-même et convenir qu'elle peut être bien ou mal ordonnée, intrinsèquement et indépendamment de notre être physique, comme un flûteur peut bien avoir en soi le plan musical et l'idée d'un morceau de flûte, bon ou mauvais, indépendamment de la flûte elle-même, et avant de le mettre en exécution et comme nous avons tous les jours en nous des tableaux intellectuel s, réguliers ou irréguliers, avant de les manifester par nos organes corporels.<o:p></o:p>

Or, si on voulait trouver une cause à cet ordre régulier ou irrégulier de notre pensée, rien ne serait plus permis sans doute et il est de toute vérité qu'il doit y en avoir une ; mais il ne serait pas plus pardonnable de la chercher obstinément dans notre configuration physique, qu'il ne le serait de chercher la cause des talents limités ou étendus de notre flûteur dans la configuration de sa flûte ; car, s'il est vrai que la manifestation sensible de nos propriétés intellectuelles dépend de l'état de nos organes, elle dépend encore plus, au premier chef, du bon ou du mauvais état de notre pensée elle-même ; comme nous voyons que si la qualité des sons d'une flûte dépend de la structure de la flûte, elle dépend encore plus primitivement de la propriété ou des talents du flûteur, et dans l'un ou l'autre exemple, l'instrument est au moins autant dans la dépendance de l'habileté ou de la maladresse de l'artiste, que l'artiste est dans celle du bon ou du mauvais état de l'instrument.<o:p></o:p>

Ce serait donc dans l'histoire naturelle de notre être pensant qu'il faudrait chercher la cause du bon ou du mauvais ordre de ses propriétés primaires ; et comme cet être pensant, lui-même, n'est qu'un être produit et qu'il y a sans doute une variété de causes, qui peuvent concourir à son existence, ce serait dans la région de ces causes qu'il faudrait aller puiser la solution du problème qui nous occupe et non pas dans la contexture de notre être physique, qui n'est que l'organe de manifestation de notre être pensant et qui a ses éléments à part.<o:p></o:p>

Cette recherche, trop vaste pour l'ouvrage que j'entreprends, deviendrait d'ailleurs inutile puisque des écrits très profonds ont expliqué ce sujet longtemps avant moi et beaucoup plus lumineusement que je ne le pourrais faire ; il me suffit ici d'avoir indiqué la source des méprises où les observateurs nous ont entraînés sur ces matières. Mon but est moins de dévoiler les vérités profondes que d'indiquer, en faisant observer l'esprit des choses, quels sont les sentiers qu'il faut suivre, ainsi que ceux qu'il faut éviter, pour atteindre la région où ces vérités font leur demeure.<o:p></o:p>

 

De la sensation et du mot sentir<o:p></o:p>

Je nais sans avoir l'usage d'aucun de mes sens, si ce n'est du tact passif, et je crie en venant au monde, ne fût-ce que de l'âpreté de l'air qui frappe sur moi !<o:p></o:p>

Peu à peu ma vie se développe, mes organes se forment, mes sens se multiplient, mes sensations acquièrent une plus grande intensité, et après avoir été comme entièrement passif, à l'égard des objets qui m'environnent, je prends à mon tour un caractère d'activité qui étend mes rapports avec eux. Peu à peu aussi le jour se lève dans ma pensée, le discernement et la justesse se font connaître à ma raison et le goût de ce qui est bon se fait connaître à mon moi intime.<o:p></o:p>

Le mot sentir par lequel nous pouvons désigner toutes ces opérations si vastes, si compliquées et si multipliées, demande par conséquent lui-même beaucoup d'attention de notre part.<o:p></o:p>

Au premier aperçu, nous voyons que nous n'aurions point de sensations, point d'idées, point le sentiment de notre judiciaire, ni celui de notre moi intime, sans la communication, la réunion ou le contact avec nous, de quelque chose d'extérieur et de distinct de nous, de quelque genre que ce soit ; ce qui nous annonce une séparation universelle entre tous les éléments de nos impressions quelconques, savoir : entre ceux de ces éléments qui reçoivent ces impressions dans nous, et ceux de ces éléments par lesquels elles nous sont communiquées.<o:p></o:p>

En effet, si j'éprouve quelques jouissances corporelles, c'est par la réunion avec mon corps de ce qui est analogue à lui, quoique distinct de lui. Si je saisis par mon intelligence quelque rayon lucide, c'est par la réunion qui se fait avec elle, de ce rayon qui est distinct d'elle ; et comme elle cherche souvent ce rayon lucide, il est certain qu'elle et lui sont deux choses séparées quoique homogènes. Si, ayant de l'attrait pour l'équité, je poursuis, comme par instinct, quelque acte de justice, et que j'en goûte le fruit, c'est une preuve de ce même principe, c'est-à-dire, que cette justice et mon penchant sont homogènes, mais séparés, et qu'il n'y a que l'union de cette justice avec moi, qui me donne réellement le sentiment et le tact de cette espèce de moralité. <o:p></o:p>

Ainsi, dès ce moment, le mot sentir, en le considérant dans le rapport des choses régulières et bien ordonnées, est censé ne nous peindre que l'effet qui résulte de l'acte d'union de ce qui est distinct et à part l'un de l'autre, c'est le contact mutuel de deux puissances similaires quoique diverses et séparées ; mais contact intime et d'où il ne peut résulter une sensation, une idée, un jugement, une impression morale quelconque, qu'autant que ces deux puissances ou propriétés sont entièrement unies et ne font qu'un ; de façon que, sans cette unité, rien n'est sensible en nous, rien n'y est clair, rien n' y est heureux, rien n'y a l'être, rien n'y est vivant : axiome qui s'étend à tout et qui, dès le premier pas, nous montre le règne universel de l'unité radicale, de même qu'il nous démontre l'existence de toutes les sources de nos impressions, indépendamment de ces impressions mêmes ; mais toutefois avec les caractères spécifiques attachés aux divers facteurs de tous ces différents produits.<o:p></o:p>

Ainsi, ce n'est point parce que les idéologues veulent que tout soit sensation dans les phénomènes et le jeu des êtres, qu'il faut se défendre de leur système, c'est parce qu'ils veulent conclure de l'identité du mot à l'identité de la chose ; puisque les facteurs étant si divers dans chaque degré, les résultats qui en proviennent doivent nécessairement participer de cette différence ; c'est surtout parce qu'ils veulent être les générateurs et comme les créateurs de ces résultats, pendant qu'ils ne feront jamais que ce que font tous les êtres, c'est-à-dire, apparier et assortir des propriétés ou puissances analogues, mais séparées, qui existent avant qu'ils puisent songer à les unir et qui se remontrent ensuite, sensiblement, dans les produits de leur union, où chaque agent a porte le contingent de sa contribution selon ses possessions domaniales.<o:p></o:p>

Les sciences naturelles elles-mêmes ne suivent pas d'autre marche ; elles auraient tort de croire engendrer des principes avec des faits, comme les idéologues croient engendrer des idées avec leurs sens ; elles auront beau recommander avec raison les expériences, tout résultat quelconque qui en proviendra, ne fera jamais que mettre sous les yeux les principes de sa classe qui existaient avant lui. Le carbone existait dans toute la nature avant que la chimie eût reconnu son existence dans le diamant et quels que puissent être les progrès des sciences, elles ne feront jamais que monter à des degrés qui existaient avant elles. Loin donc de croire enfanter le principe par leurs découvertes, elles avoueront qu'elles n'auront fait que le rendre sensible ; comme il est impossible à toutes les expériences naturelles et à toutes les opérations régulières des êtres de faire autre chose.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Le mot sentir peut être pris passivement et de la part de l'objet par où se communique un des éléments de la sensation, ou activement et de la part de l'être qui perce, par son activité, jusqu'au siège d'où découle vers lui la cause de la sensation qu'il éprouve ; car, sans vouloir renouveler ici le langage scolastique, nous ne pouvons plus nier qu'il n'y ait des propriétés ou qualités inhérentes aux objets divers qui viennent agir sur nos facultés, de même qu'il faut qu'il y ait en nous une disposition analogue et conforme à ces propriétés, pour que nous en recevions des impressions proportionnées ; sans cela, d'un côté, ces objets divers devraient nous occasionner tous la même sensation, et de l'autre, nous n'en pourrions éprouver aucune.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Il faut donc qu'il y ait un concours entre ces objets et nous ; il faut, d'une part, qu'ils sortent d'eux-mêmes et de l'autre, que nous pénétrions en eux et nous devons même pénétrer en eux plus avant qu'ils ne pénètrent en nous, puisque c'est nous qui devons être juges de ce qu'ils nous apportent. Aussi dans toutes les langues anciennes et modernes, je suis persuadé que cette loi fondamentale, considérée, soit dans l'ordre physique, soit dans l'ordre moral, est gravée dans tous les mots qui correspondent à notre mot français sentir et à tous ses relatifs. Je suis persuadé que ce mot explique partout et la communication de la propriété du sens et de l'esprit des choses jusqu'à nous et l'extension que prend notre faculté, soit intellectuelle, soit sensible, pour pénétrer dans ce sens ou dans cette propriété.<o:p></o:p>

Mais ce serait nous écarter de notre plan que de nous jeter dans ce genre de recherches et il nous suffit de reconnaître ici une nouvelle preuve de la nécessité qu'il y ait union ou unité, pour qu'il y ait un résultat harmonique, que c'est là le principe et le siège de toute sensation, de toute sensibilité, de toute vie, de toute intelligence ; que cet axiome majeur peut se regarder comme imprescriptible et qu'on en peut déduire les conséquences les plus importantes.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Car, avec de l'attention, on verrait que dans toute la progression des actions des êtres, il n'y a rien qui ne justifie cette vérité ; on verrait que l'ordre physique ainsi que l'ordre de l'esprit, que la végétation, la digestion, la santé, le jugement, les plus sublimes conceptions, les développements qui s'opèrent dans nos puissances morales et intellectuelles ; que tout cela, dis-je, ne peut avoir lieu que par des jonctions ou des unités, et cela, à l'instar d'une unité primaire et régulatrice, qui sans doute, ne pouvant frayer qu'avec son analogue, ne se joint jamais qu'à des opérations ou des phénomènes, qui soient déjà parvenus à faire unité, chacun dans son genre ; et qui a voulu que tout le cercle des choses générales et particulières ne pût exister et agir que selon cette loi qui est la base de toute harmonie.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

C'est principalement dans la génération des êtres que cette loi fondamentale se montre d'une manière assez frappante, pour nous convaincre de son universalité. En effet, la génération des êtres n'a lieu qu'autant que les deux puissances distinctes et séparées qui y concourent, sont devenues unité ou centre, c'est-à-dire, qu'autant qu'elles ont abandonné, chacune, tous les points de leur circonférence ou de leur circonscription respective, pour venir s'envelopper, se lier et se confondre dans le point invisible et l'acte insaisissable d'une unité centrale et génératrice, d'où résulte, d'un côté, pour chacune de ces puissances, le maximum de la sensation et de la sensibilité ; et de l'autre, la vie de leur fruit.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Ce qui fait que dans l'accomplissement de cette loi, les deux puissances analogues atteignent, chacune, le maximum de la sensation et de la sensibilité, c'est que, se communiquant mutuellement l'extrait de toutes leurs propriétés individuelles, elles doublent respectivement leur existence et si ce n'est que dans l'unité du concours de ces deux puissances analogues que se produit la vie de leur progéniture ; c'est une preuve que la vie ne vient que de l'unité, quelque distinctes et diverses que soient les puissances qui la transmettent ; et il faut par conséquent que cette progéniture renferme en elle les deux puissances qui l'engendrent, sans quoi elle ne serait pas l'image de l'unité.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Et, en effet, l'enfant quoiqu'il ait la vie, ne sait, pendant longtemps s'il est mâle ou femelle, tant les deux puissances se sont confondues en lui pour le créer et ce n'est que dans les progressions du temps qui divise tout et qui rend sensibles toutes les différences, que l'enfant apprend à connaître son sexe : observation qui appuierait la doctrine de ceux qui croient que, primitivement, l'homme était simple parce qu'il était double et, réciproquement, qu'il était double parce qu'il était simple.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Il en est de même des idées de l'homme ; elles sont le résultat des diverses puissances qui suivent cette loi d'union ou d'unité et leur fruit a besoin d'un nouveau travail, pour se discerner lui-même au milieu du chaos de sa génération. Mais, outre la nécessité de l'unité des deux puissances dans l'ordre de nos générations corporelles, pour y produire et le maximum de la sensation et la vie de notre progéniture, voici la conséquence où cette loi nous conduit :<o:p></o:p>

Lorsque les deux puissances se confondent dans une unité, elles ne forment plus alors dans le vrai qu’une seule puissance : or, il faut deux puissances une, ou, si l'on veut, une unité de puissances, pour produire tous ces phénomènes ; et ces deux puissances que nous désignons, n'en formant plus qu'une, il en faut donc une autre qui vienne faire unité avec leur unité.<o:p></o:p>

Dans l'ordre de nos générations corporelles, cette autre puissance sera la nature ou les propriétés agissant dans les éléments et dans les essences de l'univers, d'où découlent, par gradation, toutes les productions naturelles et, par conséquent, notre existence physique et l'unité de nos deux puissances génératrices particulières.<o:p></o:p>

Dans l'ordre de nos générations de pensées et d'intelligences, ce sera une source analogue à nos puissances une de cet ordre ; mais qui doit être leur régulateur, comme la nature est celui de nos générations corporelles : or, voici relativement à ce double objet une loi générale qui se présente.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Ce n'est qu'en s'assimilant ou en se tenant sous l'aspect de la puissance qui la précède, que chaque puissance peut agir et que les unités génératrices dans tous les ordres peuvent se former. C'est en se liant et en se portant successivement les unes et les autres vers le degré immédiatement supérieur à elles, que toutes les unités mixtes deviennent actives et vives à leur tour et s'élèvent, par progression, jusqu'à une unité simple et prédominante, qui puisse vivifier toutes les autres unités, en joignant graduellement sa puissance à la leur : car il faut, d'après tout ceci, une force générale descendante qui aille au-devant de la force ascendante, sans quoi, tout procédant dans un seul sens, il n'y aurait aucune alliance et toutes nos unités produites ou inférieures demeureraient dans la stérilité ; c'est-à-dire qu'il faut évidemment le concours d'une unité première et universelle, avec toutes les unités mixtes, secondaires, troisièmes, etc., qui sont employées sous nos yeux à toutes les générations quelconques, puisque rien ne se produit que par l'union de deux puissances ; et je présume que les penseurs pourront trouver ici quelques témoignages en faveur de l'unité prédominante et indépendante.<o:p></o:p>

Car, si l'on voulait appliquer à cette unité prédominante elle-même la loi des deux puissances nécessaires à l'existence de toute unité, on la trouverait sans doute en vigueur, là comme ailleurs ; mais à quelque point que l'on recule cette unité, il faudrait en reconnaître nécessairement un, où les deux puissances ou propriétés génératrices fussent tellement dans leur propre dépendance mutuelle, qu'elles fussent inséparables et qu'elles n'eussent pas seulement une nécessité contingente dans leur rapprochement, comme nous voyons que telle est la limite de nos droits ; mais une nécessité fondée sur le constant attrait qu'elles auraient l'une pour l'autre et sur le besoin perpétuel de se reproduire elles-mêmes, sans quoi elles ne seraient plus ; puisque nulle autre puissance au-dessus d'elles ne pourrait leur prêter son secours et c'est à cette unité prédominante, sortant ainsi de ses propres puissances, que notre esprit serait forcé de s'arrêter et d'où nous verrions progressivement provenir toute la chaîne des productions.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Mais à cette loi qui lie nécessairement chaque puissance particulière au degré qui lui est immédiatement supérieur, il faut joindre une autre loi qui se présente aussi mutuellement, c'est que l'intensité de la sensation du sentiment ou du mot sentir, enfin, est graduée et limitée à ce même degré, pour chaque ordre d'unités, ce qui a fait penser à des sages que nul être ne voyait au-delà de sa mère ; et c'est là ce qui nous apprend que nos puissances animales qui ont pour mère immédiate la nature, ne voient en effet et ne sentent rien au-delà de la nature, tandis que notre moi intime, qui porte plus loin ses regards et ses affections, n'en agit ainsi que parce que sûrement il a une autre mère et qu'en conséquence du principe établi, il a le droit de monter jusqu'à elle.<o:p></o:p>

Nous ne devons pas négliger d'observer que dans l'échelle progressive de ces diverses unités, tant dans l'ordre des générations matérielles que dans tout autre ordre quelconque, le mot sentir acquiert plus ou moins de poids et de valeur, selon que la progression s'approche plus ou moins du dernier terme, ou de cette unité prédominante sans laquelle toutes les autres unités demeureraient nulles et stériles, que moins l'action des éléments de ces unités est contingente, plus leur acte d'union est puissant et plus la qualité du mot sentir y doit avoir d'intensité, qu'intérieurement l'homme-esprit partage plus ou moins les avantages de cette douce propriété, selon que son être intime est plus ou moins bien harmonisé, qu'ainsi nous pouvons voir jusqu'où l'intensité de ce mot «sentir» doit s'étendre dans l'unité prédominante, puisque les puissances qui constituent cette unité sont perpétuellement dans la nécessaire et exclusive dépendance d'elles-mêmes, ou dans un mutuel attrait intarissable et indissoluble, c'est-à-dire dans l'unité la plus harmonique et la plus absolue.<o:p></o:p>

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De l'amour universel<o:p></o:p>

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D'après ce qu'on vient de voir sur l'attrait exclusif et nécessaire des diverses puissances intégrales de l'unité prédominante, on peut être sûr que le principe des choses est essentiellement bon, fixe et dans la plus régulière et dans la plus attrayante harmonie : voilà pour quoi il ne peut pas se contempler sans s'aimer. On est également sûr que le principe des choses est nécessairement puissant et fécond, voilà pourquoi il ne peut pas s'aimer sans s'engendrer lui-même. Enfin, on est également sûr que le fruit de cet engendrement intégral doit avoir absolument la même essence et les mêmes qualités que son principe, sans quoi il y aurait dans ce principe quelque chose qui ne serait pas lui : voilà pour quoi cette production intégrale, devenant pour lui l'objet d'une nouvelle contemplation, elle devient aussi, pour lui, l'objet d'un nouvel amour et cet objet d'un nouvel amour fait naître à son tour une nouvelle génération, d'où dérivent de nouveaux résultats qui sont cependant toujours les mêmes.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Car ces trois bases liées éternellement ensemble, agissent toujours, selon leurs propriétés invariables et forment ainsi une alliance indissoluble, non seulement parce qu'étant les seules qui puissent y être admises, nul être ne saurait les séparer, puisque nul être ne peut pénétrer le secret de leur liaison ; mais encore parce qu'elles ne pourraient pas rompre elles-mêmes cette éternelle et indissoluble alliance, puisque, s'attirant mutuellement par leurs propriétés vivifiantes et se procréant sans cesse les unes par les autres, elles s'assurent à jamais réciproquement leur existence, et c'est là ce sanctuaire impénétrable devant lequel la pensée de l'homme doit se prosterner dans le silence et en s'abîmant dans les salutaires délices d'une ineffable admiration.<o:p></o:p>

En se tenant avec constance dans cet abaissement respectueux et sincère, où l'on éprouve combien ce principe des choses est vivant, on aperçoit une vérité aussi frappante que naturelle, savoir : que toutes ces merveilles de l'éternelle et indissoluble existence, s'opèrent dans un secret si profond et si caché, qu'elles ne seraient pas connues du principe lui-même, s'il n'avait près de lui des miroirs qui les lui réfléchissent.<o:p></o:p>

La raison qu'on en trouve c'est que l'unité prédominante est entraînée dans son éternel courant, par l'ardeur de sa propre propagation ; qu'ainsi procédant toujours devant elle, n'agissant et n'existant que dans l'infini, elle ne rencontrerait rien là qui reportât sa vie sur elle-même et qui, par là, lui fît apercevoir tous les traits de sa magnifique existence ; c'est de là que se révèle la nécessité qu'il y ait eu des images ou des miroirs qui remplissent, à son égard, cette sublime destination.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

On sent aussi que ces images ont dû être distinctes du principe prédominant, quoique provenant de lui et étant analogues avec lui, sans quoi elles n'auraient pas atteint le but de leur existence.<o:p></o:p>

On sent, quoique nos idées de temps soient si incompatibles avec cet ordre de choses, que ces images, comme étant provenues du principe, n'ont pu, par leur rang, venir ou commencer que de lui, quoiqu'elles aient dû exister éternellement avec lui : vérité profonde qui se pressent par la vie progressive quoique fixe, de l'être nécessaire, concurremment avec les apanages attachés à toutes les progressions de son existence : car, ces progressions de l'être nécessaire, croissent toujours sans temps et, par conséquent, elles n'auraient jamais pu trouver un temps pour faire commencer leurs apanages qui, cependant, ont dû commencer.<o:p></o:p>

On sent ensuite que le principe qui est amour, n'a dû, en se produisant à lui-même ces images, les extraire que des essences de son amour, quoique par cela même qu'elles en sont extraites et distinctes, elles n'aient point le même caractère que les essences intégrales ; mais on sent qu'elles devaient être susceptibles d'être imprégnées continuellement des propriétés de leur source et lui en représenter les fruits.<o:p></o:p>

On sent que ces images devaient, par leur essence constitutive, porter individuellement les traits de leur principe ; qu'il fallait donc qu'à leur tour elles fussent aussi un symbole de son existence et que, par conséquent, elles eussent des miroirs dans lesquels elles vissent réfléchir les merveilles de leur être particulier et produit, comme le principe voyait réfléchir en elles ses propres merveilles.<o:p></o:p>

On sent que ces miroirs secondaires devaient aussi, selon leur classe, participer en quelque chose aux propriétés de l'amour, pour pouvoir remplir les vues du grand plan.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

On sent même que cette série peut s'arrêter à ce nombre, puisque le principe, comme unique créateur, en est le premier terme et qu'il trouve dans les deux autres termes, premièrement, tout ce qui peut satisfaire l'ardeur qui le porte à se manifester au-dehors pour étendre son amour et le besoin qu'il a d'avoir autour de lui des miroirs qui lui réfléchissent sa propre gloire ; et secondement, tout ce qui peut compléter la dignité de ces miroirs ou de ces êtres qu'il a produits et les rendre réellement son image, en leur donnant un apanage qui lui réfléchit leur propre splendeur comme ils lui réfléchissent la sienne.<o:p></o:p>

On conçoit que cet apanage qui leur était accordé devait avoir la même ancienneté qu'eux, c'est-à-dire, n'avoir pas plus commencé qu'eux. On sent, enfin, qu'il devait être un degré au-dessous d'eux, comme ils étaient un degré au-dessous de leur principe : tableau que nous voyons retracé sous nos yeux, dans le rang que tiennent entre eux, Dieu, l'homme et la nature ; ce qui nous autorise à croire que cet apanage était une nature plus régulière que celle que nous voyons, une nature, enfin, qui n'avait aucun des défauts de celle-ci, et c'est sans doute un mouvement mal dirigé de ce secret pressentiment, qui a induit les savants à regarder la nature actuelle comme éternelle, en lui attribuant ainsi ce qui n'appartient qu'à l'antique nature, destinée à être l'apanage des miroirs divins.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Si l'on ne voulait croire à cet exposé, qu'en lui donnant le nom de révélation, je lui donnerais, moi, celui d'une révélation naturelle, c'est-à-dire, authentique par elle-même, et ne tirant sa force ni des livres, ni de la fragilité des équivoques traditions : car, en admettant bien volontiers tous les amendements convenables dans les exemples dont je me servirais pour appuyer ce que j'ai avancé, je répéterais qu'encore aujourd'hui nous sommes ici-bas dans une situation qui nous offre un reflet de cette ancienne grandeur.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

En effet, que l'homme considère un instant ce qui se passe dans la région cachée et intérieure de notre être, il trouvera que tous les rayons divins se dardent continuellement en lui ; qu'ils y viennent, pour ainsi dire, en foule et sans interruption ; qu'ils s'y élaborent ; qu'ils s'y classent chacun selon leur caractère et selon leur genre, et que c'est en venant frapper ainsi sur cet important miroir, qu'ils se réfléchissent vers leur suprême source et se présentent à elle avec une espèce de corporisation et de distinction, qu'ils n'avaient pas auparavant et qui aide à les lui rendre plus sensibles.<o:p></o:p>

Que ce même homme se considère ensuite relativement à la nature qui l'environne, et dont il sait malheureusement si mal user ; il verra qu'elle n'est réellement pour lui qu'un apanage, comme il est lui-même l'apanage de Dieu ; il verra que dans le torrent des pensées qui abondent en lui, s'il en est qui se reportent vers son auteur avec un hommage respectueux et le souvenir silencieux des plus douces jouissances, il en est aussi, et peut-être un plus grand nombre encore, qu'il s'efforce de faire sortir de lui et de porter sur tous les objets qui l'entourent : les astres, les éléments, tous les règnes de la nature, toutes les espèces qui peuplent ces règnes, toutes les propriétés qui les distinguent, toutes les actions qui animent et meuvent ce grand ensemble des choses sont pour l'homme comme autant de miroirs, sur lesquels il élance, continuellement, tous les effluves de son être et qui, les lui renvoyant avec des couleurs et des formes, lui donnent par là le témoignage visible de sa grandeur et de sa destination dans l'univers.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Je sais ce qui manque à ces tableaux comparatifs : l'homme ne se voit point naître avec le monde ; il sent affluer dans le secret de son être mille pensées outrageuses à son principe, pour quelques mouvements qui en relèvent la gloire ; enfin, les pensées qu'il laisse sortir de lui et qu'il cherche à corporiser dans tous les moules qui l'environnent, il sent combien il éprouve des difficultés pour en retirer des résultats réguliers ; et ces miroirs dont il devrait tout attendre, se montrent réfractaires à ses désirs et ne lui rendent que des reflets bizarres ou trompeurs.<o:p></o:p>

Mais si je conviens de ces faits avec lui, il doit convenir aussi avec moi que cette situation l'importune, que ces contrariétés l'affligent et que ces difficultés l'irritent. Il ne m'en faut pas davantage pour ne pas me défier de tout ce que j'ai annoncé sur ces grands objets, et je dirai au moi intime de l'homme que s'il est importuné, affligé, irrité de tout ce qui l'empêche aujourd'hui de remplir le vaste objet auquel il a une tendance manifeste, soit par rapport à son principe, soit par rapport à la nature, il faut dès lors qu'il ne soit pas actuellement dans sa situation naturelle : car le principe des choses est bon ; il s'aime, et il ne peut vouloir que tous les êtres qui proviennent de lui, soient dans une situation où ils ne puissent se plaire et s'aimer eux-mêmes, ce qui ne saurait réellement avoir lieu, qu'autant qu'ils seraient des foyers de ses lumières et de ses puissances : puisque, sans cela, ils ne seraient plus ses images ; et ce suprême principe du bonheur, contrarié lui-même dans ses plans, rentrerait dans son centre solitaire, ne trouvant rien autour de lui en quoi il pût verser sa joie et qui lui réfléchît l'éclat de sa gloire.<o:p></o:p>

Je ne traiterai point de nouveau ici la question de l'origine du mal ; je m'en suis assez occupé dans d'autres écrits. D'ailleurs, si parmi les productions libres ou ces miroirs divins dont nous avons parlé, il y avait eu des prévaricateurs, indépendamment de la classe humaine, il n'y aurait cependant encore, d'après notre exposé, que cette classe humaine, dont la dégradation, et par conséquent la faute, nous fût démontrée par la simple observation de l'état des choses.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Or, c'est par une marche aussi naturelle, et sans rien emprunter des traditions ni des livres, qu'il nous faudra vérifier ce que nous devons admettre ou rejeter au sujet de cette autre classe de prévaricateurs que nous avons citée ci-dessus par supposition ; et lorsque nous en serons là, ce sera encore l'homme qui nous servira de creuset : car dans cet ordre de vérités, c'est à l'homme à nous tout apprendre ; et s'il ne pouvait i arriver par lui-même à une clarté suffisante sur ces grands objets, il ne serait comptable de rien.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

En attendant, je lui dirai que quant à sa propre chute, il serait plus essentiel pour les hommes de leur indiquer où la clef de cette difficulté ne se trouve pas, que de vouloir leur montrer où elle se trouve, comme si elle avait un germe palpable et créaturisé ; que cette clef ne peut exister dans l'auteur des choses ; qui est le bien par essence, ni dans la classe matérielle, qui est sans moralité ; que cette clef ne peut se trouver que dans l'être libre qui, étant gêné aujourd'hui dans sa liberté, annonce que c'est sa liberté qui a failli, que cette liberté est une faculté morale et non pas un être ; que si l'on en faisait un être réel et déterminé, ce serait s'exposer à en remettre toutes les suites à la responsabilité du principe qui l'aurait formé.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

D'ailleurs, le mal étant une chose négative, par rapport au bien, ce serait une inconséquence de lui vouloir trouver une source positive et qui eût rang parmi les choses substantialisées, ce qui a été et est encore l'objet insensé des recherches de tous les spéculateurs sur ces matières.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Ne suffit-il pas à l'homme de sentir qu'il avait le droit d'établir librement et volontairement dans toutes ses facultés, la même harmonie que le principe universel établit et crée nécessairement dans les siennes, puisqu'il aurait encore ce même droit aujourd'hui s'il voulait diriger vers ce but tous ses moyens ? C'était pour lui une chose assez glorieuse et assez consolante, qu'en lui donnant l'existence, la main suprême lui eût délégué le privilège de se dire : Je puis, avec le rayon d'amour qui me constitue, me créer moi-même image et représentant de l'éternelle perfection.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Qu'il sache donc que c'était là sa véritable similitude avec le principe ; que le pouvoir de marcher librement dans cette ligne de vie, suppose évidemment le pouvoir de s'en écarter ; que plus ce pouvoir était grand, plus l'usage bon ou mauvais qu'il en ferait, devait avoir des suites imposantes ; que les effets naturels de l'abus de son pouvoir ont été de le plonger dans les entraves où il languit aujourd'hui, comme l'effet naturel de sa fidélité eût été de lui assurer et de lui continuer la jouissance de tous ses sublimes avantages, et cela sans que la main suprême ait rien fait pour sa punition et sa souffrance, puisqu'elle ne sait qu'ai m e r ; que, dans ces entraves, il ne peut pas même méconnaître sa primitive destination, puisqu'il en retrouve encore, autour de lui et dans lui, toutes les images ; mais qu'il ne peut pas douter non plus qu'il ne soit survenu quelques désastres opposés à cette destination vaste et délicieuse, puisque l'usage même de ce qui lui en reste est si incomplet, si rare et si fatigant pour lui.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Pour ne laisser en arrière que le moins de difficultés possibles, nous nous arrêterons un moment avec ceux qui, partisans de l'universelle prévision de Dieu, Lui font un reproche d'avoir produit des êtres, dont Il savait d'avance et la chute et les malheurs.<o:p></o:p>

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Nous leur dirons : <o:p></o:p>

1) que cette production étant éternelle et sans temps, il aurait fallu à Dieu un temps pour changer de projet, d'après Sa prévision. Or, dans cette région qui est sans temps, Il n'a pas le temps d'avoir deux idées opposées, et il nous serait aussi impossible de concevoir qu'Il eût le besoin et le temps de rectifier quelque chose à Ses plans, qui ne sont point faits dans le temps ; qu'il nous est difficile de comprendre que des êtres qui commencent de Lui n'ont pu commencer qu'éternellement, quoique cependant ils aient nécessairement commencé relativement à Lui.<o:p></o:p>

Nous leur dirons : <o:p></o:p>

2) que comme ils ne peuvent nous refuser la liberté de ces êtres produits, ainsi qu'on l'a vu ci-dessus, il ne s'agirait plus, quand même la prévision divine serait entièrement accordée de notre part, que d'admettre un balancement nécessaire entre ces deux pouvoirs, sans lequel chacun de ces pouvoirs ne serait plus un pouvoir : ce n'est pas même à nous à nous occuper de cette conciliation ; nous ne sommes chargés que d'être libres ; nous ne pourrions passer cette limite, sans nous immiscer dans la prévision, comme la prévision ne pourrait s'étendre hors de son ressort, sans s'immiscer dans notre liberté, et alors la balance serait détruite.<o:p></o:p>

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Nous leur dirons : <o:p></o:p>

3) qu'avec leur opinion, non seulement ils attribueraient à Dieu une volonté malfaisante ; mais encore une manière de spéculer, qui ne ferait pas honneur à l'étendue de Ses vues ni à la justesse de Ses calculs : car, si nous-mêmes, tout bornés que nous sommes, nous savons bien ne pas nous livrer à une entreprise avant d'avoir évalué si les profits dépasseront ou non nos avances, nous pouvons bien, sans risque, supposer dans Dieu la même sagesse et nous persuader que les avantages qu'Il s'est promis et qu'Il retire de Ses entreprises, absorbent, de reste, tous les déficits que nous pouvons imaginer, quelque peu de clarté que nous ayons communément sur ce qui constitue ces incommensurables dédommagements.<o:p></o:p>

Homme, je crois avoir rassemblé dans ce tableau abrégé, tout ce qui t'est nécessaire pour calmer les inquiétudes de ta raison, si tu sais la contenir dans ses mesures ; et si tu ne la contiens pas dans ses mesures, de plus amples solutions ne te suffiraient plus à quelque degré qu'on les portât et même, plus elles s'étendraient, plus elles pourraient te devenir préjudiciables ; parce que, nourrissant par là ton abusive et impétueuse inclination à vouloir déterminer la nature des choses, sans t'occuper de les considérer dans leur action, ou à voir une base à une chose qui n'en peut avoir d'autre qu'elle-même, elles altéreraient de nouveau l'organe de ta vue au lieu de le rectifier, et l'habituant de plus en plus à chercher à faux, elles pourraient le déranger tout à fait et le condamner à ne plus voir que trouble peut-être même l'amener pour jamais à la cécité complète.<o:p></o:p>

Aussi ne recommencerai-je point ici le combat avec ceux qui nient ta dégradation. J'ai payé mon tribut en ce genre. Si leur moi intime n'est pas suffoqué des maux que l'homme verse journellement sur la terre ; si, dans sa rectitude, il ne pressent pas, par une opposition plus forte encore, la présence effective d'un désordre-principe et d'un collège d'abomination, siégeant partout au milieu de notre triste demeure et dont l'homme est visiblement le stipendiaire et souvent même le ministre aveugle ; si tous les sens de ce moi intime ne sont pas repoussés par le contact martyrisant que cette source hideuse ou ce désordre-principe fait avec lui ; enfin, si ces malheureux égarés ne savent pas sentir et reconnaître cet agent actif et désharmonisant tout, dont l'homme se rend si imprudemment et si persévéramment l'organe et dont il propage lui-même le règne contre lui-même, qu'est-ce que mes paroles feraient à leur intelligence ? Et des raisonnements seraient-ils pour eux plus efficaces que les faits qui les assaillent et les poursuivent ?<o:p></o:p>

Âme humaine, je laisserai donc ces lépreux, tout en répandant l'infection et en distillant la sanie par tous leurs pores, proclamer hautement qu'ils sont sains et dans leur état naturel ; je les laisserai manifester leurs dédains, contre quiconque voudrait les engager à examiner si la terre n'est pas secrètement et invisiblement habitée par des bêtes féroces et enragées dont l'homme ne fait sans cesse que nous répéter les hurlements et nous offrir jusqu'à l'écume ; je les laisserai s'agiter dans les conciliabules de leur ténébreuse ignorance et employer tous leurs efforts à faire courber la vérité sous le joug du mensonge ; et sans attendre leurs décrets pour savoir si tu es malade ou non, si tu es en danger ou en sûreté, je t'offrirai, dans des révélations naturelles, à ta portée et indépendantes des livres, ce que le principe des choses ne cesse de faire pour te défendre et pour te guérir.<o:p></o:p>

Quant à ceux qui ne sont point entièrement naturalisés avec ces fausses doctrines et qui n'en ont que respiré la vapeur, je leur proposerai seulement ici en passant, de commencer par se considérer eux-mêmes dans le silence et dans le secret de leur être le plus profond et d'observer s'ils ne se sentent pas intérieurement dans la situation d'un prisonnier environné de barrières qui l'enferment et couvert d'entraves qui le gênent et arrêtent les élans de toutes ses facultés ?<o:p></o:p>

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Je les prierai de ne pas confondre ces barrières et ces entraves avec les contrariétés qu'ils peuvent éprouver et qu'ils éprouvent journellement de la part de leurs associations politiques et de la corruption de leurs semblables, parce qu'en ne portant leurs vues que sur ces inconvénients secondaires, ils se croiraient fondés à se livrer à des murmures ; attendu qu'ils ne verraient là que des injustices, au lieu que s'ils portent leurs regards sur ces contrariétés premières et centrales, à l'observation desquelles je les rappelle, ils se trouveront plus disposés au silence, parce qu'ils ne verront là qu'un désastre commun à toute l'espèce.<o:p></o:p>

 

État primitif de l'homme<o:p></o:p>

L'occupation journalière de l'homme, le besoin qu'il a d'introduire de l'ordre et de la régularité partout, son penchant à ajouter à cet ordre et à cette régularité le charme du goût et les produits d'une imagination magique, annoncent que, dans son état primitif le plus parfait, il avait encore à accroître cette perfection de tout ce qui était autour de lui et à embellir de plus en plus la demeure qu'il habitait. Il pourrait même se le persuader, en réfléchissant avec soin que tous les hommes de la terre s'occupent de ces arrangements et dispositions terrestres, soit par eux, soit par leurs sous-ordres : car il verrait qu'une loi uniforme, qui est commune à tous et qui n'admet de variétés que dans le mode de son exécution, est une loi inhérente à l'être et qui suit cet être dans les extralignements même auxquels il peut s'abandonner.<o:p></o:p>

Enfin, en distinguant dans la tâche terrestre de l'homme les soins matériels et grossiers qui semblent être un décret de condamnation pour toute l'espèce, d'avec ce goût de l'ordre et du perfectionnement de cette même terre qui occupe également toute l'espèce et qui annonce plutôt un privilège qu'une punition, on peut assurer que le but de l'existence primitive de l'homme était, en effet, le perfectionnement e Et l'embellissement de la région où il était placé : perfectionnement et embellissement qu'il aurait puisés dans la source supérieure, d'où il descendait et qu'il aurait ensuite mis en valeur dans toutes les parties de son enceinte.<o:p></o:p>

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C'est cette même marche qu'il suit encore aujourd'hui, lorsqu'il a quelques plans à concevoir et quelques oeuvres à produire. Il se concentre, il s'ouvre intérieurement à sa propre source et semble attendre d'un foyer qui est à part et distinct de lui, la clarté qu'il cherche et le rayon instructeur dont il a besoin ; et ses oeuvres sont plus ou moins régulières, selon qu'il a plus ou moins de constance à chercher ce moyen instructeur et d'attention à en suivre la lumière.<o:p></o:p>

Aussi plus l'homme eût été fidèle à l'ordre qui le liait à son principe, plus il eût rempli avec succès cette tâche de culture, qui lui était évidemment imposée ; et réciproquement, plus il eût travaillé avec zèle et succès à cette culture, plus il eût étendu aussi pour lui-même tous les avantages de l'ordre supérieur, d'où il tenait son essence constitutive ; parce que tout devrait être lié pour l'homme dans cette oeuvre suprême, comme tout le serait encore aujourd'hui pour lui, si les soins matériels et grossiers ne rétrécissaient pas ses mesures et si le pouvoir inférieur, soit religieux, soit civil, qui gouverne sur toute la terre le social de l'homme, ne les brisait ou ne les absorbait pas tout à fait.<o:p></o:p>

L'homme eût donc été cet oeil ou cet organe, par lequel aurait filtré cet ordre lumineux, supérieur et divin, qui eût rempli tous les individus de l'espèce humaine et qui, par ses infinies diversités, eût formé pour eux et par eux la plus délicieuse harmonie, comme l'homme peut encore l'observer aujourd'hui lorsqu'il rentre en lui-même et qu'il dirige sa vue intime vers la source de son être. Il sent cet ordre supérieur descendre en lui ; il devient par là, naturellement, l'ami et le frère de tous les hommes et ne se trouve avoir ni l'envie d'être leur maître ni le besoin d'être leur sujet ou leur disciple.<o:p></o:p>

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Ainsi aujourd'hui, parmi les hommes, la loi de l'administration religieuse et politique n'est qu'une loi de circonstance et qui appartient plus à l'individu qu'à l'espèce, puisqu'il n'y en a qu'un certain nombre qui paraisse dépositaire de cette loi ; et, sans doute, c'est par une altération et un renversement que, dans une classe d'êtres qui ont reçu la même origine et la même essence, les uns jouissent de tous les droits et que les autres n'en aient aucun.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Si les propriétés de l'homme sont seulement plus resserrées aujourd'hui qu'elles n'ont dû l'être, lorsqu'il était dans sa vraie mesure, nous pouvons donc encore nous former une idée de ses droits primitifs. Oui, le propre de l'homme dans sa vraie mesure était de produire l'harmonie, de répandre autour de lui toutes sortes de merveilles, d'élever dans toutes les régions des autels à son principe, de cultiver tous les trésors de la nature, de les recueillir en les puisant dans elle-même et d'ajouter encore à leur perfection en les faisant passer par lui, pour l'extension du règne de la vérité. Il peut lire la preuve de cette loi première, dans toutes les inventions et les arts auxquels il s'exerce avec succès, quoique ce soit matériellement. Ne purifie-t-il pas, par ses manipulations, toutes les substances de ce bas monde ? Ne fait-il pas sortir, par son industrie, des sons harmonieux de ses doigts ? Ne guérit-il pas par les conseils que transmet sa parole ? Ne renverse-t-il pas des armées par la force de son bras ? N'enfante-t-il pas par la peinture l'image de toutes les productions ? E t si dans le triste état où nous sommes et où il ne peut produire toutes ces choses que dans l'ordre inférieur, elles sont cependant si merveilleuses, que serait-ce donc s'il était réintégré dans les réalités ?<o:p></o:p>

On peut dire, en outre, que chaque homme est une nation toute entière et distincte des autres hommes ou des autres nations : voilà pourquoi, quand ils perdent de vue l'unité prédominante, qui seule peut les mettre en harmonie, les hommes s'entendent si peu les uns et les autres dans le commerce qu'ils ont entre eux.<o:p></o:p>

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Enfin, le propre de l'homme est d'être, numériquement, une continuelle multiplication spirituelle. Sa racine intérieure doit s'élever activement et constamment à sa puissance et chaque acte de sa vie, de sa pensée et de son désir doit être un nouveau bourgeon. C'est par cette suite continue d'actes vifs qu'il aurait dû devenir un grand arbre. Aussi, aujourd'hui même, il ne doit pas croître seulement dans une ou dans quelques-unes de ses ramifications ; mais dans toutes ses ramifications à la fois, comme le fait son être corporel animal.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Médite ce point-là, homme de désir, et fais en sorte de ne te point donner de relâche, que toutes les facultés qui constituent ton être pensant, sans exception, ne soient animées de la vie efficace et opérante. Reconnais ici en quoi tu devais ressembler à ton principe : ce principe est l'arbre universel qui se produit continuellement lui-même et dans qui l'existence et l'harmonie ne font qu'un seul et même être ; toi, homme, tu es un arbre partiel et secondaire à qui on a donné l'essence ; mais qui est chargé de s'élever par lui-même à son degré harmonique. La source première a été éternellement Dieu : à toi, on ne te laisse que le soin de le devenir ; et dans ce soin qui t'est confié, malheur à toi si tu ne lisais par le sublime privilège que tu partages avec ton ineffable modèle !<o:p></o:p>

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En effet, l'homme, par sa destination, devait tellement être l'image et la ressemblance du principe des choses, que nous sentons notre être abonder continuellement dans des torrents de pensées, qui ne s'interrompent point et qui sont la représentation vive et active de cette éternelle création, qui est le caractère éminent de ce suprême auteur des êtres. Nous sentons aussi une affection pour ces idées qui abondent en nous ; et, comme ces idées seraient toujours régulières si nous étions bien ordonnés, nos affections seraient toujours pures et répondraient à l'éternel amour divin. Enfin nous sentons dans notre esprit une activité qui nous porte à propager hors de nous ces idées qui abondent en nous et à leur donner l'être ; et cette activité est pour nous, ce qu'est l'éternel résultat pour l'éternelle unité prédominante.<o:p></o:p>

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De l'esprit des miroirs divins, spirituels, naturels, etc.<o:p></o:p>

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La raison pour laquelle Dieu a produit des millions d'êtres-esprits, est pour qu'Il pût avoir, dans leur existence, une image de Sa propre génération ; car sans cela, comme on l'a vu plus haut, Il ne se connaîtrait pas Lui-même, parce qu'Il procède toujours devant Lui ; encore, malgré ces innombrables miroirs qui rassemblent de tous côtés, autour de Lui, Ses universels rayons, chacun selon leurs propriétés particulières, Il ne Se connaît que dans Son produit et Son résultat et Il tient Son propre centre éternellement enveloppé dans Son ineffable magisme.<o:p></o:p>

Les êtres-esprits suivent la même loi. Nous ne connaissons les droits de notre pensée que par les images qui en naissent en nous, qui jaillissent de notre centre, et qui, dans les limites de leurs puissances, nous deviennent sensibles ou appréhensibles par la réunion fécondante de leurs mutuelles virtualités. Ces images sont les miroirs dans lesquels notre esprit se contemple et acquiert la connaissance de ses propres trésors. Voilà pourquoi plus nous exerçons nos facultés intellectuelles et morales dans leur véritable sens, plus nous acquérons d'estime et d'admiration pour la nature de notre être et, par conséquent, plus nous remplissons le plan suprême qui nous appelle à aider à Dieu à Se connaître dans Ses produits et dans Ses résultats et qui ne le peut qu'en trouvant autour de Lui des miroirs purs, sur les quels Il puisse voir réfléchir Ses propres rayons.<o:p></o:p>

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Cette loi des miroirs est tellement constitutive, que ce ne sont pas seulement les cadres formés par notre propre esprit qui nous aident à rassembler nos images et à nous les réfléchir ; mais que tout ce qui nous environne peut remplir cette fonction à notre égard ; aussi cherchons-nous perpétuellement des cadres autour de nous : c'est ce qui fait que nous nous livrons avec tant d'ardeur à la culture des arts et des sciences et à l'étude de tous ces objets extérieurs qui frappent nos yeux et qui nous réfléchissent nos propres sagesses, comme nous réfléchissons la sagesse de Dieu. C'est ce qui fait surtout que nous aimons tant à avoir une place dans l'esprit et le coeur de nos semblables, parce que nous devrions trouver là des miroirs qui augmentassent l'intensité des nôtres et nous aidassent d'autant plus à accomplir le principal et souverain objet de notre existence.<o:p></o:p>

Mais s'il se peut former en nous et hors de nous des miroirs fidèles de nos facultés et de nos trésors spirituels et qui réfléchissent, selon leurs diverses mesures, les abondantes richesses de la vérité, il peut y avoir aussi des miroirs faux qui la repoussent, comme il y a une nullité de miroirs qui la fait seulement cesser de paraître ; c'est ce qui constitue les hommes légers, les imbéciles et les impies ; aussi y a-t-il plusieurs espèces d'adversaires de la vérité, parmi les hommes : les unes de ceux qui ne se servent point de leur pensée ; les autres de ceux qui s'en servent à contresens ; et ces diverses classes sont chacune à un des extrêmes opposés de la vérité.<o:p></o:p>

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Enfin les êtres naturels ont aussi leurs miroirs pour réfléchir le tableau de leurs facultés. Tel est le but et l'objet final de toutes leurs générations et c'est de cette raison finale que dérive l'extrême amour paternel et maternel qui, sans cela, ne se connaîtrait que d'une manière cachée et ténébreuse et n'aurait pas l'évidence de son virtuel pouvoir ni la démonstration manifeste de son existence ; mais c'est à réfléchir les facultés de génération et de conservation que se bornent les miroirs de la classe animale et matérielle ; cette classe n'a pas de miroirs qui lui réfléchissent les traits de ses sagesses et dans lesquels elle puisse se contempler comme fait l'homme ; et elle n'en a pas besoin parce qu'elle n'a point d’œuvres de sagesse à produire.<o:p></o:p>

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La chaîne des miroirs progressifs, dont l'ordre des choses est composé, repose toute entière sur cette hiérarchie d'unités que nous avons établie précédemment ; puisqu'à l'instar de l'unité prédominante, nulle classe d'êtres ne peut exister que dans l'unité partielle de ses propres puissances et ce n'est que par là que chaque classe d'êtres sert de miroir et de lieu de repos à la classe qui est immédiatement au-dessus d'elle ; car toute unité est un miroir.<o:p></o:p>

Voilà pourquoi le poste de l'homme était si important, puisque, s'il est vrai qu'en se maintenant dans l'harmonie de son unité partielle, il devenait le miroir de l'unité suprême et universelle, il ne pouvait manquer, en cessant de se maintenir dans cette harmonie de son unité partielle, de cesser d'être aussi le miroir et le lieu de repos de l'unité prédominante ; et, en même temps, ce miroir de l'homme, en se ternissant, devait rompre la chaîne de tous les miroirs qui se trouvaient après lui et les rendre ternes à leur tour.<o:p></o:p>

C'est ainsi qu'aujourd'hui encore, si l'oeil corporel de l'homme s'altère et s'obscurcit, il n'a plus de communication avec tous les objets naturels qui l'entourent, qui sont sous sa dépendance et qui attendent de lui leur entretien, leur culture et leur embellissement.<o:p></o:p>

 

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Du principe de la beauté<o:p></o:p>

Comme l'homme était né parmi toutes les merveilles émanées de son suprême principe et qu'il était destiné à les manifester dans son enceinte, on ne peut douter qu'il n'eût à la fois et la connaissance parfaite de ce qui constitue le vrai beau et la propriété d'en rassembler dans sa pensée tous les rayons ; cet éclat, cette perfection ne pouvaient se réunir dans sa pensée, sans transpirer et se répandre sur toute sa personne, de manière à lui communiquer les reflets de cette suprême régularité ; observation d'où résultent deux conséquences que l'on ne saurait contester :<o:p></o:p>

La première, que le principe de la beauté n'appartient point à la nature altérée où nous habitons à présent ; que notre forme actuelle n'est plus qu'un faible reste de celle qui nous appartenait par notre origine ; que la définition du beau qui nous le peint comme l'imitation de la belle nature, ne se peut réaliser qu'en nous élevant jusqu'au monde supérieur dont celui-ci n'est qu'un effluve et comme un extralignement et que les artistes nous prouvent cette vérité en allant chercher dans ce qu'ils appellent le beau idéal, tous les principes de la régularité et de la perfection qui ne se trouvent plus dans le beau visible et qu'ils ont grand tort de donner à ce beau idéal un sens imaginaire, qui prouve seulement que le modèle de ce beau idéal n'est plus à leur portée, mais non point qu'il n'existe pas, puisque l'exposition naturelle de tout ce qui a précédé nous démontre son existence nécessaire.<o:p></o:p>

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La seconde conséquence est, que la face de l'homme sur laquelle filtraient tous les rayons de la régularité et de la perfection, qui se rassemblaient dans sa pensée, devait être en effet l'expression vivante et la plus complète de la beauté ; opinion qui nous est restée dans notre dégradation, puisque nous plaçons le visage de l'homme au premier rang, que nous le regardons comme l'archétype de la beauté parmi toutes les formes et puisque nous voyons encore universellement combien il attache de prix à la beauté de sa figure, laquelle figure est la seule partie de son corps où se peignent activement et passivement les mouvements et les expressions de ses pensées les plus cachées et est en même temps la partie de son corps qui est la mieux conservée depuis la chute et qui soit la seule où il se trouve des organes qui ne puisent être couverts sans lui nuire.<o:p></o:p>

Mais de là il résulte aussi une vérité importante et incontestable sur l’œuvre qui nous est propre ; c'est que si le principe de la beauté dont nous devions jouir et que nous avons perdue, ne provenait que de la réunion de toutes les sources pures, qui primitivement coulaient dans l'homme, comme foyer et image de son principe ; il est certain que nous ne pouvons recouvrer notre vraie beauté, qu'autant que nous parviendrons à faire revivre en nous ces sources pures et vivifiantes qui sont les seuls éléments créateurs de ce qui est beau ; observation qui nous est confirmée par l'attention même avec laquelle le sexe qui est le plus curieux et le plus soigneux de sa beauté, cherche aussi à se montrer à nos yeux comme étant doué de toutes les intéressantes qualités qui peuvent nous attacher à lui ; avouant par là que ces vertus semblent devoir être la base et le principe de la beauté et que la beauté ne devrait être que le reflet et l'expression de ces vertus.<o:p></o:p>

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C'est aussi ce que les arts nous témoignent, en ce que si le peintre ou le sculpteur voulaient nous représenter une image personnifiée de quelques vertus, ils ne manqueraient pas de donner à cette image toute la beauté que leur imagination serait capable d'enfanter et qu'ils vont toujours puiser dans l'ordre céleste ou, soi-disant, idéal.<o:p></o:p>

Ce n'est, enfin, que dans cet ordre céleste où nous apprenons à évaluer la défectuosité de notre forme actuelle : car, si nous voulons nous trouver horribles dans cette forme humaine, soit hommes, soit femmes, nous n'avons qu'à penser aux miroirs purs et invisibles qui nous environnent et qui portent en eux-mêmes et sur eux-mêmes l'expression de la vraie beauté.<o:p></o:p>

 

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Source de la primitive dégradation de l'homme<o:p></o:p>

Ce n'est point l'orgueil, comme on l'a cru, qui a été la source de la primitive dégradation de l'homme ; c'est plutôt la faiblesse et la facilité avec lesquelles il s'est laissé séduire par l'attrait de ce monde physique dans lequel il avait été placé comme modérateur et sur lequel il devait dominer ; c'est d'en avoir regardé les merveilles avec une complaisance qui a pris sur son affection essentielle et obligatoire, tandis que ces merveilles ne devaient être que comme très secondaires pour lui, en comparaison de ces merveilles divines elles-mêmes qu'il avait le droit de contempler encore de plus près, puisqu'en qualité de premier miroir il venait immédiatement après Dieu.<o:p></o:p>

L'orgueil n'a pu venir dans l'homme qu'après que sa faiblesse lui-même lui eût ouvert la porte par cette abusive distraction : cet orgueil n'a pu lui venir non plus que par une cause corruptrice déjà existante, mais distincte de lui ; et ici nous allons nous assurer de l'existence de ces anges rebelles dont nous avons déjà parlé et que nous n'avons présentés que sous la couleur mythologique.<o:p></o:p>

Ce sont les enfants qui nous révèlent naturellement la vérité sur cet article. On ne leur voit point d'orgueil dans leur bas âge ; mais on leur voit beaucoup de faiblesse et de facilité à être séduits et attirés par tous les objets sensibles qui les environnent ; un penchant puéril et irréfléchi pour toutes les bagatelles semble être leur caractère particulier, tant que leur âme n'est point encore assez avancée dans ses développements pour éprouver des impressions d'un ordre plus élevé. Quand cette époque est arrivée, quoiqu'ils donnent tous les symptômes de leur goût pour la domination et tous les signes d'une volonté impérieuse et colère, ils ne donnent point ceux d'un orgueil usurpateur et avide d'envahir des puissances supérieures qu'ils ne connaissent point ; ils ne manifestent pas non plus, par cette raison, la cupidité des richesses, parce qu'ils ne connaissent ni ces richesses ni l'orgueil qu'elles inspirent à celui qui les possède.<o:p></o:p>

Mais si quelqu'un, déjà rempli de ces dangereuses connaissances et des vices qui les accompagnent, s'approche de ces jeunes plantes et leur peint le charme de ces objets enchanteurs qui, jusque-là, étaient étrangers pour elles, il fera aisément naître dans leur cœur le désir d'atteindre à ces séduisantes jouissances et l'orgueilleuse cupidité de s'en approprier toutes les sources.<o:p></o:p>

Il est clairement démontré par cette simple analogie qu'il a dû y avoir auprès de l'homme primitif et antérieurement à lui, une source d'orgueil qui lui a ouvert les voies de ce vice, sans quoi il ne l’aurait jamais connu, ou au moins ce n'eût pas été là le principe de son égarement. Ainsi, les traditions qui nous annoncent un ange rebelle antérieur à l'homme, ne nous présentent que ce que les observations qu'on vient de voir démontrent par la simple révélation naturelle : ainsi ceux qui ont condamné et révoqué ce point des traditions universelles, n'ont pas fait un usage assez réfléchi de leur discernement et quand ils ont voulu expliquer l'origine des choses, sans cette clef, ils ont contredit la nature de l'homme qui, dans son enfance, leur offre cette clef visiblement.<o:p></o:p>

Ils auraient donc mieux fait d'examiner la chose de plus près et peut- être auraient-ils reconnu à quel point de subtilité cet ange rebelle a porté l'astuce, puisqu'en faisant agir la plupart des humains à son gré, il leur a persuadé qu'il n'existait pas et cela parce qu'il se tenait enveloppé dans sa ruse, comme un joueur de marionnettes se tient caché aux yeux des spectateurs et ne paraît pas toucher aux automates qu'il fait mouvoir.<o:p></o:p>

On pourrait ajouter ici, que quant à l'orgueil divin, dont les premiers anges se laissèrent entacher, les hommes sont communément à son égard comme les enfants, c'est-à-dire, qu'ils sont plus enclins à se laisser séduire par de frivoles illusions et à laisser là Dieu, comme font les soi-disant athées, qu'à vouloir Le combattre et s'emparer de Son trône.<o:p></o:p>

On va sans doute me demander la clef de la rébellion de ces anges eux-mêmes ; elle se trouvera, comme toutes les clefs, dans la voie simple de l'observation.<o:p></o:p>

Si l'existence de ces anges rebelles et orgueilleux antérieurs à l'homme est démontrée par la marche de notre enfance, la raison nous dit que pour qu'ils aient eu l'occasion de devenir tels, il faut qu'ils aient habité une région encore plus séduisante que celle où l'homme primitif fut placé ; il faut qu'ils aient habité une région toute embellie, au lieu que l'homme avait à réparer la sienne, ou plutôt celle que ces anges rebelles avaient dégradée, en laissant ternir leur miroir : car, une région qui demande d'être réparée, suppose nécessairement qu'elle a été dans un état où elle n'ait pas eu ce besoin et qui soit comme le terme de perfection auquel il faut porter la région qui manque de cet embellissement.<o:p></o:p>

Or, plus cette région que les anges rebelles habitaient était embellie, plus les principes de la beauté étaient près d'eux et à découvert et, par conséquent, plus ils avaient occasion d'être tentés de s'en emparer, comme on voit ici-bas l'orgueil naître et s'accroître dans les savants humains, à mesure qu'ils s'avancent dans les connaissances qui les occupent et qu'ils dévoilent les principes des choses, tandis que celui qui n'est qu'à l'entrée de ces découvertes, ne goûte encore que l'attrait et le charme de la science et n'en connaît pas l'orgueil et tous les ravages qu'il engendre.<o:p></o:p>

Enfin, nous voyons même qu'ici-bas ce sont communément les grands et autres illustres personnages placés près des rois, qui conspirent contre eux et veulent s'emparer de leur trône. Ceux qui ne sont encore que délégués et simples fonctionnaires peuvent bien sacrifier d'abord leurs devoirs à leurs plaisirs ; ils peuvent même se laisser corrompre dans l'administration de leur emploi ; mais ils ne commencent guère ordinairement par vouloir usurper la couronne.<o:p></o:p>

En même temps, pour que la cupidité orgueilleuse de ces anges ait pu leur être imputée comme un crime, il faut qu'ils aient eu le pouvoir de ne la pas laisser naître en eux et il leur aurait suffi pour cela de penser qu'il y avait encore un centre impénétrable, après les magnifiques merveilles dont ils étaient les témoins.<o:p></o:p>

Il faut donc qu'ils aient été eux-mêmes le principe de cette ambition, d'après ce que nous avons vu sur la liberté, dans le paragraphe sur l'amour universel. Il faut aussi que leur chute ait été plus grave que celle de l'homme, puisque leur faute a dû commencer par un crime et que celle de l'homme n'a dû commencer que par une séduisante déception, attendu que sa science ne pouvait pas être d'abord aussi développée que la leur, quoique, si elle eût suivi son cours et qu'elle eût atteint son complément, elle eût fini par l'être davantage, puisqu'il eût réuni la sienne et la leur ; toutes observations simples et naturelles qui nous permettent alors de voir, sans défiance, toutes les traditions de la terre, nous montrer l'homme primitif comme devant passer par une épreuve et quelques-unes de ces traditions nous le peindre recevant ce précepte :Soumettez la terre et la dominez ; et nous le représenter ensuite dans un jardin paradisiaque, qui n'était que l'initiative du perfectionnement et de l'embellissement qu'il aurait dû étendre successivement sur toute la terre : observations, enfin, qui nous offrent à la fois et la clef et la liaison des deux prévarications primitives, sans que nous ayons besoin d'employer impérieusement et exclusivement des révélations pour preuves sur ce point, puisqu'il nous suffit, pour n'en pouvoir douter, d'observer ce qui se passe journellement sous nos yeux.<o:p></o:p>

 

Du premier adultère<o:p></o:p>

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De même que si l'homme fût resté dans sa gloire, sa reproduction eût été l'acte le plus important et qui eût le plus augmenté le lustre de sa sublime destination, de même aujourd'hui cette reproduction est-elle devenue exposée aux plus grands périls. La raison en est que lors du premier plan, il vivait dans l'unité de toutes ses essences et que, par son union avec sa source, ses reproductions eussent toutes participé aux avantages de cette unité, qu'elles auraient perpétuée à leur tour ; au lieu que, selon le plan actuel, les essences étant divisées, leur fruit peut souffrir de l'incertitude et du mode de leur réunion.<o:p></o:p>

En effet, l'homme devait puiser les modèles de son image dans la source ; mais il devait la modifier dans soi-même, ou de sa propre forme, pour que cette image fût de son espèce et qu'elle portât sa ressemblance ; or, en se laissant entraîner à l'attrait de la puissance de ce monde, il a bien eu toujours le même modèle à retracer, mais il n'a plus eu le même matras pour le modifier ; attendu que la région de ce monde est une région mixte où le simple n'est pas connu ; en un mot, comme il a transporté son amour et l'a incliné sur cette région terrestre dont les mesures sont toutes à part les unes des autres ; il a été cause par là que son amour s'est trouvé séparé de lui.<o:p></o:p>

C'est ainsi que nous voyons tous les jours notre amour se détacher de nous et s'emprisonner dans les objets et les régions externes où nous le laissons s'extraligner et qui dès lors deviennent comme des matras exclusifs, mais étrangers, dans lesquels seuls il pourra désormais établir la base de son action, tandis que nous ne devions la lui laisser établir que dans son siège naturel qui est nous-mêmes ; attendu que c'est là où elle trouverait rassemblés tous les éléments vivificateurs de sa source et qu'en outre, c'est une loi de la régularité même qu'un être et le signe de son action soient dans la même circonscription.<o:p></o:p>

Aussi une preuve de notre dégradation est que ce soit la femme terrestre qui engendre aujourd'hui l'image de l'homme et qu'il soit obligé de lui confier cette oeuvre sublime qu'il n'est plus digne d'opérer lui-même. Néanmoins la loi des générations des divers principes, tant intellectuels que physiques, qui composent l'homme est si impérieuse et si souverainement puissante, qu'en quelque région qu'il porte son désir, il y trouve bientôt un matras, quel qu'il soit, pour recevoir et modifier son image : vérité immense et terrible qui embrasse depuis la région primitive de l'homme jusqu'à la région des abîmes et qui donne la clef de toutes ces corporisations mixtes et difformes dont on nous offre tant d'exemples dans les histoires traditionnelles des peuples, dans l'histoire mythologique et dans l'histoire physique ; vérité qui, en même temps, nous montre à combien de dangers et d'altérations est exposée la génération de l'homme depuis sa chute, puisque toutes les images qui proviennent de lui, se modifient selon les lois de la région, de la classe et de l'espèce, soit visible, soit invisible, vers lesquelles il laisse incliner son désir ; vérité, enfin, qui nous offrirait de si terribles dégradations dans ces images, que la pensée s'en désespérerait.<o:p></o:p>

Car qui oserait se reposer sur la consolante possibilité que les germes innocents de ces plantes, après avoir subi forcément la prison t tyrannique d'un matras étranger, pussent, quand ils atteignent leur floraison, soit dans ce matras, soit hors de ce matras, recevoir le secours d'une action plus pure qui les rendît à l'usage de leur liberté et qui les mît dans le cas de rentrer dans la régularité de leurs lois ?<o:p></o:p>

Nous ne trouvons aucun indice de cette conjecture, dans la classe de ce que nous appelons révélations naturelles ; attendu que ces révélations naturelles peuvent bien être un miroir de tout ce qui a rapport à la restauration de la première faute et de ses suites ; mais non pas de ce qui a rapport aux abus que l'homme peut faire de cette restauration même ; vu que la sagesse suprême ne s'étant pas engagée d'aller jusque là, nous ne saurions trouver autour de nous aucun reflet de sa marche, dans ces circonstances.<o:p></o:p>

Bornons-nous donc à dire, tout en gémissant sur les dangers de la génération de l'homme, que vu l'inexprimable munificence de l'éternelle sagesse, l'union primitive est encore possible pour l'homme qui a un véritable zèle pour la propagation de la justice, que c'est là ce qui fait la sainteté du mariage, que par là la génération humaine aurait pu encore rester intacte et qu'ainsi c'est la faute de l'homme si elle s'altère.<o:p></o:p>

En effet, cet hermaphrodisme primitif, qui seul constate et opère universellement l'unité génératrice ; cet hermaphrodisme indispensable, mais si dénigré par le commun des hommes et si peu entendu, on peut en apercevoir encore aujourd'hui des témoignages intellectuels et physiques. Pour ces derniers, il suffit, d'une part, de considérer les seins de l'homme : car ils sont évidemment un caractère d'hermaphrodisme ; attendu que c'est ce que l'homme a conservé du genre féminin qu'il n'a plus. La physiologie nous apprend, de l'autre part, ce qui reste à la femme de cet ancien hermaphrodisme et que ce reste est du genre masculin, tant la loi par laquelle ils ne devaient faire qu'un, a de force et laisse partout des traces de son empire.<o:p></o:p>

Mais il fallait aussi que l'homme eût l'hermaphrodisme de son moi intime et il faut que les essences de ce moi intime, si clairement partagées aujourd'hui entre l'homme et la femme, recouvrent leur hermaphrodisme ou leur unité dans l'union conjugale, comme le font leurs essences élémentaires.<o:p></o:p>

Et, pourrions-nous douter de cet ancien privilège du moi intime de l'homme, quand nous voyons que notre esprit porte encore, comme Dieu, son enveloppe ou sa terre avec lui-même ? Si nous nous sondons profondément et jusqu'à notre centre, nous trouverons encore en nous un terrain capable de recevoir nos propres pensées et où nous pourrons les faire germer, sans les déposer dans des matras étrangers comme nous y sommes obligés pour notre génération animale et comme le sont la plupart des végétaux pour leurs germes respectifs. Ce trait de lumière est suffisant pour faire faire du chemin à l'intelligence.<o:p></o:p>

On voit également ici pourquoi nous devons tant surveiller la distribution de nos pensées, pour ne les pas semer, hors de nous, dans des terrains qui ne leur seraient pas analogues ; pour ne les placer que dans des matras qui soient animés du même esprit et qui puissent les aider à accroître la bonne récolte au lieu de la diminuer ou de la corrompre ; et, enfin, pourquoi la loi divine a été si sévère contre les nations criminelles qui ont ainsi abusé des privilèges de leurs pensées ou qui ont servi à infecter celles des autres peuples.<o:p></o:p>

On voit aussi que cet hermaphrodisme primitif spirituel qui nous est propre, est le caractère distinctif de la divinité, qui a en elle tout ce qui est nécessaire à son éternelle et universelle génération, sans qu'aucune altération ni aucun mélange étranger puissent jamais approcher d'elle.<o:p></o:p>

 

La mère de famille<o:p></o:p>

Entrons ensemble dans la maison d'une mère de famille, environnée de ses enfants ; voyons la santé, la joie, le bonheur remplissant les paisibles habitants de cette retraite ; voyons tous les gestes de cette mère vive et tendre, tous ses mouvements, tous ses regards, verser son amour dans ces jeunes rejetons qui l'entourent et le transfuser, pour ainsi dire, dans tout leur être ; voyons la repomper ce même amour dans leurs yeux animés et lui offrant les expressives et délectables images d'un être pur, en qui la vie commence, qui se sent créer, qui se dilate, qui dit en silence à sa source : c'est de vous que je tiens cette délicieuse existence.<o:p></o:p>

Voyons ensuite ces mêmes enfants se livrer avec transport aux jeux de leur âge et répandre à leur tour sur les objets animés ou non qui sont sous leur main, la surabondance de joie qui les remplit et qui n'est si active et si facile à s'épancher que parce que leur être repose entre l'amour et l'innocence ; et nous aurons en nature le tableau réduit du premier ordre des choses.<o:p></o:p>

Mais une maladie grave atteint un de ces enfants, ou un accident le blesse ou le mutile dans un ou plusieurs de ses membres ; nous voyons, sur le champ, l'amour maternel prendre un nouveau caractère. De cet état calme qu'il offrait au milieu de ses paisibles jouissances, nous allons le voir passer aux agitations d'une tendresse inquiète et tremblante pour ce qu'il a de plus cher ; nous allons voir cette mère sacrifier son repos, son sommeil, désirer de sacrifier sa vie même, pour sauver ce fruit de sa propre substance ; nous allons la voir employer toutes les conceptions de son esprit à imaginer les moyens de parvenir à son but ; nous allons la voir comme introduisant son propre cœur dans toutes les blessures de son fils, lui composant, avec des désirs créateurs, un nouveau corps et de nouveaux membres, ou plutôt venant prendre place elle-même, par sa pensée, dans ceux dont son mal peut le priver, se moulant dans leur propre forme et s'y attachant jusqu'à ce qu'elle en ait conçu le parfait rétablissement ; nous la verrons ne pouvant charmer sa douleur que par ces industrieuses fictions de son amour et que quand, en se transformant ainsi toute entière, elle peut goûter l'espérance de créer de nouveau celui qu'elle aime et de voir renaître en lui son image.<o:p></o:p>

Pour remplir cet objet qui la touche de si près, que demande-t-elle à son fils ? Rien autre chose que de correspondre à ses tendres sollicitudes ; qu'un acquiescement volontaire au traitement que son état exige ; que de laisser pénétrer en lui tous les baumes réparateurs qu'elle injecte elle-même dans ses plaies ; enfin, que d'unir tout ce qui lui reste des puissances de sa vie à toutes les puissances actives du cœur de sa mère ; puisque ce n'est que par ce concours indispensable qu'il peut recouvrer sa santé et qu'elle peut recouvrer son bonheur.<o:p></o:p>

Le malade ne se refuse point à ces soins bienfaisants qui lui sont offerts et prodigués. Son propre besoin le rend docile ; il se rétablit. Mère, réjouis-toi, mais que ton fils se réjouisse encore davantage, non pas seulement de ce qu'il a recouvré la santé qu'il avait perdue, mais de ce que tu es entrée plus avant dans son être ; de ce qu'il te porte désormais toute entière en lui par son amour, au lieu qu'il ne t'y portait auparavant que par ta substance ; de ce que ton cœur et le sien ne font plus qu’un ; de ce que, si c'est une chose si douce pour ton amour générateur, de posséder ta production après t'être rendue semblable à elle, afin de la créer une seconde fois : c'est une chose plus douce encore pour la production, de sentir descendre en elle son principe générateur, de le posséder tout entier, d'être comme confondu avec lui par une union inséparable.<o:p></o:p>

Âme humaine, je ne crains point de t'abuser en t'engageant de lire ici le tableau des événements les plus importants qui te soient arrivés et qui te concernent. Les sophistiques bourdonnements des imposteurs ont pu remplir quelquefois tes oreilles et t'étourdir sur tes douleurs ; mais ils n'en ont pas enlevé la cause ; ils ne les ont même pas apaisées. Tu souffres ; eh ! Qui sans frissonner pourrait se faire une idée de tes souffrances ! Tous tes membres sont brisés ; toutes tes liqueurs sont viciées et corrompues ; il n'y a pas une partie de ton être qui ne soit une plaie vive et qui ne doive te causer des maux cuisants. Ton élévation était grande, puisque par ta nature tu devais être l'apanage du principe universel de toutes choses et approcher assez près de sa gloire pour la faire réfléchir vers lui et lui en présenter, en toi, de ravissants témoignages. Si tu n'étais tombée d'une telle hauteur, te serais-tu ainsi écrasée si cruellement dans ta chute ?<o:p></o:p>

Mais ce déplorable malheur t'arriva sous les yeux de ta mère, puisque tu étais placée auprès d'elle et que tu habitais dans sa demeure ; elle te vit tomber et à l'instant son cœur tressaillit et se précipita vers toi pour tempérer la violence du choc. Quand elle aperçut les horribles blessures que tu t'étais faites, sa tendresse n'eut plus de bornes et son amour ne pouvant plus se contenir, elle ne sentit plus d'autre affection que celle de te rendre à la vie et de régénérer tout ton être. Son amour, qui tout à l'heure était calme et serein, prit aussitôt le caractère du zèle le plus ardent ; comme dans la violence de ta chute, tu avais brisé en toi son image et que cette image était ta vie, pouvait-elle, cette mère souverainement tendre, faire moins pour toi que les mères naturelles ne font pour leurs enfants ?<o:p></o:p>

Non, elle rassembla aussi dans son coeur toutes ses pensées restauratrices ; elle ne put empêcher ses désirs de lui peindre pour sa consolation et de lui figurer comme rétablie, cette image que tu ne portais plus et qui faisait l'objet de son amour ; mais les désirs de ce suprême générateur, étant vivants et plus efficaces que ceux de l'homme, ne pouvaient se faire sentir sans créer en même temps cette image, selon toutes les proportions de sa première existence.<o:p></o:p>

Alors ce cœur maternel, devenu lui-même cette image et s'étant rendu le fruit de ses propres désirs, se porta par le même penchant jusque dans la racine de ta vie, il s'insinua jusque dans les plus profondes sinuosités de tes plaies ; il ne craignit point de se plier douloureusement à toutes les formes de ses membres brisés, afin qu'ils pussent reprendre à leur tour toutes les formes de l'image qu'il te rapportait ; et se promettant bien, quels que fussent les obstacles que dût éprouver son entreprise, quelle que fût la longueur des temps qu'elle exigeât avant d'avoir atteint ses plus importantes époques, de ne la point abandonner qu'il ne l'eût amenée à son terme ; c'est-à-dire, que cette créature divine, ce Dieu modifié par son désir, d'après le modèle de l'âme humaine, ce Dieu - homme, enfin, ne se fût établi en toi, ne vécût en toi et ne laissât rien en toi qui ne fût Lui-même.<o:p></o:p>

Me demanderas-tu, comme dans l'exemple de la mère naturelle : Qu'est-ce qu'Il te recommande pour qu'une pareille oeuvre s'accomplisse ? Âme humaine, je ne puis et faire qu'une réponse semblable à celle que tu as vue : c'est de marier sans relâche, dans tous les lieux et dans tous les instants, ton désir avec Son désir, ton amour avec Son amour, puisque depuis qu'Il a souhaité de ne faire qu'un avec toi, tu ne peux être ennemie de ta guérison sans le séparer d'avec Lui-même, sans être ennemie de ta guérison.<o:p></o:p>

Je ne te peindrais pas aussi facilement ni aussi brièvement que dans l'exemple de la mère de famille, les délices que ta source et toi doivent attendre si tu réponds à la voix et aux soins de celui qui oublie sa propre vie, pour réhabiliter la tienne ; ces ineffables transports sont plus vifs et plus substantiels que ceux qui accompagnent le recouvrement de la santé corporelle et les mouvements d'une reconnaissance humaine : d'ailleurs, ils ne doivent se faire sentir que progressivement et en raison des divers résultats qui tiennent à ta véritable guérison.<o:p></o:p>

Ce sera donc en parcourant selon tes forces ces différents résultats, que tu apprendras à connaître le prix de ce que ta source a fait pour toi ; c'est par là que tu apprendras à t'attacher encore davantage à ses bienfaisantes ordonnances ; c'est par là, enfin, que tu apprendras à lui faciliter de plus en plus les moyens d'accomplir en entier, dans toi, une oeuvre qu'elle désire encore plus que toi.<o:p></o:p>

 

Résultats de la dégradation de l'homme<o:p></o:p>

Voyons ce qui arrive dans les chutes journalières qui se font tous les jours sous nos yeux : qu’un homme tombe dans l'eau, dans la boue, dans les ronces, il ne se relève que tout imprégné, tout souillé, tout défiguré par l'action des divers éléments ou les diverses substances qui se sont comme combinées avec lui et qui le rendent méconnaissable. Qu'il tombe dans un gouffre volcanique et sur des rochers anguleux, ce sera pis encore, parce qu'avec ces premiers accidents il éprouvera encore celui d'avoir tous les membres brisés, ou brûlés et peut-être tous les deux ensemble.<o:p></o:p>

Rappelons-nous ici que nous avons parlé de l'ancienne beauté de l'homme et de la supériorité des essences de sa première forme, sur les essences de sa forme actuelle.<o:p></o:p>

Rappelons-nous combien les éléments corrosifs, qui composent la nature actuelle, sont éloignés de ces propriétés harmoniques et vivifiantes, dans le sein desquelles il avait pris naissance et dans lesquelles il avait le pouvoir de se fixer à demeure.<o:p></o:p>

Rappelons-nous aussi ces agents rebelles et orgueilleux, dont nous avons prouvé l'existence antérieurement à l'homme ; puisque, sans eux, il n'aurait pu connaître l'orgueil, comme les enfants n'en connaissent point avant que les personnes corrompues ne le réveillent en eux ; et nous aurons là  la fois ces rochers anguleux, cette eau, cette boue, ces ronces, ce gouffre volcanique, enfin toutes ces actions hétérogènes et pernicieuses avec lesquelles l'âme humaine s'est trouvée combinée dans sa chute et qui avaient tellement défiguré et souillé sa forme corporelle primitive qu'elle était comme si tous ses membres eussent été rompus et qu'elle n'offrait plus aucun trait qui pût la faire reconnaître.<o:p></o:p>

Car, si nous découvrons que l'homme avait primitivement pour objet l'embellissement et le perfectionnement de la terre, pour y faire briller les merveilles de son principe, la puissance perverse, depuis qu'elle s'était corrompue elle-même, avait l'objet opposé qui était au contraire de dégrader toutes les formes de cette terre et particulièrement celle de l'homme qui n'était envoyé que pour rétablir l'ordre et repousser les efforts de cette puissance perverse ; comme nous sentons tous que nous avons encore la même tâche dans l'ordre moral et dans l'ordre de l'esprit.<o:p></o:p>

Mais nous voyons, même matériellement, que tel était l'état des choses, puisque la puissance de l'air ne cesse de corroder toutes les formes que la nature engendre et de s'efforcer de déformer toutes les créatures qui ne résistent à son action que tant que leur principe de vie existe en elles et qui succombent à cette puissance destructive, dès que ce principe de vie leur est retiré.<o:p></o:p>

Or, dans ce ravage universel, que l'air opère sur toutes les formes de la nature, nous voyons que celle de l'homme est plus exposée qu'aucune autre, puisqu'il est le seul être, ici-bas, qui soit chargé de s'habiller, tandis que la nature a fait tous les frais du vêtement des autres animaux.<o:p></o:p>

En outre, il paraît sentir lui-même que cette forme humaine si mélangée de principes corruptibles, si souillée, si capable de répandre l'infection, n'était point analogue avec lui et ne pouvait trop se dérober à ses yeux, puisqu'il est le seul animal qui enterre ses morts : usage qui, en montant d'un degré, est censé soustraire le cadavre humain à des puissances impures ou à la milice des astres dont nous examinerons l'empire en son lieu ; usage enfin qui révèle aussi la prééminence que la forme primitive humaine avait sur toutes les autres formes et le respect qui devait lui être porté.<o:p></o:p>

Âme humaine, c'est donc pour te retirer de cet effroyable abîme et de ce lamentable état désordonné où tu étais tombée, que ta bienfaisante mère vola à ton secours ; c'est pour te réhabiliter dans ton état régulier qu'elle a injecté de nouveau en toi l'essence de toutes les vertus, ainsi que de ce corps primitif et pur que tu portas dans ton origine et qui devait servir d'organe aux merveilles de ton principe : si c'est ton égarement libre et volontaire qui te fit perdre cette superbe parure, ce ne peut être que ton retour sincère et libre qui te la fasse recouvrer et tu ne la recouvreras jamais que tu ne t'en sois rendue digne par ta fidélité à suivre les travaux auxquels te condamne ton traitement ; comme ce n'est qu'après avoir purgé ton décret, qu'on rend ici-bas, à un illustre coupable, les habits de gloire et les marques de ses dignités.<o:p></o:p>

Et ce n'est point ici comme dans la fausse marche des hommes, un vain signe d'orgueil ; c'est une décoration inhérente à ta véritable destination et de même que tu ne peux remplir ta véritable destination, ou manifester les merveilles de ton principe que par l'intermède puissant de cette décoration, de même aussi cette décoration ne peut t'être rendue qu'à mesure que tu deviens en état de remplir ta destination.<o:p></o:p>

Aussi regarde le peu de merveilles que tu manifestes avec ce corps infect et ténébreux que tu portes aujourd'hui, depuis que tu t'es livrée à une fausse affection ; vois comme il amortit les élans et les désirs que tu nourris en toi pour la manifestation de ces superbes merveilles de ta source originelle et reconnais par là s'il n'est pas réellement une prison pour toi.<o:p></o:p>

Remarque également, qu'après les effroyables dangers où ta chute t'a exposée, qu'après la privation où elle t'a mise de toutes les facultés et de toutes tes lumières, il n'est pas étonnant que tu sois si souvent dans le délire, ainsi que cela arrive journellement dans les maladies ordinaires. Ta bienfaisante mère s'en aperçoit fréquemment aux discours insignifiants et aux doctrines hasardées qui sortent de ta bouche, à mesure que tu reviens à toi même et que la parole t'est rendue. Elle reconnaît dans ces vertiges le pouvoir de voisins importuns qui viennent de contrarier ses remèdes et croiser, dans ta pensée, tous les biens qu'elle cherche à te procurer et toutes les connaissances dont elle voudrait te remplir.<o:p></o:p>

Mais, comme elle est à la fois le médecin le plus habile et le plus bienfaisant, elle ne cesse de substituer ses excellents remèdes à toutes les recettes des empiriques qui t'obsèdent et son zèle charitable ne s'épuise point malgré tes négligences et ton insensibilité pour elle.<o:p></o:p>

 

Murmures de l'irréflexion<o:p></o:p>

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En se bornant aux seuls dangers où nous a livrés la chute de l'espèce humaine, l'homme irréfléchi qui ne juge que par son être externe, est choqué dans son apparente justice, de se voir exposé aux suites d'une faute qu'il n'a pas commise et il se demande avec murmure : pourquoi suis-je livré à un état si pénible et à une situation si gênante que celle où se trouve la famille de l'homme ?<o:p></o:p>

Mais il pourrait se dire aussi : l'âme primitive avait autrefois le pouvoir de se créer à elle-même sa similitude avec son principe ; et à moins d'être Dieu Lui-même, elle ne pouvait avoir un titre et un droit qui lui donnassent une plus grande affinité avec cette unité prédominante. Or, cette loi a suivi cette âme primitive dans sa dégradation et elle l'accompagne dans toutes ses générations. Ce pouvoir sublime, je ne l'ai donc pas perdu, malgré les entraves où je me trouve. Ma loi originelle m'est transmise avec la vie et dès que je peux la remplir encore, le bonheur ne m'est pas interdit, puisqu'il n'y a de bonheur pour un être qu'autant qu'il atteint l'objet de sa loi. <o:p></o:p>

Enfin, je puis encore jouir des droits de mon origine et je puis tellement m'unir à ma source que ma privation soit pour moi comme n'étant pas et que peut-être j'aide même à diminuer le mal général de la première chute.<o:p></o:p>

Si je ne me sens pas l'énergie suffisante pour prétendre à une entreprise aussi sublime, au moins ma simple raison devrait m'apprendre à calmer mes murmures : car, en effet, si l'âme primitive ne se fût jamais écartée de sa loi, n'aurais-je pas profité des fruits glorieux qui seraient provenus de sa fidélité et cela cependant sans que j'eusse auparavant coopéré à sa justice ni que j'eusse été pour rien dans ses vertus ? Et sûrement je n'aurais rien trouvé à redire alors à mon heureuse destinée, quoique, malgré sa douceur, elle eût été si gratuite pour moi ; pourquoi voudrais-je donc, dans le cas contraire, exclure l'alternative ? Et n'est-ce pas un mouvement précipité de ma part, que de prétendre que la chance ne soit pas égale.<o:p></o:p>

C'est donc là ce que devraient se dire ceux qui se pressent trop sur cette question.<o:p></o:p>

Qu'ils sachent, qu'à moins d'anéantir l'arbre, il est indispensable que les branches qu'il porte, ne participent aux accidents de la racine ;<o:p></o:p>

Qu'ils sachent que l'arbre humain n'étant pas Dieu, il est indispensable que sa racine n'ait eu le pouvoir de s'altérer comme de se maintenir dans son intégrité, sans quoi elle n'aurait eu aucune différence d'avec le principe qui lui a donné l'être ;<o:p></o:p>

Qu'ils n'oublient pas le remède puissant qui, étant universel, s'est trouvé, dès l'origine, à côté de nos maux, comme il s'y trouve encore, avec plus de réalité et plus d'abondance, que l'air n'accompagne le premier de nos besoins matériels, celui de respirer et qui peut, si nous nous y prêtons, nous amener jusqu'à connaître la vie même, au lieu de cet état de mort dans lequel nous languissons ;<o:p></o:p>

Qu'ils choisissent ensuite et qu'ils décident laquelle de ces deux destinées serait préférable, ou de n'avoir pas reçu l'être, ou bien d'avoir reçu une vie pénible et laborieuse ; mais avec le pouvoir et la certitude de la transformer dès à présent, s'ils le veulent, en une existence délicieuse et qui leur retrace les merveilleuses sublimités de notre état originel.<o:p></o:p>

Si ces hommes trop prompts veulent peser ces deux destinées, je ne doute pas de quel côté ils feront pencher la balance : car il n'y a que l'homme aveugle et insensé qui puisse exiger ces jouissances comme un droit et qui murmure contre les efforts qui nous restent à faire pour les obtenir ; et s'ils voulaient murmurer contre la nature des choses, ce serait murmurer contre leur souverain principe et se plaindre de n'être pas Dieu. <o:p></o:p>

Ils se persuaderont même aisément de la justesse des tableaux consolateurs que je viens de leur offrir, quand ils feront attention que par le crime, les facultés de l'âme humaine n'ont point été anéanties, qu'elles n'ont été que séparées ; mais que le même principe qui les anima, c'est-à-dire, cet universel amour qui constitue l'unité prédominante et qui ne les perd point de vue, leur a rendu, dès l'instant de cette séparation, le mouvement qui leur est nécessaire pour se réunir et reprendre leur unité.<o:p></o:p>

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Ils pourront aussi apercevoir une révélation naturelle de cette vérité, dans la marche journalière de l'esprit de l'homme. Plus il s'élève dans les contemplations des choses divines et harmoniques, analogues à son essence, plus il sent ses facultés s'ordonner et se rassembler dans l'unité, au point qu'elles ne sont plus retardées dans leur cours, par le règne des objets secondaires, dont même l'étude et l'observation peuvent les aider encore à s'étendre et à se développer ; parce que les lois de toutes les diverses classes sont comme les traductions les unes des autres et que l'esprit de l'homme, éclairé de sa vraie lumière, lit dans toutes le caractère de l'universelle unité.<o:p></o:p>

Si l'homme au contraire détourne sa vue de ce flambeau universel, si l'attrait de ces choses secondaires et bornées l'entraîne et qu'il se néglige jusqu'à tomber sous leur empire, alors ses facultés se partagent, le combat s'établit entre elles et l'homme est dans un état de souffrance plus ou moins considérable, selon que le partage de ses facultés est plus ou moins grand.<o:p></o:p>

Cependant ses facultés ne se sont point détruites, elles ne sont que dans la désharmonie et le pouvoir de cette unité qu'elles ont connue, vient de temps à autre leur en retracer le souvenir.<o:p></o:p>

C'est là ce mouvement qui peut, si elles l'écoutent, les rétablir dans leur ordre et les aider à reprendre leur consonante régularité, comme cela arrivera à tout homme qui y voudra faire attention et y employer sa constance et ses exemples instructifs selon des témoins non suspects des grandes vérités vers les quelles nous tâchons de porter la pensée de l'homme : car, le premier effet de ces vertiges, auxquels il est exposé depuis l'altération de son espèce, est de lui voiler les moyens de réhabilitation qui lui restent et de ne lui laisser apercevoir que les précipices que l'environnent : aussi de combien de rêves affligeants et effrayants, le sommeil spirituel où il est continuellement, ne se trouve-t-il pas rempli ?<o:p></o:p>

 

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Les maux et les biens s'étendent dans toute la circonscription de chaque chose<o:p></o:p>

La circonscription d'un être dans l'ordre physique, est l'ensemble de tout ce qui compose son existence.<o:p></o:p>

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Dans l'ordre de la gloire et de l'autorité, c'est tout ce qui est renfermé dans sa juridiction, tel qu’une principauté, un royaume, un empire.<o:p></o:p>

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Dans l'ordre de l'esprit ce sont nos pensées et les liens d'amour qui font que nous ne sommes qu'un avec les âmes auxquelles nous nous attachons par la vertu et le désir de l'avancement du règne de la justice.<o:p></o:p>

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Dans l'ordre divin, c'est l'universalité.<o:p></o:p>

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Pour qu'un être jouisse physiquement du bonheur de son existence, il faut que dans toute sa circonscription, il soit sain et constitué selon toute la régularité de sa nature ; mais de même que le principe de sa vie, quand il est sain, porte la santé et le bonheur dans toute son existence, de même aussi, quand il ne l'est pas, il étend son pouvoir infect dans toute l'existence et la circonscription de ce même être.<o:p></o:p>

S'il en est de même dans l'ordre de l'autorité, nous devons croire que ces mêmes lois se sont accomplies sur ces êtres égarés, que nous venons de reconnaître comme ayant dû être coupables avant l'homme. Leur pouvoir, s'il se fût maintenu dans son ordre, aurait porté la vie et la paix dans tout leur empire : en se désordonnant, il a dû également porter son influence désorganisatrice dans toute sa circonscription.<o:p></o:p>

Et c'est là sans doute l'origine de ce chaos, que tant de philosophes ont admis comme le berceau du monde physique ; mais dont ils n'ont pas connu les éléments constitutifs quand ils ont dit que l'univers avait été fait de rien, puisque ce chaos devait être composé des débris de la circonscription régulière qui venait d'être brisée et des vertus restauratrices que la source supérieure dût y introduire pour en arrêter la ruine totale : vérité sur laquelle toutes les traditions se sont accordées, en peignant ce chaos comme renfermant le bien et le mal, le chaud et le froid, la lumière et les ténèbres, le ciel et la terre, etc.<o:p></o:p>

En effet, si une violette, venant de naître, disait qu'il n'y avait rien avant elle, qu'elle vient de rien et que le chaos d'où elle sort n'est rien, on lui répondrait : Vous êtes venue d'un germe, dont les principes se trouvaient dans cette nature universelle que vous voyez autour de vous ; ce germe avait, selon sa mesure, la perfection ou la vie qui lui était propre ; lorsqu'on vous a renfermée dans le sein de la terre, qui était nue et déparée, pour lui rendre son ornement, vous vous êtes trouvée dans un chaos ; mais ce chaos était si peu le rien, qu'il était le combat de la vie qui était en vous et de la mort ténébreuse où l'on vous avait introduite. Ce combat a produit une réaction qui vous a fait développer vos forces et vous a mise dans le cas de manifester toute la somme de vie et de propriétés dont vous êtes dépositaire.<o:p></o:p>

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Cette image peut aider à éclaircir nos idées sur le chaos, en attendant que nous nous occupions de la nature en elle-même, dont il a été le foyer et comme la matrice.<o:p></o:p>

Lorsque ce chaos eut fait son explosion et que l'univers eut pris sa forme, laquelle ne pouvait s'étendre que jusqu'à cette première circonscription qui avait été désorganisée, l'homme chargé de maintenir alors dans cette enceinte l'ordre qui venait d'y être dicté, aurait successivement porté son pouvoir régulateur et administrateur dans toutes les parties de cette circonscription ; il y a porté un pouvoir contraire, en n'étant pas fidèle à son emploi.<o:p></o:p>

Aussi le mal a-t-il dû s'étendre de nouveau dans toute la circonscription.<o:p></o:p>

Aussi ce monde doit-il avoir reçu une double plaie, ce qui augmente infiniment aujourd'hui la tâche de l'homme, mais n'empêche pas que sa qualité primitive d'être appelé à une oeuvre de restauration, ne demeure très reconnaissable à tous les actes que nous lui voyons opérer journellement, ainsi que nous l'avons déjà observé.<o:p></o:p>

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Ces premiers principes sont posés sur des bases à la portée de tout esprit réfléchissant, puisque nous avons reconnu l'altération de l'homme, qui en suppose une antérieure à la sienne ; puisque nous voyons l'homme démontrant lui même journellement l'esprit de sa vocation primitive ; puisque nous voyons le mélange des qualités bonnes et mauvaises qui se combattent dans toute la nature physique ; puisque l'effet de l'altération a dû s'étendre à tout l'univers, c'est-à-dire, à toute la circonscription invisible où ce monde physique a pris naissance, vu que le mal comme le bien saisit toute la circonscription de chaque chose ; puisque enfin il doit y avoir eu une double altération dans cette circonscription, dès qu'il y a eu évidemment une double prévarication.<o:p></o:p>

Ainsi, âme humaine, tempère ton impatience ; la simple raison qui nous découvre ici ces révélations naturelles, nous aidera à en découvrir les résultats, ainsi que les moyens consolateurs qui sont auprès de toi pour et soulager dans cette situation pénible et si malheureuse ; et si tu doutais que l'égoïsme des anges rebelles eût opéré une séparation ou un retranchement dans l'ensemble des choses, tu n'aurais qu'à observer si ce n'est pas là la marche et l'effet naturel de tout ce qui ne suit pas la ligne de l'unité ; si, dis-je, ce n'est pas là, particulièrement, le résultat journalier de l'égoïsme de l'homme.<o:p></o:p>

 

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Traditions mères<o:p></o:p>

Chaque ordre de choses, chaque objet, chaque être doit prouver par soi-même son existence ; il doit transmettre lui-même sa propre tradition ; enfin, il doit faire sa propre révélation et s'il ne fait pas actuellement, ou s'il n'a pas fait antérieurement sa propre révélation, il est impossible qu'il ait une place dans notre pensée et parmi nos connaissances.<o:p></o:p>

Parcourons les principales preuves de cette vérité et surtout préservons-nous de l'inconvénient auquel les hommes s'exposent presque universellement et qui leur fait assimiler aveuglément et si mal à propos, une tradition ou une révélation à des livres.<o:p></o:p>

La nature élémentaire, comme je le répéterai quelquefois, n'est point suffisante pour nous démontrer Dieu ; elle me fait bien reconnaître, il est vrai, une puissance active et régulière qui l'a produite et qui la gouverne ; mais malgré la magnificence du spectacle que cette puissance imposante offre à mes yeux, dans la révélation de ses merveilles, elle ne me fait point découvrir encore le Dieu saint et aimant qui peut embraser tout notre être et qui se complaît dans nos ardents désirs et dans nos hommages.<o:p></o:p>

D'ailleurs cette nature physique, considérée dans le cours régulier et uniforme de ses lois, nous peint un grand ouvrier ; mais elle ne nous peint pas un ouvrier libre, puisqu'il fait régulièrement et comme forcément la même chose, au lieu qu'un ouvrier qui serait libre, varierait son mode d'opération et suspendrait son oeuvre à son gré. Nous trouverions même, plutôt, cet ouvrier libre dans les grandes altérations de la nature et dans les grands désordres qu'elle éprouve et qu'elle éprouvera, lorsque la main qui l'a formée en opérera la dissolution, parce que, là, nous découvrons une volonté distincte et supérieure à la puissance : nous sentons donc que Dieu doit être autre chose que l'auteur de la nature.<o:p></o:p>

Or, comment l'idée de ce Dieu saint et communiquant, par Son amour, avec les âmes de désir, aurait-elle pu se montrer sur la terre, si nous n'avions eu pour l'acquérir que le spectacle de cette nature ? L'idée de ce Dieu ne serait-elle pas hors de notre portée, si nous n'avions eu un moyen plus direct de l'obtenir et cela sans aucun livre et sans aucune tradition ?<o:p></o:p>

Enfin, cette idée serait-elle existante parmi les hommes, si ce Dieu suprême ne la leur eût communiquée primitivement et d'une manière incontestable ? C'est-à-dire, s'Il ne leur avait transmis par Lui-même cette tradition ; en un mot, s'Il n'avait opéré directement pour eux Sa propre révélation ?<o:p></o:p>

De son côté, l'âme de l'homme n'a pu recevoir directement cette tradition primitive, ou cette suprême révélation, sans sentir allumer en elle-même son propre feu, qui ne pouvait manquer de s'enflammer à un pareil flambeau. Ainsi l'âme humaine a dû, par là, être mise en activité et en état de manifester les propriétés qui lui appartiennent, ou de faire à son tour sa tradition directe ou sa propre révélation.<o:p></o:p>

Donc, indépendamment des moyens de raisonnement donnés à l'homme, pour discerner sa vraie nature, il a dû se prouver par lui-même, dans toute l'étendue de sa circonscription et démontrer par sa propre révélation, qu'il était né pour être l'organe et le ministre de celui qui l'avait formé.<o:p></o:p>

De ces deux sources que nous ne pouvons révoquer en doute, on en voit naturellement résulter une troisième, qui est celle des institutions religieuses, universellement répandues sur la terre, lesquelles ne peuvent être dérivées que de ces rapports primitifs qui ont existé originairement entre l'homme et Dieu, d'une manière sensible et manifeste et qui tient à leur propre révélation.<o:p></o:p>

Ainsi, cette idée même d'une religion quelconque n'aurait jamais paru sur la terre si, dès l'origine, la voie n'avait été ouverte ; enfin, si cette institution n'avait fait d'abord et primitivement sa propre révélation.<o:p></o:p>

Ce principe sur les institutions religieuses s'applique aux religions fausses comme aux religions vraies : car, les religions fausses ont également eu besoin d'un noyau primitif qui les ait engendrées et d'une voie sensible et manifeste par laquelle elles aient fait leur propre révélation, sans quoi elles ne seraient pas plus connues que les religions vraies.<o:p></o:p>

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Voilà pourquoi on ne peut rien connaître de positif et de certain ni dans l'un ni dans l'autre genre, si l'on ne remonte pas jusqu'à la source radicale de la révélation de toutes ces institutions, révélation toutefois qu'il faut bien se garder, comme nous l'avons dit, de confondre avec des livres ; mais voilà pourquoi aussi l'homme a toujours une lumière pour y remonter, non seulement dans l'ordre de ces diverses institutions, mais encore universellement dans l'ordre de tout ce qui existe, puisqu’il n’est rien d'existant et de connu qui n'ait sa souche ou sa racine et qui n'ait nécessairement opéré sa propre révélation.<o:p></o:p>

Ce principe de la nécessité, que chaque chose fasse sa propre révélation, doit s'appliquer surtout et primitivement à l'être qui se crée lui-même sans cesse et qui ne peut être, en effet, que parce qu'il se crée lui-même et qu'il continue sans cesse son éternelle création ou sa propre révélation : vérité d'où l'on peut partir et porter ensuite la lumière dans tout le cercle des choses.<o:p></o:p>

De là il résulte donc que, puisque parmi toutes les religions, la véritable a dû, comme tout ce qui existe, faire directement sa propre révélation et doit démontrer son authentique et essentielle réalité, en s'expliquant elle-même lumineusement, en s'appliquant positivement et efficacement à la maladie radicale de l'homme et en se prouvant, par le fait et par son opération active et curative, dans l'âme et dans l'esprit de tous les hommes qui voudront s'étudier avec attention, sans ménagement et sans réserve ; il résulte, dis-je, que le mot dispute et le mot religion sont absolument contradictoires et ne peuvent jamais marcher ensemble ; puisque le mot religion signifie une chose qui rallie et non pas qui divise ; et puisque la religion vraie, telle que nous la peignons et qu'elle devrait être, ne serait autre chose que l'évidence, éblouissante par sa clarté et convaincante par ses effets, tandis que le mot dispute ne peut paraître que dans les ténèbres, ou dans des régions plus abusives encore que celles de l'ignorance animée par l'ardeur de la domination et du désordre.<o:p></o:p>

Ce seul trait montre l'idée qu'on doit avoir des discussions et des ravages dont les docteurs de toutes les religions n'ont cessé de troubler et d'ensanglanter la terre.<o:p></o:p>

Mais, en même temps, la nécessité, démontrée ici, d'une tradition mère, dans tout ordre de choses quelconques, doit nous empêcher de conclure, comme les ignorants, que toutes ces religions, si défigurées par les hommes, n'aient point eu de base dans leur principe, puisqu'au contraire ce sont ces horreurs, même, qui démontrent l'existence d'une vérité, dont les hommes aient pu abuser ; attendu que s'il n'y avait pas eu primitivement quelque chose de respectable pour eux, ils n'auraient jamais pu abuser de rien.<o:p></o:p>

Et même, en se réglant sur la boussole des compensations, on voit que la mesure d'une erreur est en même temps la mesure de la vérité correspondante ; comme aussi l'étendue d'un abus quelconque est la mesure de la sagesse et du pouvoir qui ont été lésés par cet abus.<o:p></o:p>

 

Nécessité d'un sensible immatériel<o:p></o:p>

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Quand même nous n'aurions pas la preuve de l'existence d'un sensible supérieur, dans ce qui a été exposé sur la situation primitive de l'homme, qui devait avoir autour de lui son apanage, comme il était lui-même l'apanage de Dieu, on aurait cette preuve en ce que l'intelligence humaine a besoin de s'appliquer sur les objets vifs et de porter son discernement sur des choses sensibles de son ordre et non pas seulement de l'ordre des choses sensibles matérielles et corruptibles qui ne rendent rien à son être réel.<o:p></o:p>

Elle a besoin en effet de frayer, de traiter, de commercer avec une région où elle ait un sensible analogue à elle, puisqu'il nous est impossible de concevoir une région quelconque qui puisse exister autrement que par un commerce et que nul commerce ne peut avoir lieu qu'autant que les agents qui doivent l'exercer, rencontrent une base d'action qui soit homogène avec eux.<o:p></o:p>

Elle trouverait encore cette preuve dans cet axiome imprescriptible, présenté ci-dessus, que l'âme de l'homme ne peut vivre que d'admiration et qu'elle est la seule qui ait ce privilège parmi tous les êtres de la nature ; ce qui, d'un seul mot, établit au-dessus de l'âme humaine non seulement une source permanente d'admiration dans laquelle elle ait le pouvoir de puiser ; mais ce qui suppose aussi autour d'elle des bases et des réceptacles d'admiration sur qui elle puisse verser les merveilles qu'elle aurait puisées dans sa source ; ce qui en même temps distingue éminemment cette âme de tous les autres êtres de l'univers.<o:p></o:p>

Elle trouverait, dis-je, cette preuve dans l'axiome en question, parce que, lorsqu'elle s'occupe des objets de la nature actuelle ; c'est moins ce qu'elle aperçoit en eux qu'elle admire, que ce qu'elle y pressent ; c'est parce qu'elle perce au travers de tous ces phénomènes jusqu'à une région mieux ordonnée encore dont ils découlent, où se trouvent en nature active et permanente toutes ces propriétés qu'ils ne lui offrent ici que confusément et passagèrement, où enfin elle goûte intuitivement ces bases fécondes, vivifiantes qu'elle ne rencontre pas ici-bas, mais sur lesquelles seules peuvent véritablement reposer son titre et son privilège d'être susceptible de connaître l'admiration et de la répandre.<o:p></o:p>

Car en effet si l'homme est de bonne foi, il conviendra que la nature actuelle n'est que comme le tamis par où se manifestent ces propriétés cachées et que l'on ne peut s'empêcher de comparer l'ensemble de tout ce qui compose ce monde, à un fruit dont tous les objets visibles ne sont que l'écorce et dont la chose admirable est le germe ou la substance par excellence, mais ne peut être connue qu'autant qu'on enlève toute l'écorce qui l'enveloppe.<o:p></o:p>

Il n'est plus douteux que l'accroissement et l'extension de cette chose admirable, au milieu du sensible altéré et corrompu d'ici-bas, ne soit cet embellissement que nous avons reconnu comme étant la tâche de l'homme primitif, d'après les traces qui lui restent encore de cette destination dans les améliorations et perfectionnements qu'il cherche à répandre partout autour de lui et sur tous les objets de la nature.<o:p></o:p>

Il n'est pas douteux que cet embellissement ne tienne à celui que l'homme a maintenant à opérer sur lui-même et qui consiste à rendre à sa propre forme les propriétés de cette substance admirable, ou de ce sensible immatériel qui constituait originairement sa beauté, de façon que sa première forme et le sensible immatériel devaient avoir une parfaite analogie et n'être que la même substance ; toutes conséquences qui se lient naturellement à tous les principes posés précédemment et qui se trouvent également confirmées par les témoignages de la théogonie universelle et par les traditions des peuples qui donnent tous à leurs divinités et à leurs héros des corps déliés et moins grossiers que nos corps terrestres.<o:p></o:p>

Ainsi, malgré l'utile leçon que le soleil nous donne en nous peignant majestueusement l'unité divine, malgré toutes les instructions que les divers objets de la nature peuvent nous procurer chacun dans leur genre, puisqu'ils sont tous comme l'enveloppe de cette substance simple et pure, dans qui sont les bases de l'harmonie et de l'admiration, nous ne pouvons nous dispenser de gémir sur leur existence actuelle, puisqu'ils sont si loin de ce qu'ils auraient dû être, si leurs mesures n'avaient pas été rompues.<o:p></o:p>

Car, nous voyons quelle est l'épouvantable concentration des choses universelles, avec quelle fatigue elles travaillent journellement à leur transmutation et quelle effroyable violence elles doivent subir, avant d'atteindre à leur renouvellement, qui n’est autre chose que de recouvrer leur premier vêtement ou cette substance immatérielle qui est l'éternel organe des éternelles merveilles divines, puisque cet organe ne peut jamais se développer, de quelque manière que ce soit, sans les apporter avec lui, de même que ces merveilles éternelles et divines ne peuvent se communiquer sans lui, puisqu'il en est le corps ou l'enveloppe conservatrice.<o:p></o:p>

Par cette raison, il n'est pas douteux non plus que la source suprême, qui n'a pas cessé d'aimer l'homme, a pu, dans son amour, le rappeler souvent par des voies expressives, à la source de l'admiration et à ces vérités supérieures qu'il avait oubliées par sa prévarication ou qu'il avait lues en sens inverse dans le livre des signes de la nature.<o:p></o:p>

Mais elle n'a pu faire autre chose pour cela, que de lui offrir de ces bases d'admiration et de ces témoignages manifestes ; en un mot, des traits frappants de cette substance indélébile ou de ce sensible immatériel qui la suit partout et qui embrasse toutes ces merveilles. Il a fallu qu'elle en fît percer au travers de ce monde ténébreux quelques étincelles plus ou moins vastes, plus ou moins saillantes, selon les plans qu'elle se proposait et selon la mesure des instructions et des vérités qu'elle voulait ranimer dans les hommes.<o:p></o:p>

Car, les hommes qui, primitivement, étaient corporisés dans cette même substance immatérielle, puisqu'ils devaient être les organes des merveilles divines, étant concentrés aujourd'hui par leur corporisation corruptible et ténébreuse et par leurs égarements journaliers, seraient tombés dans une privation absolue et sans remède et les merveilles divines, qui sont dans leur âme, seraient demeurées à jamais séparées des merveilles éternelles, si la source des unes et des autres n'avait cherché, de temps en temps, à la réunir et si, par conséquent, elle n'eût mis en mouvement et en action cette même substance, dont elle est inséparable, qui est son corps et comme le char de toutes ses oeuvres.<o:p></o:p>

Or, de même qu'il faut que ces merveilles divines aient fait pénétrer les traces de ce sensible immatériel au travers de ce monde ténébreux, pour qu'elles pussent être aperçues ; de même aussi il faut que ce même sensible immatériel, qui est concentré dans l'homme aujourd'hui, se développe et traverse sa propre prison corruptible, pour que l'homme puisse atteindre à la connaissance et au sentiment de ce qui lui est communiqué : car il ne peut y avoir de relation qu'entre les homogènes ; e t de même que l'univers ne connaît rien et n'aperçoit rien de ce sensible immatériel qui le pénètre universellement, de m ê me le corps de l'homme ne connaît rien et n'aperçoit rien des propres merveilles qui sont en lui ni de celles qui peuvent se passer hors de lui, par la communication de ce double physique supérieur.<o:p></o:p>

C'est ainsi que les ténèbres ne connaissent rien à la lumière de l'astre du jour qui les divise et les fait disparaître devant sa majestueuse splendeur : c'est ainsi que dans l'oignon d'une fleur, il ne paraît rien de la beauté des couleurs qu'elle va étaler sur ses feuilles, quoiqu'il porte toutes ces merveilles dans son sein ; c'est ainsi que toutes ces magnificences renfermées dans chaque germe, le traversent et le dissolvent et viennent apporter au temple de la lumière le tribut des talents qu'elle avait confiés à ses serviteurs, tandis que les débris de l'enveloppe grossière de ce germe, demeurent ensevelis dans l'obscurité de la terre et qu'ils sont comme étrangers à toutes ces magnifiques merveilles qui se passent au-dessus d'eux.<o:p></o:p>

Aussi peut-on, sans craindre de s'égarer, comparer l'univers actuel à un noyau qui primitivement a été un arbre majestueux et superbement orné et doit reproduire un jour ce même arbre avec des fleurs et des fruits innombrables, dont ce noyau n'a pas la moindre connaissance, mais qui attendent avec impatience le moment où il leur sera permis de porter jusque dans la région de la lumière supérieure et impérissable, le tribut que nos fleurs et nos plantes terrestres apportent ici-bas à la lumière élémentaire.<o:p></o:p>

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L'homme, en partageant cette tâche avec l'univers, a sur lui une suprématie qui, en multipliant son oeuvre, doit aussi multiplier ses ravissantes perspectives ; en effet, il n'a pas seulement à renouveler son être corporel et à le régénérer dans toutes les propriétés de cette substance simple et pure auxquelles l'univers tend comme lui ; mais il a bien plus encore à renouveler la racine divine de son être pensant et véritable image de l'éternel principe, afin de la rendre susceptible de satisfaire la soif qu'elle a d'admiration et qu'elle puisse contempler ces merveilles divines elles-mêmes, qui sont de sa classe et qu'elle seule, par conséquent, peut sentir et admirer dans l 'univers.<o:p></o:p>

Or, ce renouvellement consiste à retirer son être radical de la ligne de cette admiration abusive et illusoire qui l'a précipité parmi les images trompeuses de ce ténébreux univers et à le ramener dans la ligne de la vivante et vivifiante admiration, qui l'aurait comblé de tous les biens, puisqu'il se fût trouvé par là dans la direction de cette source inépuisable d'où ces biens, qui sont au-dessus de toutes nos pensées, ont découlé et découleront éternellement.<o:p></o:p>

De tout ceci résulte la démonstration qu'il y a eu primitivement des communications et des manifestations d'objets d'admiration pour l'homme égaré, non seulement parce que le principe éternel ne peut cesser par son amour de verser autour de lui de telles splendeurs, mais encore parce qu'il y a des religions ou des signes indicatifs de ralliement spirituel parmi les hommes et que tout obscures que soient ces religions, elles n'ont pu avoir originairement d'autres sources que l'expansion sensible de quelques objets supérieurs d'admiration, sans quoi il n'est pas un homme sur qui elles eussent pu jamais prendre aucun empire, si elles n'avaient pas eu de l'analogie avec sa base et avec sa soif de l'admiration et le nom de religion serait encore à naître sur la terre.<o:p></o:p>

Car, nous n'avons encore peint l'homme qu'à moitié, en disant au commencement de cet ouvrage, que son esprit ou sa faculté intelligente ne pouvait vivre que d'admiration ; nous compléterons ici le tableau, en ajoutant que son âme ou sa faculté aimante ne peut vivre que d'adoration et les merveilles qu'admire son esprit, sont destinées à éveiller et nourrir ce sublime mouvement dans sa faculté aimante, comme à son tour l'adoration aurait dû le faire pénétrer dans des merveilles toujours croissantes, où son esprit eût, sans cesse, trouvé de nouveaux objets d'admiration. Aussi, c'est parce que les bêtes n'admirent point, qu'elles n'adorent point ; et, réciproquement, c'est parce qu'elles n'adorent point, qu’elles n'admirent point. Aussi, quand l'esprit de l'homme s'écarte de la vraie ligne d'admiration, il s'égare et devient ignorant et plein d'incertitudes ; et quand sa faculté aimante n'adore point, elle devient dans son ordre ce que sont les pétrifications dans l'ordre de la nature actuelle, c'est-à-dire, qu'elle n'a que la forme d'une âme ; mais qu'elle n'en a ni la vie ni les propriétés. Néanmoins, l'état où se trouve alors l'âme de l'homme prouve autant pour que contre le principe en question ; attendu qu'une branche d'arbre pétrifiée démontre bien qu'elle ne végète pas ; mais elle démontre d'une manière aussi convaincante, qu'elle était née pour végéter.<o:p></o:p>

C'est pour cela que les coryphées, dans la sagesse humaine, ne devraient pas tant se gonfler de gloire, lorsqu'ils nous montrent les abominables abus des religions qui étaient connus de tout le monde, avant qu'ils nous en parlassent. Le rôle qu'ils prennent là est si commode et si facile, qu'il devient comme nul : aussi ne peut-il leur procurer qu'un puéril et ridicule triomphe ; et pour que le triomphe auquel ils tendent fût solide et complet, il faudrait nous expliquer comment ces abus auraient pu avoir lieu sans une mère source ; attendu que jamais un abus ne pourrait prendre s'il ne rencontrait pas dans la nature des choses une base analogue, avec laquelle il eût la possibilité de s'amalgamer.<o:p></o:p>

L'étincelle d'un briquet peut bien ne se pas borner à allumer ma bougie et, soit maladresse de ma part, soit mauvaise intention, elle peut aussi mettre en cendres toute la maison ; mais je n'aurais pu produire cet incendie, si préalablement l'étincelle ne se fût trouvée auprès d'une substance inflammable, à laquelle elle pût s'attacher et qui était le moyen par lequel elle avait, pour premier objet, de me procurer une lumière secourable dans mon besoin.<o:p></o:p>

Mais, si chaque chose doit faire sa propre révélation, ce n'est plus seulement le sens du mot de religion que nous découvrons ici ni la simple nécessité des communications antérieures d'objets d'admiration parmi les hommes, puisqu'il y a des religions chez eux ; c'est encore le sens et l'esprit de tout ce qui peut avoir été manifesté, qui peut l'être et qui l'est journellement devant eux, dans la région divine de leur être, dans les fruits de leur pensée, dans tout ce qu'ils inventent, qu'ils établissent, qu'ils instituent et qu'ils opèrent ; puisque toutes leurs facultés leur ayant été ôtées par leur chute, ils ne manifesteraient rien de semblable, si on ne leur avait pas rendu quelques extraits et ces extraits ne leur auraient pas été rendus, si la source même qui est dépositaire de tous ces trésors, n'en eût réveillé en eux le goût et le désir par des communications analogues, pour les aider à atteindre le terme de leur existence et à se réunir par tous ces moyens innombrables, au foyer éternel de l'admiration et de l'adoration.<o:p></o:p>

Heureux l'homme, s'il n'eût pas payé et s'il ne payait pas tous les jours tant de bienfaits par des abus et des outrages, comme il les paya primitivement par de l'insouciance et de condamnables distractions ! Mais dans ses abus même, on trouve encore la confirmation de nos principes sur la nécessité des communications sensibles supérieures, pour que de semblables notions soient descendues parmi les hommes ; et l'observateur peut s'en procurer deux preuves : l'une dans le mot idole, qui dans ses racines fondamentales, veut dire : Je vois en forme, ou substantiellement, une chose spirituelle ; l'autre, dans l'idolâtrie même la plus matérielle où l'absurde adorateur voit toujours quelque être spirituel et supérieur jusque dans ses fétiches de bois ou de pierre.<o:p></o:p>

Pour nous faire une idée de cette nécessité, ainsi que du mode qui a pu être employé dans son exécution, considérons la loi par laquelle les corps matériels parviennent ici à acquérir leur existence et la jouissance de toutes leurs propriétés : car, avec de l'attention, nous finirions par reconnaître que nous ne sommes environnés que de révélations naturelles.<o:p></o:p>

Avant qu'un germe particulier se forme ici-bas par l'union de diverses essences qui doivent le constituer, la nature existe et elle est dans l'activité de toutes ses lois et de toutes ses propriétés qui tendent continuellement à propager la reproduction de ses fruits et la génération de ses images. Comme elle est elle-même corporisée matériellement, il lui faut des images qui lui ressemblent ; et de simples germes ne suffiraient pas à ses plans, quoique chacun de ces germes renferme en soi toutes les bases et tous les éléments de l'édifice, ou de la corporisation qu'elle l'a chargé de représenter dans la sphère des choses matérielles. Que fait-elle donc pour parvenir à ses fins ?<o:p></o:p>

Elle agit par l'effort de toutes ses puissances sur ce germe particulier ; elle lui aide par leur réaction à mettre en oeuvre tous les moyens dont il est dépositaire ; elle lui fait développer toutes ses forces, elle le fait sortir de lui-même, en s'approchant sans cesse de lui en le pénétrant de toute sa virtualité.<o:p></o:p>

Ce germe acquiert ainsi de la consistance par l'union de ses propres vertus avec celles de la nature ; il prend progressivement la forme à laquelle il est destiné et progressivement aussi il se revêt des caractères et des signes sensibles qui lui appartiennent et il se trouve insensiblement muni de tous les organes par lesquels il va désormais être en rapport effectif avec toute la nature et être témoin, selon sa classe, de toutes les beautés que cette nature a le désir de lui communiquer et de perpétuer, par lui, dans l'univers.<o:p></o:p>

Il en est de même sans doute pour le développement du sensible immatériel de l'homme et il ne peut pas y avoir d'autre loi pour cet ordre supérieur que pour l'ordre inférieur, quoique l'essence de l'un et de l'autre ne soit pas la même. Aussi le germe de ce sensible supérieur se trouve toujours dans l'homme, malgré sa chute : c'est comme les débris de son ancien apanage.<o:p></o:p>

Mais ce germe ne peut être que comme l'extrait des puissances d'une nature qui lui soit analogue, qui existe par conséquent avant lui et autour de lui, quoi qu'il ne la puisse pas voir encore, attendu son état d'embryon ; qui, néanmoins, ait une grande ardeur de le faire arriver à son terme et de lui faire acquérir tous les caractères de son ordre et tous les organes par lesquels il puisse, en réalité, frayer et communiquer avec elle ; jouir par tous ses sens immatériels, de toutes les merveilles qu'elle étalera devant lui ; être en état d'en contempler l'inexprimable magnificence et la promulguer ensuite dans tous les points de la région qui lui sera confiée, afin d'étendre le règne de cette sage nature sensible immatérielle.<o:p></o:p>

Voilà ce qui peut nous aider à marcher dans le sentier de ces vérités sublimes, mais simples ; voilà ce qui nous apprend comment les différents amis de la bienveillante sagesse ont pu recevoir en eux des développements qui les aient mis dans le cas de participer sensiblement à ses lumières et d'être admis de sa part à toutes les communications effectives qu'il aura plu de leur faire parvenir, pour l'accomplissement de ses décrets et pour la restauration de l'espèce humaine.<o:p></o:p>

Quant aux lois par lesquelles ce sensible immatériel se peut communiquer, même à nos corps, sans que cependant notre matière puisse avoir des rapports spirituels avec lui, il faut savoir que, dans ce genre, toute communication quelconque est l’ensemble d'une forme et du principe qui en est le sens ou l'esprit ; que le principe animal de notre corps terrestre a le pouvoir de sentir, voir et entendre tout ce qui est la forme de la communication ; mais que notre intelligence seule a le pouvoir d'en saisir l'esprit : c'est par ce moyen que se lèvent les difficultés de ceux qui ne conçoivent pas comment l'opération spirituelle peut être sensible à la matière, puisque la matière n'en est pas susceptible.<o:p></o:p>

 

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Le thermomètre<o:p></o:p>

L'âme humaine, en descendant dans cette région obstruée et comme insensible où nous languissons, avait perdu tous ses rapports avec sa primitive atmosphère et n'en sentant plus les impressions, elle aurait vécu dans l'ignorance absolue de ses diverses températures, comme nous perdons tous les jours le tact et le sentiment de celles de notre atmosphère élémentaire, en vivant renfermés dans nos maisons.<o:p></o:p>

Mais osons dire plus encore : l'âme humaine était originairement le véritable thermomètre de Dieu ; c'est par elle qu'Il apercevait les divers de grés de chaleur de toutes les régions, au milieu desquelles cette âme humaine était placée pour Lui en transmettre continuellement les températures. Par sa chute elle avait perdu cette propriété ; ainsi la communication entre Dieu et ces régions, eût été rompue et elles fussent tombées pour Lui comme dans l'oubli si l'amour ou le désir inépuisable de l'ordre éternel n'eût régénéré, dans l'âme humaine, ce thermomètre universel par qui nous pouvons recouvrer, d'une manière sûre et instructive, notre correspondance avec notre sphère native dans laquelle toutes les autres régions sont contenues.<o:p></o:p>

Voilà pourquoi il en a renouvelé la liqueur spiritueuse et lui en a substitué une qui est d'une activité et d'une mobilité sans exemple et qui indique avec une précision inaltérable toutes les températures de toutes les régions ; et c'est là ce puissant instrument dont la main suprême a voulu remettre l'homme en possession et avec lequel il peut sonder universellement l'état des choses et en porter le témoignage jusqu'au milieu du sanctuaire.<o:p></o:p>

Car cet instrument étant universel comme ce sensible immatériel, dont nous avons parlé dans le paragraphe précédent, trouve partout des points similaires ; et son plus grand désir est que l'homme l'applique continuellement à toutes les régions qui l'environnent, comme nos thermomètres matériels sont toujours exposés aux influences et à l'air de notre atmosphère.<o:p></o:p>

C'est ce thermomètre là qui constitue par toute la terre les vrais élus ; sans lui, il est impossible que l'homme ténébreux puisse atteindre ici-bas à aucune lumière ni à aucune connaissance dans l'ordre de sa région originelle qui est celle de la source des lois divines, de leur progrès et de leur accomplissement.<o:p></o:p>

Mais avec lui il n'y a rien qui ne puisse se dévoiler pour l'homme, il n'y a rien qui l'empêche de voir au-delà de l'espace et du temps, puisque l'homme est né dans une région pour laquelle l'espace et le temps ne sont rien et que nous voyons que nos thermomètres matériels eux-mêmes semblent ne connaître ni l'espace ni le temps, puisqu'ils annoncent les diverses températures des régions atmosphériques, séparées d'eux par d'immenses intervalles et qu'ils prédisent les tempêtes et toutes les variations de l'air longtemps avant qu'elles arrivent.<o:p></o:p>

Ainsi, d'après cet exposé des droits de l'homme, il n'y a aucune révélation, quelque surprenante qu'elle parût, qui ne pût sortir de lui et qui, cependant, n'en sortît par une voie très naturelle, puisqu'il est dans la nature des choses que Dieu soit l’œil de l'homme, afin qu'ensuite l'homme soit l’œil de Dieu.<o:p></o:p>

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Origine de la politesse<o:p></o:p>

On peut aisément reconnaître que c'est primitivement d'une telle source que dérive le respect que nous avons en général pour les mortels qui se distinguent par leurs connaissances et par leurs vertus ; on pourrait dire même que c'est de là aussi que dérive la politesse parmi les hommes. Les prévenances qui doivent faire la base de la société, les témoignages d'intérêt, d'attachement, de considération et même d'admiration respective que l'on s'y donne par des expressions vives, sont les indices de ces dons merveilleux que nous devrions tous manifester dans la société humaine, à l'instar sans doute de cette société céleste, que les bases pures et actives, dont nous avons parlé, forment dans notre moi intime.<o:p></o:p>

Car le même ordre de choses qui règne parmi elles, devrait aussi régner parmi nous. Nous ne devrions nous rapprocher que pour développer mutuellement, parmi nous, des merveilles divines ; que pour être frappés d'une ravissante surprise, en voyant nos semblables manifester, chacun, de nombreux prodiges et que, pour les frapper à notre tour de cette même surprise ravissante, en produisant de notre côté ; à leurs yeux, des faits étonnants et capables d'attirer leur amour comme leur admiration : car l'homme, ainsi que ces mêmes bases actives cachées en lui, ne devraient avoir d'autre existence ni d'autre emploi que de répandre sans cesse les merveilles de l'universelle unité.<o:p></o:p>

Qui nous empêcherait ici d'user du droit de personnifier ces bases célestes cachées en nous et de nous les représenter ainsi, exerçant entre elles ce même commerce délicieux que nous devrions tous exercer entre nous ? Croyons donc que ces bases célestes ou ces agents purs et spirituels, lors qu'ils commencent à sourcer dans notre moi intime, tendent à y apporter chacun leurs merveilles. Ces merveilles forment une explosion qui fait jaillir et luire les trésors de chacun de ces êtres ; par ce moyen, un être spirituel admire l'autre ; il aime l'autre, il l'honore, il le salue avec respect et amour ; il ne désire que de faire une tendre société avec lui. Leur coup d’œil respectif les enflamme mutuellement ; ils ne se réactionnent point sans qu'ils ne désirent de se rapprocher ; ils ne se rapprochent point qu'ils ne se réactionnent de nouveau.<o:p></o:p>

Quand on pense que plus ils s'attraient ainsi les uns les autres, plus ils s'occasionnent d'intérêt, de surprise et de tressaillements ; qu'ils vont peut-être jusqu'à les exprimer par des cris de joie et par des signes aussi intelligibles pour eux que le sont nos paroles de joie dans les mouvements de nos satisfactions journalières ; quand on se rappelle ce que nous avons dit sur la loi d'unité qui gouverne tous les mouvements vrais ; quand on se rappelle que l'unité suprême ne peut commercer qu'avec des unités ; qu'elle ne cherche partout que l'occasion de commercer avec ces unités : quand on pressent que nous pouvons être les témoins et l'habitacle où ce commerce d'unités s'opère ; enfin, quand on peut se persuader démonstrativement que nous pouvons même être acteurs dans ce commerce et que nous en sommes particulièrement l'objet, alors la dignité de l'homme s'agrandit dans son esprit et s'il est sous une destinée qui lui retranche les joies de la terre, il ne regrette rien de ces joies, puisqu'il en a qui sont plus unes et qui peuvent suppléer de reste aux joies mixtes et illusoires de tout l'univers.<o:p></o:p>

 

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Sens inconnu de quelques usages familiers<o:p></o:p>

On ne peut s'empêcher de croire que l'usage de s'embrasser ne tienne aussi de la nature originelle de l'homme et de son existence double, actuelle, qui, primitivement, devait être une. Par le baiser que se donnent mutuellement les amis et même par celui qui ne se donne quelquefois que par étiquette et par l'usage, on est censé de transmettre réciproquement ce que nous avons de plus pur dans l'âme et dans le cœur, comme nous essayons au moins d'en avoir l'air, en même temps, dans nos paroles et ce sont ces choses pures, saintes, spirituelles et divines qui sont censées s'unir et se confondre dans nos baisers et opérer respectivement sur ceux qui s'embrassent, une sorte de purification et de sanctification qui les divinise tous les deux et donne à chacun d'eux le double avantage de recevoir et de transmettre ces bénédictions sacrées, ou ces consécrations qui unissent à la fois le néophyte au ministre et le ministre au néophyte.<o:p></o:p>

L'intelligence nous défend aussi d'oublier que c'est avec la bouche que ces baisers se donnent, afin que nous ne puissions pas nous tromper sur la source des merveilles qui peuvent en provenir.<o:p></o:p>

Elle nous engage également à ne pas oublier combien ce saint usage est tombé dans la profanation parmi les hommes, parce que Error optimi pessimus. D'ailleurs malheureusement notre bouche se trouve placée entre les deux régions, interne et externe, réelle et apparente et elle est susceptible de frayer avec l'une et l'autre ; aussi les hommes se donnent-ils autant de baisers perfides que de baisers sincères et profitables.<o:p></o:p>

Nous employons aussi journellement et sans réflexion, lorsque nous nous rencontrons, cette formule vague : Comment vous portez-vous ? mais nous sommes bien loin d'en comprendre le sens.<o:p></o:p>

Au moins, nous devrions être bien sûrs qu'il ne peut pas tomber toujours sur la santé de notre physique actuel, puisque non seulement nous faisons usage de cette formule avec ceux qui sont malades ; mais encore avec ceux qui se portent bien et qui ne nous laissent aucun doute par leur bon air et leur embonpoint, sur l'état tranquillisant où ils se trouvent.<o:p></o:p>

Serait-ce donc une idée exagérée et contraire à la raison, de supposer que cet usage ait eu primitivement pour objet notre véritable santé ?<o:p></o:p>

Nous serons portés à croire à cette supposition, en réfléchissant combien nous avons à nous occuper ici-bas de la réhabilitation en nous de ce moral désorganisé et de ce sensible immatériel ou de notre corps réel, qui se trouve malade ou enseveli aujourd'hui par notre ténébreuse matière, mais que nous devons travailler journellement à revivifier en nous par les oeuvres de notre faculté aimante et de notre faculté intelligente, qui ne peuvent agir sans le réactionner et l'étendre, puisqu'il est leur corps essentiel et leur enveloppe, comme il l'est de toutes les puissances de la divinité, c'est-à-dire, qu’il est l'habitacle et l'organe de toutes les virtualités et de tout ce qui est véritablement vivant.<o:p></o:p>

Nous regarderions comme une chose fort simple qu'à la suite de quelques grandes catastrophes terrestres, les individus qui en auraient été les victimes et les témoins, s'informassent réciproquement, avec un zèle empressé, de l'état où ils se trouvent ; qu'ils désirassent savoir s'ils ont beaucoup souffert, ou s'ils souffrent encore de la crise qu'ils ont supportée et s'ils sont avancés ou non dans leur rétablissement ; enfin, qu'ils se demandassent comment ils se portent : et ces prévenances seraient, à la fois, conformes et à la raison et à la fraternité. <o:p></o:p>

Pourquoi donc, si nous sommes encore ensevelis sous les ruines de la plus grande des catastrophes que l'espèce humaine ait subie, n'aurions-nous pas ces mêmes prévenances par rapport à l'état languissant où nous sommes ?<o:p></o:p>

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Pourquoi ne serions-nous pas portés naturellement à nous informer auprès de nos semblables, où ils en sont de leur véritable rétablissement ; si leur santé divine et spirituelle fait des progrès salutaires ; s'ils se sentent renaître et avancer dans la vie, qui s'est comme suspendue en eux ; si leur corps réel reprend ses forces et ses vertus ; en un mot, comment ils se portent ?<o:p></o:p>

Ces attentions paraîtront peut-être assez naturelles dans ce cas important, pour nous persuader qu'elles n'ont pas probablement eu d'abord d'autre origine ; qu'elles ont bien pu s'employer ensuite très convenablement sous les rapports de notre santé matérielle, dans les cas d'adversité et de maladies ; mais que c'est par abus qu'elles sont devenues une simple formalité d'usage et une politesse insignifiante.<o:p></o:p>

Ainsi donc, si nous étions dans les mesures où nous devrions être sur ce point, nous ne devrions nous aborder, traiter et conférer ensemble, que dans cet esprit, que dans cet affectueux intérêt pour notre avancement et notre véritable convalescence ; et comme nous avons vu que notre être était un fruit divin, qui avait des propriétés attractives, peut-être par ces questions d'un véritable zèle, par ces entretiens affectueux, réveillerions-nous mutuellement les uns chez les autres, cette saine existence dont nous avons tous si grand besoin ; peut-être nous transmettrions-nous par là, réciproquement, le peu de santé dont nous pourrions jouir et contribuerions-nous ainsi à l'accroissement de la santé générale, au lieu de ces retards, de ces obstacles, pour ne pas dire, de ces infections dont nous ne cessons de nous nourrir les uns et les autres par le commerce vague de nos obscures et ténébreuses paroles.<o:p></o:p>

Quant à cette maladie inconnue, dont l'âme humaine est généralement infectée, si l'on voulait nier que l'on pût en avoir ici-bas le sentiment, je renverrais à un exemple corporel qui n'est pas rare et qui n nous apprend que plusieurs fois, des gens estropiés ont ressenti de fortes douleurs à des membres qu'ils n'avaient plus.<o:p></o:p>

Pourquoi serait-il, en effet, impossible que nous ressentissions aussi des douleurs aux membres de ce corps immatériel qui nous ont été retranchés ? Pourquoi ne serait-ce pas là un des signes que la vie supérieure cherche encore à agir et à circuler en nous ; mais que n'y trouvant plus les organes qui lui sont analogues, elle nous avertit par ces pénibles tentatives de travailler à régénérer ces membres primitifs dans tout notre être, ce qui est possible dans cette classe, où notre source vitale n'est point limitée, quoique par la raison contraire cela ne le soit pas dans l'ordre de nos corps matériels ?<o:p></o:p>

 

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L'homme est le seul être de la nature qui assaisonne, et fasse cuire ses aliments<o:p></o:p>

Cette exclusive exception tient à ce que, par notre origine, nous n'étions point faits pour manger les productions corrompues de la terre et des animaux, parce que nous étions usés dans l'élément simple dans lequel il n'y avait rien de corrompu.<o:p></o:p>

Aussi par nos assaisonnements, cuissons et préparations, nous sommes censés retrancher de nos aliments les substances malsaines et corrompues qui s'y trouvent depuis la chute ; mais nous ne les en retranchons qu'en apparence, souvent même nous les augmentons. Au moins nous avons l'art de relever le goût de ces aliments et de les rendre plus agréables, en les rendant ou plus suaves ou plus piquants.<o:p></o:p>

Nous ne faisons encore, par là, que montrer ce qu'auraient été nos aliments primitifs et indiquer à ceux qui ont des yeux, que nous ne sommes point nés pour la terre, tandis qu'au contraire les animaux qui sont nés pour elle et qui n'ont de rapports qu'avec elle, n'ont besoin d'aucune de ces précautions ni d'aucune de ces ressources, puisque dans l'usage de leurs aliments, tels que la terre les donne, ils se trouvent avec elle dans des rapports complets.<o:p></o:p>

Les aliments que nous prenons aujourd'hui, nous attirent tous en bas et vers la matière : ceux que nous aurions pris dans notre état primitif, nous auraient attirés en haut et vers les principes particuliers et généraux dont ils auraient découlé ; aussi n'auraient-ils eu aucun sédiment et toutes leurs essences se fussent portées en nous, en sublimation, ils auraient développé nos facultés par leur suave activité et ils nous auraient communiqué la vie supérieure dont ils étaient pleins. Dans les délicieux transports qu'ils nous auraient occasionnés, dans les lumières même qu'ils nous auraient transmises, nous nous serions livrés à des mouvements de joie, à de doux cantiques et à de vives actions de grâce envers la source dont nous les aurions reçus.<o:p></o:p>

C'est là le principe de ces usages religieux, qui ont accompagné et suivi les repas chez les diverses nations ; c'est aussi là le principe de ces vagues réjouissances et même de ces chants et de ces concerts que les hommes emploient dans leurs festins. Les usages religieux sont un souvenir pénible de ce que nous avons perdu et montrent que nous sommes obligés aujourd'hui d'attendre cette nourriture qui alors nous aurait prévenus. Les usages des hommes de plaisir sont une illusion, en ce que ces hommes paraissent être, en s'approchant de cette nourriture corrompue, ce qu'ils auraient été s'ils se fussent approchés de la nourriture primitive et pure.<o:p></o:p>

 

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De l'esprit des livres<o:p></o:p>

L'esprit des livres n'aurait dû être que la peinture des vérités supérieures que nous aurions oubliées et vers lesquelles ils nous auraient aidés à remonter. Cet objet rempli, le livre devenait inutile. Mais comme les hommes confondent toujours le terme avec le moyen et le moyen avec le terme, l'esprit d'erreur leur a suggéré d'enfanter cette immense profusion d'enseignements écrits, qui est tellement un abîme de confusion, qu'elle prouve nécessairement l'existence d'un ordre de vérités et de lumières que cette confusion même, en s'écroulant par son propre poids, doit amener et laisser briller.<o:p></o:p>

Néanmoins, ces fruits de l'orgueil, ces innombrables productions de la pensée de l'homme, nous montrent clairement ce que nous aurions dû être et ce que nous aurions dû produire si nous ne nous étions pas déviés ; nous aurions tous manifesté de profondes et de continuelles lumières sur tous les objets qui auraient été offerts à notre intelligence. Ces pensées auraient été toujours nouvelles et nul homme n'eût eu besoin de puiser autre chose dans celles de ses semblables, que la réaction mutuelle qu'ils auraient pu se procurer tous les uns et les autres.<o:p></o:p>

En même temps, toutes ces pensées, toujours nouvelles, auraient été toujours efficaces, parce qu'elles auraient toujours été animées par le flambeau de la vie ; et voilà le but sublime de notre origine, voilà quels eussent été nos droits, voilà cette lumière active que nous aurions continuellement répandue autour de nous et dont nos livres ne sont qu'une image si fausse et si mensongère lorsque nous les donnons avec l'aveugle et l'orgueilleuse prétention qu'ils doivent opérer cet effet victorieux.<o:p></o:p>

Mais pourquoi l'homme devrait-il répandre naturellement de si grands trésors et de si grandes lumières ? C'est qu'il est le livre par excellence ; c'est qu'il est le seul livre que Dieu ait voulu écrire et publier Lui-même ; car les autres livres, tels que les cieux, la terre, les puissances célestes qui administrent l'univers, la promulgation sensible de tous ces dons immatériels qui ont été versés sur la demeure de l'homme depuis sa chute, les traditions les plus révérées des hommes pieux, tous ces livres, dis-je, ou Dieu les a ordonnés, ou Il les a laissé composer. Voilà pourquoi c'est pour nous une chose si utile et si recommandée que de lire dans l'homme, dans ce livre qui est le seul où se trouve de l'écriture de la propre main de Dieu ; c'est-à-dire dans ce livre qu'on pourrait nommer la primitive tradition de Dieu.<o:p></o:p>

C'est en effet parce que l'homme est le seul livre écrit de la main de la divinité, que cet homme est la voie naturelle de Dieu dans le monde. Ce livre est, par conséquent, le vrai code des lois de la justice divine ; aussi, l'homme avait-il pour emploi de maintenir les droits de cette justice parmi les habitants de toutes les régions ; aussi est-il le seul être en qui Dieu puisse demeurer, comme étant le seul livre qui puisse contenir l'esprit de Dieu. Les autres livres les plus respectables ne contiennent que ses intelligences.<o:p></o:p>

C'est pourquoi Dieu ne cherche qu'à prendre forme dans l'homme, afin que l'homme, sentant vivement, virtuellement et naturellement en soi la vie de Dieu, la génération de Dieu, la forme de Dieu, enfin tous les caractères et les facultés de Dieu, il puisse ensuite, comme un livre vivant, raconter toutes ces merveilles, entraîner l'âme de ses lecteurs et leur faire naître l'ardent désir de connaître aussi par eux-mêmes ces ineffables magnificences. Car nous ne sommes rien, tant que Dieu ne s'écrit pas Lui-même dans notre corps, dans notre esprit, dans notre cœur, dans notre âme, dans notre pensée, c'est-à-dire, tant que nous ne nous sentons pas diviniser dans toutes les substances et dans toutes les facultés qui nous constituent.<o:p></o:p>

Quel est donc l'égarement de l'homme, lorsque non seulement il ne veut pas lire dans ce livre qui seul est écrit de la main de Dieu, mais lorsqu'il prétend même, après avoir laissé effacer toutes les pages, que ce livre n'a jamais eu la moindre existence !<o:p></o:p>

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Faux arguments tirés de la nature<o:p></o:p>

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Supposez un villageois qui de sa vie n'aurait mis le pied chez le maître d'école et qui, cependant, voudrait s'ingérer de lire dans les divers livres d'une grande bibliothèque. Dans son ignorance, il les prendrait indifféremment à la fin ou au commencement ; il les tiendrait droits ou renversés, avec la même assurance ; il regarderait dedans ces livres ou à leur couverture, sans retirer plus de fruit d'un moyen que de l'autre. Tel est le cas des savants qui, sans avoir commencé par apprendre à lire dans le seul livre écrit de la main de Dieu, ont cru pouvoir lire couramment dans l'esprit des choses et particulièrement dans Dieu Lui-même et prononcer sur Son existence et sur Sa nature ; ne pouvant découvrir le vrai sens de ce texte suprême et universel créateur, dont les profonds et sublimes caractères ne se trouvent écrits que dans notre substance intime, ou ils L'ont nié, ou bien les plus habiles d'entre eux ont cru qu'ils L'expliqueraient suffisamment par la nature visible et matérielle.<o:p></o:p>

J'ai annoncé souvent combien leur marche était insuffisante, puisque non seulement cette nature aurait besoin d'être éternelle pour que leur preuve fût toujours présente et que, par conséquent, ils s'établissent de droit des matérialistes ; mais encore parce que cette nature n'offre pas un ouvrier libre et qui soit maître de son oeuvre ; enfin, parce qu'elle n'a l'air que d'une oeuvre de commande et qui ne connaît pas même quel est le maître qui en a ordonné l'exécution.<o:p></o:p>

D'ailleurs les preuves que l'on voudrait tirer des merveilles de la nature sont plus en supposition qu'en évidence, attendu que la nature est un témoin à deux faces qui dépose indifféremment pour les deux parties. Il faut dire, par conséquent, que les preuves que les athées et les matérialistes tirent de la nature contre Dieu, ne font pas plus contre Lui que celles qu'on en veut déduire pour Le défendre ne font pour, et qu'elles sont également insuffisantes, puisque cette nature est altérée et n'est plus sous la responsabilité de son principe.<o:p></o:p>

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Oui, s'il est vrai que les preuves prises dans cette région physique, en faveur de Dieu, ne vont pas jusqu'à Lui et s'arrêtent à la fidèle exécution d'un simple artiste, il est certain que les preuves prises contre Dieu dans cette même région ne doivent pas davantage aller jusqu'à Lui, puisque Sa demeure est autre que cette région inférieure et physique combinée avec tant d'espèces de désordres ; car il est de droit que l'on tire les jurés de l'ordre dont est l'objet contesté, sans quoi ils sont incompétents.<o:p></o:p>

Voilà pour quoi il faut commencer tous les cours de philosophie divine par l'étude des facultés aimantes et intelligentes de l'âme humaine ; parce que l'âme, ramenée à ses éléments primitifs, se trouve être de la région de Dieu même et que c'est cette âme qu'Il a prise pour Son témoin, comme la nature est le témoin du manœuvre, le manœuvre le témoin de l'architecte, l'architecte le témoin de la volonté et de la puissance par lesquelles il est employé.<o:p></o:p>

D'ailleurs, ainsi qu'on l'a vu antérieurement, ce qui fait qu'à la manière dont procèdent les savants, leur cause doit nécessairement être ajournée, c'est que, prétendant comme ils le font, que l'on ne peut rien connaître à la destination des choses, il est impossible de prononcer s'il y a ou non un être raisonnable à la tête de l'univers, jusqu'à ce que nous ayons découvert la destination de cet univers ; car on ne peut pas nier qu'il n'en doive avoir une, puisque nous en donnons bien une au moindre ustensile de nos maisons.<o:p></o:p>

Sans la connaissance de ce grand plan, nous ne pouvons juger si l'exécution de l'oeuvre est analogue et conforme au but de l'ouvrier ou si elle ne l'est pas et, par conséquent, si cet ouvrier est purement mécanicien ou s'il a en outre une raison sage et instructive dans la production de ses ouvrages.<o:p></o:p>

Ainsi toutes les ratiocinations et toutes les déclamations possibles contre la divinité, sont comme non avenues jusqu'à ce que ce grand ajournement soit révolu. Or, ces malheureux savants ont commencé par barricader de toutes leurs forces la porte d'entrée, ou plutôt ils l'ont murée, ou, ce qui revient au même, ils l'ont laissée se couvrir de ronces et d'épines par la vétusté et puis ils ont dit que cette porte était une vraie chimère et que c'était la dernière des extravagances que de songer seulement à en faire la recherche.<o:p></o:p>

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On n'avance pas non plus beaucoup davantage contre les athées et les matérialistes quand on veut leur refuser que toute cette nature se soit formée par le mouvement. Ce n'est point sur cela qu'il faut les arrêter ; on peut sans danger leur accorder cette formation telle qu'ils la prétendent établir. Enfin, ce n'est pas sur le comment qu'il faut les presser ; il faut seulement leur demander pourquoi ce mouvement se serait-il mû à faire une pareille production, qui paraît grandement le contrarier, puisque tout tend au repos dans la nature et ne semble se mouvoir que par violence ?<o:p></o:p>

Le mouvement ne peut donc être regardé que comme l'instrument de la formation et sur cela on ne doit pas chicaner mal à propos ; c'est seulement sur la raison motrice de cet instrument ou de ce mouvement, que l'on peut grandement presser les adversaires. Car à propos de quoi introduire un instrument qui n'aurait point de raison pour venir et pour jouer ?<o:p></o:p>

Je trouve qu'on les embarrasserait plus par là qu'en voulant les forcer de reconnaître dans cet instrument une intelligence qui n'y est pas, quoi qu'elle soit au-dessus de lui et qu'elle l'emploie, comme malgré lui. Si on les embarrassait en les questionnant ainsi sur la raison motrice de cet instrument, on les embarrasserait encore davantage sur l'objet des résultats de cet instrument ; et cependant ce n'est qu'en sondant sagement tous ces pourquoi, que l'on peut clairement connaître l'esprit des choses et ne se pas abuser, soit sur la nature, soit sur le véritable objet de leur existence.<o:p></o:p>

Mais la vraie raison pour laquelle les preuves tirées de la nature en faveur de Dieu sont insuffisantes, c'est que cette nature semble n'être en général qu'un être ou malade, ou en convalescence. Tous les individus qui la constituent s emblent n’être occupés qu’à leur propre amélioration. Ils semblent tous ne tendre qu'à s'arracher à la mort pour arriver à un état sain et vivant. Ainsi, Dieu considéré relativement à la nature, devrait plutôt être regardé comme son médecin que comme son créateur. Par conséquent, ceux qui voudraient puiser dans la nature quelques preuves contre Lui, seraient aussi bien fondés que ceux qui se proposent un but opposé ; car ils pourraient regarder Dieu comme un être débile, ou bien altéré dans Ses principes pour avoir produit une oeuvre où se rencontrent tant de défectuosités, tant de maux et tant de sources destructives. Ordinairement, des enfants malsains indiquent des parents qui ne se portent pas bien.<o:p></o:p>

Cela nous ramènerait par une voie simple, aux principes exposés dans le commencement de cet ouvrage ; savoir : que Dieu n’a pas pu Se dispenser de créer éternellement une nature saine, qui devait servir d'apanage aux agents spirituels et dont cette nature-ci n'est plus qu'une image informe ; que l'amour inextinguible de ce Dieu suprême pour Ses productions spirituelles et, par conséquent, pour l'homme, L'a engagé à tempérer le mal que les égarements des agents spirituels avaient fait successivement à la nature ; que ce sont là ces signes de restauration qu'elle nous offre à tous les pas ; mais que ces signes-là n'absorbent point assez le mal en question pour qu'il ne soit pas très reconnaissable et pour qu'il nous soit possible de voir exclusivement dans la nature de Dieu à jamais créateur de toutes les harmonies, puisque nous n'y voyons qu'une force restauratrice ; qu'il nous faut ainsi recourir à l'ordre des preuves indiqué à toutes les pages de mes écrits ; savoir : à l 'âme humaine, spirituelle et ne pouvant vivre que d'admiration et d'adoration.<o:p></o:p>

Mais il faut ajouter avec grand soin que cette âme ne peut offrir les témoignages du Dieu saint et aimant, qu'autant qu'elle est redevenue un miroir clarifié et propre à réfléchir le modèle éternel et saint dont elle devrait être l'image ; comme dans nos tribunaux humains l'esprit de la loi serait de n'employer que des témoins véridiques et bien famés et comme la nature dégradée où nous sommes renfermés ne sera propre à réfléchir l'harmonie des puissances de ce Dieu créateur, qu'après qu'elle aura acquis par les secours du Dieu restaurateur le degré de pureté dont elle a besoin pour Lui servir de témoin.<o:p></o:p>

Car, dans son état actuel, elle ne m'annonce que le pouvoir d'un médecin habile qui la soigne. Or, un médecin n'est point ordinairement le père de son malade, ou bien si cette circonstance se présente, il n'est pas moins vrai que l'homme en question n'aura été le médecin de son fils qu'après en avoir été le père.<o:p></o:p>

Il faut donc convenir que c'est faute d'avoir appris à lire dans le seul livre qui leur avait été donné en propre, que les savants ont si mal lu ensuite et dans Dieu et dans la nature.<o:p></o:p>

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Signes de désordres dans la nature ; son apparence<o:p></o:p>

Si la nature nous offre dans ses révolutions et dans ses saisons une réminiscence d'une nature plus fixe et que nous ne voyons plus, elle nous offre aussi dans la mort de ces mêmes productions la réminiscence d'un désordre que nous ne devons pas non plus oublier ; car dès que nous voyons ainsi la nature alternativement naître et périr, alternativement se couvrir des plus belles couleurs et de toutes les horreurs de la destruction, nous ne pouvons douter que le bien et le mal, la vie et la mort ne soient en elle et n'agissent sur elle, malgré tous les efforts des philosophies humaines qui ont mieux aimé tout confondre que d'observer en paix et en silence, ce que cette nature exposait si évidemment à leurs regards.<o:p></o:p>

Les propriétés qu'elle contient annoncent assez qu'elle avait pour but une destination salutaire et curative ; mais les destructions périodiques auxquelles elle est soumise annoncent aussi que ces propriétés et cette destination ont un terme et une mesure ; enfin, on ne peut douter qu'il n'y ait dans la nature un centre qui soit vif, puisqu'elle enfante journellement des productions ; mais on ne peut douter aussi qu'elle ait en elle un centre qui soit mort, puisque c'est par la mort que tous les corps finissent.<o:p></o:p>

Les époques périodiques où cette nature se trouve dépouillée de son plus bel ornement, sont comme la borne où le doigt de Dieu s'est arrêté dans Sa sagesse, qui ne donnait aux remèdes curatifs qu'une extension proportionnée aux maux qu'ils devaient guérir. Quelques-uns ont expliqué ces périodes en comparant un peu trivialement cette nature à un grand emplâtre qui a besoin d'être renouvelé chaque fois qu'il s'est saturé de venin.<o:p></o:p>

D'autres l'ont regardée aussi comme une éponge qui s'imbibe et qu'ensuite on presse à son gré et ont cru même trouver là une raison pourquoi elle était élastique ; ils ont cru trouver aussi la preuve que c'était en en effet la violence qui l'avait fait naître, en ce que les productions s'élèvent comme par violence du sein de la terre après la rigueur des hivers et en ce que c'est par la violence que ces mêmes productions retournent à leur principe et que le terme des choses est l'indice de leur origine.<o:p></o:p>

Mais la plus singulière opinion que le spectacle de la nature fasse naître quelquefois, ce n'est pas assurément de la regarder comme un objet propre à réveiller notre penchant à l'admiration, puisqu'elle a aussi des droits à opérer cet effet là sur nous ; mais c'est de la regarder comme un tableau factice, mixte et composé, comme une espèce d'être apparent et n'ayant pas en soi une vie réelle ; car en effet, malgré les désordres qu'elle offre à tous les yeux on ne peut pas la dire désordonnée, puisque ces désordres ne sont ni dans sa connaissance ni dans sa volonté.<o:p></o:p>

De même aussi, malgré l'ordre que nous voyons en elle nous ne pouvons la dire ordonnée et sage, puisqu'elle ne connaît par elle-même ni cet ordre ni cette sagesse, qui seuls pourraient donner de la réalité à ses oeuvres ; aussi, ne serait-on pas éloigné en la contemplant de croire aux visions, parce que la créature universelle paraîtrait en avoir le caractère.<o:p></o:p>

Toute la différence qu'on y trouve, c'est que cette vision serait plus longue et plus contrainte que celles dont on nous parle dans les différents récits et dans les traditions qui en sont pleines ; et pour s'autoriser à cette idée de l'apparence de la matière, on pourrait aller jusqu'à s'appuyer sur ce que ses propriétés ne consistent que dans des relations auxquelles le principe fixe qui les dirige semble ne pas appartenir en propre ; et sous ce rapport on irait même jusqu'à ne regarder les êtres matériels que comme des propriétés de propriétés et comme des êtres qui servent de vêtements à d'autres vêtements, mais qui n'approchent pas le corps ou le principe.<o:p></o:p>

On ne peut pas douter non plus que cette nature actuelle ne soit une réminiscence d'une nature antérieure et impérissable, en réfléchissant que si ce plan et ce modèle réel de toutes choses n'était pas éternel, il y aurait eu quelque chose de nouveau dans Dieu et, par conséquent, si la nature physique actuelle est nouvelle, elle ne peut être qu'apparente et non pas réelle, puisqu'elle n'est pas comprise dans l'éternité du modèle, quoiqu'elle en soit la représentation agissante ; aussi peut-on dire que la nature est comme transparente et que la vie la traverse partout.<o:p></o:p>

Ces observations nous serviront lorsque nous examinerons s'il y a un monde ou s'il n'y en a pas ; car il y en a qui ont osé avancer que les plus grands malheurs des hommes venaient de ce qu'ils croyaient qu'il y avait un monde, d'autant plus que le temps ne travaille qu'à les en désabuser et que la mort n'a pas d'autre but que de leur en démontrer l'apparence en les dévêtant entièrement de ce monde auquel ils avaient eu la faiblesse de croire pendant le petit intervalle qu'ils avaient mis à le traverser.<o:p></o:p>

En attendant, convenons au moins qu'on ne peut s'empêcher de regarder la nature comme une excroissance ou une sorte de dislocation, qui fait que toutes les parties en sont douloureuses et malfaisantes. Ce qui porte à le penser ainsi, c'est l'impression que nous cause le sentiment de la région supérieure quand nous avons le bonheur d'en approcher. Ce sentiment fait disparaître pour nous toutes les qualités importunes et gênantes de la nature visible.<o:p></o:p>

Elles ne s'annulent pas pour nous, alors, comme dans l'enfant, c'est-à-dire, par une simple distraction et en substituant une sensation à une autre sensation ; elles ne s'y annulent pas non plus comme dans l'artiste, le savant, l'homme studieux et occupé qui retrouvent toutes ces qualités importunes, quand ils quittent leurs occupations ; elles ne s'y annulent pas comme dans l'homme courageux et dans le guerrier qui sentent les maux et les fatigues, mais qui les surmontent ; elles s'y annulent, parce que réellement elles n'opèrent plus que loin de nous et à part de nous.<o:p></o:p>

Elles s'y annulent, parce que nous ne sommes plus dans la région où les choses sont froides, chaudes, aigres, fades, salées, etc. ; mais parce que nous sommes dans une région où toutes ces qualités sont insensibles, attendu qu'elles sont dans l'insensible tempérament de l'unité.<o:p></o:p>

 

Toute la nature est en somnambulisme<o:p></o:p>

Différence du somnambulisme au magisme.<o:p></o:p>

Tous les êtres de la nature sont, ou dans l'inaction comme les pierres et la terre, ou dans une action dénuée de sensibilité comme les végétaux, ou dans une sensibilité dénuée de connaissance, comme les animaux. Un nuage épais semble envelopper la masse des choses et y répandre ou les ténèbres de la mort, ou une vie si aveugle, si resserrée, qu'on voit sur tous les êtres une sorte d'égarement, une sorte de stupeur inquiète qui ressemble à la démence ; enfin, on ne peut pas s'empêcher de regarder la nature comme un être plongé dans un sommeil somnambulique.<o:p></o:p>

 Lorsque l'homme se laissa subjuguer exclusivement par le régime de cette nature, il participa à ce somnambulisme que l'on voit régner sur tous les êtres qui la composent ; et c'est à cette funeste transposition que l'on doit cet état d'incertitude et ces tâtonnements ténébreux que l'on remarque dans les doctrines humaines et dans l'esprit de tous ceux qui s'avancent pour nous enseigner, avant de s'être réveillés de leur état de somnambulisme, c'est-à-dire, avant d'être enseignés eux-mêmes par ces lumières simples et naturelles, que notre source nous a conservées, malgré notre chute et qu'elle ne demande pas mieux que de développer en nous, pour nous aider à assurer notre marche. <o:p></o:p>

On voit là quel est le puissant et terrible effet que l'attrait de cette région ténébreuse où nous sommes a dû opérer sur l'âme humaine, puisqu'elle lui a, pour ainsi dire, voilé toutes ses facultés et l'a plongée dans cet universel somnambulisme dont l'homme est le sujet et la victime dans son enfance : car il n'offre alors que la stupidité et le tâtonnement d'un être, qui n'est pas encore dans sa mesure. Malheureusement, au lieu de s'arracher à cette soporifique influence, il ne fait, par sa fausse marche, que prolonger son somnambulisme dans un âge plus avancé et dans lequel il devrait en effacer jusqu'aux moindres traces. <o:p></o:p>

Or, si d'après ces témoignages naturels, on voulait encore nier la dégradation de l'espèce humaine, on ne conçoit pas ce qui pourrait justifier d'aussi abusives prétentions.<o:p></o:p>

On voit aussi quelle sera la surprise de l'âme humaine, lorsqu'un jour elle sortira de ce somnambulisme où elle était retenue pendant son séjour sur la terre.<o:p></o:p>

Car il faut observer la différence frappante du somnambulisme magnétique d'avec celui où sont tous les êtres de la nature. C'est que le réveil du somnambule magnétique ne lui apprend rien de ce qui s'est passé pendant sa crise. Aussi, les animaux et les autres êtres de la nature qui n'ont pas même assez d'esprit pour s'égarer ou faire des fautes et encore moins pour opérer des actes spirituels réguliers, ne se souviendront-ils de rien, quand le terme des choses sera accompli ; au lieu que le réveil du somnambulisme, où cette même nature nous retient, nous apprendra tout et nous conservera le tableau fidèle de tout ce qui sera fait de vrai ou de faux dans nous, par nous, autour de nous, à notre profit comme à notre désavantage, pendant cet instant ténébreux que nous passons tous sur la terre.<o:p></o:p>

Et la véritable raison qu'on en peut donner, c'est que l'homme n'entre point par sa volonté dans le somnambulisme magnétique, au lieu que c'est par sa volonté qu'il est entré dans le somnambulisme de la nature et que la volonté ne peut manquer d'être universellement confrontée avec le fruit de ses propres oeuvres, puisqu'elle ne peut être volonté sans se créer continuellement ces mêmes oeuvres qui l'environnent et ne cessent point de l'accompagner.<o:p></o:p>

Âme humaine, emploie donc tous tes efforts pour t'arracher d'avance et autant que tu le pourras, à ce terrible somnambulisme, que l'atmosphère de l'univers étendit sur toi lors de ta chute et qu'il ne cesse d'y répandre pendant ton séjour ici-bas ; ne te donne point de repos que tu n'aies dérobé quelques portions de ton être et de tes facultés à ce terrible pouvoir qui, comme le fleuve Léthé, t'ôte le souvenir et la connaissance de ton état primitif et de tous ces avantages, dont tu n'aurais jamais dû cesser de jouir si tu te fusses maintenue dans ta région naturelle. Ce sont là les arrhes dont il faut te précautionner si tu veux t'assurer ta place. Ce sont là les couleurs et les essences de ce vêtement précieux et incorruptible, qui fera que tu pourras à la fois et te reconnaître et ne pas paraître étrangère lorsque tu te remontreras dans ton pays natal. Or, si tu es bien persuadée que la nature est une somnambule, tu dois sentir combien il t'est aisé non seulement de te dérober à ses prestiges, mais même de la soumettre en tout à ta direction et de t'en faire suivre à ta volonté, comme tu le vois opérer tous les jours par la main de l'homme à l'égard des somnambules magnétiques.<o:p></o:p>

Il ne faut pas confondre le somnambulisme, soit naturel, soit magnétique, avec le magisme. L'un est ou simplement élémentaire, ou sidérique illusoire et dangereux et ne produit dans ces deux cas que des reflets insignifiants et variables comme les sources d'où ils sortent. L'autre est le voile des choses et il ne sert qu'à intéresser l'homme à leur beauté, en ne laissant percer qu'autant de ses rayons qu'il convient pour la faire aimer et non point assez pour qu'il puisse s'en emparer et s'en approprier le principe. L'un est une privation, l'autre est à la fois le mode et l'effet de la manifestation de chaque chose.<o:p></o:p>

Ainsi l'on peut dire que si dans la nature on trouve les traces du somnambulisme, on y trouve aussi celles du magisme universel, qui opère dans toutes les productions et qui accompagne tous les états. Plus nous nous élevons, plus ce magisme étend ses droits et son délicieux empire sur nous ; aussi le magisme de la nature actuelle, tout séduisant qu'il peut être, ne nous paraîtrait rien auprès de celui de la nature réelle, en qui tout est vif et durable si nous avions le bonheur d'atteindre jusqu'à lui.<o:p></o:p>

Car le magisme universel actuel a pour objet de voiler et de dérober à nos douloureuses sensations, le règne de l'horreur et de l'infection ; tandis que le magisme réel et divin, en qui tout est toujours neuf, a pour objet, en voulant régner partout, de nous dévoiler les reflets de l'éternelle magnificence. Il veut cependant demeurer impénétrable pour nous et ne veut pas donner la clef de lui-même, afin de nous maintenir dans une continuelle et respectueuse ignorance, d'où s'engendre en nous une confiance sans borne, qu'il ne faut pas confondre avec la foi aveugle des docteurs ; e t c'est pour cela que nous n'aurions pas besoin d'en consulter d'autres que lui, parce que ce serait manquer à cette entière confiance que nous lui devons.<o:p></o:p>

Quant au somnambulisme magnétique, qu'il faut distinguer du somnambulisme naturel et qui s'étend aussi beaucoup plus loin, son danger consiste en ce qu'il n'opère qu'en exposant à nu la racine de l'âme, avant le temps et les préparations convenables. Nous ne devons employer nos facultés racines que par la puissance, la volonté et l'opération de la voie racine, sans quoi nous leur faisons courir des risques, comme on en a tant d'exemples parmi les somnambules magnétiques ; Il n'y a que le pasteur qui ouvre la porte ; les voleurs ouvrent les fenêtres et souvent même font des trous aux murs pour entrer dans le bercail.<o:p></o:p>

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Des éléments mixtes et de l'élément simple<o:p></o:p>

Ceux qui ne voient, dans ce monde-ci, qu’un élément simple et homogène et qui enseignent cette doctrine, prennent l'effet pour la cause ; ils jugent par l'unité apparente, dans la forme des corps, de l'unité de leur principe ; mais s'ils s'élevaient un degré au-dessus du visible matériel, ils reconnaîtraient que s'il n'y avait qu'un élément, jamais aucun corps mixte ne pourrait avoir lieu, puisqu'il est impossible qu'une unité se joigne à elle-même et produise des vertus si contraires que celles qu'on aperçoit dans les éléments ; secondement, ce monde difforme serait éternel, parce que comment l'unité pourrait-elle se détruire et se dissoudre ? Et comment pourrait-elle être attaquée par le pouvoir du temps ?<o:p></o:p>

Que dire donc à ceux qui ne veulent pas croire à une diversité d'actions génératrices primitives, pour la production de la matière et qui, par conséquent, regardent cette matière comme une chose éternelle et dont la réintégration est impossible ? Il faut leur répondre par de simples faits : depuis que le monde existe, la terre a reçu dans son sein les cadavres d'un grand nombre d'hommes et d'un grand nombre d'animaux ; cependant elle n'a pas augmenté de volume pour cela, ainsi il faut bien que leurs formes ne soient pas inréintégrables et que, par conséquent, celle de la matière universelle ne soit pas inréintégrable non plus.<o:p></o:p>

Mais l'incinération est encore une objection qu'on peut leur présenter : car, si le simple feu élémentaire réduit un corps à une si petite portion de cendres, comment ne pas voir que le feu supérieur pourra réduire encore davantage, puisqu'il est plus actif, le corps général de la nature. Ainsi les formes peuvent être aisément réintégrées dans le principe qui les a produites et tout nous montre comment il est possible que l'univers disparaisse et soit réintégré. <o:p></o:p>

Quoique l'élément simple n'appartienne plus à la nature, cependant ceux qui ne veulent pas croire que tout, dans notre monde matériel, provienne originairement d'une nature simple, n'ont qu'à considérer l'atmosphère dans un beau jour ; ils y verront régner, avec la clarté et la pureté, une harmonie douce de toutes les essences disséminées dans l'air ; et toutes ces essences y seront tellement fondues les unes avec les autres, qu'elles offriront le tableau le plus parfait pour nous de l'unité, dans lequel la multiplicité se perd et s'absorbe, pour ne laisser que l'idée et la vue de la chose simple.<o:p></o:p>

Mais qu'à la suite de ce spectacle paisible, des vapeurs s'accumulent et fermentent, que l'orage se forme, le tableau simple et nu va changer, la multiplicité va commencer à se montrer par les différents nuages, par les différentes nuances de leurs couleurs et par les éclairs. Bientôt cette scène discordante va s'étendre davantage ; les éclairs et le tonnerre vont engendrer la pluie, la grêle, les soufres et autres substances qui se précipitent sur la terre, dans les temps d'orage.<o:p></o:p>

Or, dans cette progression que parcourent les éléments, on voit bien clairement que c'est à mesure qu'ils descendent du sommet de l'échelle, qu'ils s'épaississent et se coagulent et que c'est au contraire à mesure qu'ils remontent vers ce sommet, qu'ils deviennent simples.<o:p></o:p>

On voit en outre qu'ils proviennent primitivement d'un élément fluide, puisqu'on ne peut les connaître qu'autant qu'on les rend fluides eux-mêmes ; et que le principe de la vie des êtres organisés, est toujours dans la fluidité, sans quoi ils n'existeraient pas. Témoins, le feu, le sang des animaux, le suc ou la sève des végétaux et finalement l'air qui remplit tout et qui pénètre tout.<o:p></o:p>

 

Deuxième partie du tome 1<o:p></o:p>

62<o:p></o:p>

 

Preuve que la nature a pour objet de servir de prison
ou d'absorbant à l'iniquité
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Homme, les erreurs que les savants ont faites sur la nature n'offensent pas, il est vrai, au premier chef, la sagesse suprême ; elles lui font plutôt une offense tacite qu'une insulte directe et ouverte ; car c'est toujours une offense lui faire, que de prétendre que tu ne pouvais pas connaître l'objet de l'existence de l'univers qu'elle a créé, pour te servir de demeure, tandis que tu connais l'objet et l'usage des moindres ustensiles et des moindres choses qui composent et remplissent ta simple habitation passagère dans les maisons faites de main d'homme.<o:p></o:p>

Mais indépendamment de ce qu'ils rétrécissent par là ton intelligence, ils font tort à leur propre raison, en dévoilant combien ils en font peu d'usage, en cette circonstance ; comme la plus simple attention va t'en convaincre.<o:p></o:p>

Observe ce qui arrive aux hommes qui s'éloignent du régime de la nature, qui vivent dans l'indolence et dans les excès de tout genre, qui ne respirent que l'air infect des grandes villes et n'ouvrent jamais les canaux de leur être aux influences vivifiantes de l'air pur d’une atmosphère libre. Non seulement leurs corps se remplissent de maladies, mais même leurs mœurs se remplissent de toutes les passions vicieuses et leur esprit de toutes sortes de ténèbres sur la destination et les droits de leur être, ainsi que sur la grande économie des choses ordonnées par la suprême sa gesse, conformément à ses plans éternels ; c'est-à-dire, que ces hommes égarés, en s'éloignant de la nature, semblent ouvrir la barrière à tous les vices et à toutes les erreurs.<o:p></o:p>

Observe au contraire ce qui arrive à ces mêmes hommes, s'ils ont le bonheur et le courage de se rapprocher de cette nature bien ordonnée, d'en suivre le régime, de fuir les cercles corrompus des villes et d'aller se régénérer, par une vie active, dans l'air pur et libre des campagnes. Tu verras leurs passions viles et corrompues s'atténuer, rentrer dans l'ordre qui leur convient et comme s'absorber dans les vives influences de cette nature plus épurée dont ils se rapprochent ; de façon que ces désordres, dont ils étaient tourmentés, vont disparaître et se trouver enchaînés par ces tout- puissants pouvoirs de la nature. Pèse cet exemple et vois, si en le considérant attentivement, il ne t'indiquera pas qu'en effet la nature a eu pour objet de contenir et d'absorber le désordre.<o:p></o:p>

Observe en outre la nature en elle-même et tu verras par l'infection qui est le résidu final de tous les corps, quel est l'objet de l'existence de ces mêmes corps et s'ils ne sont pas destinés à servir d'enveloppe et de barrière à la putréfaction, puisque cette putréfaction est leur base fondamentale, comme elle est leur terme. <o:p></o:p>

Enfin, observe les propriétés de ton propre corps relativement à ton être moral. Compare l'impétuosité de tes désirs désordonnés et injustes avec la lenteur des moyens que ton corps te laisse pour accomplir tes projets de vengeance criminelle, tes meurtres et tous les plans de ta désastreuse ambition et tu verras par là si réellement ton corps n'est pas destiné à réprimer le mal moral qui est en toi et à contenir l'iniquité qui germe et végète en toi ; et de là, il te sera aisé de comprendre si en effet ce n'est pas là aussi la destination de la nature universelle par rapport à la grande iniquité.<o:p></o:p>

Mais, si la nature a pour objet de contenir l'iniquité, tu dois savoir aussi que l'esprit a pour objet de contenir la nature, qui sans lui prendrait l'empire et rendrait l'homme brute sans cependant le rendre criminel au premier chef. Enfin, il faut que tu saches que l'esprit, à son tour, a besoin d'être contenu par la divinité, sans cela il s'évaporerait et ne prendrait aucune substance. <o:p></o:p>

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Cette progression te montre que la nature aurait été pour l'homme comme une atmosphère paradisiaque, s'il avait su administrer sagement ce trésor qui lui avait été confié ; et la preuve que tel devait être pour lui ce salutaire présent, c'est qu'il cherche continuellement et universellement à se créer cette atmosphère paradisiaque, ou à l'extraire de toutes les productions qu'elle enfante journellement autour de lui. Ainsi, dans tes occupations et dans tes propres oeuvres, reconnais à la fois et ta destination et la destination de la nature.<o:p></o:p>

 

Nécessité de la fin des choses temporelles<o:p></o:p>

Quant à la raison pour laquelle la fin des choses temporelles est nécessaire, l'homme a sans doute aussi le moyen de la découvrir par sa simple réflexion. Le créateur n'ayant formé les choses visibles et matérielles que pour servir de barrière aux efforts de la puissance égarée et criminelle, qui voulait s'approprier les causes existantes éternellement dans le centre universel, a fait en cela un acte de violence qui donne à ces productions matérielles une substantialité plus dense et plus coagulée qu'elles ne l'auraient eue si elles fussent restées dans leur simple loi spirituelle et si le crime n'eût occasionné leur extralignement.<o:p></o:p>

L'enceinte prescrite pour la naissance et la durée de ces productions est dense et coagulée comme elles ; par conséquent, insuffisante pour contenir les générations successives de ces productions, quoique suffisante pour contenir celles qui sont destinées à y paraître comme contemporaines : voilà pourquoi la mort de toutes ces productions particulières est nécessaire ; voilà pourquoi aussi l'existence de ces productions, ainsi que de l'enceinte qui les renferme, est marquée si sensiblement au signe de la défectuosité et de la confusion : car, qu'y a-t-il de plus évidemment marqué au signe de la défectuosité et de la confusion que des productions qui ne peuvent demeurer dans l'enceinte que leur nature leur destine et qu’une enceinte qui ne peut garder les productions qui lui sont envoyées et confiées par la nature ?<o:p></o:p>

Cet état de défectuosité et d'épaississement fait que l’œil de la divinité ne peut les contempler, comme elle fait ses productions spirituelles ni les compter au nombre de ses oeuvres ; et, cependant, il faut qu'elle puisse contempler tout. Voilà pourquoi toutes les productions particulières rentrent journellement, par la mort, dans leur Éther, où leurs formes, dégagées de la dense substantialité, deviennent susceptibles d'être aperçues par l’œil  de l'esprit et celui de Dieu ; mais ce qui arrive journellement pour les productions particulières, doit arriver nécessairement aussi un jour pour la production générale ou pour l'enceinte, puisque cette enceinte, ayant aujourd'hui la même défectuosité que les productions partielles, doit aussi se dégager à son tour de sa dense substantialité, pour pouvoir être contemplée par l’oeil de Dieu. En se montrant ainsi à ses regards, toutes les essences temporelles qui auront perdu, par la mort, leur grossière substantialité, se présenteront à lui avec tous les détails de ce qu'elles auront opéré et acquis pendant leur cours ou leur durée, (chose qu'il ne pouvait contempler directement pendant ce même cours et cette même durée, comme un roi qui n'assiste point à ses batailles, si ce n'est par ses généraux et à qui on vient offrir tous les trophées et tous les détails que la peinture conserve de tout ce qui a été mis en action et en oeuvre pendant la guerre, en conformité des plans qu'il a tracés et pour le triomphe de sa puissance et de sa sagesse).<o:p></o:p>

Mais elles se présenteront à lui dans les lieux où elles pourront tenir toutes à la fois, c'est-à-dire, dans les lieux où il n'y aura tant de place que parce qu'il n'y aura point de places ; au lieu que dans ce monde-ci, c'est parce qu'il y a des places que tout n'y peut pas tenir : en outre, elles se présenteront toutes à la fois, c'est-à-dire, dans un temps où il n'y aura point de temps et où elles n'auront pas besoin d'attendre leur tour et de venir l'une après l'autre pour être contemplées ; au lieu que dans ce monde, comme elles viennent dans un temps où il y a des temps, elles sont obligées de ne marcher que chacune à leur rang. Ainsi la mort de l'univers est aussi nécessaire que celle des productions particulières, puisque Dieu ne peut contempler que ce qui n'a ni temps ni place et qu’ainsi tout doit rentrer pour lui dans des régions où il n'y ait ni l'un ni l'autre.<o:p></o:p>

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État de situation de la nature<o:p></o:p>

Si les hommes pouvaient ne pas oublier que la famille humaine est comme la proscription depuis la chute, qu'ils n'ont plus la jouissance de leurs droits patrimoniaux sur la nature et que toutes leurs propriétés, ou toutes les vertus de cette nature, sont comme sous le séquestre, par une suite du jugement de condamnation, ils verraient pourquoi toutes ces vertus leur sont cachées et pourquoi ils se traînent si laborieusement autour de ces domaines dont ils sont bannis ; ils verraient qu'ils sont hors d'un magnifique palais, qui a appartenu à leurs ancêtres et qu'avec toutes leurs sciences, ils sont cependant réduits à toiser les dehors de ce palais ; surtout à ne faire que les conjectures les plus hasardées et les plus vagues sur sa distribution intérieure, sur les ornements qui décorent les divers appartements et plus encore sur la destination particulière de chacun de ces appartements, de même que sur l'usage auquel doivent être employés les différents meubles qui les remplissent.<o:p></o:p>

Oui, avec cette prudente réflexion, les savants trouveraient plus aisément la clef des choses : car ce serait déjà avoir une partie de cette clef, que de reconnaître que tout est emprisonné dans la nature.<o:p></o:p>

L'astronomie verrait donc dans le cours des astres un mouvement emprisonné, en ce qu'ils ne peuvent pas s'arrêter et que cependant ils ne suivent pas la direction à laquelle ils tendent.<o:p></o:p>

Le minéralogiste verrait quantité de divers éléments prisonniers dans les cristallisations, les métaux, les pierres précieuses, etc.<o:p></o:p>

Le chimiste verrait aussi des prisonniers dans le calorique, l'hydrogène, l'azote et autres substances qu’il reconnaît dans les divers composés qu'il soumet à ses manipulations.<o:p></o:p>

Le physicien verrait dans l'électricité une lumière emprisonnée, comme il verrait un son emprisonné dans les corps sonores, un principe de vie emprisonné dans les animaux, un soufre ou un feu emprisonné dans les sels, etc.<o:p></o:p>

Il n'est pas jusqu'au géomètre, qui ne vît les plus hautes vérités emprisonnées dans toutes ces lois qui sont l'objet de son étude ; vérités dont il n’a que de faibles images, même dans ces magnifiques formules qu'il découvre chaque jour, puisque ces formules le tiennent toujours aux qualités extérieures des choses et ne lui dévoilent rien sur leurs qualités radicales.<o:p></o:p>

Et pourquoi l'homme serait-il surpris de voir ainsi tant d'éléments, tant de propriétés, tant de principes emprisonnés, puisqu’il ne peut nier qu'il ne soit emprisonné lui-même ? Et n'est-il pas vrai de dire que s'il avait commencé à s'étudier et à se comprendre sous ce rapport, rien ne l'étonnerait plus et que l'état des choses deviendrait simple et naturel pour lui ?<o:p></o:p>

Au reste, il serait d'autant moins fondé à rejeter cette violente situation de la nature, que lui-même il ne sait pas nous la peindre et nous l'expliquer autrement : car, en bâtissant le monde comme le font les savants, avec des agrégats et des molécules, qui sont inertes et mortes, comme nos briques et les murs de nos maisons de force ; en peignant, dis-je, ainsi la nature, en font-ils autre chose qu’une grande prison ? Et en y introduisant un mouvement aveugle qui, selon eux, est l'éternel principe de cette nature et qui cependant est venu s'y enfermer et s'y enferme sans cesse, sans qu'on sache pourquoi, n'est-ce pas peupler cette nature universelle de prisonniers ?<o:p></o:p>

Ils auraient dû voir au contraire qu'il est bien vrai que nul être ne peut se passer d'une enveloppe ; mais que l'enveloppe des êtres, au lieu d'être une prison pour eux, devrait être comme un miroir qui leur aidât à rassembler et à développer leurs merveilles : et voici où de prudentes réflexions auraient conduit ces observateurs.<o:p></o:p>

 

Force impulsive ; force compressive<o:p></o:p>

Il y a dans chaque chose, soit matérielle, soit immatérielle, une force impulsive qui est le principe d'où cette chose reçoit toute son existence. On doit juger combien cette force est puissante, en considérant seulement l'effet de l'impulsion du sang dans les corps des animaux, puisque l'élan que le sang en reçoit dans le cœur, se fait sentir jusqu'aux extrémités du corps ; on peut juger ensuite combien cette force doit être puissante, considérée dans l'existence des êtres, puisque c'est l'élan de cette force qui les rend sensibles à nos yeux, avec toutes les formes, les propriétés, la substantialité, l'action, enfin, avec tous les caractères si merveilleux qui les distinguent.<o:p></o:p>

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Que l'on juge donc quelle doit être la puissance de cette force centrale, universelle, qui a donné et qui donne journellement l'existence à l'univers visible et invisible et à tout ce qui agit et est contenu dans ces deux univers ?<o:p></o:p>

Mais cette force impulsive universelle que nous observons dans la nature, n'aurait pas lieu si une force compressive et comme opposée, ne la resserrait pour en augmenter l'intensité ; c'est elle qui, en lui donnant du ressort, opère, en même temps, le développement et l'apparence de toutes les propriétés et de toutes les formes engendrées par l'élan de la force impulsive.<o:p></o:p>

Car il faut que ces deux puissances soient en proportion, pour qu'il y ait quelque chose et pour que les choses nous paraissent dans cette harmonie et dans cette régularité où, malgré la chute, nous les voyons encore à présent, en ne considérant ici que la région physique.<o:p></o:p>

Aussi tous les corps sont-ils composés de ces deux puissances que nous appellerons ici la force et la résistance : car, s'il n'y avait que de la résistance, il n'y aurait point de mouvement ; de même que s'il n'y avait que de la force et point de résistance, il n'y aurait point de corps.<o:p></o:p>

Lorsque nous considérerons la région divine et toutes les régions spirituelles qui lui sont liées, nous trouverons les mêmes lois et la même marche pour les résultats de toutes ces classes, puisque c'est une nécessité indispensable et universelle, pour qu'il y ait quelque chose qui soit, à la fois, actif et substantiel.<o:p></o:p>

Mais la différence c'est que, dans Dieu, la force et la résistance sont dans un rapport fixe et éternellement invariable, ce qui nous donne la raison de cette parfaite harmonie, sur laquelle nous ne pouvons pas douter que ne soit établie son existence.<o:p></o:p>

Quand les êtres spirituels qui tiennent à lui, veulent se rendre ses images, ils ne le peuvent qu'en maintenant, comme lui, l'équilibre entre cette force et cette résistance, auxquelles leurs facultés sont liées comme celles de tout ce qui existe.<o:p></o:p>

Quant à la nature physique, nous voyons si clairement en elle le jeu divers de ces deux bases universelles des choses, que leur empire mutuel s'y démontre avec la plus sensible évidence.<o:p></o:p>

En effet, la végétation, surtout, nous offre ces deux lois distinctement, dans toutes leurs différentes progressions. Dans le noyau d'un fruit, la résistance l'emporte sur la force, aussi reste-t-il dans l'inaction ; lorsqu'on l'a planté et que la végétation s'établit, elle n'a lieu que parce que la force combat la résistance et se met en équilibre avec elle. Lorsque le fruit paraît, c'est la force qui l'a emporté sur la résistance et qui est parvenue à vaincre tous les obstacles, quoi que néanmoins ce fruit lui-même ne s'offre à nous que comme étant l'union d'une force et d'une résistance, en ce qu'il est composé et de ses propriétés substantialisées et de son enveloppe qui les contient, les rassemble, les conserve et les corrobore, selon cette loi universelle des choses.<o:p></o:p>

D'après ce tableau, on voit quelles plaies a souffert la nature actuelle, en comparaison de cette nature primitive et éternelle, que nous avons reconnue comme devant avoir été l'apanage de l'homme.<o:p></o:p>

En effet, n'est-ce pas une plaie que ces suspensions auxquelles nous voyons que cette nature actuelle est condamnée ?<o:p></o:p>

N'est-ce pas une plaie que ces saisons toujours en guerre, toujours opposées l'une à l'autre et qui n'ont lieu que parce que, continuellement, la force et la résistance se séparent dans la nature et ne peuvent jamais vivre ensemble dans une harmonie permanente ?<o:p></o:p>

N'est-ce pas une plaie que ces incommensurables lenteurs auxquelles est assujettie la croissance des êtres et qui semblent tenir la vie comme suspendue en eux ?<o:p></o:p>

N'est-ce pas surtout une plaie que ces énormes amas de substances pierreuses et cristallisées, où, non seulement, la résistance l'emporte sur la force ; mais où elle l'emporte à un tel degré, qu'elle semble avoir totalement absorbé la vie de ces corps et les avoir condamnés à la mort absolue ?<o:p></o:p>

Est-ce donc là ce magnifique domaine, où la pensée des hommes les rappelle sans cesse et qu'ils poursuivent journellement dans leurs arts, dans leur luxe, dans leur orgueil, dans leurs illusions, tout en enseignant, avec dérision, qu'on ne doit pas croire que cet ancien et magnifique domaine ait existé ? Est-ce là cette nature régulière que nous concevons tous comme devant être sans défaut, en qui la vie doit circuler librement et ne connaître d'autres intervalles ni d'autres limites que celles qui servent à désigner le caractère et la propriété des êtres, par la forme de leur circonscription ? Sont-ce là ces miroirs qui devaient nous réfléchir nos propres rayons, comme nous devions réfléchir les rayons divins ?<o:p></o:p>

Mais nous n'en pouvons plus douter ; pourquoi l'homme ne veut-il pas croire aux plaies de la nature ? C'est qu'il ne veut pas croire à sa propre plaie. S'il ne s'aveuglait pas, comme il le fait, sur les catastrophes qu'il a subies, celles de la nature ne lui paraîtraient plus si problématiques ; il verrait que c'est sous son propre cataclysme qu'il a englouti la région des choses et il ne se prétendrait plus à se montrer comme intact, en étant environné de tant de témoignages qui déposent contre lui.<o:p></o:p>

En effet, les hommes ne veulent pas croire aux grandes catastrophes ou aux grands cataclysmes de la nature et, cependant ils ne peuvent s'empêcher de croire au cataclysme de l'homme, puisque cet homme erre comme un aveugle dans un désert, puisque tout est comme transposé et comme bouleversé dans toutes les substances et les facultés qui le composent ; et puisque les divers sédiments, dont la région de sa pensée est couverte et comme obstruée, montrent à découvert, en lui, les traces d'une universelle contraction et les débris d'une désorganisation totale.<o:p></o:p>

S'ils voulaient ensuite songer au rang que l'homme devait occuper dans la nature, ils verraient que les suites de ce fléau qu'il a éprouvé évidemment sur lui-même, n'ont pu manquer de s'étendre à cette nature qui était son domaine, comme les désordres d'un homme puissant, entraînent tout le cercle et des choses et des hommes, auquel il est lié.<o:p></o:p>

Mais pour que l'homme crût à son propre cataclysme, comme une suite de son égarement, il faudrait qu'il se crût esprit, puisque alors il ne pourrait s'empêcher de se croire coupable, en reconnaissant l'étendue de la punition qui est tombée sur lui : or, la philosophie matérielle l'arrête au bord de ces puissantes vérités et lui défend de se croire esprit, puisqu'elle l'invite à se confondre avec la nature des bêtes.<o:p></o:p>

D'un autre côté, l'orgueil de l'homme se révolte si on le prend pour une bête ; de façon qu'il ne veut être ni bête ni esprit ; ou plutôt il consentirait bien à être esprit, pourvu qu'il eût la permission de vivre comme une bête ; ce qui est dire, en effet, qu'il ne sait ni ce qu'il est ni ce qu'il veut être ; et voilà le néant et les ténèbres par où finissent les conseils, les entreprises et les poursuites imperturbables de ce centre extraligné dans lequel l'homme s'est laissé emprisonner.<o:p></o:p>

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Des pierres et des cristallisations<o:p></o:p>

Parmi toutes les substances de la nature, les pierres et les cristallisations sont celles qui offrent les témoignages les plus expressifs de la grande contraction que l'univers a éprouvée. Nous y voyons clairement l'empire de la résistance sur la force ; empire qui, dans les pierres, a totalement anéanti cette force et qui, dans les cristallisations, l'a subjuguée dans certains points, l'a seulement mise en fuite dans d'autres et enfin, n'a pu empêcher que dans certains autres points cette force ne se fit jour et ne parvînt à lui échapper. Car, en s'échappant ainsi, cette force n'est pas moins réduite à quitter son asile, ou son enveloppe, dans laquelle elle aurait existé en paix si l'harmonie des deux puissances sur lesquelles cette paix devait reposer, n'avait pas été dérangée.<o:p></o:p>

Les points sur lesquels la résistance a exercé sensiblement son empire dans les cristallisations, ce sont leurs faces qui, presque universellement, ne présentent que des plans ; car rien ne devrait être plan dans la nature, d'après cette loi fondamentale de la combinaison exacte de la force et de la résistance et, d'après une autre loi qui nous a fait reconnaître depuis longtemps, que dans cette même nature il ne pouvait pas y avoir de lignes droites.<o:p></o:p>

Les faces de ces cristallisations annoncent ainsi, que la vie a disparu dans ces points-là ; car, que l'on considère les sels disséminés dans l'eau, ils se présentent à nous comme étant enveloppés de globules sphériques de ce liquide, jusque dans leurs plus petites parcelles ; et dans cet état-là, leurs propriétés sont bénignes et douces, parce que l'harmonie y existe pour eux entre les deux puissances.<o:p></o:p>

Lorsque l'évaporation les cristallise, elle leur ôte à la fois et leur forme sphérique et leurs qualités tempérées ; elle ne montre plus en eux que la charpente de l'édifice, ou que leur carcasse et, en même temps, elle les rend piquants et caustiques, ce qui ne pouvait être le primitif objet de la nature et n'est devenu pour elle qu'un objet secondaire, qui n'aurait pas eu lieu s'il ne trouvait pas aujourd'hui en elle des humeurs à diviser et à dissoudre. Les sels et les cristallisations ne sont enfin que des squelettes ou des corps qui ont perdu leur embonpoint.<o:p></o:p>

Les arêtes de ces sels ou de ces cristallisations, sont les sentiers par lesquels la force fuit l'empire de la résistance ; car cet empire la presse de deux côtés, comme on le voit aux plans des faces inclinés l'un sur l'autre sous des angles de différentes grandeurs. Et c'est cette double pression latérale qui l'a fait fuir par ces sentiers, après que le choc direct qu'elle a subi aux points des faces, l'a obligée de se réfugier aux extrémités de ces faces.<o:p></o:p>

Quand dans sa fuite, elle arrive aux extrémités de ces arêtes, elle y rencontre de nouveau son ennemi ; mais au lieu de le rencontrer sous la forme bièdre, ou sous deux faces comme dans les arêtes, elle l'y rencontre sous un plus grand nombre de faces, ou sous la forme trièdre, tétraèdre, hexaèdre, etc. selon la configuration attachée à l'espèce de cristal que l'on observe.<o:p></o:p>

Comme l'augmentation du nombre des faces annonce une augmentation dans l'empire de la résistance, elle en procure aussi par conséquent à l'empire de la force qui, étant pressée par un plus grand nombre de côtés, s'accroît en raison de tous les renforts qui lui arrivent ; c'est alors qu'elle se réfugie en masse vers les points saillants du cristal, ou vers les angles solides par lesquels il lui devient enfin plus aisé de s'échapper et de se remettre en liberté ; ce qui est probablement la raison pour laquelle l'électricité est plus sensible ou plus dégagée aux pointes, ou à ces angles solides des cristaux qui en sont susceptibles, qu'aux arêtes et plus aux arêtes qu'aux faces.<o:p></o:p>

Mais telle est la grande sa gesse de la loi éternelle des choses, que dans leurs désastres même, elle voudrait que nous pussions lire encore les plans fondamentaux sur lesquels elle a dessiné tous les êtres. Aussi, en même temps que l'empire excessif de la résistance dans les cristallisations comprime la force jusqu'à l'obliger à se réfugier aux extrémités de son territoire et même à s'élancer ainsi au-dehors, cette force, en faisant sa retraite par des sentiers constants et par des points ou des angles solides fixes, cherche à développer à nos yeux les bases actives et invariables qui la constituent et sur lesquelles elle siège dans les diverses cristallisations avec une régularité, qui nous mettrait à même de connaître ces bases actives si nous nous occupions de les étudier avec autant de soin que nous en mettons à mesurer les formes extérieures et les angles divers de ces cristallisations.<o:p></o:p>

Car on peut comparer cette force, ainsi poursuivie, à des propriétaires dépossédés, qui emportent avec eux tous leurs titres et qui peuvent par là faire reconnaître leurs droits partout.<o:p></o:p>

Or, ce qui aujourd'hui devient un asile ou même un moyen d'évasion à cette force dans l'état violent de cristallisation, était sans doute comme une simple voie de communication lorsqu'elle était dans son état naturel. C'était l'organe où sont actuellement ces angles solides, que devait se transmettre la plus grande somme des propriétés dont chaque substance était dépositaire ; et d'après cette loi, nous devons supposer que les substances cristallisées aujourd'hui, sous l'une ou l'autre des formes régulières géométriques étaient, dans leur origine, destinées à communiquer, dans le commerce des choses, des propriétés d'un grand prix et cela parce qu'elles étaient parfaitement harmonisées dans leurs rapports constitutifs, ou dans la loi de combinaison, entre leur force et leur résistance.<o:p></o:p>

Le moyen d'en juger est de voir que par ces formes régulières elles étaient susceptibles d'être inscrites dans une sphère, comme la circonférence d'un cercle s'inscrit autour des sommets d'un triangle, d'un hexagone, etc. ; car le cercle et la sphère sont les images sensibles de tout ce en quoi la force et la résistance sont dans une parfaite harmonie.<o:p></o:p>

Ne soyons donc point étonnés de voir le sel marin être cristallisé en cube et avoir en même temps des propriétés d'un si grand usage.<o:p></o:p>

Ne soyons point étonnés de voir le diamant cristallisé en octaèdre régulier et jeter en même temps un feu si brillant.<o:p></o:p>

Ne soyons point étonnés non plus de voir des propriétés en opposition dans des substances qui ne sont point cristallisées sous une forme régulière ; ainsi ne soyons point étonnés que la tourmaline, dont la forme primitive est un rhomboïde obtus, soit susceptible d'un côté de l'électricité vitrée et de l'autre de l'électricité résineuse ; et que le quartz hyalin cristallisé en rhomboïdes un peu obtus et les cristaux de soufre qui sont sans forme régulière, offrent le phénomène de la réfraction double, c'est-à-dire, de la réfraction fausse.<o:p></o:p>

Je sais qu'indépendamment de la loi des formes extérieures, il y a nombre d'autres signes d'après lesquels on peut juger les qualités plus ou moins éminentes des substances cristallisées ; je sais aussi que chacun de ces signes non seulement n'est pas exclusif, mais se trouve souvent modifié et quelquefois contredit par des faits contraires ; c'est leur assemblage dans la même substance, qui donne la clef de ces diversités ; et on ne peut, sur cela, se dispenser de rendre hommage aux ressources considérables que la cristallographie moderne s'est acquise, pour éclairer ce chaos où la nature a été replongée. Elle a su, par le moyen des caractères essentiels, des caractères physiques, des caractères géométriques et des caractères chimiques, rassembler assez de témoins intègres pour pouvoir, en les confrontant les uns aux autres, s'assurer mieux que par le passé des qualités et des substances, soit simples, soit combinées, qui composent le domaine des cristallisations. Espérons qu'à force d'arriver si près du port, comme elle y arrive en effet tous les jours, elle finira par prendre terre.<o:p></o:p>

Mais des yeux clairvoyants apercevront dans l'observation de tous ces autres signes divers, la même marche que nous venons d'indiquer par rapport aux formes extérieures et ce sera éternellement le jeu de la force et de la résistance qui devra servir de guide dans toutes les découvertes que l'on pourra faire, parce que cette loi est l'universel pivot des choses.<o:p></o:p>

C'est ainsi par exemple, que la lumière qui est la force, débrûle les corps brûlés, qui avaient été comprimés par la combustion ; elle les débrûle parce qu'elle s'unit au principe de la résistance qui avait dominé en eux et leur rend la vie par cette union des deux puissances.<o:p></o:p>

C'est pour cela que les corps les plus colorés sont les meilleurs conducteurs du calorique ; car, comme la lumière est la force, elle aide puissamment ce calorique à se délivrer de la résistance ; aussi le calorique et la lumière sont-ils à un degré très proche de parenté et sont-ils sortis tous deux de la même prison.<o:p></o:p>

C'est pour cela que cette lumière, en passant à travers les corps transparents, éprouve une réfraction qui est d'autant plus forte, qu'ils sont plus combustibles, parce que ce principe de combustion ou la résistance n'est point encore ouvert pour que cette lumière puisse le pénétrer.<o:p></o:p>

C'est pour cela que les corps résineux doivent être les moins propres à transmettre l'électricité, parce que ce fluide est puissamment retenu par la coagulation de leur mercure, qui est bien loin d'être le mercure minéral. Car l'huile elle-même n'est qu'un mercure coagulé ; et en se développant, elle nous montre qu'elle est une force destinée à vaincre la résistance des ténèbres et à vivifier son propre tombeau.<o:p></o:p>

C'est pour cela que le fluide magnétique, qui est la force, tient sans doute de plus près qu'aucun autre à la force vivante ou à la force supérieure et ordonnatrice de l'univers, puisqu'il est si généralement répandu dans la nature qu'il n'y a que très peu de substances qui l'enveloppent de la résistance ; et encore cette résistance n'a-t-elle pour objet que de lui servir de direction et de nous montrer par là les points du monde où la force vivante et cachée pour nous, déploie les diverses actions par lesquelles elle écrit perpétuellement sur l'ensemble des choses, les caractères générateurs qui les ont formées et qui les vivifient continuellement.<o:p></o:p>

Les divers objets dont s'occupent les autres sciences nous indiqueraient également de quelle manière nous devrions nous y prendre pour lire cette écriture vivante, consacrée dans les différents livres qui composent la grande bibliothèque de l'univers ; mais mon plan étant plutôt d'indiquer rapidement les routes, que d'y conduire les voyageurs et surtout, n'ayant à présenter en ce genre d'observations que de simples aperçus, je me bornerai à parcourir brièvement quelques exemples.<o:p></o:p>

 

De la végétation <o:p></o:p>

L'objet de la végétation est de nous transmettre les rayons de beauté, de couleur et de perfection, qui ont leur source dans la région supérieure et qui ne tendent qu'à s'introduire dans notre région inférieure ; ainsi chaque grain de semence est un petit chaos dont le débrouillement doit nous montrer l'origine des choses temporelles, la séparation de la lumière d'avec les ténèbres et la régularité vive de toutes les formes à la place de ce néant, que, sans elles, l'espace nous offrirait.<o:p></o:p>

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Voilà pourquoi tout dans la nature est composé d'une action divisante qui est la force et d'une action divisible qui est la résistance ; quand l'action divisible est privée de l'action divisante, elle se coagule et s'épaissit comme l'eau. Quand elle n'en est point privée, elle se subtilise comme le feu ; mais dans cette subtilisation, elle laisse des traces de toutes les régions par lesquelles elle a passé. Aussi, dans l'ordre des végétations, la putréfaction génératrice se passe dans les racines ; le noir ne se montre point dans les feuilles ; le vert qui est l'union du feu et de l'eau, ne se montre que dans les feuilles et jamais dans les fleurs, quoiqu'il se trouve souvent à l'enveloppe des fruits, où il fait alors comme la fonction de feuilles ; enfin, les couleurs vives ne se montrent que dans les fleurs et dans les fruits, sans en excepter les plantes dont le fruit ne sort pas de la terre et, qui, pour cette raison, sont appelées racines.<o:p></o:p>

C'est alors que le plan est rempli et que ce qui était venu en bas est remonté en haut. C'est dans l'étude des différents détails qui tiennent à ce grand plan ou à la végétation, que notre intelligence trouverait à s'instruire et à faire d'utiles applications.<o:p></o:p>

Car en considérant toutes les graines quelconques, comme la prison où se sont renfermées toutes les puissances supérieures analogues à la classe de chacune de ces graines, dans laquelle elles sont comme en suspension ou comme absorbées, on verrait là une traduction de la suspension générale qu'a éprouvée la nature lors de la grande catastrophe ; on y verrait même, s'il est permis de le dire, un texte naturel de ce passage mythologique qui nous présente Saturne comme dévorant tous ses enfants. C'est là cette terrible résistance qui a comprimé toutes les forces ou toutes les propriétés élémentaires ; car la graine ne rassemble ainsi toutes les essences d'un végétal qu'en les comprimant avec violence quelles que soient sa couleur et son espèce.<o:p></o:p>

Mais nous voyons aussi le jeu de ces mêmes essences ou de la force, dans la végétation ; car la terre possède dans son humus toutes ces propriétés, sans quoi elle ne pourrait jamais être féconde. Seulement ces propriétés sont dispersées et subdivisées en elle et cela dans un nombre si considérable, qu'on ne pourrait le comparer qu'à l'immensité des étoiles.<o:p></o:p>

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Aussi, lorsqu'on sème une graine dans son sein, toutes les propriétés dispersées dans la terre et qui sont analogues à celles de la graine, agissent sur cette graine ; elles aident aux propriétés qui y sont emprisonnées à combattre cette résistance violente qui les comprime ; elles les secondent tellement dans ce combat, qu'elles finissent par dissoudre, en commun, cette enveloppe ou cette prison et, que, s'unissant alors librement les unes et les autres, elles jouissent toutes de la liberté d'action, après laquelle elles tendaient, les unes dans leurs entraves, les autres dans leur dispersion ; et voilà comment se fait partout le mariage de la nature.<o:p></o:p>

Il est donc vrai que ces mariages ou ces alliances ne se font pas sans de grands efforts de part et d'autre, afin de renverser tous les obstacles qui s'y opposent ; mais il est vrai aussi que tous les détails de ce combat sont écrits sur la production qui en résulte, ainsi que les indices des propriétés diverses qui ont eu part à l'action et que l'étude de ces détails serait pour nous un livre très instructif, si nous avions les moyens et le bonheur d'y pouvoir lire : car, il n'y a aucun être qui ne soit l'histoire vivante de sa propre naissance, ou de sa propre génération et dans lequel on ne puisse voir les traces de ses triomphes et de ses défaites, lors du grand choc.<o:p></o:p>

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Des propriétés et de la forme du chêne<o:p></o:p>

On voit à l'amande d'un goût âpre et austère, renfermée dans son gland, que cet arbre a subi un violent effort de la résistance, qui n'eût tendu à rien moins qu'à l'anéantir ; mais on voit à son gland, en forme d'olive, que sa force a été encore plus grande et que c'est en se prolongeant ainsi qu'il a échappé à la résistance : ainsi que l'on compare la portion de ce gland, qui est restée renfermée dans sa petite coupe ou dans son calice, à celle qui est affranchie et l'on reconnaîtra combien, en lui, la force l'a emporté sur la résistance.<o:p></o:p>

C'est ce que l'arbre lui-même nous démontre par son extrême élévation, par la longue durée de son existence, par la grande consistance de son bois, par le beau vert de ses feuilles, par les nombreuses variétés qui composent la famille des chênes et par les nombreux services qu'ils nous rendent.<o:p></o:p>

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Des propriétés du café<o:p></o:p>

D'après les principes que nous avons posés et dont nous ne faisons ici que de rapides applications, le café est une huile douce, concentrée par une violente résistance, comme on le voit à sa décoction noire. Cette huile n'est cependant pas très pure ; on le voit à la forme des deux lobes du fruit et à leur rainure, qui montrent que dans le combat qu'il a subi, lors de la grande catastrophe de la nature, son centre a été vicié et s'est réfugié, comme il a pu, dans les régions voisines.<o:p></o:p>

La cerise fade qui l'environne indique, qu'il est privé de son eau par ce pouvoir compressif qui s'est mis entre lui et elle. On voit dans sa fleur, numériquement, le signe de la division de son centre : car c'est dans le centre des choses que résident les facteurs de leurs puissances développées ou de leurs productions.<o:p></o:p>

Ses feuilles gros-vert et polies, comme celles du laurier, indiquent qu'une portion de son centre a passé là, à la faveur de l'eau.<o:p></o:p>

Ses fruits, qui naissent à l'aisselle des feuilles, annoncent que la résistance l'a empêché de porter sa sève fructifiante aussi haut qu'il l'eût fait, s'il eût été plus libre.<o:p></o:p>

D'après tout ceci, on peut juger que le café n'est point une plante qui ait été conservée lors de la grande catastrophe ; que les effets salutaires qu'on éprouve, en en faisant usage, sont plutôt compressifs et violents, qu'anodins et suaves ; qu’il n’agit qu'en resserrant nos forces digestives, par son astringence originelle, ce qui fait qu'il est propre aux pays chauds qui les divisent ; qu'ainsi s'il vient au secours de quelques-unes de nos incommodités, ce n'est peut-être qu'en nous en occasionnant d'autres qui sont de diminuer réellement nos forces vitales ; et que si nous jouissions de la mesure convenable de nos forces vitales, nous n'aurions pas besoin de lui.<o:p></o:p>

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De la vigne<o:p></o:p>

Si, avec ce même coup d’œil, nous considérons la feuille de la vigne, le pépin du raisin et les propriétés du vin, nous reconnaîtrons bientôt que dans le pépin, l'eau a été extrêmement concentrée par la résistance, ce qui fait qu'elle se développe avec tant d'abondance dans les pampres <o:p></o:p>

Que dans cette expansion de l'eau, la feuille de vigne indique par sa forme, qu'elle n'est si abondante que pour avoir été séparée de son feu et que ses facteurs ont été binaires, comme dans une infinité d'autres plantes <o:p></o:p>

Que, par conséquent, le feu y a été aussi extrêmement séparé de l'eau, ce qui se fait connaître à la branche du cep, où les feuilles et le pédicule de la grappe alternent ensemble, mais toujours du côté opposé <o:p></o:p>

Que, selon sa loi, ce feu monte toujours plus haut que l'eau, ce qui se fait connaître au pédicule de la grappe, qui s'élève toujours au-dessus de sa feuille correspondante <o:p></o:p>

Qu'aussi ce feu est très voisin de la vie primitive, qui ne fait, pour ainsi dire, qu'un avec lui, ce qui est cause que le grain de raisin prend une forme sphérique et régulière, comme ayant pompé par ses étamines et son pistil, le complet des virtualités astrales, dont le nombre embrasse toute la circonférence et établit l'équilibre entre la résistance et la force <o:p></o:p>

Que, par cette raison, il est si sain et si salutaire lorsqu'il est pris avec mesure et modération <o:p></o:p>

Mais que vu la source divisée ou binaire, d'où il dérive, il doit opérer les plus grands ravages quand il est pris avec excès <o:p></o:p>

Qu'en outre ces excès sont d'un genre remarquable : 1) En ce qu'ils portent à la dispute, à l'absence de la raison, aux combats et aux meurtres ; <o:p></o:p>

2) En ce qu'ils portent à la luxure, qui est écrite de tant de manières sur la forme du pépin ; <o:p></o:p>

3) en ce que l'ivresse, en excitant à la luxure, est cependant bien loin d'être favorable à la génération.<o:p></o:p>

Tel est le léger indice de la manière dont nous pourrions étudier la nature, parmi les classes minérales et végétales, pour nous instruire et de leur origine et de leurs propriétés.<o:p></o:p>

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Des animaux<o:p></o:p>

Nous trouverions des indices et des signes aussi évidents parmi la classe animale, où la force et la résistance se sont écrites lisiblement et avec toutes les nuances des chocs qu'elles ont subies lors de la grande catastrophe de la nature.<o:p></o:p>

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C'est ainsi que la force a été concentrée dans le chien par la compression de la résistance ; ce qui fait qu'il sue peu, qu'en même temps il peut supporter des marches si longues et si étonnantes, vu sa grosseur et qu'enfin ses forces digestives sont si remarquables. C'est aussi pour cette raison que la rage a en lui des caractères plus marqués et plus funestes que dans d'autres animaux, parce que son feu ainsi comprimé, na' aucun moyen de se jeter en dehors pour atteindre à l'eau qui lui manque ; cause qui est comme constitutive en lui et qui devient effet et symptôme caractéristique de la rage, parmi tous les êtres qui ont le malheur d'en être attaqués et qui ne peuvent pas boire. <o:p></o:p>

C'est aussi par cette compression et par ce dessèchement interne que même dans son état naturel il ne fait que laper quand il veut boire, parce que la communication avec l'eau n'est pas entière en lui. <o:p></o:p>

Cette compression de la force du chien dans son état naturel, a fait que cette force s'est portée aux deux points extrêmes et y a établi le siège de sa sensibilité, ce qui nous aiderait à nous rendre compte du rôle expressif que jouent là deux organes marquants dans l'existence de cet animal ; car tout parle dans la nature pour celui qui la sait observer et tout n'y parle que pour se faire entendre et exercer notre intelligence.<o:p></o:p>

Dans le lion, cette force est plus grande encore par la nature de l'animal ; et la compression a ayant été comme universelle en lui, elle a fait jaillir la force dans tous les organes de son être ; voilà pourquoi tout en lui est si imposant et si redoutable. Il semble que lors du grand choc, la résistance que j'appellerai ici la terreur, ait voulu faire du lion son type vivant et son représentant sur la terre.<o:p></o:p>

Dans le bœuf et le mouton, il semble que la force et la résistance se soient maintenues en harmonie, selon la classe de chacun de ces animaux et ils paraissent être du petit nombre qui a, en quelque sorte, résisté au grand choc. On en peut juger par les nombreux secours qu'ils nous apportent ; bienfaits que nous ne pourrions attendre d'aucun être, avec tant d'abondance, qu'autant qu'il serait dans l'équilibre de ses bases constitutives ; car la bienfaisance et l'harmonie dans le bienfaiteur sont comme indivises.<o:p></o:p>

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Les poissons en général ont éprouvé dans le grand choc un double degré de résistance, voilà pourquoi leur forme est véritablement si informe, en comparaison des quadrupèdes ; voilà pourquoi aussi, excepté comme aliments, ils nous rendent communément si peu de services. Encore y en a-t-il parmi eux qui, comme aliments, sont vénéneux. La baleine, ainsi que les autres cétacés, a reçu ce double degré de résistance, d'une manière plus marquée que les autres poissons, puisqu'à la forme près, elle tient tant du caractère des quadrupèdes. C'est un principe animal terrestre et précipité dans la région aquatique ; on le voit à ce que son sang est chaud, à son accouplement, à son lait, etc.<o:p></o:p>

Les oiseaux ont moins souffert du grand choc que les autres espèces d'animaux ; l'air, quoique souillé comme toute cette nature dégradée, les a en partie préservés ; attendu que l'air est encore le réservoir des principes et que, par là, la contraction avait plus de peine à les atteindre : aussi, sont-ils le type le mieux conservé et le plus parlant de l'état primitif des choses, ce qui se voit à leur forte chaleur, qui est la source de leur rapide agilité, à leur chant, aux couleurs de leur plumage.<o:p></o:p>

 

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Quelques oiseaux, cependant, ont été viciés dans leur forme, d'autres l'ont été dans leurs qualités naturelles : tels que les oiseaux carnassiers, en qui la résistance a joué son rôle avec avantage en comprimant et en dévoyant leur force. L'aigle tient le premier rang parmi ces oiseaux carnassiers. On peut le regarder comme le lion de la région aérienne. C'est un principe animal terrestre qui a monté, par la contraction, jusqu'à la région céleste : aussi, pour se procurer sa subsistance, ravage-t-il à la fois les deux empires.

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Je jette, en courant, ces aperçus sur les animaux comme je l'ai fait pour les deux autres règnes, étant loin de me croire en état d'enseigner sur ces grands objets et me persuadant bien sincèrement que le lecteur bénévole qui s'attachera aux bases que je lui présente, fera, par lui-même, de meilleures découvertes que les miennes et qu'il ira beaucoup plus loin sans moi qu'avec moi.<o:p></o:p>

Je le prierai donc de ne jamais perdre de vue ce pivot double et fondamental des choses, sur lequel l'unité primitive fait mouvoir tous ses ouvrages.<o:p></o:p>

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Après qu'il l'aura observé dans les trois règnes en particulier, il l'observera dans les rapports harmoniques et désharmoniques, que ces trois règnes ont entre eux ; il verra ce combat universel des éléments, d'abord entre eux et ensuite contre leurs propres productions : combat pour lequel ils emploient journellement toutes leurs propriétés les unes contre les autres ; opposant partout un insecte à une plante particulière, des animaux à ces insectes, la lime dévorante du temps et de la destruction contre tout ce qui existe. Hélas ! Il verra l'homme lui-même être à la fois dans ses propriétés les plus sublimes, l'organe et l'objet de ces deux souveraines puissances et, malheureusement, les manifester beaucoup moins dans leur harmonie que dans leur désordre.<o:p></o:p>

Pour le seconder dans ses spéculations, je vais m'arrêter encore un moment avec lui et lui présenter quelques aperçus sur les insectes. <o:p></o:p>

 

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D'une troisième nature et des insectes<o:p></o:p>

Comme la nature est un des domaines de l'homme, il n'est pas douteux que ce domaine de l'homme ne se réduise et ne se resserre, selon qu'il est plus ou moins lui-même dans la dégradation : car, si la puissance du maître doit être proportionnée à son domaine, le domaine doit être proportionné à la puissance du maître. Or ; ; nous sentons bien par l'immensité de nos désirs, que notre domaine actuel n'est proportionné avec nous que par rapport à notre altération présente ; mais qu'il ne l'est point du tout par rapport à notre manière d'être radicale et originelle ; d'où nous pouvons conclure de nouveau, sans crainte de nous tromper, qu'il y a une nature primitive et une nature altérée qui est celle-ci et que ces deux natures doivent aujourd'hui entrer dans les domaines de l'homme, puisqu'il y a sensiblement deux manières d'être pour son esprit.<o:p></o:p>

Nous pourrions ajouter qu'il y a encore une troisième nature pour lui et que ce soit les insectes et les animaux imparfaits qui forment cette troisième nature, comme les animaux parfaits sont la seconde nature, relativement à celle que nous ne voyons plus, quoique nous nous démontrions son existence ; ces animaux de l'ancien état de choses devaient être un des termes de la grande progression qui devait avoir lieu pour l'homme et lui produire tous les miroirs et tous les reflets dont il avait besoin dans sa classe, pour être l'image et la ressemblance de Dieu.<o:p></o:p>

Nous voyons même qu'aujourd'hui leur régulateur est externe pour eux, ce qui se prouve non seulement parce qu'ils n'ont pas de choix ; mais encore par les propriétés que l'homme leur imprime et leur communique à sa volonté ; tandis que l'homme, au contraire, a son régulateur en lui-même : aussi a-t-il un choix.<o:p></o:p>

Quant aux insectes qui sont le fruit d'une victoire usurpée de la force sur la résistance, ils sont, sous le rapport d'une troisième nature, la démonstration la plus sensible du péché de l'homme ; et pour le prouver, ce péché, on a en eux une tradition plus ancienne que celle des livres. Oui, les insectes sont autant de révélations et même chacun d'eux est une révélation vivante, puisqu'ils sont une génération. <o:p></o:p>

En effet, non seulement cette troisième nature, qui est leur véritable matras, nous dévore-t-elle tous les jours pendant notre vie ; mais elle nous attend encore à la dégradation de notre seconde nature ou de notre corps, pour nous faire entendre matériellement que la cause occasionnelle de notre ensevelissement dans notre forme terrestre a été de laisser prendre à notre ancien domaine, une excroissance fausse, (laquelle excroissance n'a lieu aujourd'hui, comme on le sait, que lorsque la nature actuelle sort de sa température) et qui devait si bien être contenue, primitivement, sous notre puissance, qu’à quelques exceptions près, dont il n'est pas difficile de se rendre raison, tous les hommes de la terre cherchent à se défaire des insectes et à s'en préserver, eux, les productions de leurs champs et celles de leur industrie.<o:p></o:p>

Aussi ne faudrait-il pas tant se tourmenter que le font les naturalistes, pour classer les insectes dans le tableau de ce qui est animé. Ce sont clairement des êtres apocryphes, par rapport à la nature ; ils sont comme à part de ses productions légitimes et avouées de leur mère ; ils sont retranchés ou coupés, si l'on veut, de la série de la vraie famille et le mot insecte qu'on leur a donné, venant du mot latin insecare, exprime à lui seul tout ce que je viens d'exposer sur leur origine.<o:p></o:p>

Il faut ajouter que la nature, qui n'est point une marâtre, ne veut point proscrire, sans retour, ces enfants qu'elle ne peut pas avouer sous leur première forme et qu'elle fait tout ce qu'elle peut pour effacer la tache de leur naissance et c'est là la raison radicale et naturelle de toutes ces transformations, auxquelles les insectes seuls sont assujettis parmi tous les animaux.<o:p></o:p>

Elle veut, par là, que s'il y a quelque élément, qui n'ait pas été admis à leur première construction, il les en dédommage en leur procurant, dans un nouvel état, tout ce qui est de son ressort et répare par là le dommage qu'ils avaient reçu, sans retrancher même le tableau physique de la manière dont nous devons entrer dans notre renaissance intellectuelle et animique, qui ne peut avoir lieu, qu'en rendant la liberté à notre être interne et en le faisant s'élever dans la région de la vie. <o:p></o:p>

Ainsi cette transformation est-elle le signe caractéristique de l'insecte : car, pour un très petit nombre en qui on n'en remarque pas universellement, on peut dire que la généralité des insectes y est soumise plus ou moins de fois et avec des variétés innombrables ; et encore s'il en est que nous n'y voyons pas soumis, telle que la punaise domestique, plusieurs autres espèces de punaises subissent cette loi. Le pou, qui paraît excepté aussi de cette classe, change au moins plusieurs fois de peau, avant d'avoir acquis sa croissance.<o:p></o:p>

Dans tous les genres la nature n'emploie que des preuves vives et actives pour nous transmettre ses leçons. Elle n'a pas besoin, par exemple, de nous montrer un morceau de bois flottant sur l'eau, pour nous apprendre que l'eau est plus pesante que le bois ; elle nous montre les arbres qui ne montent au-dessus de la surface terrestre, que parce que l'eau les élève elle-même au-dessus de cette surface, comme les arbres élèvent au-dessus d'eux, le feu dans les fruits et les fleurs ; et l'eau, en élevant ainsi les arbres, nous donne une seconde instruction, savoir, qu'elle est le moyen et le principe de toute corporisation, puisque c'est dans son sein qu'ils reçoivent leur développement.<o:p></o:p>

Cette nature nous peint activement aussi la formation des choses et il n'est pas difficile de croire que l'eau est le principe des végétaux, quand on considère les merveilles végétatives qui se trouvent dans les mousses ou même les moisissures, qui ne sont qu'une ramification secondaire des puissances aquatiques.<o:p></o:p>

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Il n'est pas difficile de croire que l'eau vive et la terre ont produit des animaux, chacun selon leur propriété élémentaire originelle, quand nous voyons les eaux stagnantes, produire des vers et des reptiles et en même temps des insectes volants et quand nous voyons la terre engendrer des insectes terrestres. Nous devons sentir aussi que l'air a joué son rôle dans la production des oiseaux, ainsi que dans celle des insectes aériens, puisqu'il est la demeure des uns et des autres ; il est, pour ainsi dire, leur terre et la force qui doit les porter et les soutenir ; et, sous ce rapport, ce ne sera point une chose inutile pour l'observateur intelligent, de considérer la différence des attitudes que prennent, pendant le sommeil, les oiseaux aquatiques et ceux qui ne le sont pas.<o:p></o:p>

Nous ne devons donc point être étonnés que si la production éphémère des insectes nous présente une troisième nature, il y ait tant de mélanges et tant de variétés dans les divers insectes, de même que tant de métamorphoses dans le cours de leur existence ; comme l'eau, le feu, la terre et l'air n'agissent là que dans leur altération ; leur action individuelle n'est ni complète ni simultanée ; ces actions se combattent et s'allient, se séparent et se combinent successivement sur le même individu et la même classe de production.<o:p></o:p>

De là tous ces phénomènes de complications, ces bizarreries de formes, ces transmutations et ce peu de durée que nous apercevons dans la vie de ces insectes ; de là aussi un indice assez significatif pour nous apprendre de nouveau que la nature physique actuelle est, par rapport à la nature éternelle et primitive, ce que la nature troisième, ou celle des insectes, des mousses et des moisissures, est par rapport à la nature actuelle ou seconde.<o:p></o:p>

Il faut donc remarquer, au su jet de ces insectes, qu'ils sont moins malfaisants le matin que le soir, comme n'étant qu'une troisième et dernière nature ; qu'ils ne naissent abondamment que quand la seconde nature force ses limites harmoniques ; que chacun d'eux est l'ennemi d'une production de la nature seconde, comme chaque production de cette nature seconde doit être l'adversaire d'une production de la nature première ; que le mercure est un poison pour eux, tandis qu'il est salutaire aux animaux parfaits, comme étant le principe de leur forme et, par conséquent, ne pouvant l'être des formes des insectes, qui ne sont qu'une excroissance des puissances opératives de la nature ; qu'ils ont une marche variée, inconstante et annonçant par leurs mouvements incohérents, l'incohérence des principes élémentaires qui les ont formés, témoins le vol bizarre des papillons, des mouches, la marche traînante des vers, des loches, des limaçons, la marche oblique et rétrograde de quelques crustacés, toutes choses qui indiquent assez un extralignement de la classe des animaux parfaits et une altération de la nature aussi bien que la désemboîture des éléments qui les engendrent ; qu'il y a infiniment plus de ces insectes que d'animaux parfaits et que la variété de leur forme est aussi infiniment plus grande ; qu'ils sont plus ennemis les uns des autres, ainsi que des animaux parfaits, que ne le sont entre eux les animaux parfaits eux-mêmes, ce que l'on peut dire particulièrement des insectes terrestres et ignés ; car, parmi les insectes aquatiques, la plupart ne sont ennemis que des végétaux, en raison de leur élément générateur.<o:p></o:p>

Cette énorme multiplicité d'insectes qui ne sont, comme nous l'avons dit, qu'une troisième nature, vient de ce que, plus les rayons de la vie s'étendent, plus ils se subdivisent, ce qui a fait dire avec raison que l'abondante reproduction de leur espèce semblait être le souverain objet de leur existence ; mais en même temps, plus ces rayons se subdivisent, plus ils s'affaiblissent, ce qui nous apprend de nouveau pourquoi ces insectes sont si variés dans leurs formes et dans leurs lois et enfin, pourquoi la durée de leur vie est si courte en raison de celle des animaux parfaits.<o:p></o:p>

Nous terminerons ce tableau par une confrontation du papillon avec l'abeille. Le papillon porte toute sa force dans ses ailes et sur ses ailes et l'on pourrait dire aussi qu’il y porte toute sa beauté. En revanche, on voit quelle est la difformité et la débilité de son corps. Mais c'est ce même fait qui nous donne la clef de sa légèreté et de sa continuelle inconstance, parce qu'en lui, tout est en dehors et il n'y a rien en lui pour faire le contrepoids. Aussi cet être ne paraît-il pas avoir, par rapport à nous, d'autre objet dans son existence que l'agrément de nos yeux et il ne fait rien pour notre utilité. C'est aussi parce que dans le papillon tout est en dehors, qu'il ne produit aucun son, car le son est le résultat de la compression de la résistance contre la force. Mille insectes, plus informes et moins beaux que lui, produisent des sons, parce qu'indépendamment de ce qu'ils sont plus aériens que lui, ils sont aussi plus composés de résistance ; c'est ce qu'on peut voir dans une infinité de scarabées en qui on remarque à la fois et des ailes écailleuses et des bourdonnements.<o:p></o:p>

L'abeille, au contraire, est moins somptueuse dans sa parure ; sa force ne s'est point dissipée à des ornements extérieurs ; tout semble être en dedans pour elle ; aussi quelle constance dans son travail ! Quelle économie dans son régime ! Et quels biens ne nous fournit-elle pas ! En elle la résistance n'a fait que rassembler et utiliser la force et non pas la contraindre ou la dissiper.<o:p></o:p>

On est étonné cependant que des insectes qui semblent être une excroissance de la nature, produisent des substances précieuses et infiniment utiles, que la nature elle-même ne produit pas, telles que le miel, la cire, la soie, la laque, etc. On est étonné qu'elle ait confié de pareilles oeuvres à des êtres qu'elle a retranchés de la classe régulière de ses productions. Il faut donc que dans leurs transmutations, il passe dans ces petits animaux, que nous nommons imparfaits, quelques-unes des propriétés fondamentales de la nature, qui deviennent encore par là plus isolées, plus concentrées et plus actives qu'elles ne le sont lorsqu'on les voit unies et combinées dans les animaux parfaits, avec les autres puissances de la nature ; et c'est là ce qui nous peut apprendre combien de merveilles de la nature primitive ont dû passer dans la nature seconde ou altérée, puisque cette nature seconde en laisse tant filtrer dans la troisième nature, qui est encore plus altérée qu'elle.<o:p></o:p>

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La musique <o:p></o:p>

La musique est le seul fil d'Ariane qui soit donné sensiblement et généralement à tous les hommes, pour les conduire dans le labyrinthe ; les autres fils ne sont réservés qu'à des individus et à des élus particuliers ou généraux ; il suit de là que nul homme n'est excusable de ne pas ouvrir les yeux à la vérité.<o:p></o:p>

La musique nous présente évidemment les deux lois de force et de résistance, ou d'action et de réaction qui régissent l'univers matériel et l'univers spirituel et ces deux lois sont écrites dans les deux ordres d'accords parfaits et d'accords dissonants qui composent toute la mélodie ; elle présente aussi par là l'image de la division universelle que le crime primitif a opérée entre les puissances régulières et les puissances irrégulières ; mais elle présente avec plus d'évidence encore cette éternelle vérité, que les êtres ne peuvent trouver leur repos que dans l'unité qui est leur source, ou dans cet accord parfait avec lequel elle se peint dans toutes ses harmonieuses proportions. Elle combat victorieusement par là le système faux et absurde de la philosophie aveugle, qui veut donner au bien le mal pour origine, comme elle veut que les ténèbres engendrent la lumière, que les ombres engendrent les couleurs dans les tableaux, que le zéro en gendre les nombres et que les agrégats d'une matière morte engendrent des corps organisés.<o:p></o:p>

La musique prise en elle-même avait pour objet essentiel de percer les régions du temps qui nous enveloppent et nous emprisonnent par leur résistance. Elle avait la propriété d'ouvrir les régions de ce temps qui nous obsèdent, pour que les vertus d'en haut pussent le pénétrer et venir tempérer ici-bas les désordres où ces puissances tyranniques nous exposent et avec lesquels elles nous tiennent liés.<o:p></o:p>

Sous ce rapport, la musique des anciens doit avoir eu plus de pouvoirs que la nôtre, parce qu'elle était plus voisine de son origine et de sa virtualité primitive et que d'ailleurs plus l'univers vieillit, plus les canaux des régions du temps s'oblitèrent, parce que les hommes n'usent pas du pouvoir qu'ils ont de les désobstruer. Toutefois, je parle de la musique appliquée à son véritable objet ; car il est probable, d'après les observations faites par des savants, que dans l'ordre secondaire, la musique moderne est de beaucoup au-dessus de celle des anciens.<o:p></o:p>

L'avantage que cette musique, ainsi employée, pouvait offrir, était d'abord de dissiper les influences désharmoniques dont nous sommes tous environnés, mais en outre, de devenir ensuite l'instrument d'un régulateur virtuel et puissant, au lieu de vouloir mener elle-même ce régulateur, comme lorsqu'elle ne se dirige que par le simple mobile de l'homme, ainsi que nous le voyons tous les jours.<o:p></o:p>

Aussi, quelle marche suit-elle entre nos mains faibles et ignorantes ? Elle ne se meut qu'au hasard ; et pour quelques heureux mouvements passagers, elle nous promène longuement dans des régions vagues ou hétérogènes ; elle cherche plutôt les contrastes que l'expression ; elle jettera les couleurs les plus sombres et les plus dures dans un tableau qui commençait par les couleurs du bonheur et de la paix ; elle ne saura pas assez varier les couleurs de ce bonheur et de cette paix par la richesse de sa propre source et elle gâtera son tableau en y forçant trop les ombres et en y substituant des contradictions au lieu des simples oppositions. <o:p></o:p>

Elle ne saura pas que le bonheur, étant notre lieu de repos, la musique a pour objet de nous y ramener lors que nous en sommes sortis et non pas de nous en faire sortir lorsque nous y sommes établis.<o:p></o:p>

Elle ne saura pas que les régions de troubles, nous étant étrangères, c'est lorsqu'elle nous place d'abord dans ces régions par des débuts sombres et tristes, qu'il lui faut employer tous les contrastes les plus tranchants pour nous en arracher et que ces contrastes les plus tranchants, ce sont ces couleurs douces, vives et pures pour lesquelles nous sommes tous faits par notre nature.<o:p></o:p>

Enfin, elle ne saurait pas qu'elle peut bien, au milieu d'un exorcisme, me faire entendre des sons consolants et qui me ravissent ; mais qu'au milieu des sons qui me peindront le bonheur et la joie, il n'est pas nécessaire de me faire entendre un exorcisme.<o:p></o:p>

Le fameux Poussin a peint, il est vrai, les bergers d'Arcadie et à côté de leurs danses, le tombeau d'une jeune beauté, qui avait été aussi comme eux dans l'Arcadie. Mais ici le contraste est utile et instructif ; il n'est pas déchirant puisqu'il y a la douce sensibilité qui lui sert d'intermède ; et si la musique pouvait ne nous offrir que des tableaux de cette espèce et que des contrastes dans ce genre, elle serait sûre non seulement de ne jamais nous choquer, mais même de nous être toujours profitable.<o:p></o:p>

Si la musique est le fil d'Ariane du temps, comme on n'en peut douter, puisqu'elle ne sait se montrer qu'en passant elle-même par les filières du temps et de la mesure, on pourrait croire que lorsque le temps sera passé, il n'y aura plus de musique. Car, si nous examinons les sept sons, nous verrons qu'ils ne sont qu'un seul son qui devient plus aigu à mesure que l'instrument se resserre ; et comme l'instrument du temps ne se prolonge pas au-delà du temps, le son paraîtrait ne pas devoir s'y prolonger non plus ; aussi voyons-nous que l'air ne fait point de bruit.<o:p></o:p>

Sans doute on ne parle point ici de notre musique artificielle, qui n'a d'autre existence que celle de notre industrie et de notre volonté. Mais quand même la musique naturelle temporelle cesserait avec le temps, la musique principe, dont celle du temps ne nous retrace l'unité que par des successions, la musique naturelle divine enfin, ne cessera jamais.<o:p></o:p>

Sachons en effet qu'il y a un médium entre Dieu et le temps et ce médium est la langue éternelle des êtres purs. Ce même médium se trouvera lorsque le temps ne sera plus, parce qu'il reposera alors sur la nature régénérée. Ainsi la musique sera éternellement en action et même alors elle enfantera encore de plus beaux cantiques qu'aujourd'hui.<o:p></o:p>

Il y a aussi un médium entre l'air et la musique naturelle temporelle ; et ce médium, ce sont les corps qui forment et exécutent l'harmonie de l'air, comme les êtres purs forment et exécutent l'harmonie de Dieu. Lorsque le temps ne sera plus, cette musique naturelle temporelle cessera et ne sera plus nécessaire, puisque les corps qui lui servaient de médium seront disparus eux-mêmes. Mais cette musique sera remplacée par celle de la nature primitive régénérée ; c'est-à-dire qu'elle aura recouvré la perfection qui lui manque ici-bas.<o:p></o:p>

Enfin, il y a un médium entre la musique artificielle et nous et ce médium c'est notre voix dégradée et nos instruments. Aussi, cette musique cesse-t-elle quand nous voulons et est-elle épouvantablement défectueuse.<o:p></o:p>

Mais comme nous avons aussi le privilège de la mettre en jeu quand nous voulons et comme nous ne pouvons la mettre en jeu que par le moyen de l'air qui est lié à tous les canaux supérieurs, nous voyons ici comment cette musique artificielle, elle-même, pourrait être en nos mains une voie puissante ou un moyen de nous relier aux régions dont nous sommes séparés.<o:p></o:p>

Un homme est seul et au milieu du calme le plus profond ; non seulement alors la musique n'est rien pour lui, mais l'air même quant au son, puisqu'il n'en rend aucun. Cet homme prend sa lyre ; ou il chante ; et sans sortir de sa place, il va développer autour de lui les richesses de l'air, la vivacité des sons les plus touchants, les trésors<o:p></o:p>

actifs de l'harmonie et la magique puissance des accords, les pouvoirs plus pénétrants encore de la mélodie, où son moi intime peint ses plus puissantes affections ; enfin, il va tellement lier son moi intime aux puissances musicales de l'air et les puissances musicales de l'air à son moi intime, qu'il le fera communiquer jusqu'à cette région pure et supérieure avec laquelle la musique est contiguë et qu’ il pourra par cet intermède, non seulement porter son être jusque dans la région divine, mais faire encore descendre cette région divine dans tout son être. Or, pour lui montrer physiquement combien cette région divine est universelle, c'est dans tous les temps et dans tous les lieux qu'il peut employer ce moyen musical, ou exercer cette espèce de culte et mettre en vigueur les lois actives de cette espèce de ralliement avec son principe.<o:p></o:p>

Mais pour que la musique puisse réellement produire cet effet sublime et salutaire, il faut que l'homme y joigne sa parole pure ; car l'air est souillé comme toute cette nature et la parole non épurée le souillerait encore davantage. Aussi, c'est quand cet air est ainsi purifié par la parole pure que la musique peut à son tour attirer la parole vive qui est au-dessus d'elle et qui ne cherche qu'à en faire son organe et son instrument.<o:p></o:p>

On ne doit point s'étonner que l'air ainsi purifié puisse attirer la parole vive, si l'on fait attention que dans la nature élémentaire il n'y a que l'air qui soit ouvert, parce qu'il n'y a que l'air qui, comme la parole, puisse servir à la communication directe de tout ce qu'il y a de plus profond dans notre moi intime.<o:p></o:p>

L'air sert bien aussi de moyen de relation entre les animaux corporisés matériellement, puisqu'il pénètre tout ; mais ils ne l'emploient que pour exprimer par des sons leurs affections bornées, parce qu'ils ne sont que sensibles et ils ne l'emploient point pour exprimer leur admiration ni leur parole, parce qu'ils n'en ont point, n'étant pas intellectuels.<o:p></o:p>

On peut même remarquer que cet air qu'ils emploient pour exprimer leurs affections bornées, suit un mode uniforme fixe, contraint et on pourrait dire, plus souvent triste que gai ; enfin, un mode qui annonce qu'il leur manque quelque chose et qui prouve sûrement que cet air dont ils se servent n'est pas à eux ; qu'ils n'en sont que les organes et les instruments et que, par conséquent, comme nous l'avons dit d'ailleurs, l'action qui les presse et les fait mouvoir est hors d'eux. Aussi, c'est parce qu'ils n'ont ni admiration ni parole, qu'ils n’ont point de musique.<o:p></o:p>

C'est aussi parce qu'il n'y a que l'air qui soit ouvert dans la nature, que nous n'y voyons réellement aucun corps ni chanter ni parler ; car l'homme lui-même, quoiqu'il parle et qu'il chante, ne parle et ne chante presque jamais que de mémoire, ou par affection bornée comme les animaux et c'est si peu d'ailleurs son organe matériel qui parle et qui chante, que cet organe ne parle ni ne chante après la mort, quoiqu'il soit encore existant.<o:p></o:p>

L'air de la région supérieure et divine est encore bien plus ouvert que ne l'est l'air élémentaire, parce qu'il n'est autre chose que la parole vive.<o:p></o:p>

Aussi est-il le seul qui parle et qui chante et par conséquent qui soit vraiment l'organe de la musique pure. Aussi la musique pure est-elle le véritable et unique conducteur physique de toute lumière et de toute science.<o:p></o:p>

La gamme de cette puissante musique a manifesté ses propriétés par les diverses progressions des présents qu'elle a été chargée de transmettre au monde et qui n'ont germé que successivement et longtemps après que leur nombre et leur destination ont été prononcés par la parole vive.<o:p></o:p>

Car c'est ici l'inverse de l'ordre élémentaire et la lumière n'y paraît qu'après le son. Ceux donc qui auraient la sagesse de suivre les progressions de ce son et de cette lumière, à toutes les époques où le suprême amour en a développé les merveilles sur la terre, depuis l'instant de la dégradation de la famille humaine ; ceux-là, dis-je, trouveraient à en faire des applications à la fois instructives et consolantes.<o:p></o:p>

Toutefois, les temps des oeuvres de Dieu ne se calculent pas toujours d'après les périodes matérielles et le cours physique des révolutions astrales ; ils se calculent selon les périodes de sa promesse et selon l'esprit de son amour qui, combiné avec sa sagesse, constitue à la fois et gouverne toute l'économie de son alliance avec l'homme. Aussi, quand certaines traditions diraient qu'il a abrégé les temps, il ne faudrait pas toujours entendre par là le temps naturel ; car il y a plusieurs époques du temps divin qui ont été abrégées et qui sont déjà accomplies sans que le cours des astres ait été réduit.<o:p></o:p>

Ce sont comme les soins de la mère de famille auprès de son fils malade. Malgré tous les soulagements qu'elle lui procure, peut-elle toujours pour cela faire connaître à ce malheureux enfant toutes les merveilles de tendresse et d'amour qui se passent dans le cœur de cette bienfaisante mère ?<o:p></o:p>

 

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Destination de la musique<o:p></o:p>

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De même que les propriétés de la musique supérieure ne pourraient, sans doute, agir sur nous qu'en produisant chacune les harmonies et les sons vifs qui dérivent d'elles naturellement, de même, leur effet serait nul pour nous, si nous n'avions pas en nous quelque analogie avec elles.<o:p></o:p>

Aussi tout nous apprend que l'homme est comme la lyre de Dieu, puisqu'il tend sans cesse, par sa parole, à en exprimer les diverses puissances ; puisqu'il prétend posséder les secrets de la vérité dans tous les genres et qu'il a comme un penchant universel à nous les transmettre et à nous les faire entendre.<o:p></o:p>

Or, une semblable lyre serait plus qu'inutile si elle n'était active et vivante. C'est pour cela qu'elle doit sentir s'opérer et s'engendrer en elle jusqu'aux organes de tous ses sons ; et qu'elle doit sentir ces sons eux-mêmes se reproduire, se varier et se multiplier à l'infini, selon la variété de l'harmonie qu'ils doivent produire.<o:p></o:p>

Nos instruments artificiels, nos orgues ne sont que des images grossières de cette lyre divine, puisqu'ils sont obligés d'avoir autant de jeux que de genres de voix et autant de tuyaux que de genres de tons.<o:p></o:p>

La racine organique et mélodieuse de notre être est une source simple qui renferme en elle seule tous les organes de ses modulations.<o:p></o:p>

Aussi cette lyre divine que nous appelons l'homme, éprouve en elle comme une vraie création continuelle et offre au-dehors comme une universelle fécondité, ce qui nous est indiqué matériellement par les propriétés de la voix humaine qui, quoique dégradée, a cependant encore tant de moyens de nous charmer.<o:p></o:p>

Mais cette propriété que nous avons d'être la lyre de Dieu nous enseigne en même temps, quel rang nous devons tenir par rapport à cet être principe de toute mélodie et de l'harmonie de tous les êtres. Nous devons être devant lui comme l'orgue devant le musicien qui peut, à son gré et à toute heure, tirer de son instrument les sons qu'il lui plaît, sans que cet instrument ait rien à exiger ni rien à opposer, soit que le musicien l'emploie à rendre des sons tristes et déchirants, soit qu'il l'emploie à en tirer des sons doux et récréatifs, soit même qu'il ne l'emploie point. <o:p></o:p>

Les hommes suivent journellement des usages dont ils sont bien éloignés de connaître le sens et l'origine ; c'est ainsi qu'ils font accompagner, par la musique, tous leurs spectacles et surtout qu'ils les font précéder par cette musique : mystère dont nous avons jeté l'esprit ci-dessus, en disant que dans l'ordre de la musique vraie, la lumière ne paraissait qu'après le son.<o:p></o:p>

En effet, c'est après les premiers accents de la musique que leurs théâtres s'ouvrent et que leurs productions dramatiques s'exécutent.<o:p></o:p>

Or, ces productions dramatiques sont au nombre de ces images si significatives, que l'homme se forme lui-même tous les jours pour se distraire de l'ennui et des regrets de ce qu'il a perdu. Elles devraient bien plutôt lui aider à porter son intelligence jusque sur ce sensible immatériel, ou jusque sur ces merveilles sur temporelles, dont il aurait dû jouir dans l'origine, puisqu'il en a toujours le désir ; mais aussi dont il est privé puisque ce désir ne s'accomplit que dans des images.<o:p></o:p>

Qu'il lise donc dans ces images les reflets qu'elles peuvent encore lui rendre ; qu'il commence par étudier le sens du mot théâtre, dérivé du mot grec theaomaï, qui veut dire proprement regarder, contempler ; mais qui ouvre le champ le plus vaste à la pensée, quand on réfléchit à tout ce qui, au théâtre, est offert à notre contemplation et surtout quand on réfléchit que le mot Dieu ou le Theos des Grecs, dérive aussi, selon plusieurs, du mot grec Thèoréo, qui également signifie voir, parce que la divinité voit tout et que rien ne peut lui être caché ; de façon que nous verrions, pour ainsi dire, sortir de la même source étymologique l'agent, ses propriétés et l'usage que nous en devrions faire.<o:p></o:p>

Car, en considérant ce que nous contemplons souvent et même avec le plus de plaisir à nos théâtres, tout nous engage à croire que dans cette mobilité si naturelle de la pensée des hommes, l'agent est bientôt devenu pour eux le sujet de l'action ou de la contemplation des spectateurs ; comme si on n'en peut douter, en apercevant toutes ces divinités mythologiques, dont tous les peuples ont rempli leurs représentations théâtrales.<o:p></o:p>

Or, le résumé de toutes ces observations est qu'au théâtre, nous sommes censés voir et contempler non seulement les choses ordinaires de la vie, mais aussi les choses célestes et divines ; et cette idée simple et vraie lie parfaitement avec tous nos principes et surtout avec la proposition fondamentale de cet ouvrage. (L'homme ne peut vivre que d'admiration et d'adoration.) Elle nous montre aussi que l'homme lui-même dans ses occupations les plus frivoles en a apparence, plaide entièrement pour la vérité de ces lois constitutives de son être.<o:p></o:p>

Qu'il fasse donc attention, en effet, à la nature de ses spectacles et à ce qu'ils opèrent sur lui ; plus ils sont magiques, c'est-à-dire, plus ils tiennent de l'ordre merveilleux et sur temporel et plus ils le charment ; c'est-à-dire que, plus ils tiennent à cet état d'admiration qui le sort du temps ; et l'approche de sa région primitive, active et pleine de prodiges et plus il se trouve dans son élément naturel.<o:p></o:p>

La féerie de ses divinités fabuleuses et de tous les moyens qu'on leur fait employer au spectacle pour accomplir leurs divers desseins, le transporte de joie. Quand il jouit de ces images fictives, il les croit réelles ; il n'en jouit même qu'en les croyant telles et c'est à regret qu'en redescendant dans son état ordinaire de ténèbres et de privation, il les reconnaît pour imaginaires. Il voudrait que son illusion durât toujours, tant il trouvait de douceur dans la seule apparence de ces vérités figuratives et sa matière lui montre assez combien elle est l'ennemie de ses plaisirs, puisqu'en rentrant dans elle, il perd toutes ces jouissances qui le ravissaient. Heureux encore si elle ne lui portait pas d'autre préjudice et si elle ne l'entraînait pas jusqu'à douter de l'existence même des merveilles réelles de l'ordre supérieur, a après l'avoir désabusé sur l'existence de ces choses fabuleuses inférieures, dont il aime tant à se repaître ! <o:p></o:p>

Une autre observation qui nous aidera encore à élever la nature de l'homme, c'est de voir quel rang il occupe, lorsqu'il assiste à ces spectacles et combien peu il a de mouvements à se donner pour en jouir : c'est sans sortir de sa place, c'est sans se fatiguer, que tous ces prodiges récréatifs et instructifs pour lui, se développent devant ses yeux et lui présentent alternativement le tableau des cieux, de la terre, des enfers, des anges, des démons, des phénomènes de la nature, des lois éternelles de la justice, des ressources innombrables du génie, au milieu des plus grandes catastrophes. Homme, si tu ne vois pas là ce que tu devais être, ton esprit est encore sous les chaînes de la captivité ; mais si tes yeux s'ouvrent un peu, n'oublie pas que je t'ai dit que toutes ces choses étaient précédées, pour toi, dans tes spectacles, par la musique.<o:p></o:p>

Souviens-toi aussi que toutes tes fêtes, soit tristes, soit joyeuses, tu les accompagnes toujours de la musique, que tu l'emploies dans tes cérémonies funèbres, dans ta pompe militaire, dans tes combats, dans tes travaux pénibles, dans tes occupations champêtres ; que les personnes qui prennent soin de tes premiers jours ont l'attention d'en charmer par là la tristesse et d'unir autant qu'elles peuvent une bienfaisante mélodie aux balancements monotones de ton berceau ; et apprends là de nouveau comment cette vraie musique, dont je ne et peins ici que de faibles images, a pour sublime emploi de précéder, de seconder et d'accompagner la vie de tous les êtres.<o:p></o:p>

Ce n'est point seulement, si primitivement par le luxe, comme on l'a cru, que les grands de la terre et ceux qui ont le moyen et le goût de les imiter, ont autour d'eux des musiciens à gage qui puissent à tous les instants les recréer par leurs concerts. Ce n'est point non plus simplement ni primitivement par le luxe, que tant de gens se plaisent à orner leurs appartements et leurs jardins de statues, de peintures et des autres ouvrages de l'art qui puissent à tout moment surprendre et charmer leurs yeux. Ce n'est qu'en second que toutes ces choses sont devenues des objets de luxe et de vanité parmi les hommes ; car l'homme est vrai par sa nature ; les abus auxquels il s'abandonne presque universellement ne sont que des déviations de sa ligne primitive et il commence toujours par la vérité.<o:p></o:p>

Aussi, tous ces usages qu'on attribue aujourd'hui au luxe avec raison, prennent-ils leur première et secrète origine dans ce besoin d'admiration qui constitue notre être essentiellement et que l'homme cherche involontairement à satisfaire par tous les moyens factices qu'il a entre les mains, à défaut des moyens réels dont il est privé.<o:p></o:p>

Qu'est-ce qui te prive, homme, de ces moyens réels qui te seraient si avantageux ? Ce sera la musique elle-même qui te répondra : remarque donc qu'il te faut le silence de tout ce qui t'environne pour que tu puisses librement produire tes sons et en recueillir tous les fruits ; et apprends par là que la grande harmonie divine ne te pourra jamais être sensible complètement qu'après que le choc bruyant de ces substances hétérogènes qui constituent l'univers, aura cessé son importune turbulence.<o:p></o:p>

Car la musique humaine tient nécessairement en partie à cette importune turbulence, puisqu'elle ne peut avoir lieu que par le moyen de notre voix dégradée et de nos instruments de matière. Aussi cette musique humaine est-elle non seulement défectueuse, mais même exposée à des dangers parce que tant qu'elle n'est pas purifiée par la parole pure, elle ne peut ouvrir que la région de l'esprit de l'univers et cette région est compliquée et mixte, puisqu'elle doit passer par l'astral qui a deux voies, comme nous le verrons bientôt.<o:p></o:p>

La musique purifiée par la parole pure, n'a aucun inconvénient à redouter, mais au contraire tous les biens à recevoir et à transmettre par la raison qu'elle ouvre la région des puissances divines qui est seule et unique.<o:p></o:p>

Et pourquoi ouvre-t-elle la région de Dieu ? C'est qu'elle ouvre en nous la région de nos facultés internes, où Il a écrit lui-même ou tracé Sa propre image et que quand Dieu voit sortir de nous ce signe de Son alliance, Il ne peut le méconnaître ; Il le regarde avec complaisance et par ce seul coup d’œil, Il lui fait produire une sainte harmonie et fait de l'homme un être qui ne peut plus se montrer qu'avec tous les signes de l'élection, de la lumière et de la puissance et ne peut plus proférer un seul son sans enfanter un miracle.<o:p></o:p>

 

De la danse<o:p></o:p>

La danse caractérisée, figurée et expressive est une image de l'état de liberté dont l'homme devrait jouir, s'il était dégagé des entraves matérielles qui l'asservissent et qui l'affaissent ; les mouvements qu’il se donne dans cet exercice sont autant d'élans qu’il semble prendre vers une région moins inerte que la Terre et autant d'efforts qu'il fait pour paraître jouir de la véritable agilité qui était faite pour lui.<o:p></o:p>

Plus cette danse présente de grands caractères, plus elle se rapproche de cette véritable signification : car, dans son état supérieur, il n' y a rien que l'homme ne pût exprimer et faire sortir de lui, comme il n'y avait rien qu'il ne pût connaître et sentir ; aussi plus la danse de l'homme prend un ton majestueux, noble et distingué, plus elle attire notre admiration. On sent même que dans ces cas-là, la mesure ne paraît plus qu'un accessoire et le danseur peut l'oublier sans que le spectateur ait rien à perdre de son plaisir : observation qui peut aider notre esprit à monter jusque vers cette région libre où nous sentons que nous aurions dû faire notre demeure.<o:p></o:p>

Aussi je ne serais point étonné que les danses sacrées qui ont été si souvent en usage parmi les peuples, dans les cérémonies religieuses, n'eussent pas toujours été asservies à la gêne de la mesure, quoi qu'il y eût des occasions où cependant elles rentrassent sous son joug, dans ces cérémonies même, selon l'objet et l'affection que ces danses sacrées auraient eu à exprimer.<o:p></o:p>

Les danses lubriques en usage parmi tant de peuples, peuvent aussi avoir été tantôt assujetties à la mesure et tantôt en avoir été affranchies selon que le danseur était affecté. Elles ont pris aussi le titre de danses religieuses chez quelques peuples lorsque, par l'obscurcissement de l'esprit, l'amour sensuel coloré et, pour ainsi dire, sanctifié par le but respectable de la reproduction de l'espèce, a rendu comme sacrées les danses où cet amour pouvait peindre tous ses caractères ; parce que tout se déprave pour peu qu'on détourne un instant sa vue du premier point de départ.<o:p></o:p>

Les danses qui sont assujetties à la mesure et qui ne tendent point à exprimer ces hauts caractères, tiennent à la fois et à l'impatience de notre être, renfermé dans ses entraves et aux sens de la matière qui ont besoin de s'agiter pour se dégager de leurs pesantes humeurs et qui ont en même temps la force de se procurer ce moyen naturel de soulagement. Telles sont les danses du monde frivole et de la jeunesse, dans lesquelles on peut aisément remarquer ce double signe.<o:p></o:p>

Les sauts de l'enfant ne peuvent pas se compter au rang des danses mesurées, puisqu'ils ne le sont pas ; ils ne peuvent pas non plus se compter au rang des danses à grand caractère, puisqu'ils n’en offrent aucun ; ils tiennent en lui purement aux sens matériels et aussi sont-ils communs avec les animaux qui sont souvent sautillants et bondissants devant nous, sans nous offrir ni mesure ni caractère, parce que les animaux n'ont point à éprouver le même contraste que nous qui sommes spirituels et que les enfants ne sentent point encore le joug peser sur leur être.<o:p></o:p>

Mais si la danse peint les élans que l'homme se donne pour atteindre à la région de la liberté, le poids qui le fait retomber vers la terre peint la loi terrible de la région inférieure et matérielle qui le retient et le force à subir le joug de cette prison, dans laquelle on ne lui permet de respirer l'air libre, que par de légers intervalles ; ainsi dans ses récréations même, l'homme trouve à la fois une image abrégée de son ancienne gloire et un témoignage impérieux et irrévocable de sa condamnation : c'est cette combinaison des élans de notre être avec le poids de notre condamnation qui forme la mesure dans nos danses, ainsi que dans nos compositions musicales. Cette mesure a aussi deux éléments constitutifs dans l'existence de l'univers et dans celle de tous les êtres qui le composent ; ce sont les deux lois de la force et de la résistance que nous avons exposées dans nos observations sur la nature. Ces deux lois alternent partout et continuellement, avec une précision que rien ne peut changer, excepté la main supérieure qui l'a établie. Aussi la mesure la plus parfaite et la plus constante règne-t-elle dans toutes les parties de la nature, même dans celles qui sont les symboles les plus sensibles de la corruption et du désordre et elle règnera jusqu'au moment où la main supérieure laissera tomber l'univers dans l'obscurité de son origine.<o:p></o:p>

Quant à cette main supérieure elle-même, elle n'a d'autre mesure que l'universalité parce qu'elle n'a qu'un seul et unique élément, parce qu'elle se commande sans cesse elle-même et que son temps ne pouvant jamais arriver à une limite, il est impossible que rien lui prescrive une mesure.<o:p></o:p>

Il y a bien encore une autre explication à trouver à la danse ; mais elle ne sera que pour ceux qui ont les oreilles ouvertes : voilà pourquoi je l'ai gardée pour la dernière. Nous dirons donc que la danse représente aussi les différents gestes et les différents mouvements que l'homme régénéré aurait à faire pour repousser toutes les influences fausses dont il est environné et pour attirer celles qui lui seraient salutaires. Ainsi, il n'y a point d'attitude et de caractère que l'homme ne pût exprimer dans la danse puisqu'il est lié à toutes les régions visibles et invisibles et par cette même raison, il n'y a point de combat, de triomphe et d'image harmonique qu'il ne puisse rendre sensiblement dans sa pantomime : car ce nom même annonce l'universalité des droits de l'homme en ce genre.<o:p></o:p>

Les Égyptiens ne firent usage que d'une partie de ces droits dans leur danse astronomique, parce que probablement ils n'avaient pas porté plus loin la connaissance de ces droits. Ils s'étaient contentés d'essayer, par des mouvements variés, des pas assortis et des figures bien dessinées, de représenter sur des airs de caractère, l'ordre, le cours des astres et l'harmonie de leur mouvement ; mais les divers caractères supérieurs de la danse que nous venons d'indiquer se retrouvent jusque dans nos ballets d'opéra et dans toutes les différentes danses religieuses, militaires, funéraires et autres, qui ont été ou sont en usage sur la Terre, parce que la loi et la leçon de l'homme le suivent partout.<o:p></o:p>

 

De l'esprit astral ou sidérique<o:p></o:p>

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D'après ce que nous avons dit sur la nécessité de la communication d'un sensible immatériel parmi les hommes, il convient de montrer en quoi consiste le dangereux état auquel nous a exposé la chute et la dégradation. Elle consiste en ce qu'elle nous a soumis au règne élémentaire et par conséquent, au règne astral ou sidérique qui en est le pivot ; elle consiste en ce que nous sommes tombés au-dessous du firmament tandis que, par notre nature, nous devions être au-dessus et c'est cette transposition qui est vraiment périlleuse pour nous, car tout nous vient aujourd'hui par ce firmament : or, qui sait quels tristes mélanges les choses peuvent éprouver avant d'arriver jusqu'à nous ?<o:p></o:p>

Le sidérique est au-dessus de l'astrologie, l'astrologie est au-dessus de l'astronomie, l'astronomie est au-dessus de la simple connaissance des temps, des températures et des saisons, toutes choses qui se bornent pour nous à notre Terre particulière. Dans cette dernière classe, nous sommes livrés à la multiplicité des lois de l'atmosphère qui, par leur opposition et leur combat, nous empêchent fort souvent de calculer juste ; mais comme ces lois et nos décisions ne tombent que sur les choses matérielles et terrestres, les méprises ne sont pas d'une grande importance.<o:p></o:p>

L'astronomie a des lois plus sûres, parce qu'elle n'embrasse que les dimensions et les révolutions extérieures des corps célestes et qu'elle n'en embrasse pas les effets ni le jeu caché, mais aussi les connaissances qu'elle communique, se bornant à cet extérieur, l'homme de désir n'y trouve pas la moindre pâture et elle devient pour lui un sujet de lamentation puisqu'elle est pour les hommes ou un objet d'orgueil, comme toutes les autres sciences qui ne demandent que de la raison humaine, ou bien un sujet de retard et de reculement pour leur esprit ; attendu que l'esprit ne peut vivre que de l'esprit ou de ce qui est principe radical et central comme lui.<o:p></o:p>

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L'astrologie s'élève plus haut que l'astronomie : elle embrasse un plus grand ensemble, puisqu'elle s'occupe des liaisons et des influences du physique astral sur le physique terrestre ; mais si elle a produit souvent des résultats vrais, elle produit aussi souvent des résultats faux parce que, quoiqu'elle agisse sur les principes, c'est moins sur les principes fixes que sur les principes variables et mixtes : or, ceux-ci peuvent très fréquemment faire varier la marche des autres, à l'insu même de l'astrologue.<o:p></o:p>

On s'est moqué de ceux qui ont voulu faire dériver de l'influence astrale tous les événements politiques de la terre. On a eu raison dans le droit, parce que l'homme avait celui d'élever au-dessus de cet astral tout ce qui tient à son être ainsi qu'à son association ; mais on a eu tort dans le fait parce qu'à mesure qu'il descend au-dessous de ses véritables privilèges, il tombe sous cette influence astrale qu'il n'aurait pas dû connaître et il en devient réellement le jouet. Ainsi, il est vrai de dire que l'ordre social terrestre ne devrait pas être régi par le pouvoir astral ; mais il n'en est pas moins certain que, généralement parlant, il n'est 'est pas mené par une autre puissance.<o:p></o:p>

Le sidérique tient plus à la marche des principes et agents supérieurs qu'à celle des principes inférieurs et élémentaires ; mais il a deux branches, l'une passive et l'autre active. La branche passive est celle qui engendre le somnambulisme et une infinité de communications fausses de tout genre ; mais comme cette branche a en outre une sève double ou mixte comme l'arbre, il est évident que ses fruits sont constamment mélangés de vrai et de faux, de clair et d'obscur, d'apparent et de réel, de régulier et d'irrégulier.<o:p></o:p>

La branche active est celle qui concerne tout le domaine de la théurgie ; elle renferme aussi la simple puissance magnétique, mise en activité, comme la branche passive en renferme les résultats. Mais tant qu'elle n'est point liée à la source fixe qui doit tout ordonner et tout gouverner, elle se trouve imprégnée, comme la branche passive, de la double sève, de façon qu'elle agit avec incertitude, tantôt bien, tantôt mal, selon l'espèce de sève qui la domine. N'agissant en outre que sur les propriétés de la branche passive, qui sont également doubles et mélangées, c'est le hasard qui agit sur le hasard, les ténèbres sur les ténèbres, l'aveugle sur l'aveugle : est-il donc étonnant qu'ils tombent si souvent tous les deux dans le fossé ?<o:p></o:p>

Je ne parle point d'un sidérique supérieur à celui-là et par cette même raison, plus dangereux et plus funeste encore, puisqu'il ne s'occupe qu'à extraire la partie mauvaise de la sève, tant active que passive, du sidérique secondaire. Telle fut l'occupation criminelle de plusieurs peuples célèbres sur la Terre ; telle est aussi celle des opérations de plusieurs autres classes, même de la classe astrologique, parce que tout se tient et que partout l'homme trouve des actions fausses toutes prêtes à répondre à sa pensée fausse, afin de parvenir à la dominer, après avoir eu l'air de la flatter, de la seconder et de la favoriser.<o:p></o:p>

Car c'est une vérité qui n'est que trop certaine, qu'au lieu de chercher à rompre leurs chaînes, les hommes ne cherchent presque partout qu'à les accumuler sur eux-mêmes ; et soit par leur négligence à repousser leur ennemi, soit par leur imprudent empressement à voler au-devant de lui, l'humanité entière n'est presque divisée qu'en deux parties, dont l'une est constamment dans le sidérique passif ou dans un servile et funeste somnambulisme et l'autre, dans une activité sidérique plus funeste encore, en ce qu'après avoir atteint son terme, elle retombe dans le plus dur et le plus effroyable des esclavages.<o:p></o:p>

La moins nombreuse de toutes ces classes est celle des hommes qui planent au-dessus de ce sidérique et qui sont dirigés par l'esprit pur. C'est là la classe des hommes vraiment dans la ligne ou de ceux qui ont séparé en eux les métaux et se sont alliés à l'or éprouvé.<o:p></o:p>

L'astrologie et l'astronomie humaines sont des sciences très peu fructueuses, mais elles tiennent à une science plus vaine encore ; elles sont l'une et l'autre des débris de la science active criminelle qui a attiré la justice de Dieu sur tant de peuples et elles ont pris, en divers lieux, différents caractères, selon la tournure que l'esprit des peuples avait puisée dans cette source criminelle active.<o:p></o:p>

Les Chaldéens, les Arabes et les peuples de l'Orient qui environnèrent les Hébreux, se sont livrés plus que les autres aux sciences astronomiques et astrologiques parce qu'ils s'étaient plus occupés du sidérique criminel ; mais leurs pouvoirs se trouvant réduits par cette science même qui va toujours en dégénérant comme son principe, ils se sont rejetés sur des puissances et des connaissances qui embrassent la destinée des empires retombés eux-mêmes dans les mains aveugles de la simple politique, ou bien ils se sont rejetés plus bas encore en ne s'occupant que du sort particulier temporel des individus : c'est avec ces moyens que de tout temps ils ont infecté les cours des rois et des empereurs, comme on le voit dans les historiens et nommément dans Tacite ; c'est aussi de là que sont venus les Bohémiens et autres diseurs de bonne aventure qui courent encore par toute la Terre et abusent la crédulité des peuples, ou en se trompant eux-mêmes dans leur bonne foi ou ayant le dessein de tromper les autres.<o:p></o:p>

Les Égyptiens, dont la terre est si saline et si brûlante et dont les fausses sciences sont également descendues de cette science sidérique criminelle, les Égyptiens, dis-je, se sont jetés sur des sciences qui tenaient à la nature et aux principes des êtres, savoir : celles des transformations.<o:p></o:p>

De là cette tradition mythologique de tous ces dieux, qui furent chassés du ciel et se réfugièrent en Égypte où ils se transformèrent en divers animaux.<o:p></o:p>

De là ces vestiges de magie et cette croyance aux sortilèges et aux enchantements de tout genre, qui infectent encore ces contrées et qui, par le moyen des anciennes colonies égyptiennes, infectèrent autrefois la Grèce et y portèrent toutes ces semences de transformations magiques et merveilleuses qui ont germé avec tant d'abondance dans la mythologie des Grecs et dans leur poésie.<o:p></o:p>

De là cette multitude de figures mixtes combinées de l'homme et des animaux, qui ont été empreintes sur les pyramides des Égyptiens et sur tous leurs monuments religieux ; de là enfin leurs recherches curieuses et assidues sur les transmutations métalliques, ce qui a donné à ces peuples un rang si distingué dans l'opinion des alchimistes ; toutes choses qui, quelque abusives qu'elles soient, n'en ont pas moins eu une base réelle pour origine, ainsi que nous l'avons fait voir en son lieu ; et ceux qui se glorifient tant de les avoir toutes expliquées par l'astronomie simple et dans l'agriculture, ont cru trouver aussi la clef de tous les cultes et l'origine de toutes les religions ; ceux-là, dis-je, n'ont pas seulement commencé encore leur état d'interprètes.<o:p></o:p>

Le vrai est qu'en mêlant à tous les faits extraordinaires et mythologiques des peuples les simples effets à des passions communes que l'esprit de l'homme a ornés de ses fictions, on voudrait bien réduire notre nature à un état de désordre qui nous constituât essentiellement et qui nous empêchât de nous regarder comme les auteurs de nos maux et de nos délires. Mais quand on mettrait ainsi en avant les petites passions animales qui ont si souvent joué là leur rôle ; comment expliquerait-on tous ces traits de l'invention de l'esprit humain auxquels on veut attribuer tous ces prodiges et qui sont regardés comme des abus de cette raison qui devrait nous gouverner ? Il faut donc que nous ayons une raison, puisque nous en avons abusé et il faut qu'il y ait une raison qui ne s'abuse point pour que nous puissions, par la comparaison, prononcer sur les abus de la nôtre.<o:p></o:p>

C'est une grande douleur pour l'homme de sentir que la puissance sidérique particulière qui est attachée sur nous, par notre nature actuelle, conserve son empire, pendant toute notre vie élémentaire, avec une constance si imposante qu'elle efface, pour ainsi dire, en nous, le souvenir du règne libre pour lequel nous sommes faits. L'astral domine sur notre terrestre, puisqu'il l'entretient ; l'astral lui-même est dominé par l'esprit de l'univers qui le gouverne et qui ne tend qu'à le stimuler ; la source d'iniquité s'insinue au travers de toutes ces régions pour parvenir jusqu'à nous et si elle ne peut pas toujours y atteindre, au moins elle stimule ces mêmes régions et ajoute à la pesanteur de leur joug, afin de retarder d'autant le règne de notre liberté ; et c'est dans cet horrible esclavage et dans cette servitude pharaonique que la pauvre âme est enchaînée loin de sa patrie et est exposée même à oublier qu'elle en ait une. O vérité ! Combien ton règne est au-dessus de ces ténébreux régimes tyranniques.<o:p></o:p>

Mais si c'est à l'astral que tient notre destinée temporelle, elle disparaît devant le divin, parce qu'il est l'éternelle unité à laquelle l'homme a, par-dessus tous les êtres, le pouvoir de se rallier. Ainsi, cette sujétion sidérique où nous nous trouvons, ne nous ôte pas le pouvoir de monter plus haut.<o:p></o:p>

Quand on voit donc sur nos théâtres les héros de nos tragédies et dans nos poèmes épiques les illustres personnages qui y figurent se plaindre si douloureusement de l'injustice, de la cruauté et de la fureur des dieux qui les persécutent et les poursuivent avec tant d'acharnement, on ne peut pas s'empêcher de gémir de l'aveugle ignorance des auteurs qui les font parler un semblable langage, ainsi que de la triste image que ces déclamations nous présentent de l'abaissement déplorable dans lequel l'homme est tombé par la primitive altération.<o:p></o:p>

Ces dieux, dont le malheureux héros se plaint, sont ces mêmes puissances sidériques qui, par le moyen des combinaisons criminelles qui s'y joignent, ont comme une universelle influence dans la nature ; influence qui se montre plus vivement sur les grands de la terre parce que, depuis que le régime divin s'est retiré de nous, ce sont eux qui se trouvent le plus exposés à ce régime sidérique qui en a pris la place. Cela n'empêche pas que ces dieux sidériques et nouveaux pour nous, n'eussent dû nous être assujettis par les droits de notre origine et que les puissances et autorités que nous retirons d'eux aujourd'hui, ne soient plutôt pour notre honte que pour notre gloire.<o:p></o:p>

Que doit-ce donc être quand, au lieu de ces puissances et de ces autorités, ce ne sont que des humiliations et des déceptions que nous en retirons, comme on le voit dans tous les traits que nos poèmes épiques ou tragiques nous en offrent ? C'est bien alors que ces mêmes dieux peuvent jouir de leurs triomphes à notre égard ; c'est bien alors que du haut de leurs trônes usurpés, ils peuvent sourire et remuer la tête de dédain sur l'homme, en voyant à leurs pieds et dans leurs chaînes, ce malheureux esclave qui aurait dû leur donner des lois, et qu'au contraire ils font mouvoir aujourd'hui à leur gré et qu'ils tiennent lié impérieusement à leurs caprices.<o:p></o:p>

Oui, les dieux de l'empyrée sont, de tous les lecteurs et de tous les spectateurs, ceux qui gagnent le plus à nos drames et à toutes nos productions épiques et tragiques ; car les lecteurs et les auditeurs hommes n'y goûtent qu’un plaisir obscur et dont ils ne connaissent pas le principe ; les auteurs n'y goûtent qu’un plaisir d'orgueil, et les héros n'y goûtent que par la misère. Et voilà un des fruits que l'homme a retirés de son crime.<o:p></o:p>

De cette même source sidérique dérive ce que l'on appelle enchantements, et comme le pur et l'impur traversent aussi cette même source et y apportent chacun leurs enchantements, les uns bons et les autres mauvais, on voit à quel foyer de mélange et d'oppositions nous sommes exposés dans cette fournaise ardente.<o:p></o:p>

Nous sommes en effet continuellement sous le joug d'une région active et puissante qui, indépendamment de ses propriétés physiques, par lesquelles elle gouverne les corps, a aussi des pouvoirs d'enchantements particuliers sur notre esprit, par les tableaux puissants et virtuels qu'elle peut nous présenter et qui, quelque séduisants qu'ils soient, nous tiennent cependant loin de notre véritable destination.<o:p></o:p>

Il est vrai qu'ils ne vont pas jusqu'à nous tenir tout à fait dans l'abîme. Mais par le voisinage où ils sont de l'abîme et de la région divine, ils nous exposent à recueillir autant d'erreurs que de vérités, à prendre les fruits de l'abîme pour des fruits purement sidériques, les fruits sidériques pour des fruits divins ; enfin, à hésiter perpétuellement au milieu de toutes ces complications, qui ont été sur la terre le principe d'autant de méprises que de clartés, qui ont multiplié les ténèbres autant que les lumières, la faiblesse autant que la force, le désespoir autant que les consolations.<o:p></o:p>

Aussi ne nous serait-il pas bien difficile d'apercevoir l'origine de la mythologie, puisque nous sentons sur notre être le pouvoir de toutes les diverses puissances de tout genre avec lesquelles notre nature primitive et notre nature secondaire nous mettent journellement en rapport ; et dès lors nous apprendrions bientôt à reconnaître qu'il y a une mythologie astrale, une mythologie élémentaire, une mythologie spirituelle, bonne et mauvaise, une mythologie humaine, une mythologie divine : car la mythologie historique, dont nous parlent les savants, n'est que comme un rideau qu'ils ont tiré, sans beaucoup de réflexion, sur toutes ces autres mythologies, prétendant que nous ne devions plus les voir, dès qu'ils ne les voyaient plus eux-mêmes.<o:p></o:p>

Dans ces diverses observations que nous pourrions faire en étudiant notre être sous ces rapports, nous apprendrions que quand le sidérique pèse trop longtemps sur l'âme, elle ne sent ni sa vie ni sa mort ; que quand le sidérique se remet dans sa mesure, alors l'âme sent sa mort ; que quand cette mesure se soutient, l'âme sent bientôt sa vie ; et alors il faut qu'elle redouble d'efforts pour la conserver ; car il lui est aisé de la reperdre.<o:p></o:p>

Nous apprendrions que plus on élève ou repousse le sidérique, et plus on habitue le terrestre à s'en passer ; car c'est par ce sidérique qu'il est actionné continuellement ; et que l'ennemi cherche toujours à les rapprocher, afin de gêner d'autant le prisonnier.<o:p></o:p>

Nous apprendrions que bien des maux corporels peuvent se guérir par le sidérique, sans que la volonté supérieure s'en mêle ; aussi ces guérisons peuvent n'être pas toujours très profitables ; et c'est là le cas du magnétisme animal. Il faudrait pour que l'ordre ne fût ni interverti ni blessé, que la région supérieure fût ici comme ailleurs la principale administratrice et que le médecin ne fût que son organe et son instrument ; alors la guérison serait sans inconvénient.<o:p></o:p>

Enfin, nous apprendrions que la terre porte notre corps, que notre corps porte notre âme, que notre âme porte notre esprit, que notre esprit porte Dieu. Ainsi notre corps, quoique lié à la Terre, peut, par l'appui qu'elle lui prête, se promener dans les diverses régions élémentaires ; notre âme, par les correspondances naturelles de notre corps, peut se promener dans les régions de l'esprit ; notre esprit, par les ressources qu'il trouve en notre âme, peut se promener jusque dans les sentiers et les domaines de Dieu. Car, dès que nous avons le pouvoir de voyager à tout instant dans notre âme, nous avons donc le pouvoir de voyager dans l'autre monde, attendu que très sûrement le monde de notre âme ne ressemble point au monde mixte et composé de tous les objets sensibles et bornés qui nous environnent : ce qui nous démontrerait sensiblement que nous sommes une plante exotique dans l'univers. C'est même cette supériorité qui a engagé quelquefois la pensée de l'homme à se demander si réellement cet univers était un monde.<o:p></o:p>

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Qu'est-ce qu'un monde ? L'univers est-il un monde ?<o:p></o:p>

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 En réfléchissant profondément en nous-mêmes, nous sentons qu'un monde doit être une réunion, un assemblage ou plutôt une société ou même une famille d'êtres parmi lesquels il y ait une sorte de régime et de gouvernement ; que dans cet ensemble ainsi harmonisé, il faut qu'il y ait un principe, une faculté première, qui puisse vouloir et appuyer ses volontés par des motifs justes et sages ; que toutes les autres facultés soient coordonnées à celle-ci ; mais qu'elles soient en même temps susceptibles de la comprendre, de la goûter, d'y adhérer par inclination, autant que pour leur propre utilité. Cet ensemble nous paraît indispensable pour réaliser le tableau que le mot monde produit dans notre pensée.<o:p></o:p>

Dans l'ordre divin nous ne doutons point que cette définition ne trouve toutes les preuves qui pourraient être nécessaires pour la confirmer. L'éternel désir ou l'éternelle volonté divine sont cette faculté centrale qui, dans Dieu, s'unit à l'infinité de toutes ses facultés et puissances, et qui leur sert éternellement et sans interruption de point de mire et de foyer ; de façon que Dieu seul est un monde et le véritable monde, puisque dans Lui, l'harmonie dont nous avons parlé, ne cesse d'y exister dans toute l'étendue de Sa perfection.<o:p></o:p>

Dans l'ordre spirituel, si cette harmonie n'est pas toujours aussi parfaite, elle pourrait l'être si l'esprit ne perdait point de vue ce centre universel, ou ce désir qui fait à la fois la base et la vie du monde divin ; ainsi l'esprit et Dieu pourraient nous offrir un monde spirituel très régulier, et chacun de nous peut l'éprouver en voyant, que pour peu que nous nous approchions de ce centre supérieur, nous devenons à l'instant un monde tout entier par l'universalité des aperçus et des renouvellements que nous recevons.<o:p></o:p>

Mais, sans nous élever continuellement jusqu’à ce degré, où notre état d'épreuve ne nous permet pas toujours de monter ni de rester à demeure, nous sentons que, même dans notre manière d'être habituelle, nous avons une volonté ou un désir qui est comme le centre, le chef et le dominateur de toutes nos autres facultés, puisque la pensée même lui est subordonnée en ce qu'il est le maître de l'adopter comme de la rejeter quand elle se présente. Nous sentons que cette faculté centrale a en même temps de l'analogie avec toutes nos autres facultés ; que ce sont comme autant de citoyens d'un même empire et que, si l'une de ces facultés a le pouvoir d'imposer des lois, les autres ont le pouvoir de les comprendre et de s'harmoniser avec elles. Ainsi nous trouvons également en nous-mêmes un monde spirituel tout entier et absolument conforme à la définition que nous venons de donner d'un monde ; et sûrement cet aperçu qu'offre notre être est suffisant pour nous faire entrevoir comment nous pouvons être une image de Dieu.<o:p></o:p>

Il n'en est pas moins vrai que cette image a une défectuosité que n'a pas le modèle, celle de pouvoir montrer dans ses propres facultés une désharmonie qui ne se trouve point parmi les facultés divines. Ainsi, quoique notre être spirituel puisse être un monde complet et régulier, il peut aussi être un monde divisé et en discordance, ce qui suffit pour montrer son infériorité, eu égard au monde divin.<o:p></o:p>

Mais observons que dans sa désharmonie même, ce qui se détache en lui, ou ce qui se révolte en lui, conserve encore dans un sens inverse la forme et le titre de monde, selon notre définition, puisque l'on y voit une volonté qui domine et entraîne les facultés égarées ou rebelles, puisque enfin on voit toujours un centre à toutes ces diverses coalitions ; et il faut bien que cela soit pour que le monde spirituel régulier et que le monde divin se déterminent à s'en mêler pour y ramener l'ordre : vérité que nous trouvons confirmée en nous-mêmes par l'opposition que les facultés qui s'y sont conservées régulières, montrent contre celles qui s'y sont laissé subjuguer par l'erreur. Ainsi, au lieu d'un monde spirituel, nous pouvons en effet en avoir deux en nous.<o:p></o:p>

Voilà donc déjà trois mondes reconnus ; savoir : le monde divin, le monde spirituel régulier et le monde spirituel irrégulier.<o:p></o:p>

Quant à ce que l'on appelle le monde physique, avant de lui donner le nom de monde, il faudrait observer avec attention s'il en a les qualités et tous les caractères que nous venons de reconnaître dans les autres mondes.<o:p></o:p>

Or, on voit clairement, au premier coup d'oeil, qu'il lui manque la qualité essentielle et fondamentale pour constituer un monde ; savoir : la volonté. On voit que les êtres les plus éminents de ce monde physique, tels que les animaux, sont réduits à un instinct passif, dont le mobile est hors d'eux, séparé d'eux et ne leur appartient point en propre. On voit aussi que ce mobile qui est hors d'eux, séparé d'eux et qui ne leur appartient point en propre, n'a pas lui-même la volonté libre d'opérer ou de ne pas opérer son oeuvre, qu'il est contraint dans la carrière qu'il a à remplir et qu'il n'a pas par conséquent la propriété nécessaire pour former un monde, quoiqu'il soit le centre de toutes les choses physiques.<o:p></o:p>

Enfin, la volonté supérieure qui est au-dessus de ce même centre se trouve, par le moyen de cet intermède, trop distante des choses physiques, pour avoir de l'analogie avec elles ; de même que celles-ci n'en peuvent avoir avec cette volonté et la comprendre ; et malgré l'harmonie que nous voyons régner dans l'ensemble des êtres physiques, ce n'est pas une harmonie éclairée, une harmonie d'acquiescement et d'adhésion, en un mot, une harmonie où la justice et l'intelligence puissent s'exercer par le concours d'un assentiment sympathique entre le centre et ses différents rayons.<o:p></o:p>

Ne craignons donc point de dire, d'après toutes ces réflexions, que le monde physique n'a pour notre pensée que l'apparence d'un monde et n'en a point la réalité ; il semble n'être que comme l'ombre et le suivant des mondes réels ; il semble n'être là que pour faire contraste avec eux, que pour en relever les couleurs à nos yeux et pour nous avertir de leur existence ; c'est même en nous comprimant qu'il opère cet effet-là sur nous, puisque par lui-même il est incapable de nous transmettre une idée à la fois si simple et si profonde. Et dans le vrai, c'est en pressant de toutes parts nos facultés intellectuelles, comme il le fait, qu'il les concentre et les force à rassembler leur feu ; et c'est de ce feu rassemblé que jaillit l'éclair qui nous aide à lire dans la lumière même la définition d'un véritable monde.<o:p></o:p>

Mais ce monde physique n'a ni la volonté fixe du monde divin ni la volonté mobile du monde spirituel régulier ni la volonté corrompue du monde spirituel irrégulier ; il est donc impossible qu'il ait puisé la naissance dans la même source que ces trois mondes et il faut nécessairement qu'il ait une autre origine et cette origine ne peut lui être attribuée ni imputée, puisqu'il n'a pas la volonté.<o:p></o:p>

En même temps, comme ce monde physique n'est un monde qu'en apparence par notre pensée et qu'il n'est que l'ombre des autres mondes, il n'est pas possible que la cause de son existence soit une cause directe.<o:p></o:p>

Il faut que ce soit une cause extralignée, une cause courbe et indirecte, une cause occasionnelle et de circonstances qui ne tient point immédiatement à la racine de la vérité ; il paraît plutôt un secours, une ressource, un remède, pour rappeler à la vie, qu'il ne paraît être la vie même.<o:p></o:p>

En rassemblant donc l'esprit de tout ce qui précède, nous pouvons donner pour réponse aux deux questions ci-dessus, que nous ne trouvons rien dans le monde physique, qui confirme la définition que nous avons établie d'un monde ; que ce monde physique, par conséquent, n'est point un monde ; enfin, qu'il n'a reçu l'existence que pour remédier à une altération ; et voilà de quelle manière on pourrait parvenir à s'assurer de la raison des choses, ou à connaître les pourquoi, si l'on suivait pied à pied les sentiers que la lumière naturelle nous ferait découvrir à tous les pas ; au lieu qu'en ne s'occupant que des comment, ainsi que le font les sciences ténébreuses des docteurs, on se recule toujours de son terme au lieu de s'en rapprocher.<o:p></o:p>

Si ce monde physique n'est point un monde, s'il n'a reçu l'existence que par une cause extralignée et qu'une cause extralignée ne puisse être qu'une altération, il est aisé de voir les nombreuses et justes conséquences qui en résultent, telles que de ne nous regarder ici-bas que comme y ayant journellement à tamiser le monde figuratif, pour en extraire les mondes réels réguliers et les rendre chacun à leur action pure et régulière : car nous n'aurons pas de peine à  concevoir qu'en tamisant le monde figuratif, nous tamiserions en même temps le monde spirituel irrégulier, puisque l'irrégularité de celui-ci et l'extralignement de l'autre nous indiquent combien il doit y avoir entre eux d'affinité.<o:p></o:p>

Dès lors une tâche immense s'ouvrirait devant nous et nous montrerait si nous pouvons si tranquillement nous livrer au repos, jusqu'à ce que nous l'eussions remplie ; mais aussi de nombreux encouragements seconderaient nos efforts, parce que pour peu que le tamis nous eût rendu de grain pur ou des aliments des mondes réguliers, ils nous substanteraient bientôt assez pour nous donner de nouvelles forces et pour nous éclairer de plus en plus sur le monde figuratif et sur le monde irrégulier que nous appliquerions de nouveau à notre tamis.<o:p></o:p>

Ces lumières ne se pourraient insinuer dans notre être intime sans y répandre un jour d'autant plus vaste, que ce même être, quand il cherche à se réintégrer dans sa réalité, se trouve dès l'instant au-dessus du monde figuratif et du monde irrégulier et doit voir se succéder autant de clartés, dans son propre monde, qu'il voit d'obscurités et de ténèbres se succéder dans les deux autres.<o:p></o:p>

S'il ne met point de bornes à sa culture, en ce genre vivifiant et régénérateur, pourquoi en mettrait-il dans les moissons qu'il en pourrait attendre ? Et dès lors, s'il peut espérer de trouver dans son propre monde régulier des récoltes si abondantes, que ne pourrait-il donc pas espérer du monde divin même, si le flambeau venait à s'y allumer à son tour et à lui en découvrir les richesses ?<o:p></o:p>

Mais pour atteindre à la majestueuse dignité de cette sublime tâche, il faudrait étendre le sens du mot restauration, plus que ne le font communément les instituteurs. Le mot salut même qu'ils mettent si aisément en avant dans leurs instructions religieuses, est un mot sombre dans lequel l'obscurité qu'il renferme annule aussi fréquemment la portion de lumière qui s'y trouve ; s'il faut nous préserver ou nous sauver des crimes, ainsi qu'ils nous le recommandent avec raison, il faudrait aussi nous apprendre à nous sauver de l'ignorance, après nous avoir exhortés à remplir notre cœur de toutes les vertus ; e t sûrement nous devrions comprendre au rang de nos droits et de nos devoirs les plus importants, celui de rendre à notre pensée toutes les clartés dont elle est susceptible.<o:p></o:p>

Quoique ce fût la portion de notre être la plus ostensible, ces instituteurs ont pris la précaution de l'enfermer de barrières au lieu de la mettre en évidence ; au lieu d'en manifester par eux-mêmes tous les avantages, ils ont cherché à nous la peindre comme inaccessible, tandis que l'autre portion étant plus cachée, ils ont eu beau jeu pour nous en tracer les routes à leur gré et nous persuader qu'ils les connaissent et qu'ils les parcourent.<o:p></o:p>

Par ce moyen, les instituteurs retardent l'homme au lieu de l'avancer ; ils tiennent une moitié de lui-même dans les ténèbres et l'autre dans une sagesse si précaire, qu’il lui serait presque impossible de dire ce qu'il devient entre leurs mains et si son être entier n'est pas leur victime.<o:p></o:p>

Qu'il rentre, cet homme ; qu’il rentre dans la voie de la lumière qui lui est départie par son origine et il sentira bientôt renaître tous les trésors de son esprit ; et son cœur aussi bien que sa pensée lui feront connaître complètement et sans les monopoles des sciences doctorales, ce que l'homme fut, ce qu'il est et ce qu'il peut être.<o:p></o:p>

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Raison universelle de l'existence des divers mondes<o:p></o:p>

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Un être ne connaît son origine qu'en soi-même ; Dieu et l'esprit en sont là. L'être premier ne se connaîtrait pas dans son origine, si ses propres facultés ne rassemblaient les rayons de son essence primitive et ne lui donnaient, par là, le sentiment de sa suprême source ; l'homme et l'esprit peuvent aussi avoir ce sentiment de leur origine quand ils voudront rassembler leurs facultés ; ils connaîtront là la génération divine elle-même, puisqu'ils se sentiront engendrés par elle ; et c'est ici la plus grande merveille que la divinité ait pu transmettre à l'homme, comme en même temps c'est ce qui a rendu le poste de l'esprit et de l'homme si périlleux : car combien il leur est aisé d'y broncher, quand ils ne s'appuient pas avec un entier abandon sur leur base supérieure et fondamentale !<o:p></o:p>

Mais, si un être ne connaît son origine qu'en soi-même, il ne peut connaître ses puissances que hors de soi, c'est-à-dire, que dans ce qui ne vient qu'après lui et qui est comme inférieur à lui ; ainsi pour que Dieu se connût dans Ses puissances, il fallait qu'il y eût éternellement des êtres au-dessous de Lui et produits par Lui dans lesquels Il pût se considérer et qui Lui servissent de miroir de contemplation et cette coéternité de l'homme et de l'esprit avec Dieu a été exposée suffisamment dans ce qui a précédé.<o:p></o:p>

Si l'homme et l'esprit ont le pouvoir de se connaître en Dieu et de sentir comme Lui leur origine, il faut qu'ils aient aussi comme Lui le pouvoir de connaître leurs puissances ; et pour connaître leurs puissances, il faut qu'ils aient comme Lui des classes inférieures à eux, qui leur servent de miroir de réflexion ; et ces classes inférieures, ce sont tous les esprits des régions et tout ce qui est attaché à la constitution du monde et à son origine : ces êtres-là n'ont reçu le développement de leur action temporelle que quand l'homme a eu reçu son émission dans ce monde.<o:p></o:p>

Ces êtres-là ne connaissaient point leur origine, comme l'homme et l'esprit connaissent et sentent la leur en Dieu ; mais ils sont des êtres simplement destinés à l'action et comme tels, ils ont besoin de connaître leur puissance et, par conséquent, ils ont besoin d'avoir au-dessous d'eux des miroirs qui la leur réfléchissent : aussi, comme ils sont obligés d'agir, c'est de leur action que résultent les miroirs dont ils ont besoin et ces miroirs ce sont toutes les productions et tous les phénomènes de l'univers ; ce qu'il ne faut pas confondre avec la raison occasionnelle de cette même existence des choses universelles physiques.<o:p></o:p>

Quant à ces phénomènes physiques et à tous les êtres matériels qui composent le monde, ils ne connaissent ni leur origine ni leur puissance ; aussi n'ont-ils pas besoin de miroir ; ils ne sont que des êtres de résistance et même quoiqu'ils agissent, on ne peut pas les regarder comme des êtres d'action, puisque leur action n'est pas à eux, mais à ceux qui les précèdent, les engendrent et les dirigent, c'est-à-dire, à ces êtres qui servent de miroirs à l'homme.<o:p></o:p>

Au-dessous de l'univers physique et matériel, il faut bien qu'il y ait encore quelque chose, puisqu'il n'est qu'un être de résistance et que la résistance suppose un obstacle ; mais cet obstacle doit encore être inférieur à toutes les autres classes que nous venons de parcourir, c'est-à-dire, qu'il ne peut connaître en lui-même son origine, comme Dieu ; qu'il ne peut connaître, comme l'homme, son origine en Dieu ; qu'il ne peut connaître ses puissances comme Dieu, comme l'homme ni même comme les miroirs inférieurs à l'homme ; enfin, qu'il n'est pas même un être de résistance comme l'univers, puisque pour être un être de résistance, il faudrait qu'il eût une puissance et il n'en a aucune ; mais au contraire il est sans cesse repoussé, combattu et terrassé par toutes les puissances.<o:p></o:p>

Ainsi donc, on peut dire qu'il n'est rien qu'une universelle concentration, sans la possibilité d'aucun développement et cependant sentant le perpétuel besoin d'être tout et d'avoir un développement universel.<o:p></o:p>

 

Si les autres mondes ou les astres sont habités par des hommes ?<o:p></o:p>

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Il faut établir ici une proportion et dire : l'individu homme est à la Terre ce que l'espèce humaine est à l'univers. Or, de même que chaque individu n'occupe qu'un point de la Terre et que tous les points de la Terre ne sont pas occupés par des hommes ; de même l'univers n'est point rempli de l'espèce humaine, quoique l'espèce humaine soit sur la Terre.<o:p></o:p>

Cette idée que les autres mondes sont habités par des hommes, vient de ce que, par notre incorporisation matérielle, nous tenons, selon nos essences élémentaires, à toutes les régions physiques et à toutes les puissances de l'univers qui ont concouru à notre formation corporelle et continuent de concourir à notre existence ; par ce moyen, nous nous sentons vivre dans tous ces mondes, quoique notre corps ou le produit de toutes ces puissances, n'existe réellement que sur la Terre, d'où même nous le voyons disparaître, lorsque le temps de sa dissolution est arrivé.<o:p></o:p>

Cette idée tient aussi à notre destination première qui nous donnait le droit d'habiter, à notre gré, dans toutes les contrées de l'univers, comme ayant été établis dans cet universel apanage. Nous pourrions même encore aujourd'hui dire à la rigueur que nous habitons spirituellement partout, par la facilité avec laquelle notre esprit se transporte dans toutes les régions visibles et invisibles et que, par conséquent, nous sommes aussi bien les habitants des autres mondes que de la Terre ; mais ce serait une idée peu réfléchie et qui ne conviendrait point ici, parce que l'ordre de l'esprit et l'ordre de la matière sont si différents qu'on ne peut les comparer, surtout dans l'exemple actuel : car, en effet, ce serait parce que nous habitons partout spirituellement que nous n'habitons nulle part. Alors il faut s'en tenir à l'explication ci-dessus, par laquelle nous voyons qu'à la mort, nos éléments rentrent dans leurs essences et celles-ci dans leurs matras et leurs sources respectives ; mais qu'elles n'y rentrent que désassemblées et dans leur individualité particulière et qu’ainsi nous n'y rentrons plus en corps, puisque c'était leur union ou le jeu de leurs diverses propriétés qui formait effectivement et sensiblement notre corps ici-bas.<o:p></o:p>

Les spiritualistes et les gens à pressensations et à communications ont eu occasion de propager cette opinion des peuplades humaines dans les autres mondes, par une suite de leurs communications mêmes, qui, leur venant dans leurs corps et qui étant la plupart imprégnées de ces puissances formatrices des corps, ne pouvaient se montrer à eux que sous les couleurs et les produits dont elles sont les mobiles constitutifs.<o:p></o:p>

Car je n'ai pas besoin de parler ici de ceux pour qui ces communications ont pris la forme et le caractère de tout ce qui se pratique sur la Terre. Ces signes qui étaient donnés à des hommes de la Terre, ne pouvaient remplir leur objet qu'en se montrant sous les images et les pratiques de la Terre et c'est annoncer trop de crédulité que d'avoir pris ces signes et ces types pour les modèles.<o:p></o:p>

Oh ! Combien d'erreurs se propagent quand on reçoit aveuglément tout ce qui se présente et qu'on ne prend pas la précaution de nettoyer le centre du miroir !<o:p></o:p>

 

Orgueil imputé mal à propos à ceux qui croient
que la Terre est la seule habitée,
quoique étant une si petite planète
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Si l'on se rappelle ce que nous avons dit sur la végétation, la Terre nous paraîtra dès lors comme étant le matras de toutes les puissances de la nature ; mais ce matras est en même temps leur tombeau et comme chargé de faire en elles la séparation de leurs propriétés actives d'avec leurs propriétés excrémentaires, ce qui engagerait presque à la regarder elle-même comme étant l'excrément de la création. <o:p></o:p>

Si l'on réfléchit en outre que l'homme, depuis sa chute, est reclus et comme emprisonné dans ce résidu excrémentaire, on ne sera plus tenté d'attribuer à l'orgueil l'opinion de ceux qui la croient seule habitée par l'homme.<o:p></o:p>

Quand un grand ou un citoyen quelconque manque aux lois de son pays, on l'enferme dans un cachot comme on y enferme tous les coupables. Si ce prisonnier, ainsi que tous ses compagnons étaient accusés d'orgueil en prétendant que ce cachot est le seul lieu habité par eux, on leur dirait au contraire que c'est pour leur honte qu'ils sont réduits à cette étroite et infecte demeure.<o:p></o:p>

Si d'un autre côté, la Terre se glorifiait de posséder seule la race coupable et abâtardie de l'homme, ce serait comme si les cachots de Bicêtre se glorifiaient d'être le repaire de tous les bandits de la société.<o:p></o:p>

Il en est d'autres qui sont étonnés que la Terre, étant l'excrément du monde, la puissance suprême emploie tant de moyens pour orner un être aussi abject. Indépendamment de cet adage qui nous apprend que ce sont les plus malades qui ont le plus besoin de secours, on pourrait répondre à ces personnes-là par la comparaison suivante :<o:p></o:p>

Supposez un parterre orné des plus belles fleurs et les mieux soignées ; prenez une de ces fleurs transportez-la dans un terrain aride et stérile, bientôt vous la verrez s'altérer et perdre de ses propriétés. Cependant quelqu'un qui n'aurait vu que cette fleur-là et dans ce lieu stérile, la trouverait encore belle parce qu'en effet, elle conserverait toujours quelque chose de son premier état. Si ce quelqu'un paraissait étonné que la nature fît tant d'efforts pour soigner et parer un endroit si aride, on pourrait lui faire observer que ce lieu aride, n'est pour ainsi dire qu'un isolement et un retranchement pris sur la Terre entière et que ce qui pare cet endroit ne peut être aussi qu'un extrait et comme une altération de ce qui pare la Terre elle-même ; et de là on le mènerait à reconnaître une nature permanente et réelle, supérieure à cette nature informe que nous habitons et qui, malgré les perfections qu'elle nous offre encore conformément à la limite actuelle de nos sens, n'est cependant que comme une diminution de cette nature première et éternelle.<o:p></o:p>

On pourrait enfin leur offrir aussi la femme pour exemple : la femme est l'image de l'universalité naturelle et cependant son fruit n'occupe qu'une seule place dans son corps et cette place est dans la région excrémentaire, tandis que toutes les autres parties de son corps sont censées contribuer chacune de leur action et de leur substance pour la formation de ce fruit, ce qui aiderait à donner l'idée de la fonction de la Terre par rapport à l'univers ; car la Terre est relativement à l'univers, ce que la matrice est relativement à la femme ; et il n'y a dans l'univers, comme dans la femme, qu’un seul lieu consacré à la génération de l'homme.<o:p></o:p>

Il faut se souvenir alors que tout est altéré ; qu'ainsi le séjour de l'homme sur la Terre et son séjour dans le sein de la femme, peuvent se comparer au séjour du prisonnier dans les cachots de Bicêtre dont nous venons de parler. Il faut se souvenir que l'axe de l'écliptique est incliné ; que la Terre est descendue et que la femme elle-même l'est aussi, quoique cette notion soit aujourd'hui si peu répandue ; car la source génératrice était autrefois dans le coeur de l 'homme, dont la poitrine était alors le siège de la douleur, comme nous voyons que telle est la poitrine de la femme par les deux fontaines de son lait ; et dans ce temps-là, la Terre ni la matrice humaine n'étaient pas souillées et ne se comparaient pas alors à des cachots.<o:p></o:p>

Les astres aussi étaient sans doute plus actifs qu'à présent, comme nous voyons que tous les organes de l'homme, qui sont devenus la femme d'aujourd'hui, avaient plus de force et de virtualité qu'ils n'en ont à présent, ce qui devait contribuer à rendre la génération de l'homme vive et pure au lieu de l'infection ténébreuse par laquelle il est obligé de passer.<o:p></o:p>

On a lieu de croire cependant, que les astres ont moins souffert que la Terre dans la grande catastrophe, comme il est probable que dans l'homme la matrice a plus souffert que les autres parties de son corps et moins que la tête, parce que la tête est le siège et l'enceinte des opérations spirituelles de l'âme, lesquelles devaient servir de réceptacle aux opérations divines et d'organe à la manifestation que cette âme doit faire de ces opérations ; or, le principe a toujours défendu son image autant qu'il a pu, lorsqu'il ne lui a pas été possible d'en conserver entièrement les fruits. C'est pour cela que les astres auront aussi été mieux conservés que la Terre, parce qu'ils sont le siège des principes et que la Terre n'est pas le siège de la génération de ces principes.<o:p></o:p>

À présent, remarquons qu'il n'est pas de l'essence de la matrice de la femme d'être toujours enceinte ; ainsi c'est une erreur de croire qu'il soit de l'essence constitutive de la Terre d'être habitée, puisque non seulement il y a sur sa surface plusieurs contrées qui ne le sont point, mais que même on pourrait détruire tous les hommes qui l'habitent, qu'elle ne se détruirait pas pour cela et qu'elle continuerait toujours à remplir son cours et à suivre sa marche.<o:p></o:p>

Or, ce que l'on dit ici de la Terre peut s'appliquer à toutes les planètes et on n'est point obligé de les croire nécessairement habitées pour que leur existence ait un objet ; il suffit qu'elles aient celui de concourir à la formation des choses physiques et c'est ce qu'on ne peut refuser à ces grands rouages occupés à la production comme à l'entretien de la nature temporelle matérielle.<o:p></o:p>

Cependant, quoi que la Terre pût bien être privée d'habitants sans perdre son existence, il est plus que probable que cela n'arrivera point, puisque dans les oeuvres de la justice supérieure, les choses n'existent qu'autant que subsiste le but qui leur donne l'être. Or, la Terre ayant eu primitivement pour but le développement de la gloire de l'homme et ensuite celui de sa honte, on doit présumer que quand le terme accordé à l'espèce humaine pour subir son épreuve sera rempli, la Terre disparaîtra, comme n'ayant plus d'emploi à exercer pour le compte de la justice ; car les grilles et les verrous ne se ferment plus dans les cachots quand il n'y a plus de prisonniers.<o:p></o:p>

Ajoutons, enfin, que quand même la Terre disparaîtrait, la justice n'en demeurerait pas moins et serait toujours prête à punir de nouveaux prévaricateurs s'il en pouvait paraître ; comme nous voyons parmi les hommes la simple justice qu'ils emploient, être toujours prête à se réveiller, quand même la société serait en paix pour le moment et n'offrirait aucun malfaiteur.<o:p></o:p>

Mais il ne suffit pas de reconnaître la possibilité que la Terre seule fût habitée par l'homme ; il faudrait, en cas que cela fût, reconnaître la raison pour laquelle cela serait ainsi. Ce sont les droits constitutifs de l'homme qui vont ici nous aider dans nos recherches, comme ils devraient le faire dans toutes celles auquel notre esprit peut se porter. <o:p></o:p>

Rappelons-nous donc que cet homme, en qualité d'image ou de miroir de son principe, devait être un type harmonique des deux puissances, ou de la force et de la résistance qui constituent tous les êtres. Plus ces puissances étaient désharmonisées sur la Terre, par le crime des premiers prévaricateurs ou anges rebelles et plus c'était là que devait se trouver le siège de ce modérateur chargé d'en rétablir la température.<o:p></o:p>

Aussi était-ce là qu'avant sa chute, l'homme devait commencer l’œuvre pour laquelle il avait reçu l'existence ; et c'est quand il aurait eu achevé l’œuvre entière, c'est encore là qu'il se trouve condamné à la double tâche à laquelle il s'est exposé par son égarement, savoir : premièrement, celle qui tient à sa résipiscence et à son propre renouvellement ; et secondement, celle qui tient au premier plan ; attendu que, si un administrateur pèche dans son administration, c'est naturellement dans le lieu de son crime qu'il est condamné aux peines qui en sont les suites et que, malgré cette punition, l'objet de son administration demeure cependant toujours la même.<o:p></o:p>

Or, ce type harmonique des deux puissances, nous ne pouvons douter que l'homme n'en fût dépositaire dans l'ordre de son moi intime, d'après toutes les observations qui ont précédé, tant sur son ardent désir pour la vérité, que sur son penchant à paraître propre à introduire et maintenir la régularité partout et sur sa perspicacité à percer dans la profondeur et l'universalité des choses, afin d'y puiser la portion de clartés qu'il y rencontre ; et de la reporter soigneusement dans sa triste et obscure demeure, pour en dissiper les ténèbres.<o:p></o:p>

Mais nous trouvons encore ce type harmonique écrit matériellement sur son propre corps, par cette ancienne observation déjà publiée ailleurs, qui nous a appris que l'homme seul, parmi tous les habitants de la Terre, offrait, dans sa hauteur, une ligne égale à celle de ses deux bras étendus ; indice trop frappant de l'harmonie des deux puissances que l'homme devait représenter, pour n'être pas du plus grand poids aux yeux de l'observateur.<o:p></o:p>

Car si c'est sur cette terre seule que l'homme habite et s'il y montre corporellement le signe harmonique des deux puissances universelles, comment douter que ce ne fût pour en développer les propriétés, d'abord sur cette même Terre, qu'elle lui avait été donnée pour demeure, afin que de là il parvînt successive ment à étendre ses droits dans toutes les autres régions de l'univers ?<o:p></o:p>

Je demanderai, même ici, aux penseurs comment il s'est fait que, parmi tous les signes planétaires, celui de la Terre, qui est connu de tout le monde, offre un globe surmonté de ce même indice de 'harmonie des deux puissances et qui est exactement celui que l'homme porte écrit dans les dimensions de son propre corps ? Je leur demanderai si cette coïncidence de deux signes aussi analogues serait purement le fruit du hasard et ne mériterait pas quelque attention de leur part ? Je leur demanderai comment les premiers souverains de la Terre, ceux qui sont censés être jouissant de tous les privilèges et de tous les véritables droits de l'homme, ont pris ce même signe planétaire terrestre comme l'indice de leur grandeur, de leur puissance et de leur gloire ? <o:p></o:p>

Je veux bien ne point parler ici d'un rapport appartenant particulièrement à la Terre, ou de celui de sa révolution diurne à sa révolution annuelle, rapport qui, relativement à celui connu des révolutions diurnes et annuelles de celles des planètes où nous le pouvons évaluer, est le seul qui soit le plus approchant de 1 à 360, étant de 1 à 366 5531/21541 en comparant la somme des secondes que la Terre emploie dans sa révolution diurne et dans sa révolution annuelle. Les mathématiciens, en établissant comme ils le font, d'autres divisions du cercle que celle de 360, n'en contredisent pas moins les véritables principes de la nature des choses ; attendu que la division du cercle, par les triangles équilatéraux, marche avant la division par la carré, laquelle division par la carré ne se peut faire que par le secours préalable de cette division par les triangles, à moins d'employer des intersections ou des lignes superflues et étrangères à la marche simple de la nature. Les mathématiciens abolissent donc par là une des plus belles lois de la terre, qui, par le rapport numérique de sa révolution diurne à sa révolution annuelle, nous présentait pour elle un harmonique de plus entre la force et la résistance ; ce qui aiderait à nous persuader de plus en plus que, si la Terre nous offre les plus horribles débris de la grande catastrophe de la nature, elle nous offre aussi les témoignages parlants qu'elle a été admise et réintégrée dans les voies naturelles de la restauration.<o:p></o:p>

Ce n'est en effet que dans les voies ainsi disposées et susceptibles de ce rapport intégral que l'homme pouvait trouver à développer le signe harmonique dont il porte l'empreinte et concourir ainsi à l'équilibre universel des deux puissances. Car cette puissance projectile que les savants admettent dans la formation originaire des astres et qui est la puissance de la force, n'est elle-même que le développement sensible de l'harmonie supérieure et une qui a voulu se rétablir dans la nature altérée et cela dans des mesures diverses et selon l'état des régions où la résistance avait étendu plus ou moins ses ravages.<o:p></o:p>

Et nous pourrions comparer ceci aux actes d'un souverain qui tendrait à réorganiser les différentes contrées de ses domaines où il serait arrivé d es désordres. Il y introduirait sa puissance, selon les diverses circonscriptions convenables ; en sorte que tout son empire ne fût, dans ses diverses parties, que le résultat actif, mais varié de tous les actes vifs de cette même puissance ; mais il y établirait aussi des organes de son autorité qui, d'un côté, devraient avoir connaissance de ses plans et qui, de l'autre, devraient avoir aussi une autorité relative à la sienne et qui leur fournît tous les moyens d'administrer utilement et efficacement la puissance de leur souverain, en employant à propos les attributions qui leur seraient accordées, le tout pour le maintien du bon ordre, pour la répression des malfaiteurs, pour le soutien de l'homme de bien et pour l'extension de la gloire de leur maître.<o:p></o:p>

On ne peut plus ignorer que l'homme devait être cet organe ou ce représentant de l'autorité divine et qu'il n'aurait pu exercer celle qu'il avait reçue, qu'autant que la puissance divine l'avait déjà devancé dans ces régions où il était chargé de la faire respecter, c'est-à-dire qu’il devait être instruit de tous les plans de son souverain et investi des droits analogues à sa mission.<o:p></o:p>

Je ne sais si les hommes s'attendent à ce que je vais leur dire à ce sujet et s'il en est beaucoup qui m'entendront et qui me croiront. Je leur avouerai cependant que je crois que, par une suite de ces principes, cette force projectile dont nous avons parlé tout à l'heure, relativement à la formation originaire des astres, ne devait point être inconnue à l'homme et qu'il devait avoir une autorité qui se liât naturellement à cette puissance, puisqu’il était chargé d'administrer tous les domaines désorganisés, où l'autorité divine voulait se maintenir.<o:p></o:p>

Il y a nombre de savants et de sages qui ont comparé l'univers à une grande horloge ou à une montre ; or, on ne confie point une montre à quelqu'un sans lui confier en même temps la clef pour la remonter. Il fallait donc que l'homme eût la clef de cette grande montre et qu'il eût le pouvoir d'en régler à son gré tous les mouvements ; mais la clef d'une montre ne sert à rien qu'autant qu'elle touche le pivot dans lequel il faut qu'elle s'engrène pour le faire tourner à volonté ; analogie de plus qui nous montre de nouveau la mission puissante de l'homme et la destination de la Terre où il ne fut placé que parce qu'elle était le pivot ou le lieu de toutes les opérations majeures du grand oeuvre temporel divin.<o:p></o:p>

La Terre nous marque bien, tant qu'elle peut, la forme de ce pivot qu'elle représente et cela, en parcourant annuellement les points cardinaux du monde ; je dis plus, c'est le besoin d'atteindre à ces secrets ressorts des choses, qui meut l'homme, à son insu, dans ses vastes recherches sur tout ce qui embrasse l'astronomie ; mais les hommes ont tellement égaré la clef qui leur avait été donnée, qu'ils ne songent pas même à son existence. Aussi, malgré les belles lois qu'ils découvrent journellement sur le cours visible des astres, sur leurs dimensions et sur les rapports de leur force et de leur résistance extérieures, la montre ne va plus pour eux, elle s'est arrêtée ; elle marque toujours la même heure, de façon qu'ils ont beau promener leurs yeux sans cesse sur la cadran de cette montre et nous en faire les plus exactes descriptions, ils ne peuvent cependant jamais nous dire, dans le sens vrai, quelle heure il est.<o:p></o:p>

 

Des comètes et de leur destination<o:p></o:p>

Il ne sera point étranger à notre plan de considérer ici quel peut être l'objet de l'existence des comètes, puisque nous avons eu pour but de chercher en général quel est l'esprit des choses.<o:p></o:p>

Le cours des comètes n'est point limité à notre zodiaque, comme celui des planètes et elles s'étendent dans toutes les parties de l'empyrée et dans tous les sen s ; mais il est possible et même on peut dire certain, qu'il y a un zodiaque stellaire, comme il y a un zodiaque planétaire, puisque nos astronomes ont eux-mêmes désigné douze constellations d'étoiles, quoi qu'il soit possible que ces constellations stellaires embrassent un plus grand champ et un plus grand espace que ceux que les astronomes leur ont prescrits.<o:p></o:p>

Alors on pourrait regarder les comètes comme des espèces de correspondants et d'ambassadeurs, chargés d'aller s'imprégner dans le zodiaque stellaire des diverses propriétés éparses des étoiles et de venir les verser dans le zodiaque planétaire, d'où elles se distribuent sur la terre et sur les autres planètes, selon leur emploi ; le tout avec les divers caractères bienfaisants ou malfaisants dont ces mêmes étoiles sont la source et le foyer.<o:p></o:p>

C'est ainsi que les divers mouvements de l'instinct animal s'élèvent jusque dans la région du cerveau, qui est pour l'être physique comme une espèce de zodiaque stellaire et qu'après s'être imprégnés là de propriétés bonnes ou mauvaises, ils les versent dans les différents organes de cet animal et contribuent à l'ordre ou au désordre de ses fonctions. <o:p></o:p>

Quelques observateurs ont été jusqu'à penser que ce ne serait peut-être pas une erreur de regarder les comètes comme faisant dans l'ordre de la nature les fonctions que doivent faire les élus divins, ou ce qu'on appellerait des prophètes dans l'ordre de l'esprit. Ceux-ci devraient correspondre à toutes les régions de l'esprit et offrir toutes les nuances de tous les cercles, c'est-à-dire les douleurs, les menaces, les récompenses ; toutes choses dont ce qui se passe journellement dans l'âme des hommes, nous montre que ces sublimes régions sont susceptibles.<o:p></o:p>

Les comètes frappent comme ces élus tous les points de cette immensité particulière, à la laquelle elles sont liées ; mais elles font comme eux le rôle le plus laborieux et le plus actif de tous les agents de la nature.<o:p></o:p>

Enfin, ce serait peut-être à cette propriété cachée, ou à cette espèce de destination laborieuse et imposante des comètes, qu'appartiendrait originairement l'opinion vulgaire qui attribue à leur apparition les révolutions physiques de notre terre : opinion que l'esprit de l'homme s'est trop pressé quelquefois d'appliquer aussi à nos révolutions morales et politiques ; mais, opinion dont les esprits transcendants des savants n'ont pas pu eux-mêmes se défaire entièrement, quant aux révolutions physiques, puisqu'ils semblent craindre pour notre Terre le choc de quelques-uns de ces grands corps et qu'ils ne craignent pas d'attribuer à cette espèce de cause plusieurs des événements que l'histoire de notre globe les a mis à même d'observer.<o:p></o:p>

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Les étoiles<o:p></o:p>

Quant aux étoiles, nous pourrions acquérir quelques notions sur leur origine, par des observations attentives sur les simples phénomènes physiques qui se passent sous nos yeux.<o:p></o:p>

Quand la chaleur du soleil devient surabondante, c'est le feu qui a besoin d'eau ; aussi la chaleur de ce soleil élève-t-elle et attire-t-elle à elle des vapeurs, ou la source de l'eau, qui s'accumule et devient pluie : cette pluie tombe en gouttes ; chaque goutte contient les propriétés de sa source et apporte sur la terre des qualités salutaires et bienfaisantes qui se manifestent par diverses végétations. Cette pluie non seulement tempère la chaleur du soleil ; mais elle s'empare aussi d'une grande partie de la lumière.<o:p></o:p>

C'est là ce qui peut nous aider à concevoir que les étoiles ne sont point des soleils, malgré la majorité des voix qui ont accrédité cette opinion.<o:p></o:p>

Car, en remontant à la source des choses, on parviendrait sans doute à reconnaître que le soleil lui-même ne doit son origine qu'à une terrible incandescence et cela d'après toutes les raisons morales et physiques que nous avons exposées sur la grande catastrophe de l'ancienne nature. On ne sera pas étonné que les étoiles soient ces vapeurs qui ont pris aussi la naissance, à l'occasion de cette surabondance du feu et qu'à l'image des gouttes de pluie, elles ne transmettent toutes sur la Terre, les propriétés qu'elles tiennent de l'ouverture de leur source aquatique supérieure ; qu'ainsi d'un côté, elles soient une eau conglomérée et que de l'autre, elles tiennent prisonnière une portion du feu de la grande incandescence, ainsi qu’une portion de la lumière de ce grand feu.<o:p></o:p>

Mais ni cette eau ni ce feu, n'étant point dans leur place naturelle, ils tendent alternativement à la recouvrer, c'est-à-dire, ou à s'unir ensemble, ou à se séparer et ils ne peuvent y parvenir, vu la loi du temps qui tient en contradiction les bases fondamentales des choses ; e t c'est ce double effort qui peut nous faire comprendre pourquoi les étoiles nous offrent le phénomène de leur scintillation.<o:p></o:p>

Quand on objecte cette scintillation, pour marquer leur différence d'avec le soleil, les gens de l'art répondent que cet effet de la scintillation n'est dû qu'à la grande distance de ces étoiles ; mais voici une autre objection : si ces étoiles sont autant de soleils et totalement lumineuses par elles-mêmes, comment se ferait-il que la réunion de tous ces prétendus soleils ne produisît pas une somme de lumière, qui annulât l'immensité de leur distance ? Et cependant la nuit, malgré ce nombre innombrable d'étoiles entassées qui tapissent la voûte des cieux, nous sommes à peu près dans l'obscurité.<o:p></o:p>

Les gens de l'art disent aussi, au sujet du mouvement de quelques étoiles, qu'il ne faut pas attribuer entièrement ces mouvements aux étoiles ; qu'il est très possible qu’il n'y en ait qu'une partie de réelle et que l'autre ne soit qu'apparente et occasionnée par le mouvement du soleil qui probablement emporte avec lui, dans l'espace, tout notre système planétaire.<o:p></o:p>

Si notre soleil emporte avec lui tout notre système planétaire et cela assez loin pour pouvoir nous faire remarquer ou supposer un mouvement dans les étoiles, pourquoi ne l'emporterait-il pas assez près d'elles pour nous rendre plus sensible la réunion de ces prétendus soleils ? Et cependant, malgré ce pouvoir ambulatoire de notre soleil, nous ne voyons pas que les étoiles, par leur réunion, nous donnent plus de clarté dans un temps que dans l'autre, si ce n'est par les différents degrés de pureté de l'air, ce qui ne tient point aux lois astronomiques. <o:p></o:p>

On peut dire également que si notre soleil emporte avec lui tout notre système planétaire, pourquoi les autres prétendus soleils n'en feraient-ils pas autant du leur ? Or, dans cet entraînement qui serait commun à tous ces soleils, on ne peut guère s'empêcher de supposer qu'ils devraient quelque fois approcher les uns et les autres assez près de leurs frontières respectives, pour opérer à notre égard un accroissement marqué de leur propriété lumineuse.<o:p></o:p>

Enfin, de même qu'il n'y a pas un être vivant qui ait plus d'un cœur dans la nature, de même il n'est pas nécessaire qu'il y ait plus d'un soleil dans l'univers.<o:p></o:p>

 

Les taches du soleil<o:p></o:p>

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La chimie nous montre dans le diamant les extrêmes les plus opposés, savoir : d'un côté, la substance la plus limpide et la plus brillante de la nature, et de l'autre, la substance la plus ténébreuse et la plus noire qui est le carbone. Pourquoi ne verrions-nous pas ce même assemblage dans l'astre solaire qui, par sa lumière et par ses taches noires, nous autorise si fort à admettre cette analogie ? Nous avons parlé, il n'y a qu'un moment, de la terrible incandescence qui, probablement, a donné naissance au soleil. Pourquoi cette incandescence ne deviendrait-elle pas encore plus probable par l'analogie que nous venons d'établir ? Or, quelle est l'incandescence dans laquelle le carbone ne joue pas son rôle, puisqu'il n'y en a aucune qui ne finisse par nous manifester cette substance ?<o:p></o:p>

Nous pourrions même, en considérant l'universalité de ce carbone, nous assurer d'autant plus de la grande catastrophe à laquelle la nature actuelle doit son origine, et qui a comme enfermé dans la même enceinte la lumière et les ténèbres, la vie et la mort ; et nous pourrions par conséquent nous former d'avance une idée de la fin des choses temporelles matérielles, en portant nos yeux sur leur origine : car, à cette fin des choses, l'univers laissera paraître et se découvrir cette base hideuse, sur laquelle il repose, comme nous voyons suivre cette loi là à tous les corps particuliers, soit minéraux, soit végétaux, soit animaux, qui composent toute la nature.<o:p></o:p>

Ainsi nous croyons pouvoir affirmer qu'à l'instar du diamant, le soleil a son carbone et que c'est par ses taches qu'il nous en démontre évidemment l'existence. Nous devons croire par cette même raison qu'il finira par nous révéler tout à fait cette substance hétérogène sur laquelle il siège, comme tout ce qui existe dans cet univers et il nous la révélera par une suite de cette loi générale, que nous avons observée précédemment et qui nous a appris que parmi l'universalité des choses, il n'y en a point qui ne fasse sa propre révélation.<o:p></o:p>

Sans doute que les êtres pensants et coupables sont rigoureusement assujettis à cette loi qui, dans un autre sens, embrasse aussi les êtres réguliers et purs et jusqu'à Dieu même, ainsi que nous l'avons annoncé en son lieu. D'après cela, l'homme peut présumer ce à quoi il doit s'attendre s'il n'emploie pas ses soins les plus vigilants à épurer l'essence qui le constitue et qui a été souillée par la chute et la dégradation de la famille humaine. Car l'esprit de l'homme a, malheureusement, aussi son carbone et il ne pourrait être dispensé d'en faire lui-même un jour la révélation.<o:p></o:p>

 

109<o:p></o:p>

Troisième partie du tome 1<o:p></o:p>

Esprit des choses <o:p></o:p>

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De l'impénétrabilité de la matière et de sa pénétrabilité  <o:p></o:p>

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En ne considérant les corps que comme le produit d'agrégats et de l'assemblage de molécules primitives, il est sûr que la matière paraît impénétrable, comme l'ont prétendu les savants. En les regardant comme le résultat d'une force et d'une résistance, ainsi que nous l'avons établi, cette loi d'impénétrabilité ne devient plus si générale et elle se réduit à dire, comme les docteurs, que deux portions de matière ne peuvent occuper un seul et même espace.<o:p></o:p>

Mais il ne s'ensuit pas de là que parce qu’une portion de matière ne peut en pénétrer une autre, la matière soit impénétrable, à moins qu'il ne soit démontré qu'il n'y ait que de la matière.<o:p></o:p>

Or, c'est bien là où les sciences humaines voudraient nous amener, et où elles nous amèneraient en effet, si, avec de la résistance seule, il n'était pas démontré qu'il n'y aurait pas de mouvement ; ainsi le mouvement visible de tout ce qui existe est une difficulté, qui doit arrêter complètement tous les efforts de ces sciences impuissantes.<o:p></o:p>

En réduisant la question à ses éléments simples, on trouve que les portions de la matière ne sont impénétrables les unes aux autres que parce qu'elles sont chacune dans l'impuissance et dans la privation : et cette sorte d'impénétrabilité de la matière est suffisante pour nous montrer la douloureuse cause occasionnelle de la nature, qui a ainsi intercepté la communication de la vie et de la lumière entre les êtres, tandis que tout serait fait pour se connaître, se pénétrer et se réactionner mutuellement ; et c'est bien assez de ce tableau et de cette idée pour affliger l'homme.<o:p></o:p>

Mais il n'en est pas moins vrai que :<o:p></o:p>

1) le mouvement démontre qu'il y a dans la matière autre chose que de la résistance ; car la matière inerte en apparence a toujours en soi le mouvement générateur de son existence, sans quoi elle ne serait pas sensible.<o:p></o:p>

2) Que dès qu'il y a autre chose que de la résistance, tous les corps et toutes les portions quelconques de matière ont une force à eux.<o:p></o:p>

3) Que cette force est diversifiée dans les différents corps, sans quoi, si elle était égale partout, il y aurait une immobilité universelle.<o:p></o:p>

4) Que cette diversité de forces fait qu'il doit y avoir une sorte de pénétrabilité possible entre les corps, et que cette pénétrabilité doit tirer sa première existence de la seule supériorité d'une force sur l'autre ; car le plus fort subjugue le plus faible.<o:p></o:p>

Si l'on suit la progression de ces diverses pénétrabilités, il faut commencer par admettre celle qui résulte nécessairement de cette force opposée à la résistance de tous les corps et dont provient le mouvement même dans la matière inerte ; et l'on ne peut nier que cette force ne pénètre jusqu'aux dernières divisions de ce qui est matière, puisque sans cette force nulle matière ne serait ni mobile ni existante ; et sous ce rapport, il est clair que la matière est pénétrée à l'infini.<o:p></o:p>

On pourrait ajouter que cette force particulière, qui est si diverse dans tous les corps de la matière, est passive dans chacun d'eux, et que cette passivité démontre au-dessus d'eux une force plus active qui engendre, mesure et gouverne toutes ces forces passives, selon leurs lois diverses, et qui les pénètre dans les actes et les opérations de leurs diverses résistances : nouvelle preuve de la pénétrabilité de la matière à l'infini ; preuve que nous pourrions étendre encore d'un degré pris dans l'ordre supérieur, mais dont nous pouvons nous passer ici.<o:p></o:p>

Mais après avoir considéré la pénétrabilité des corps de la matière, pris en eux-mêmes, il faut les considérer dans leur pénétrabilité respective, en négligeant toutefois la plus grossière, telle que celle qui résulte d'une force plus grande d'un corps dur, ou pesant qui pénètre, casse, ou broie un autre corps moins dur que lui, puisque là il n' y a qu'une séparation de parties, sans qu'aucune d'elles ne soit pénétrée. Nous monterons donc tout de suite à la pénétrabilité des métaux pour leur teinture mutuelle, et à la pénétrabilité des végétaux qui ne se perpétuent que par la pénétration de leurs propriétés sexuelles, soit pour ceux qui sont hermaphrodites, soit pour ceux qui ne le sont pas ; car sûrement leurs vertus attractives les pénètrent respectivement pour mettre en jeu toutes leurs essences ; ce qui est prouvé par les rejetons dont l'espèce et la forme sont semblables à celles du végétal générateur.<o:p></o:p>

Nous passerons de là à la pénétrabilité des animaux, non pas seulement à celle de leurs vertus génératrices, lors de leur accouplement, qui doivent produire le même effet que dans celui des végétaux, mais à celles de l'attrait mutuel des sexes avant l'accouplement : attrait qui n'a lieu que par l'expansion invisible de la force ou teinture supérieure, qui est en eux, et qui, provenant de tous les points de l'être d'où elle sort, recherche et pénètre tous les points de l'être qui la reçoit, et cela respectivement pour que le charme de donner et de recevoir soit réciproque.<o:p></o:p>

On pourrait aussi monter à la pénétrabilité astrale et terrestre, sans laquelle nous ne verrions ici-bas que des productions chétives ou nulles, comme cela est prouvé par les effets qui résultent de l'absence ou de la présence du soleil. Mais nous ne faisons qu'indiquer légèrement toutes ces diverses pénétrabilités à ceux qui auront sauvé leur esprit des précipices de la philosophie de l'école ; car pour les autres, il serait inutile de leur en parler.<o:p></o:p>

Il n'en résulte pas moins de tous ces exemples que la pénétrabilité de la matière à l'infini est une qualité que l'on ne peut pas lui refuser, et que cette idée est seule ce qui console de l'état d'impuissance et de privation où la nature se présente à nous, quand on la considère sous le rapport de son impénétrabilité externe, c'est-à-dire, de ce défaut de communication où la condamne l'épouvantable loi de son inertie, qui est celle où les ténèbres de l'esprit humain ont ramené toutes les sciences dont il a pu s'emparer.<o:p></o:p>

Voyons maintenant combien est frêle l'argument de ceux qui ne se sont appuyés que sur l'impénétrabilité des corps de la matière, pour prouver que cette matière ne pensait point, et que par conséquent l'esprit n'était point matière. (Euler n'a pas été plus loin que cela).<o:p></o:p>

Ils n'ont considéré, comme je l'ai dit, que l'impénétrabilité grossière des diverses parties inertes de la matière ; mais dès qu'on les conduit dans les lois actives et intérieures de cette matière, ils sont obligés d'abandonner son impénétrabilité ; et par conséquent, le moyen qu'ils avaient pris pour prouver que la matière ne pensait point, venant à leur manquer, ils se trouvent exposés à conclure le contraire, s'ils n'ont pas d'autre ressource pour se tirer d'embarras.<o:p></o:p>

Mais nous avons exposé ailleurs des preuves solides, que l'esprit et la matière ne sont pas la même substance ; que l'un pénètre et dirige à son gré toutes les opérations de l'autre, tandis que la matière ne s'aperçoit en rien des opérations de l'esprit, qu'ainsi l'un pense et que l'autre ne pense point. Il suffira donc de considérer les différentes espèces de pénétrabilités.<o:p></o:p>

La pénétrabilité respective des portions de la matière est comme nulle ; celle de leur force particulière, sans laquelle il n'y aurait pas de mouvement, ne leur est pas sensible, aussi leur existence est une vie de ténèbres.<o:p></o:p>

La pénétrabilité des animaux leur est sensible à cause de leur teinture ; et cette pénétrabilité est communicative et réciproque malgré les distances, puisqu'ils s'entendent, se voient et se sentent sans être près les uns des autres ; mais ils se bornent à jouir de cette pénétrabilité ; ils ne la conçoivent pas et ne peuvent la contempler par la réflexion.<o:p></o:p>

La pénétrabilité respective des êtres pensants est à la fois sensible pour eux et susceptible d'être contemplée par leur réflexion ; et c'est là ce qui fait le double charme de leur existence, indépendamment de ce que la pénétrabilité que l'homme peut éprouver comme être pensant, est infiniment plus vive et plus sensible que celle qu'il peut éprouver comme être animal. Mais comme il voit bien que le principe de cette pénétrabilité si délicieuse ne lui appartient pas, il ne la peut pas admirer comme s'il en était le propriétaire et le maître, et cela nous montre qu'il doit y avoir encore une pénétrabilité supérieure à toutes celles que nous venons de peindre.<o:p></o:p>

Aussi y a-t-il une pénétrabilité divine par laquelle le Dieu suprême se sent, se conçoit et s'admire ; et comme dans toutes ces progressions, nous ne pouvons pas douter que chaque terme n'embrasse et ne domine le terme qui lui est inférieur, on voit par là que la pénétrabilité divine règne et est dominante dans toutes les autres espèces de pénétrabilités des êtres, c'est-à-dire, qu'elle règne partout et est présente partout.<o:p></o:p>

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Des deux gravités<o:p></o:p>

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Nous avons dit précédemment que tous les corps étaient composés d'une force qui tend à l'expansion et d'une résistance qui contient cette force.<o:p></o:p>

La première de ces deux puissances dont nous avons reconnu que tous les corps étaient composés, est celle que nous pouvons appeler végétation universelle, ou la force ascendante et même rayonnante dans tous les sens que l'on voit servir de base à tout ce qui a l'être. La seconde puissance, ou la résistance, est celle que l'on peut regarder comme une espèce de gravité, mais très différente de cette loi qui porte le même nom dans les sciences et par la quelle une pierre tombe, ainsi qu'on le verra ci-après. <o:p></o:p>

 Si l'agent suprême livrait à elle-même l'action de la première puissance ou de cette ascension et de ce rayonnement, il n'y aurait plus de formes comme nous l'avons dit, parce que leur principe générateur ne serait retenu par aucune limite ; elles se diviseraient et s'évaporeraient par la continuité de leur propriété expansive, et toutes les images disparaissant, il n'y aurait plus pour nous de moyens sensibles d'instruction.<o:p></o:p>

D'un autre côté, si l'agent suprême ne tempérait pas aussi l'action de la seconde loi ou de la résistance, que nous appelons d'avance la gravité, elle ferait aussi disparaître les formes, mais dans la voie inverse, c'est-à-dire, comme en les précipitant sur leur propre centre, et la confusion ne tarderait pas à régner ; parce que cette résistance absolue finirait pas mettre le principe même en contact avec l'irrégularité ou la source du désordre ; (état qui, il est vrai, ne serait pas de durée, et qui obligerait bientôt la main supérieure à opérer une nouvelle création) au lieu que, par le cours progressif et combiné des deux puissances de rayonnement et de résistance, les formes se trouvant successivement remplacées, à mesure que leur terme est arrivé, leur objet se remplit graduellement, lentement et comme à coup sûr ; et c'est par ces moyens doux que la sagesse arrivera un jour à ses fins, lorsque le besoin et le temps des formes inférieures et matérielles seront passés.<o:p></o:p>

C'est l'air qui, dans la classe des formes, sert d'organe à cette loi puissante de la résistance ou de la gravité ambiante ; et comme elle est universelle, pour que rien ne soit soustrait à la main bienfaisante qui embrasse tout, il a été donné à l'air de peser dans tous les sens et d'imprimer par là universellement la forme sphérique à tous les corps de la nature, ou ce qui est la même chose, à tous les globules qui composent les corps.<o:p></o:p>

Par ce moyen, l’œuvre de la création ne peut être attaquée avec succès par ses ennemis, puisqu'elle n'a aucune brèche ni rien d'ouvert, par où ils puissent entrer ni sortir. Par ce même moyen, l'image physique de l'unité universelle peut faire triompher partout le principe qu'elle représente ; par ce moyen enfin, ceux qui sont encore dans des formes peuvent, au travers des barreaux de leur prison, apercevoir ces images et se rappeler par là l'unité fixe et générale dont ici-bas tout est séparé.<o:p></o:p>

Mais si, dans l'ordre matériel, c'est l'air qui sert d'organe à la gravité circulaire ou ambiante des formes, c'est l'eau qui dirige leur gravité de descension, ou la loi par laquelle les corps tombent sur la terre ; car, en nous rappelant la marche des choses primitives qui, à chaque degré qu'elles ont descendu, ont pris aussi un degré de coagulation, on arrive au dernier terme de cette descension qui est l'eau, et on et on trouve en effet que tous les corps matériels ne sont qu’une eau congelée ; vérité dont leur dissolution nous donne la preuve, puisque la putréfaction les ramène tout d'abord à l'état liquide et ensuite à l'état d'eau, pour nous démontrer sans réplique que l'eau a été le principe de leur corporisation.<o:p></o:p>

Elle est aussi le principe de leur entretien et de leur conservation ; car, sans cette eau, le feu qui constitue les corps les dissoudrait naturellement, sans qu'on eût besoin de les allumer par un autre feu, ce qui est le moyen simple et vrai de tous les embrasements que la nature a subis et qu'elle subira à la fin des choses ; attendu que, comme nous l'avons dit en son lieu, il faut que chaque chose fasse sa propre révélation.<o:p></o:p>

Ce sont ces deux sortes de gravités dont l'examen peut mériter notre attention.<o:p></o:p>

Les sciences physiques se sont beaucoup occupées de la gravité inerte de descension, ou de cette gravité par laquelle les corps tombent ou se meuvent dans l'espace, et elles ont découvert en ce genre des lois superbes qui nous peignent, avec une vérité et une précision ravissantes, les mouvements et la marche des corps tant célestes que terrestres ; mais comme elles ne s'occupaient là que de la gravité inerte, elles ne nous ont instruits aussi que des mouvements de chute et de déplacement et ne nous ont rien dit sur la gravité active et ambiante qui concourt à l'existence des corps, quoique plusieurs bons esprits, chez les anciens comme chez les modernes, en aient reconnu la réalité.<o:p></o:p>

Elles n'ont pas même pu nous donner la clé de ces mouvements, dont elles peignaient si bien les lois ; car ce n'est point à la première espèce de gravité, ou à la gravité inerte que peut appartenir cette attraction, qui a eu un si grand nombre de partisans dans le physique ; attendu qu’une masse inerte qui pèse et s'approche d'une autre masse inerte, n'a rien à attendre de sa jonction ; que ces deux masses s'approchent sans se chercher, et s'unissent sans se désirer ; que par conséquent c'est dans la nature une sorte d'aberration, une sorte d’oeuvre morte, où on voit des masses sans propriétés actives, et par la même raison, sans besoin de les manifester, livrées au joug impérieux d'une force externe qui les commande et dont elles semblent être le jouet, comme les ballons, dans la main de l'enfant.<o:p></o:p>

C'est même une véritable répulsion de sa part que cette propriété par laquelle les masses tombent ou s'élancent dans les espaces et tendent les unes vers les autres ; c'est une sorte d'acte de proscription que la nature exerce sur ces substances ; et quand même elle emploierait à cette oeuvre la matière environnant les corps qui fait le fond du système de Descartes, cette matière environnante ne serait toujours que le moyen subsidiaire de cette imposante loi de répulsion, et la gravité inerte ne tiendrait pas plus aux tourbillons, qu'à cette sublime propriété d'attraction, qui ne peut s'admettre que dans les corps ayant en eux la vie en activité ou en principe.<o:p></o:p>

C'est donc à la seconde espèce de gravité, ou à la gravité actuelle, qu'appartient réellement cette loi d'attraction, et c'est ici où la physique vulgaire nous abandonne, puisqu'elle ne s'occupe que de ce qui est mort et de la description des lois passives, tandis qu'il serait nécessaire de nous peindre des lois actives et de nous occuper de ce qui est vif.<o:p></o:p>

En effet, lorsque la physique s'occupe de l'hydraulique et de l'hydrostatique, elle nous peint juste les effets des lois des éléments ; lorsqu'elle s'occupe des grandes lois de mouvement, elle nous peint avec assez d'exactitude quelques-uns des rapports qui émanent de ces lois ; mais il ne lui est pas arrivé encore de nous peindre l'esprit de ces rapports ; et cependant, sans cette connaissance, nous ne pouvons pas nous croire admis réellement dans la carrière des vérités qui nous sont propres.<o:p></o:p>

Ce n'est point seulement cette loi d'attraction que nous croyons pouvoir transporter à la gravité active et à l'ordre vif de la construction des formes ; nous croyons que les plus fameuses lois de Newton et de Kepler s'y peuvent transporter également. La seule observation à faire, c'est que là, ces sortes de lois n'agissant plus par des progressions monotones, ne sont plus sujettes aux calculs encore plus monotones des sciences externes et de surface, et qu'il faut se porter ailleurs pour avoir quelque connaissance de leur jeu et de leurs véritables formules. Car ces fameuses lois s'appliquent à des mouvements déjà coordonnés et tout établis, et ici, il s'agit de considérer des mouvements qui se coordonnent sans cesse et dont les éléments ne connaissent jamais le repos ni la permanence.<o:p></o:p>

Aussi ces fameuses lois peuvent calculer, presque sans erreur, la marche des astres, mais elles ne pourraient que peindre les effets de l'aimant et non pas calculer ses propriétés, car ses propriétés ne sont pas toujours en raison des masses. Elles ne peuvent calculer non plus ni les attractions chimiques ni les attractions de la putréfaction ni les attractions des plantes pour leur reproduction et encore moins celle des animaux. Ce serait donc en vain qu'elles s'appliqueraient, telles qu'elles sont, à la gravité active de la croissance et de la construction des formes ; et cependant, sans ces espèces de clartés, on voit à quel cercle limité se réduisent les connaissances de l'homme dans l'ordre de la nature.<o:p></o:p>

On voit aussi que c'est par une suite de ces limites et de sa précipitation qu'il a essayé, en aveugle, de porter, dans l'ordre vif de cette nature, ce qu'il avait vu dans son ordre mort, c'est-à-dire, qu'il a voulu nous expliquer la formation des corps organiques, avec des agrégats, comme il l'a vu dans la formation des pierres ; on ne devrait pas être étonné même que, ne faisant par là qu'un seul ordre de deux ordres entièrement opposés, il ne fût tenté, dans sa pensée, d'appliquer à l'ordre vif cette loi de gravité inférieure et secondaire, que nous avons démontrée n'appartenir qu'à l'ordre mort et que, de ces deux lois si distinctes, il voulût n'en faire qu'une, malgré que leurs calculs et leur marche soient si différents.<o:p></o:p>

Le cercle général des choses physiques roule sur les deux bases exposées plus haut, la force et la résistance. Lorsque la force l'emporte sur la résistance, c'est le feu grossier qui se montre et se fait connaître. Lorsque la résistance et la force sont en rapport direct, il y a égalité, et c'est l'eau qui se manifeste, ayant le niveau terrestre pour témoin. Lorsque la résistance l'emporte sur la force, c'est la terre qui paraît, et alors, la gravité de descension ou la gravité morte paraît aussi, sans que cependant pour cela, l'autre espèce de gravité ou la résistance cesse d'avoir son oeuvre à poursuivre, mais d'une manière cachée, et qui échappe aux observations communes et vulgaires.<o:p></o:p>

Lorsque le feu monte, la résistance est à la force, comme un est à quatre. Entre ce terme et celui où l'eau se manifeste, il y a des termes intermédiaires, où la résistance et la force sont dans une progression croissante pour la résistance et décroissante pour la force ; et les termes de cette progression doivent aussi avoir une expression numérique plus fixe que les expressions du calcul ordinaire. Lorsque la progression arrive au terme où la résistance est à la force comme un est à un, le niveau est parfait, et la gravité morte ne se montre point encore comme elle fait dans l'eau, qui ne conserve son niveau que par des barrières.<o:p></o:p>

Ce terme intermédiaire pourrait se faire connaître à nous par les vapeurs aériennes qui se soutiennent dans leurs différents éthers, de même que, par les feuilles des végétaux qui sont plates et en qui la force s'échappe horizontalement. Aussi, les feuilles correspondantes sont-elles communément égales entre elles ainsi que les parties correspondantes de ces mêmes feuilles.<o:p></o:p>

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Lorsque la résistance l'emporte sur la force, on ne peut plus assigner de nombre à sa puissance, non pas seulement parce que la gravité morte reprend là son rôle et tend à annuler la gravité vive, mais parce que cette gravité vive s'empare elle-même du principe de la force, qu'elle le comprime et empêche qu'il ne développe tous les éléments numériques, dont il est la source et le foyer ; cependant, on peut dire en général qu'alors la résistance est de trois à un ; et ce terme fondamental est la base sur laquelle se modulent toutes les autres modifications de la résistance, qui n'en sont plus que des multiples et des sous-multiples.<o:p></o:p>

Rappelons-nous ce que nous avons dit d'un végétal en graine, en bourgeon et en fleur, nous aurons une idée de ces trois grands termes de l'universelle progression des lois actives de la nature. Dans la graine, la résistance l'emporte sur la force. Dans le bourgeon, elles sont de niveau. Dans la fleur, la force l'emporte sur la résistance.<o:p></o:p>

Dans la formation de la partie ligneuse des arbres, la force commence par l'emporter sur la résistance, mais bientôt la résistance l'emporte sur la force et la comprime ; c'est ce qui fait que le bois devient plus dur à mesure qu'il acquiert de l'âge, d'autant que la force elle-même s'étant déjà portée en haut, et ne se renouvelant plus aussi abondamment, à cause de l'épuisement de la racine, la partie ligneuse finit par n'avoir plus de force à saisir et par conséquent, par n'être plus que résistance.<o:p></o:p>

On pourrait faire la même observation sur les fruits, en ayant soin de les étudier dans leurs différentes espèces et leurs différents caractères, et l'on verrait cette même progression présider à tous les degrés de leur formation et de leur existence. Le passage surtout des fleurs aux fruits est un des phénomènes qui mériterait d'être considéré avec attention, parce qu'il peindrait très sensiblement la transmutation de l'état primitif de la nature, en son état grossier et violent, où nous la voyons aujourd'hui, et quiconque a vu l’oeil d'une poire, encore tout garni de ses fleurs, a eu là un extrait bien simple et bien vrai des annales du Monde, qui n'est que le fruit de la compression ou de la résistance.<o:p></o:p>

 

Dieu sans pesanteur :
voilà pourquoi il ne peut pas passer.
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Sa différence d'avec les esprits de la nature<o:p></o:p>

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Tout dans Dieu se tenant uni par une communication universelle, rien dans Lui ne se sépare de Lui. Chaque faculté en Lui est l'universalité de Ses facultés, et l'universalité de Ses facultés se trouve dans chacune d'elles. La production en Lui ne se détache point du centre générateur, au contraire elle s'élève toujours vers ce centre et concourt à le rendre sans cesse plus fécond ; c'est pour cela que rien ne pèse en Dieu : car la pesanteur ne vient que de la division entre la production et la source d'où elle dérive. Dieu monte toujours au lieu de descendre, et c'est là ce qui a amené les hommes à prendre le feu pour Son emblème. C'est aussi pour cela que les deux prévarications que nous avons reconnues, n’ont point opéré de séparation ni d'altération dans Son propre règne.<o:p></o:p>

La nature matérielle au contraire descend toujours parce qu'elle pèse, et elle pèse, parce qu'elle est une séparation du centre ; et ce poids allant toujours en augmentant, il est impossible qu'elle ne finisse pas par voir rompre le fil qui la tient suspendue et par se précipiter dans le néant et la destruction.<o:p></o:p>

Les âmes et les esprits ne peuvent pas descendre comme la nature, quoiqu'ils puissent s'égarer ; parce qu'ils ne viennent pas exactement du même centre qu'elle : voilà pourquoi ils ne pèsent point et ne peuvent pas périr ; ils ne peuvent cependant pas monter comme Dieu, parce qu'ils ne sont pas dans Son centre ; mais ils ont en eux le germe de la tendance en ascension, et ils peuvent employer et accroître cette tendance, en la portant sur les merveilleuses magnificences divines, dont ils sont les témoins, sans que cette tendance en ascension puisse jamais égaler celle qui caractérise exclusivement Dieu.<o:p></o:p>

C'est par cette tendance en ascension qu'ils devaient, par leur nature première, soutenir tout dans leur centre et rapprocher tout sans cesse de ce centre unique, au quel tout devrait éternellement rester suspendu, parce qu'ils portaient tous primitivement un effluve de ce foyer suprême, qui non seulement ne pèse point et ne descend point ; mais au contraire qui s'élève à lui-même et monte perpétuellement par sa force active et fécondante ; et qui voudrait que tout participât à ce sublime droit, chacun selon sa classe. <o:p></o:p>

 

Rien ne se touche dans la nature<o:p></o:p>

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Ce n'est point seulement parce que la matière est séparée de son centre d'opération, qu'elle est sujette à la pesanteur, ainsi que nous venons de le remarquer, c'est encore parce que rien ne se touche dans la nature ni dans toutes les substances élémentaires qui composent le corps. Les chimistes sont arrivés à cette notion, en remarquant que le calorique qui, selon eux, pénètre et écarte toutes les molécules de la matière, s'échappait encore des substances qu'ils avaient amenées au plus grand degré possible de froid et de cohésion.<o:p></o:p>

Quoique la voie qui les a conduits là ne soit pas sans avoir besoin d'un examen ultérieur, puisque, selon eux, le calorique lui-même est un corps et par conséquent susceptible de la même solution de continuité que tous les autres corps ; cependant la conclusion qu'ils en ont tirée est vraie, et nous nous réunissons avec eux pour dire que rien ne se touche dans la nature, et nous y ajoutons que c'est là une preuve nouvelle et magnifique de la pesanteur de la matière et la cause sensible qui fait que les corps tombent. <o:p></o:p>

Commençons donc par admettre avec les chimistes, que ce qu'ils appellent le calorique, pénètre et subdivise à l'infini toutes les molécules de la matière. Nous ne ferons par là que rentrer dans ce que nous avons dit précédemment dans le paragraphe de l'impénétrabilité de la matière et de sa pénétrabilité ; mais aussi nous ne pourrions plus nous dispenser d'admettre également les conséquences naturelles qui découlent de cette loi générale.<o:p></o:p>

Car, si le calorique ou ce qui est caché sous ce nom-là, pénètre et subdivise toutes les molécules de la matrice, il est donc vrai qu'elles n'ont réellement aucune adhérence entre elles ; il est donc vrai qu'elles sont dans tous les points séparées de l'action corporatrice universelle qui, si elle pouvait les unir et les lier ensemble, les ferait participer de sa force coordonnatrice, communicative et ascendante.<o:p></o:p>

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Il est donc vrai que si la raison pour laquelle Dieu monte et est sans pesanteur, vient de ce que tout se touche et est intimement adhérent en Lui, la loi qui nous apprend que dans la nature, au contraire, rien ne se touche, rien n'est intimement adhérent, est suffisante pour montrer la matière comme une substance qui se détache et s'éloigne continuellement de Son appui ; comme une substance qui est perpétuellement en descension et qui cherche sans cesse, mais en vain, à former, en se précipitant, une parenté figurative de celle qu’elle ne peut atteindre en réalité ; une association apparente et simulée, pour retracer celle qui lui manque et dont nul être, nulle substance ne peuvent jouir, qu'autant que leur base est susceptible de sympathiser avec le principe de vie qui est le seul lien harmonique de la grande et universelle confraternité.<o:p></o:p>

Dès lors il n'est pas surprenant que plus cette loi de descension s'augmente et se prolonge pour les corps, plus la confraternité ou l'adhérence intime de leurs parties constituantes diminue, puisqu'ils ne font par là que s'éloigner d'autant plus de ce lien harmonique de la vie, et sur cela les pierres nous donnent une leçon assez instructive, puisque leurs molécules qui sont si rapprochées par la pesanteur, sont cependant si peu liées entre elles.<o:p></o:p>

Aussi, plus nous descendons dans la matière, plus nous nous plongeons dans les subdivisions, parce que nous nous approchons d'autant plus d'un ordre de choses, où rien ne se touche, quelque près qu'elles soient les unes des autres ; et telle est la raison à la fois fondamentale et naturelle de toutes nos déceptions dans ce bas monde, puisque nous cherchons sans cesse à nous y unir à ce qui n'est susceptible d'aucune union.<o:p></o:p>

Au contraire, quand nous montons dans les régions analogues à notre être, nous trouvons que les choses n'y sont pas coagulées et serrées les unes auprès des autres comme dans la matière, et cependant qu'elles y sont liées infiniment davantage, puisqu' elles participent, selon leur mesure et progressivement, de l'universelle communion et de l'universelle et vivante harmonie.<o:p></o:p>

Il est doux pour l'esprit, je l'avoue, de voir combien les moralistes trouveraient dans ces superbes lois de la nature de quoi corroborer et viriliser leurs estimables doctrines qui, dans le vrai, sont quelquefois enfantines et peu substantielles, faute de savoir mener l'homme dans les vrais domaines de son instruction.<o:p></o:p>

Il est doux aussi pour l'observateur d'apercevoir que, par ces grands pas que font de temps en temps les sciences humaines, ceux qui s'en occupent le plus ; ceux qui, par habitude, ne manipulent que la matière et qui, par mille autres causes, sont censés être, ou sont en effet, les apôtres de son exclusive existence, soient en quelque sorte forcés par les profonds secrets qu'elle leur révèle, à devenir les apôtres de son apparence : car, quelle peut être la réalité d'un être qui n'est jamais union et qui, au contraire, est toujours séparation et dispersion ?<o:p></o:p>

 

De la durée<o:p></o:p>

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Si l'on jette les yeux sur l'état terrestre de l'homme, on succombe de tristesse et de honte en voyant que cet être sublime, à qui des moyens plus sublimes encore devraient appartenir par sa nature, n'opère journellement que des futilités qu'il prend pour autant de prodiges, et que des oeuvres qui ne prennent point de rang parmi les oeuvres durables : car, dans ce genre, la loi que nous devrions suivre, est écrite sur tous les êtres. <o:p></o:p>

En effet, c'est une vérité remarquable que plus l'action qui produit les choses est simple et prompte, plus aussi leur durée est longue, et plus leur valeur a de prix.<o:p></o:p>

Nous voyons combien les ouvrages de nos mains ont peu de durée, et combien les moyens que nous y employons sont longs et multipliés.<o:p></o:p>

Nous voyons que, dans les compositions de notre esprit, les pensées les meilleures et les plus dignes de l'immortalité sont celles qui nous viennent à l'improviste et comme des éclairs.<o:p></o:p>

Nous voyons que les productions journalières de la nature ont une perfection que n'ont pas les oeuvres de nos mains, parce que ces productions s'opèrent par des moyens plus actifs et plus simples.<o:p></o:p>

Nous voyons qu'elle est la longue durée de l'univers, en comparaison du moyen simple, actif et fécond qui a dû le produire.<o:p></o:p>

Nous pouvons, par toutes ces échelles, arriver jusqu'à l'Etre des êtres, et nous verrons que, n'y ayant ni temps ni complication dans la source de Son existence, l'éternité seule peut être Sa durée, puisque cette éternité seule peut être la mesure et le signe développé de Son origine.<o:p></o:p>

Et, véritablement, on sent que pour cet agent suprême, la source et la production n'étant divisées par aucun intervalle, elles sont nécessairement dans une unité constante et sans origine, et que cet agent suprême est toujours en durée, parce qu'il n'est jamais en commencement de production, et réciproquement qu'il est toujours en commencement de production, parce que son principe producteur est toujours en durée et le suit partout, comme ne le pouvant jamais abandonner.<o:p></o:p>

On peut donc dire que cet Être, étant sans autre principe que Lui-même, il ne peut y avoir aucune durée qui serve d'indice et de mesure explicative de Son origine, et cela parce que le principe générateur divin étant universellement répandu et disséminé dans sa propre production, et sa propre production, demeurant universellement dans le centre même de ce principe générateur, il ne peut jamais arriver aucune époque où ils se distinguent l'un de l'autre, et ils auraient beau se chercher ainsi pendant l'éternelle éternité, qu'ils ne parviendraient jamais à trouver entre eux une différence ; ce qui fait qu'il ne peut y avoir pour eux ni commencement ni durée ni fin : car une durée n'a de commencement et de fin que parce qu'elle est une différence ou une section dans l'immensité de la permanence.<o:p></o:p>

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Éminente propriété de la nature en fait de signes<o:p></o:p>

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Les propriétés des êtres n'ont d'utilité et de valeur aux yeux de l'homme, qu'autant qu'elles sont réalisées, c'est-à-dire, sensibilisées pour lui. C'est pour cela que dans tout ordre de choses il attend le résultat final, ou ce que l'on pourrait appeler la corporisation ; parce que c'est là seulement où il peut juger et approcher des propriétés des êtres qui, sans cette sorte de corporisation, seraient demeurées trop distantes de lui pour qu'elles vinssent à sa connaissance.<o:p></o:p>

C'est pour cela qu'il attend les couleurs et les odeurs des fleurs, les fruits des arbres, la manière dont un homme agit, se conduit et meurt, l'expression dans les ouvrages de l'art, ainsi que ce qu'on nomme le trait dans le discours ou l'exposition de nos pensées, parce que ce n'est que par cette forme sensibilisée que les choses deviennent claires et manifestes.<o:p></o:p>

Et, en effet, ce n'est que cette forme sensibilisée qui nous apporte les propriétés odorantes et colorées, cachées auparavant dans le germe invisible des fleurs ; les propriétés nutritives cachées dans le germe invisible des arbres ; les vertus ou les vices cachés dans le centre invisible de l'homme ; l'intelligence cachée dans les conceptions de l'artiste ; et enfin l'espèce de pensées concentrées dans l'esprit de celui qui parle.<o:p></o:p>

C'est un point dans lequel se rassemble, pour ainsi dire, toute la substance de l'être et ce qui constitue l'ensemble passé, présent et futur de son existence.<o:p></o:p>

Ce point ou cette forme n'est complète et efficace, qu'autant qu'il y a un rapport exact entre les propriétés qu'elle manifeste et la manière dont elle les exprime.<o:p></o:p>

Aussi cette loi manque-t-elle souvent son effet dans nos arts et dans nos discours, parce que nous ne nous rendons pas toujours justice sur nos moyens, et qu'ainsi nous sommes souvent au-delà ou en deçà du but.<o:p></o:p>

Elle manque souvent aussi son effet dans la conduite et la mort des hommes, parce que nous pouvons composer notre vie de bien des éléments divers, et faire que, par les droits de notre volonté et de nos habitudes, nous laissons prévaloir ceux de ces éléments, qui devraient rester absorbés et que nous laissions absorber ceux qui auraient dû prévaloir ; ainsi la conduite et la mort des hommes ordinaires sont peu probantes ; il n'y a que celles des hommes qui ont un peu marqué, soit en bien, soit en mal, qui fournissent des bases instructives à l'observateur, et encore ferait-il bien d'être sur cela fort réservé dans ses jugements. <o:p></o:p>

Mais en général nous exigeons de l'homme que dans tous les actes de sa vie, le signe ou l'action qu'il offre, soit intimement uni et d'accord avec les principes et les mobiles cachés de son être invisible ; qu'il en soit plein et n'en soit, pour ainsi dire, que l'expression et l'effet harmonique et naturel. Enfin nous cherchons et nous voulons partout trouver l'homme dans son action.<o:p></o:p>

Mais si cette loi, dont nous venons de parler, manque si souvent son effet dans ce qui tient aux oeuvres de l'homme et à sa conduite, elle ne le manque jamais dans ce qui tient aux oeuvres de la nature, et c'est là ce qui rend cette nature si précieuse pour nous, parce qu'elle est une corporisation dans la quelle le signe est toujours dans un rapport exact avec les propriétés invisibles qu'il doit manifester ; parce que ces propriétés sont toujours assises et comme couvant sur leur sièges ; parce qu'enfin elles engendrent elles-mêmes ces signes, d'après leur propre poids, leur propre nombre, leur propre mesure, et que n'ayant à agir que sur une substance sans volonté, il n'est pas étonnant que les signes expriment toujours d'une manière claire l'action qui leur est imprimée, soit par la source régulière, soit par la source irrégulière.<o:p></o:p>

Ainsi, lorsque l'on a les yeux exercés, on ne peut manquer de lire visiblement dans la nature actuelle, le tableau de la nature antérieure, puisqu'elles sont inséparables pendant toute la durée de ce monde matériel ; attendu qu'il n'existe que par leur union intime et que comme étant le fruit continuel de leur union.<o:p></o:p>

On regarde alors en en effet tous les êtres de la nature, comme autant de bases attractives qui tendent sans cesse vers les puissances dont elles descendent ; qui reçoivent continuellement dans leur sein les vertus de ces mêmes puissances ; qui en retirent la vie et la joie et qui manifestent au-dehors les propriétés qu'elles ont reçues de ces mêmes puissances, dont elles sont, pour ainsi dire, une écriture active et vivante.<o:p></o:p>

Nous serons peut-être même bien étonnés un jour, si nous reconnaissons que l'éternité elle-même n'aura pas cessé d'agir secrètement dans cette durée passagère, où elle n'emploie la nature que comme un voile à son action, tant elle ne peut cesser de faire actuellement ce qu'elle a fait éternellement, et tant elle aurait d'ardeur pour que nous ne nous attachassions qu'à ses secrets, qui sont plus majestueux et plus anciens que ceux de la nature actuelle et par conséquent plus propres à nous fixer.<o:p></o:p>

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Des correspondances et des phénomènes de la nature<o:p></o:p>

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Homme, considère l'étendue de l'atmosphère dans un temps calme, pur et serein ; considère-la éprouvant quelque variation et quelque mouvement ; vois y naître les différents vents, les différents degrés de température, les nuages, les neiges, les feux, les éclairs, les tonnerres, etc., et apprends à lire dans la marche de tous ces phénomènes le mode des opérations des êtres ; la cause finale de leur existence, l'état de calme et de paix qui forme la température de la région supérieure et divine, et le moyen par lequel des êtres passent de cet état de calme, de paix et d'invisibilité, à l'état de corporisation et d'action sensible, soit salutaire et bienfaisante, soit violente et destructive.<o:p></o:p>

C'est sur ces grandes bases de contemplation, que notre esprit peut trouver à élever de vastes et solides édifices et à s'ouvrir de profondes voies d'admiration.<o:p></o:p>

Car si on trouve dans cette nature les images et les organes du désordre, on y trouve aussi les images des réhabilitations ; parce que, comme nous l'avons vu dans le paragraphe précédent, l'éternité elle-même ne cesse d'agir sous le voile de cette nature passagère, et dans cette durée qui ne dure jamais, puisqu'elle n'est qu’une continuelle désinence.<o:p></o:p>

Le figuier est une de ces correspondances de restauration, par la séparation sensible qu'il manifeste de la douceur d'avec l'amertume, et toutes les plantes même nous offrent un rectificateur universel ; puisque toutes les végétations sont ascendantes.<o:p></o:p>

Les planètes ne s'éloignent pas du zodiaque, comme étant subordonnées à la puissance solaire qui leur trace leur limite, sans quoi elles n'opéreraient que des ravages au lieu que par leurs actions coordonnées, elles se tempèrent les unes et les autres.<o:p></o:p>

Chaque feu générateur nourrit et conserve ses productions et détruit tout le reste ; image de la vie et de la mort, ou image caractéristique de ce qui terminera la grande scène de l'univers.<o:p></o:p>

Le mercure placé entre le feu et l'eau sert à tous deux de barrière, et en même temps de réaction, pour les faire mutuellement sortir l'un de l'autre et remettre en liberté leurs principes générateurs : ce mercure, par la propriété qu'il a de réactionner le feu et l'eau, est la vraie substance dans laquelle réside la clef du bien et du mal ; il nous indique lui-même que dans l'ordre des régions naturelles, et au moment de la composition de ce monde, il occupait le rang le plus inférieur de la création, comme il l'occupera lors de la dissolution ; d'où il remontera ensuite au rang qu'il n'aurait jamais quitté sans les diverses prévarications des êtres libres.<o:p></o:p>

Mais je ne dois point oublier mon rôle de simple indicateur, et je me borne à cette petite partie des grandes correspondances qu'il nous est utile de chercher à connaître et qui peuvent étendre notre intelligence jusqu'à des sources vives et instructives.<o:p></o:p>

On dit souvent, dans les écoles spirituelles, que tout ce qui est dans la nature, a sa correspondance dans le spirituel ; mais on s'arrête à ce mot-là : on se demande à quelle chose spirituelle appartiennent ces correspondances, et on s'occupe plus des qualités des substances et productions particulières que des grandes lois, que ces grands phénomènes développent journellement devant nos yeux.<o:p></o:p>

Les principes générateurs de la nature ont seuls leur correspondance directe avec l'ordre spirituel qui les dirige et qui les crée ; mais toutes les propriétés et les diversités élémentaires étant le produit et le jeu de ces principes de la nature entre eux, ce n'est qu'avec eux que ces propriétés peuvent avoir des rapports, et elles ne nous instruisent pas positivement de l'ordre spirituel supérieur, avec lequel elles n'ont aucune correspondance, si ce n'est par les images morales que leurs lois physiques peuvent nous présenter.<o:p></o:p>

Car, dans les lois religieuses même, toutes les substances particulières élémentaires qui y ont été employées, ne servaient que médiatement à l’oeuvre spirituel divin, et ces substances élémentaires commençaient par développer leurs correspondances avec le spirituel de la nature, lequel à son tour se liait avec le spirituel supérieur.<o:p></o:p>

Il n'y a donc que les correspondances universelles des grands principes qui soient vraiment instructives pour nous, il n'y a qu'elles qui nous avancent vers notre véritable règne. Les correspondances des simples propriétés des productions particulières ne nous portent pas plus loin que jusqu'au spirituel naturel ; et quand même des personnes, se disant privilégiées, nous donneraient toutes ces correspondances particulières, comme des correspondances spirituelles, elles ne nous apprendraient rien par là, puisqu'elles ne nous conduiraient pas pour cela jusqu'à l'esprit qui seul peut nous être utile et nécessaire ; et d'ailleurs ce serait être d'une crédulité extraordinaire que de s'en rapporter même sur ces correspondances inférieures, à leur simple assertion : car la preuve ne doit pas en être plus impossible que la connaissance, et si l'on n'a pas cette preuve, il ne faut pas en donner l'assertion.<o:p></o:p>

On est encore bien plus loin de la connaissance de l'objet de la nature, lorsque l'on ne s'occupe que des correspondances matérielles, comme le fait la philosophie vulgaire et doctorale, d'autant que cette philosophie finit toujours par ne vouloir plus même de ces correspondances, faute d'en reconnaître le lien et le fil caché qui les unit les unes aux autres.<o:p></o:p>

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Des différents modes d'action <o:p></o:p>

Le mode divin n'a point de formes, parce qu'il est tout en sensibilisations d'amour et parce qu'une forme, n'étant que la copie d'un modèle, ne pourrait venir qu'après lui, tandis que dans Dieu tout vient à la fois.<o:p></o:p>

Le mode spirituel - éternel a des formes qui consistent plutôt dans les degrés et diversités intérieurs d'amour, de lumières, de joies et de puissances de manifestation que dans d'externes dimensions, parce que cet ordre spirituel est immédiatement placé auprès du principe et qu'il participe en partie à ses propriétés cachées ; mais il a cependant aussi des formes, parce qu'il a des limites.<o:p></o:p>

Le mode naturel - élémentaire n'a que des formes externes et point de principe à lui ; voilà pourquoi il agit en aveugle et ne sait ce qu'il fait, quoiqu'il opère régulièrement, ainsi qu'un balancier opère sur une pièce de métal que l'on présente à son empreinte.<o:p></o:p>

L'homme, depuis sa chute, est soumis à ce mode naturel - élémentaire ; mais comme en descendant il a apporté des traces de son mode spirituel - originel, il en combine les lois, les propriétés et le nombre avec les lois, les propriétés et le nombre de sa forme élémentaire ; c'est pourquoi la forme élémentaire de l'homme est la plus belle et la plus régulière de toutes les formes élémentaires de la nature, surtout à cause de la restauration qu'elle a reçue.<o:p></o:p>

L'ange rebelle a aussi un mode qui est composé : <o:p></o:p>

des débris de son mode spirituel originel ;<o:p></o:p>

des portions du mode naturel - élémentaire qu'il a pu dérober lors de son entreprise usurpatrice ;<o:p></o:p>

de ce que l'homme lui laisse conquérir journellement sur son propre domaine.<o:p></o:p>

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Mais comme tous ces ingrédients ne sont ni légitimes ni sanctionnés ni restaurés, les résultats en sont toujours défectueux et disparates : voilà d'où vient l'irrégularité qui se montre dans toutes les productions de cet ange rebelle, soit dans l'ordre du mode de l'homme, soit dans l'ordre du mode naturel de quelque règne que ce soit.<o:p></o:p>

Le mode de l'ange rebelle n'a naturellement aucun pouvoir sur le mode de l'homme, attendu notre sublime destination et les immenses secours qui nous ont été envoyés par le miséricordieux amour de la mère de famille et qui peuvent s'étendre jusqu'à rapprocher de nous les influences pures et vivifiantes du mode divin lui-même, si nous savons marcher avec prudence et humilité dans les voies qui nous sont ouvertes par cet intelligent et miséricordieux amour.<o:p></o:p>

Mais, par nos négligences et nos imprudences, nous pouvons tellement nous écarter de cette ligne de vie, que nous nous exposions même au mode de l'ange rebelle et que nous subissions les lois et les empreintes difformes de ce balancier, opérant à l'inverse de la régularité. <o:p></o:p>

Voilà pourquoi ceux qui s'en approchent, reçoivent si souvent des dérangements dans leurs corps et éprouvent des maladies inconnues aux gens de l'art et qui se terminent par la mort, puisque ce mode désordonné ne peut produire que la difformité et la destruction. <o:p></o:p>

Que serait-ce si nous suivions les pouvoirs de ce mode désordonné jusque sur les générations humaines, parmi lesquelles nous voyons mille fois plus de difformités que parmi les générations animales ? Mais en voilà assez pour que la pensée puisse trouver ici à se nourrir de profondes intelligences, et pour qu'elle en découvre de plus en plus dans cette abondante mine.<o:p></o:p>

Il ne sera peut-être pas même au-dessous d'elle de fixer ses regards sur les oreilles d'âne que l'on fait porter dans les écoles aux petits enfants qui ne savent pas leur leçon ou qui ont commis quelque autre faute.<o:p></o:p>

 

De la génération des âmes<o:p></o:p>

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Les âmes sont-elles produites par Dieu à l'instant de chaque corporisation humaine ? Ou bien ont-elles été produites toutes ensemble avec le premier homme, et sont-elles dans un lieu de privation et d'attente, d'où elles viennent s'emprisonner à chaque formation corporelle ? Ou enfin se reproduisent-elles les unes des autres ? <o:p></o:p>

Ce sont trois systèmes qui, chacun, ont leurs partisans.<o:p></o:p>

J'ai montré ailleurs combien il répugne de faire concourir l'acte divin avec l'acte charnel, ce qui infirme beaucoup le premier système. On y peut joindre une autre raison, c'est que, si ce système était vrai, toutes les âmes seraient semblables ; or, quoiqu'elles soient égales par leur essence fondamentale, on ne peut nier la différence de leurs facultés, partagées aujourd'hui entre l'homme et la femme.<o:p></o:p>

Cette même différence peut servir à attaquer le second système, indépendamment de ce qu'on se rendrait difficilement compte de ce que pourraient devenir des âmes détenues ainsi dans un lieu d'inaction, après que leur activité spirituelle aurait été développée, laquelle activité, soit en bien, soit en mal, ne s'arrête plus une fois qu'elle a pris son essor.<o:p></o:p>

Reste donc le troisième système, qui trouve en effet plusieurs appuis dans les caractères si différents des facultés de l'âme masculine et de l'âme féminine, facultés qui se montrent dans leurs rejetons, parmi lesquels il y en a qui participent du moral de l'un de leurs auteurs et du physique de l'autre ; quelquefois du moral et du physique des deux etc., et cela, avec des diversités très prononcées et très instructives.<o:p></o:p>

J'ai paru attaquer ce troisième système dans l'homme de désir, n°149, mais je ne l'ai attaqué que parce que le mot esprit nous offre d'abord l'idée d'un être tout formé, tandis que, dans notre région, il est soumis à la loi du développement.<o:p></o:p>

Quant à ce concours de deux êtres matériels, qui sert de passage à la substance de l'esprit, cela ne doit pas nous arrêter non plus parce que l'homme et la femme ne sont en effet qu'un même esprit divisé en deux corps. Ainsi, ces deux corps ne doivent pas être plus contraires à l'esprit, dans sa réunion productive, qu'ils ne lui sont contraires dans son existence en séparation. <o:p></o:p>

La génération du cercle entier des chefs primitifs spirituels a dû être instantanée, parce qu'elle se faisait dans une région où il n'y avait point de temps, et que cette génération ne devait point agir dans le temps.<o:p></o:p>

La génération du cercle spirituel du premier homme ne se serait faite que successivement parce que le temps était créé alors, et qu'elle devait opérer dans le temps. Mais cette génération eût été pure et n'eût couru aucun danger, si l'homme fût resté fidèle à son poste.<o:p></o:p>

La génération spirituelle du cercle de l'homme, dans la région matérielle, se fait non seulement par succession, mais encore avec souillure, division et danger parce qu'il a livré toute sa postérité au péril et aux désastres de cette région infectée, comme le premier chef spirituel a entraîné toute la sienne dans sa chute. La différence est que l'entraînement du cercle de l'homme ne se fait que successivement, puisque sa génération n'est que successive.<o:p></o:p>

C'est même là ce qui doit tempérer tout à fait les murmures de ceux qui se plaignent de participer à la punition d'une faute qu'ils n'ont point commise ; car en effet, comme je l'ai publié depuis longtemps, nous n'avons point de remords à cette faute, mais nous avons des regrets de ne pas jouir de ce que nous sentons devoir être fait pour nous. Or, tous nos reproches doivent cesser devant cette idée que tous les rejetons d'une famille, soit venus, soit à venir, sont solidaires.<o:p></o:p>

On voit en outre, dans cet ordre de choses, un grand avantage pour la postérité de l'homme ; c'est que si l'entraînement de cette postérité est inévitable, cependant l'effet de cet entraînement est éventuel et conditionnel et par conséquent, nous pouvons en éviter les suites, au lieu que la postérité du premier chef spirituel ne peut se flatter de la même chance. <o:p></o:p>

La raison qu'on en peut donner, c'est qu'en passant par les lenteurs du temps, de la croissance et de l'éducation, nous pouvons parer à bien des inconvénients, au lieu que la postérité du chef premier - spirituel, a été précipitée toute formée, et n'a pas eu le temps de se mettre en en garde.<o:p></o:p>

En effet, rien n'est comparable aux immenses moyens qui nous restent pour recouvrer ce qui nous aurait appartenu par droit de naissance. Aussi ai-je dit souvent que, malgré nos dangers et notre dégradation, on nous avait ouvert de si grandes ressources qu'il y avait encore de la gloire à être homme.<o:p></o:p>

Je ne parle point ici de la génération matérielle - végétale, animale, etc., qui non seulement se fait dans le temps et successivement mais qui doit passer comme le temps, tandis que les autres générations sont impérissables.<o:p></o:p>

Cette sorte de génération n'est plus qu'une image informe de celle des miroirs éternels, spirituels et naturels. Elle aurait dû être instantanée avant le crime de l'ange rebelle ; elle aurait dû être successive, mais pure, avant la faute de l'homme, et depuis lors, elle n'est plus successive, corrompue et presque universellement la proie de la mort. <o:p></o:p>

Mais la véritable génération à laquelle l'âme humaine est appelée aujourd'hui, est tellement sublime qu'il ne serait peut-être pas à propos d'en parler encore. Néanmoins, disons en passant qu e l'âme humaine n'est appelée à rien moins qu'à engendrer en elle son principe divin lui-même ; car c'est une vérité qu'il n'y a pas un être qui ne soit chargé d'engendrer son père, comme on peut s'en assurer par la réflexion.<o:p></o:p>

 

Du génie et de l'esprit ; influence des climats<o:p></o:p>

On dit que les climats influent sur le physique de l'homme, qu'ils influent aussi sur son caractère et même sur son esprit. Seulement, il faut avoir attention d'observer que cette cause physique se peut trouver renforcée, atténuée, enfin, influencée elle-même par les causes sociales, politiques, religieuses, etc., qui agissent journellement sur l'espèce humaine et sur les nations.<o:p></o:p>

On pourrait aussi, d'un autre côté, trouver un correctif à cette opinion, qui attribue tant d'empire au simple climat physique ; car si nous voyons plusieurs contrées produire en effet abondamment des gens d'esprit et d'autres contrées en produire avec plus de parcimonie, et cela d'une manière constante depuis nombre de siècles, ce ne serait pas toujours aux climats qu'il faudrait l'attribue r, parce que les peuples qui habitent ces contrées n'y sont peut-être venus primitivement que par transmigration ; peut-être y ont-ils apporté leur manière d'être constitutive, qu'ils auront puisée, si l'on veut, dans d'autres climats, ou plutôt encore, dans la source fondamentale et patronymique - spirituelle des nations, ce qui ouvrirait un grand jour aux spéculations des observateurs intelligents sur ce vaste objet et pourrait prévenir une grande partie des erreurs où les assertions hasardées des hommes légers nous précipitent sur ce point.<o:p></o:p>

Mais quelle que soit l'influence du climat et des causes sociales, politiques, religieuses, etc. sur le physique de l'homme, sur son caractère, sur son esprit, il y a une vérité certaine, c'est que toutes ces causes n'ont point d'influence sur le génie, si ce n'est de lui opposer plus ou moins d'entraves, ou de lui offrir plus ou moins de facilités pour se développer.<o:p></o:p>

La raison de cette vérité tient à la différence du génie et de l'esprit et par conséquent de tout ce qui ne vient qu'après l'esprit.<o:p></o:p>

L'esprit ne fait que subir, pour ainsi dire, l'impression des objets particuliers et des diverses circonstances qui le frappent et l'environnent ; il en sent toute la force, il en peint les nuances avec énergie et exactitude ; quand il y joint un peu de chaleur de l'âme, il doit être sûr d'opérer les plus grands effets.<o:p></o:p>

Mais il n'est, pour ainsi dire, que passif, que comme le produit et le résultat de toutes ces causes, et quand elles n'agissent plus, il n'est rien. Le caractère et le physique de l'homme sont encore plus subordonnés dans leur jeu et dans leur développement et par conséquent sont encore plus soumis à l'influence des causes les plus inférieures.<o:p></o:p>

Le génie au contraire est fait pour juger de toutes ces causes inférieures ; il est fait pour juger toutes les circonstances, tous les objets et tout ce qui meut l'esprit même.<o:p></o:p>

Or, c'est parce qu'il est fait pour juger toutes ces choses, qu'il doit en être indépendant, et qu'il doit en être comme à part et comme planant au-dessus d'elles dans une autre région, car c'est là la place qu'il faut occuper pour bien discerner ; et si le génie doit tout embrasser, tout discerner, il faut donc que les causes mixtes et composées ne puissent rien sur lui, et en effet, il est mû par la cause Une, voilà pourquoi on aurait grand tort de le comparer pour sa marche, pour ses mobiles, pour ses éminentes et universelles propriétés avec l'esprit qui n'en a que de particulières.<o:p></o:p>

La source du génie n'est pas de ce monde et ne tient point de ce monde ; celle de l'esprit est de ce monde et peut tenir de ce monde. Cela suffit pour nous ouvrir les yeux sur leur différente nature et sur les différents départements auxquels elles appartiennent.<o:p></o:p>

Aussi cela explique pourquoi on voit des contrées fertiles en gens d'esprit sans cependant qu'elles offrent un seul génie ; tandis que d'autres contrées ont fourni de grands génies et n'étaient cependant pas fertiles en gens d'esprit.<o:p></o:p>

Il ne faut pas oublier non plus que le génie est de plusieurs classes. Le plus grand nombre de ceux qui ont porté et qui portent encore ce titre dans ce monde, n'ont occupé que le second rang, n'ayant été mus et guidés que par la source seconde. Les génies réels sont ceux qui, en effet, sont mus et guidés pour la cause Une. Ceux-ci ne composent point, ils produisent naturellement. Les autres sont obligés de passer par les travaux de la composition.<o:p></o:p>

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Des qualités occultes<o:p></o:p>

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Descartes a purgé le monde des qualités occultes d'Aristote : mais ces qualités n'étaient occultes que parce qu'Aristote ne les avait pas rendues lumineuses en les rapprochant de l'esprit de vie qui est le premier mobile de toutes les clartés et de toutes les puissances de la nature.<o:p></o:p>

Descartes, quoique respectueux pour la divinité, n'avait point lu dans l'homme radical, ou dans ce livre écrit de la propre main de cette divinité ; et son fameux argument : Je pense, donc j'existe, n'était point un argument péremptoire et capable de résoudre la question la plus importante : car on ne dispute point à l'homme qu'il existe, comme on ne le conteste point aux autres animaux ; c'est la différence essentielle et constitutive de l'homme avec les animaux, que les gens difficultueux lui contestent, et c'est cette différence que son argument n'établissait point, puisque ces mêmes gens difficultueux veulent aussi accorder la pensée aux bêtes.<o:p></o:p>

C'est faute de cette clef et de ce guide lumineux et exclusif, qu'il s'est borné à se plonger dans le mécanisme de la nature, sans pouvoir nous montrer ni pour quel objet elle avait l'existence ni quel était le véritable et magnifique emploi de l'homme relativement à cette nature, puisque ce n'était rien moins qu'un emploi de réhabilitation par lequel il eût été comme un puissant médiateur entre la nature et le principe des choses.<o:p></o:p>

Ainsi, en nous préservant de l'obscurité des qualités occultes, il n'a fait qu'éloigner de nous le nom des ténèbres et n'en a pas éloigné la chose.<o:p></o:p>

Il fallait qu'il montât au lieu de descendre ; car, s'il est vrai que les qualités de la nature sont très occultes quand on veut les considérer seules et sans leur base, il est très vrai aussi que le simple mécanisme, auquel nous ramène la philosophie de nos derniers siècles, nous tient encore plus loin de la vérité. Enfin, il est encore plus certain qu'en faisant monter ces qualités occultes jusqu'aux sources vives d'où elles découlent, nous en retirerions les seules et véritables clartés, dont l'esprit de l'homme a besoin sur ces grands objets et qui puissent exclusivement suffire à l'étendue de son intelligence.<o:p></o:p>

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Matière organique<o:p></o:p>

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En place de ces qualités occultes, dont les savants ont si grande peur, ils ont substitué, au sujet de la reproduction des êtres, des explications qui les contentent, en ce qu'ils les regardent comme des vérités pour leur esprit, dès que leurs yeux matériels s'en sont figurés de grossières images ; enfin, ils admettent une matière organique - universelle, répandue dans toutes les substances animales, ou végétales, qui sert également à leur nutrition, à leur développement et à leur reproduction.<o:p></o:p>

La reproduction se fait par cette matière, devenue surabondante au corps de l'animal ou du végétal. Chaque partie du corps de l'un ou de l'autre renvoie les molécules organiques qu'elle ne peut plus admettre, et ces molécules ainsi renvoyées, forment un corps semblable au premier : telle est, selon ces savants, la reproduction de toutes les espèces, qui, dans le vrai, devrait plutôt s'appeler une déjection.<o:p></o:p>

Je n'ai qu'une chose à leur demander sur ce système : ils prétendent que la reproduction se fait par surabondance des molécules organiques. Pourquoi donc l'homme engendre-t-il avant d'avoir atteint son parfait développement ou l'entier complément de sa croissance, c'est-à-dire, non seulement avant d'être parvenu à cette surabondance de molécules organiques, nécessaires selon eux pour sa reproduction, mais même avant qu'il soit parvenu à la mesure ou à la somme de ces molécules organiques qui doivent composer un jour toute son existence ?<o:p></o:p>

Ils ne veulent point de germes générateurs, point de germes assez vivants, assez appropriés aux climats des puissances qui s'engendrent elles-mêmes sous l'aspect de la grande unité, pour que ces germes puissent, à leur tour, faire le beau présent de la vie à d'autres germes ; ils ne veulent qu'une matière organique, toujours en mouvement, toujours prête à s'apparier, à se mouler dans ses analogues et à produire, par cet assemblage, des masses ou des êtres semblables à ceux qui la reçoivent. <o:p></o:p>

Mais d'où vient donc la diversité de tous ces moules et de tous les résultats qui en proviennent ? Pourquoi cette matière organique, qui est similaire, les a-t-elle tous formés si différents ? Ou plutôt, pourquoi en a-t-elle formés, puisqu'il lui faudrait toujours un moule avant qu'elle eût pu rien déterminer et rien produire ? <o:p></o:p>

Il est à remarquer que le principe, ou le germe des corps, est insensible lorsqu'il est placé dans son matras ou dans son réceptacle naturel. S'il était purement molécule organique, pourquoi ne resterait-il pas toujours dans le même état d'insensibilité ? Et s'il est quelque chose de plus, pourquoi ne pas lui laisser remplir le rôle qui le distingue ? <o:p></o:p>

L'erreur de ceux qui enseignent une pareille doctrine vient de ce qu'ils ne considèrent, dans leur matière organique, qu’une moitié de ce qui entre universellement dans la composition des êtres. Ils n'y voient que la qualité externe ou la résistance : en effet, quant à la qualité interne ou à la force, ils lui donnent un rang si secondaire, que c'est réellement la réduire au rang de cette force inerte, que nous avons examinée au paragraphe des deux gravités.<o:p></o:p>

Et cependant, c'est cette qualité interne, c'est cette force qui, dans toutes les classes, est la base primitive de toute existence. La qualité externe, ou la résistance, ne vient qu'en second ; et son véritable emploi n'a pour objet que d'aider à l'autre qualité ou à la vie à se connaître et à se manifester.<o:p></o:p>

Or, comme la vie est répandue universellement, les principes particuliers ou les germes, quoiqu'ils soient soumis à des lenteurs et à des gradations dans le développement de leur force ou de leurs propriétés internes, engendrent néanmoins la vie, puisqu’ils l'ont en eux-mêmes ; et leurs productions, quoique inférieures à celles des principes divins et spirituels au-dessus de la matière, sont cependant parfaites dans leur genre et remplies des merveilles. C'est une perfection réduite, il est vrai, mais ce n'en est pas moins une perfection, parce que ces principes inférieurs dérivent toujours des causes parfaites, quoique par des canaux éloignés, et quoiqu'ils aient été et soient encore grandement contrariés dans leur jeu et dans leurs mouvements.<o:p></o:p>

Lorsqu'un de ces principes ou de ces germes est parvenu, par son attraction, dans son matras ou dans son réceptacle naturel, il n’y peut continuer son oeuvre et atteindre au degré de vie qui le caractérise, que par le secours des éléments qui le développent, qui le dilatent en circulant en lui, et qui l'étendent par l'effort qu'ils font pour le pénétrer, parce que ce sont ces éléments qui sont sa mère ; et cette loi l'accompagne pendant toute la durée de son existence ; comme nous le voyons pour chaque corps naturel, soit plante, soit animal.<o:p></o:p>

Quand l'un de ces corps a rempli sa mesure, et qu'il ne peut plus recevoir l'action de ces éléments, leur communication s'intercepte, le corps s'affaisse, se rétrécit ; tout ce qui lui est étranger s'évapore : il se réduit et revient presque au même point par où il avait commencé, avec cette différence qu'il n'est plus susceptible d'un nouveau développement et qu'il n’est plus qu'une larve parmi les êtres de son espèce. <o:p></o:p>

S'il n'eût été qu'une molécule organique, ou bien il n'aurait rien produit, ou bien, s'il eût produit des molécules comme lui, il y a longtemps que la terre serait encombrée de tous ces débris et que la mort n'y laisserait plus de place à la vie.<o:p></o:p>

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Génération des éléments<o:p></o:p>

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Il y a une loi régulière pour la génération des éléments, à partir du feu sur - essentiel jusqu'aux dernières ramifications de la matière ; et cela dans chacun des règnes.<o:p></o:p>

Il y a, sans doute, aussi des choses très instructives à remarquer sur la couleur, la forme et les propriétés de ces éléments, lesquelles choses sont liées avec le rang auquel ces éléments paraissent ; d'où l'on pourrait apprendre à connaître l'ordre qui constitue la création universelle, ainsi que les différentes actions qui la composent ; ce qui répandrait ensuite un jour lumineux sur la science et la conduite de l'homme, qui, s'il se trouve lié à cet ensemble des choses, ne peut pas y être lié en vain, ainsi qu'on en doit être convaincu maintenant par tout ce qui a précédé.<o:p></o:p>

Mais la première vérité qu'on y doit apprendre, c'est de ne pas douter de l'existence des choses qu'on ne voit pas, par cela seul que l'on ne les voit pas.<o:p></o:p>

En effet, quoi que je ne voie que de la terre sans végétation, il est sûr qu'elle a en elle tous les principes qui lui sont nécessaires pour remplir cette magnifique destination.<o:p></o:p>

Quoique je ne voie point la terre éparse et répandue dans l'eau, je suis certain qu'elle y est contenue et qu'elle y nage.<o:p></o:p>

Quoique je ne voie point l'eau contenue dans le feu, je suis convaincu qu'il la renferme, puisqu'il la produit et la crée, pour ainsi dire, et puisque la décomposition des corps combustibles élève avec le feu, non seulement des parties huileuses et acides, mais aussi des parties aqueuses, dont le feu se dégage à mesure qu'il monte vers sa source et qu'il abandonne les éléments grossiers qu'il a produits.<o:p></o:p>

Ainsi, en repliant les unes sur les autres toutes les actions des êtres, on les ramènerait à une unité simple, dans laquelle nous les verrions tous compris par notre intelligence, quand même les yeux de notre corps ne les apercevraient pas.<o:p></o:p>

Ainsi, nous serions sûrs, quand même nous ne le verrions point que, par la prépondérance universelle de cette unité, les éléments les plus opposés se propagent ensemble, se combinent et vivent dans une sorte d'équilibre dans tous les corps, pendant leur durée d'équilibre dans tous les corps, pendant leur durée passagère, pendant laquelle ils ne se distinguent que par leur prédominance dans ces mêmes corps qui reçoivent de là leur signalement individuel.<o:p></o:p>

Nous serions sûrs que cet ordre doit se trouver depuis la classe la plus inférieure, jusqu'à la plus élevée, dans tout ce qui existe ; mais que cet ordre est plus parfait et d'une autre nature à mesure que les classes des êtres occupent un rang plus éminent ; qu'ainsi il l'est davantage dans la plante que dans les minéraux ; plus dans les animaux que dans la plante ; plus dans les astres que dans les animaux ; plus dans l'homme, dans les êtres intelligents ou dans les esprits, que dans les astres ; plus dans Dieu que dans tous les êtres quelconques qui composent l'universalité des choses.<o:p></o:p>

Cependant, ce principe d'ordre universel, quoique nous soyons sûrs de son existence, nous ne le possédons pas pour cela ; bien plus, nous ne le connaissons pas ; ainsi, loin de proscrire, comme l'ont fait les savants, ce qu'on appelle qualités occultes, ils devraient reconnaître que c'est ce qu'il y a de plu s occulte, dont le caractère et l'existence leur sont le plus clairement démontrés et que ce qu'ils regardent comme le mieux connu pour eux, telle que leur manière organique, est au contraire ce qui ne pourra jamais trouver une place assurée dans leur conception et dans leur intelligence.<o:p></o:p>

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La moelle<o:p></o:p>

Elle est l'image du limon de ce matras général ou de ce chaos, par lequel la nature temporelle actuelle a commencé ; et ce matras lui-même était l'union des deux puissances ou de la force et de la résistance. À l'explosion de ces deux agents ou à la séparation, l'inférieur est resté en aspect du supérieur pour en être substanté. Les soutiens puissants qui ont présidé à ce développement, chacun dans leur poste, y sont encore pour protéger et entretenir ce même développement et ils y seront jusqu'à la réintégration.<o:p></o:p>

La moelle fait aussi allusion au mercure qui est la matière dans l'indifférence, qui a la tendance à toutes les formes, qui est facile à volatiliser et qui répète par là l'extrême sensibilité de notre moelle.<o:p></o:p>

Elle est le ciment de la machine corporelle ; elle contient de la farine, du miel, de l'huile et du vin ; elle produit l'os, parce qu'elle est principe dans sa partie et que tous les principes secondaires descendent du principe universel - animal qui est le sang.<o:p></o:p>

Ce n'est que par la ségrégation qui se fait des principes du sang, que se forment les corps animaux et toutes les parties qui les composent. Ainsi le sang ne produit l'os que par l'intermède de la moelle.<o:p></o:p>

De même que la ségrégation des principes forme les corps, de même la concentration, la réunion forcée ou la confusion de ces mêmes principes, est l'opposé de la vie de ces corps ; car c'est une vérité qui n'a pas besoin d'être rappelée, que plus les forces ou les propriétés d'un être sont libres, plus elles agissent et que c'est leur emprisonnement qui les réduit à l'inaction.<o:p></o:p>

En effet, lorsque dans quelque partie d'un corps, on aperçoit un des éléments agir avec une grande liberté et un grand empire, on peut être sûr de voir agir tout auprès, avec une égale liberté et un aussi grand empire, l'élément opposé. Témoins l'humidité des poumons et le feu du sang dans le cœur ; les dents et les gencives ; l'os et le périoste : car on voit là sensiblement le contraste des différentes qualités qui, agissant plus librement, agissent aussi plus éminemment que lorsqu'elles se contiennent les unes par les autres.<o:p></o:p>

Il y a beaucoup de feu dans les silex, parce qu'il y est plus à lui que dans les autres pierres et que la partie vitrifiable y est aussi dans un plus grand isolement des autres qualités que dans les autres substances de la nature.<o:p></o:p>

On peut donc dire que l'origine d'un corps animal est la matière dans son indifférence ou l'assemblage de plusieurs principes, ce qui produit la confusion ; mais le feu du matras opérant sur cette matière informe, oblige chacun des principes qui la composent à remplir leur fonction et leur loi, ce qui fait que l'un produit l'os, l'autre la chair : le premier de tous produit le sang d'où tout résulte.<o:p></o:p>

Cependant ils ne se séparent qu'autant qu'il est nécessaire pour accomplir l’oeuvre du principe général ; mais ils restent toujours en relation et combinés suffisamment pour recevoir les secours mutuels dont ils ont besoin pour entretenir leur action particulière.<o:p></o:p>

Cette division, cette opération, ce concours se répètent et s'étendent à l'infini pour produire toutes les différentes parties des corps, ainsi que cette multitude d'effets que nous voyons et qui indiquent, par leurs lois, la multitude des principes qui les dirigent.<o:p></o:p>

Par conséquent la matière n'est point la même ; elle a en elle une autre différence que celle de l'organisation et de l'arrangement des parties : car ces parties, n'étant elles-mêmes que le résultat de la matière, si la matière était la même, pourquoi ne produirait-elle pas partout la même matière ?<o:p></o:p>

En général, les principes particuliers des formes doivent être simples et provenir chacun d'un agent différent, puisque non seulement leurs résultats sont différents, mais même opposés les uns aux autres.<o:p></o:p>

Aussi on a eu tort de croire que les métaux n'étaient qu’un mercure à différents degrés de cuisson.<o:p></o:p>

Aussi l'eau est-elle la base des plantes ; le sang la base de l'animal ; la moelle la base des os ; le cerveau la base des nerfs ; les nerfs la base des chairs.<o:p></o:p>

Répétons ici en passant que nous ne pouvons pas douter de toutes ces choses et que ce ne soit là la matière dont elles se gouvernent et dont elles se forment ; et, cependant, il n'y a rien de plu s occulte pour nous, que les qualités qui les opèrent et si, parce que ces qualités sont occultes pour nous, on voulait les rejeter, il faudrait commencer par rejeter les faits qui nous en démontrent l'existence.<o:p></o:p>

La croissance des os est semblable à celle des arbres. L'ossification commence par le centre de l'os ou la souche ; elle s'étend aux extrémités, ce qui forme les branches et les racines ; elle est plus faible dans ces parties, parce que l'action du sang y étant moindre, ne dissipe pas autant l'humide que dans le centre où est le foyer du feu. Par conséquent, ce n'est point la partie dure qui produit la partie spongieuse, c'est le même principe qui produit l'une et l'autre ; mais il n'agit pas également dans les deux.<o:p></o:p>

Le tissu spongieux est plus voisin du principe originaire de l'animal, savoir, de cet humide muqueux, que la médecine regarde comme matière première, tandis qu'il est composé lui-même de principes différents. Le tissu spongieux dans les os longs se trouve plus abondant aux extrémités parce que le feu l'y chasse en latitude, étant pressé au centre par la terre crétacée qui, en effet, rend cette partie intermédiaire de l'os la plus dure.<o:p></o:p>

Le principe salin, dans le corps de l'homme, a dû subir une grande ségrégation, lors de sa chute : car la moelle allongée vient de l'extrémité su supérieure et s'extraligne en quelque sorte pour descendre dans les vertèbres, tandis que le sang s'est comme replié dans le centre. Cette moelle ne produit point immédiatement les vertèbres, puisqu'elle passe au travers et détache seulement ses émanations qui forment les nerfs. Le principe de l'os des vertèbres est le même que le principe de tous les os, savoir : la moelle dans les os longs et la substance diploïque dans les os plats.<o:p></o:p>

Il n'y a pas de mal de remarquer que les deux reins sont placés à la même vertèbre lombaire et que leur emploi est de séparer de la masse du sang la partie saline et de préparer la semence reproductive, parce que, si l'homme intellectuel est l'optique de toutes les vérités de la région supérieure, l'homme physique doit être l'optique de toutes les vérités naturelles, le tableau de la formation des choses et le compas de proportion de toutes les propriétés de tout ce qui compose cet univers.<o:p></o:p>

On ne pourra se refuser à ce principe, quand on se souviendra que l'homme devait et devrait encore être l'administrateur de la nature ; or, comment administrer un domaine, si on n'a pas en soi le moyen de juger des qualités de tout ce qui peut y exister et s'y produire ; si, enfin, on n'en est pas comme la base de rapport ?<o:p></o:p>

 

Nourriture des êtres<o:p></o:p>

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S'il est utile pour le discernement de comparer les différentes productions avec les bases particulières sur lesquelles elles reposent, il ne doit pas non plus lui être indifférent de jeter un coup d’œil sur les substances dont ces diverses productions se nourrissent : car la nature des êtres peut se lire aussi dans l'espèce de leur aliment. Il faut que les substances qui servent à entretenir une machine lui soient analogues.<o:p></o:p>

La moelle de l'homme contient du froment, du vin, du miel et de l'huile : aussi toutes ces choses sont-elles très propres à sa nourriture.<o:p></o:p>

Dans son enfance, lorsque les chairs ne sont encore que des liqueurs à peine coagulées par la fermentation, la nourriture la plus analogue est le lait. Aussi la mère en est-elle pourvue abondamment, jusqu'au temps où l'enfant peut prendre des nourritures plus solides : car, tenant particulièrement de la terre, toutes les productions terrestres lui conviennent.<o:p></o:p>

Les animaux terrestres ont tous du lait, comme les moins étrangers à la région que l'homme habite ; comme tenant le premier rang parmi les êtres qui devaient composer ses apanages ; et comme étant la seule classe où il n'y ait presque naturellement que des animaux domestiques.<o:p></o:p>

Les oiseaux n'ont point de lait ; le peu que la vivacité de leur principe aérien leur permet d'en produire, se trouve renfermé dans leurs oeufs ; et c'est avec cette nourriture là qu'on peut dire qu'ils passent leur première enfance.<o:p></o:p>

Parmi les poissons, les cétacés ont du lait, parce qu'ainsi que je l'ai remarqué, en parlant de la baleine, ils sont originairement un principe terrestre : les autres poissons, qui ne sont qu'aquatiques, vivent d'eau et de substances vaseuses et végétales ; ceux qui participent plus ou moins du principe feu se dévorent.<o:p></o:p>

Les oiseaux qui tiennent aussi de l'eau, mangent les graines et les fruits ; peu d'entre eux ont le bec formé pour manger l'herbe et les feuilles des plantes, parce que peu d'entre eux sont terrestres. Ceux qui tiennent du feu aérien sont carnassiers.<o:p></o:p>

Les insectes mangent de tout, vu la diversité des éléments qui les composent.<o:p></o:p>

Ainsi, chaque règne et même chaque espèce, a sa nourriture et son climat ; les poissons d'eau douce ne vivent jamais dans la mer, quoique quelques poissons de mer vivent dans les eaux douces. Les animaux terrestres vivent, les uns sous la terre, d'autres au-dessus ; parmi les oiseaux, les uns se perchent, les autres se nichent à terre. Les plantes elles-mêmes ne réussissent pas également dans tous les terrains : ce sont toutes ces différences instructives qu'il est bon d'étudier.<o:p></o:p>

 

Le niveau <o:p></o:p>

Le bien-être de tout corps et de tout être matériel ne peut se trouver que dans l'équilibre des principes qui le composent, ainsi que dans l'harmonie de l'action et de la réaction qui opèrent sur lui : car si l'une des deux surmonte l'autre, il y a désordre. Aussi les insectes même, dans leur existence apocryphe et les reptiles malfaisants et les plus venimeux, sont-ils employés par la nature à absorber les parties volatiles corrompues de l'air, qui, sans eux, serait pestilentiel pour les autres êtres qui le respirent. Les plantes vénéneuses en absorbent de même le fixe, et la terre en absorbe la partie crasse et matérielle, en réintégrant en elle la masse même des êtres corporels.<o:p></o:p>

C'est une nouvelle preuve de la difformité de la matière, qui ne trouve la perfection de sa loi ou son niveau que dans les moyens violents, douloureux et tristes ; mais indépendamment de ce vice, qui tient à son essence, la plus grande partie des êtres qui la constituent, ne peuvent subsister que par des destructions qui s'étendent souvent sur les mêmes espèces, en les portant à se dévorer elles-mêmes.<o:p></o:p>

La défectuosité de la nature ne tient donc pas seulement à l'essence des formes ; mais encore à leur entretien et tous les êtres matériels manifestent de mille manières différentes cette loi imparfaite, source de tous les désordres.<o:p></o:p>

Ainsi, la vie des corps repose sur la confusion, comme la confusion est la source et la loi de leur existence. Ainsi, s'il n'y avait point de mal ou de confusion, il n' y aurait point de corps de matière, ou point d'univers.<o:p></o:p>

Faisons l'application de cette vérité à l'homme temporel et nous verrons ce qu'il doit penser de son état actuel, où, pendant qu'il est uni à son corps, il ne peut vivre que dans la confusion et par la confusion.<o:p></o:p>

Mais aussi c'est là où nous reconnaissons la sagesse profonde de cette loi, par laquelle le calorique subdivise la matière à l'infini et s'oppose à la cohérence intime de ses parties, puisque, sans cela, le mal serait constitué Etre ; la confusion serait invincible pour l'homme et il lui serait à jamais interdit d'avoir aucun rapport avec les régions de la vie.<o:p></o:p>

Cependant, de ce que, s'il n’y avait point de mal et de confusion, il n'y aurait point de corps de matière, ne concluons pas que, s'il n'y avait point de corps de matière, il n'y aurait plus de mal et de confusion. Nous nous sommes assez expliqués sur ce point, dans le paragraphe sur le bien et le mal, considérés par rapport au temps, comme on le verra en son lieu.<o:p></o:p>

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La chaleur et la lumière<o:p></o:p>

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Le fer rouge et les rayons du soleil, rassemblés dans le foyer des verres ardents, n'enflamment point l'esprit-de-vin, parce que l'esprit-de-vin étant une substance rectifiée ou plutôt un principe délivré de ses chaînes, ne peut être accessible et se réunir qu'à une substance rectifiée ou à un principe délivré de ses chaînes, comme lui.<o:p></o:p>

Aussi ne peut-il être enflammé que par la flamme, parce que la flamme est un fer pur, dont l'enveloppe grossière est dissoute.<o:p></o:p>

Les rayons du soleil ne sont donc point le feu ; ils ne sont que l'émané du feu et pour qu'ils pussent embraser l'esprit-de-vin, il faudrait qu'ils commençassent par se décomposer eux-mêmes afin que leur feu se mît à découvert.<o:p></o:p>

Les savants ont cru aussi que le feu n'était pas le principe de la lumière, sur ce qu'il y avait des corps lumineux qui n'étaient pas chauds, tels que les vers luisants, les rayons lunaires et quantité de différents phosphores ; et sur ce qu'il y avait au contraire des corps chauds qui n'étaient pas lumineux, tels que le foyer des miroirs ardents, celui des lentilles, etc.<o:p></o:p>

Les premiers de ces corps sont lumineux sans être chauds, parce que leur feu est comme absorbé dans leur humide terreux : c'est pour quoi ils ne rendent, pour la plupart, qu'une lumière très pâle, ou, pour mieux dire, la qualité de la lumière de ces différents phosphores est aussi diversifiée que le sont les substances avec les quelles ils sont combinés.<o:p></o:p>

Les seconds sont chauds sans être lumineux, parce que leur feu est contenu dans une enveloppe opaque, mais non impénétrable à la réaction du feu extérieur qui les pénètre ; et cette enveloppe opaque est le fruit de cette résistance qui tendrait à tout absorber, si la puissance opposée ou la force ne lui arrachait pas au moins la chaleur, lorsqu'elle ne peut pas lui arracher la lumière.<o:p></o:p>

La lumière et la chaleur, considérées dans leur principe, appartiennent donc au feu qui engendre tout.<o:p></o:p>

Considérées dans leurs effets, elles consistent dans l'union de ce feu avec les substances sorties de lui.<o:p></o:p>

Considérées dans leurs rapports, elles sont, relativement au feu, l'image physique de la force et l'image intellectuelle de nos facultés sur matérielles qui, quoiqu'elles nous soient données par le principe de toutes choses, deviennent cependant comme nulles, si elles ne sont pas réactionnées et vivifiées par ce même principe, parce que d'abord il est immédiatement le principe de notre être et qu'ensuite il est immédiatement le soutien, l'appui, la substance et l'aliment de toutes les propriétés harmoniques de cet être et de toutes ses facultés régulières.<o:p></o:p>

Ainsi donc si les physiciens, au lieu de regarder les bases de la chaleur et de la lumière comme des qualités occultes, puisqu'en effet ils seraient fort embarrassés pour nous dire ce que c'est ; si les physiciens, dis-je, aiment mieux admettre en place une matière de la chaleur et une matière de la lumière, il ne faut pas les chicaner pour des mots et leur faire un procès pour si peu de chose.<o:p></o:p>

Mais ils ont tort quand ils ne veulent pas que ces deux matières, ainsi que les phénomènes qu'elles manifestent, soient liés essentiellement au principe de feu qui les fait être et qui les fait agir.<o:p></o:p>

Le soleil peut n'être pas la chaleur ; mais il en renferme tellement le principe, que cette sensation augmente à mesure que nous nous approchons de lui.<o:p></o:p>

On a cru prouver le contraire, en disant que plus nous nous élevons sur les montagnes, plus nous avons froid ; mais on a oublié, dans cette objection, que la réaction de l'air, poussée trop loin, empêchait la réaction des rayons solaires sur les corps ; et, pour résoudre la question, je proposerais à ceux qui la font, de creuser sur telle montagne qu'ils voudront choisir, une fosse profonde, de se tenir au fond, exposés aux rayons du soleil et de me dire ensuite s'ils auront froid.<o:p></o:p>

Comment, en effet, le soleil ne renfermerait-il pas en lui le principe de la chaleur qu'il me fait éprouver, puisqu’il renferme le principe du feu par où mon être matériel existe et par où seul je peux sentir cette même chaleur que les physiciens lui refusent ?<o:p></o:p>

Quant à la lumière, elle est divisible, parce qu'elle est la réunion de plusieurs actions supérieures qui tendent de toutes leurs forces à diminuer la coagulation matérielle de la nature et des ténèbres qui en sont la suite ; elle est divisible, parce qu'elle cherche à atteindre tout ce qui est disséminé dans cette nature et elle nous enseigne par là l'état de violence où notre monde visible tient le monde que nous ne voyons pas : car une preuve que la nature élémentaire est un obstacle et un voile pour la lumière supérieure, c'est de voir que les rayons de la lumière physique se brisent dans l'eau qui est le principe de toute corporisation matérielle et que plus ce milieu est dense, plus la réfraction de la lumière est grande.<o:p></o:p>

 

Le mouvement<o:p></o:p>

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Quand les savants, qui sont toujours en garde contre les qualités occultes, ne connaissent pas le principe d'une chose, ils sont réduits à raisonner sur la manière dont elle se fait et ces discussions leur fournissant quelques vérités secondaires, ou même de simples aperçus sur le monde de cette action, ils se tranquillisent sur le reste ; mais on peut dire aussi que souvent ils ne s'accordent pas même sur le monde de cette action qui fait toute leur ressource et le principal objet de leurs recherches.<o:p></o:p>

On a beaucoup raisonné sur le mouvement ; on l'a défini, métaphysiquement, le passage que fait un corps d'un point de l'étendue à un autre point ; mais ne sachant pas la vraie cause de ce passage, on a essayé de démontrer ce qui arrive quand il se fait.<o:p></o:p>

Descartes prétendit donc que, dans le mouvement, la somme d'action employée était égale au produit de la masse multipliée par la distance.<o:p></o:p>

Leibniz soutint que c'était le produit de la masse multipliée par le carré de la distance.<o:p></o:p>

Maupertuis est venu après et ne goûtant point les opinions de ses prédécesseurs, il a travaillé trente ans pour nous apprendre que lorsqu'il arrive quelque changement dans la nature, la quantité d'action employée pour ce changement est toujours la plus petite possible.<o:p></o:p>

Mais n'arriverait-il point que cette plus petite quantité possible ne fût l'une des deux mesures précédentes ?<o:p></o:p>

Au reste, quand cela serait, toutes ces opinions ne seraient que la démonstration de ce qui arrive dans l'action du mouvement et jamais la démonstration du principe de cette action. Il faudrait, pour ce dernier point, avoir percé dans le calcul des raisons et, les philosophes ne connaissent que le calcul des lois.<o:p></o:p>

Comme il n’y a donc rien à détruire dans l'édifice scientifique des hommes, par rapport au principe du mouvement, puisqu'ils n'en ont élevé aucun, ils ne pourront pas me supposer des vues qui leur soient contraires, en leur présentant un léger aperçu de ma manière de voir sur cet objet et en même temps, comme j'ai pris l'homme pour mon optique dans cet ouvrage, c'est lui qui va me servir de guide, laissant à chacun la liberté d'adopter comme de rejeter ce qu'il va lire.<o:p></o:p>

Je vois que quand l'homme éprouve quelque affection agréable, ou qu'il se forme dans sa pensée quelque conception heureuse et vive, toute sa personne intellectuelle et physique s'en ressent et on en a vu dans pareil cas tressaillir dans tout leur corps, c'est-à-dire, dans toute leur circonscription.<o:p></o:p>

Quand il arrive quelque événement intéressant et satisfaisant au chef d'une famille dont tous les membres sont bien unis entre eux, je vois qu'ils sont sur-le-champ tous en activité et que dans leurs transports, c'est à qui s'agitera le plus pour exprimer leur joie à celui qu'ils honorent et qu'ils chérissent.<o:p></o:p>

Je vois de même que quand, dans un empire, il arrive quelque chose d'heureux et d'important, soit pour la gloire du chef de l'État, soit pour sa satisfaction, tous les citoyens sont sur pied ; une commotion générale se fait sentir parmi eux et le mouvement universel qui en gendre et constitue l'allégresse publique, n'est cependant que le fruit et l'expression de l'allégresse du souverain.<o:p></o:p>

D'après cela on pourrait croire que Dieu, étant perpétuellement dans l'allégresse que Lui occasionne Sa propre connaissance, Sa propre admiration, Sa perpétuelle génération et Son invincible et majestueuse supériorité, c'est cette joie-là qui fait tressaillir tous les êtres et que le mouvement universel des choses n'est, comme parmi les hommes, que le fruit et l'expression de l'allégresse de l'ineffable souverain de tout ce qui existe.<o:p></o:p>

Quant au mode de ce mouvement, il est fondé sans doute comme tout ce qui est, sur la combinaison de la force et de la résistance ; mais cette combinaison de la force et de la résistance n'étant pas universellement uniforme, le résultat qui en provient ne peut pas être le même non plus dans les diverses régions qui sont comprises dans l'universalité des choses.<o:p></o:p>

Aussi, dans la région divine, n'y ayant aucun intervalle, aucune différence entre la force et la résistance, il n'y a jamais de temps et toujours de l'action.<o:p></o:p>

Dans la région naturelle où nous sommes, la force et la résistance sont dans un combat que l'on peut appeler harmonique, vu la main supérieure qui y préside, aussi y a-t-il alternativement du temps et de l'action, ce qui a fait que les savants ont reconnu que l'espace et le temps étaient proportionnels.<o:p></o:p>

Dans la région sous naturelle, la force est perpétuellement comprimée, parce que la joie divine n'y descend point ; aussi, là, y a-t-il continuellement du temps et jamais d'action ; et c'est ce qui fait le supplice de l'ange rebelle.<o:p></o:p>

 

De la synthèse et de l'analyse<o:p></o:p>

Par la synthèse, on descend du principe aux effets ; par l'analyse, on remonte des effets au principe ; cela seul démontre combien la synthèse est supérieure à l'analyse, puisque ce serait une marche vicieuse de démolir les effets pour y chercher le principe qui ne s'y trouve plus dès qu'il y a démolition, au lieu que le principe engendrant continuellement ses effets, on a l'avantage de pouvoir lire l’oeuvre entière, c'est-à-dire l'agent, l'action et son produit dans ses compléments.<o:p></o:p>

Les choses temporelles ne devraient être pour nous que de simples analyses, mais ce n'est point par l'analyse que nous y devrions entrer, si nous voulions n'en être point les dupes et les victimes, ce serait par la synthèse ou par l'esprit, dont la présence nous tiendrait toujours au-dessus de cette région figurative et fantastique, tandis que nous restons toujours au-dessous, lorsque nous ne prenons pas cette sage précaution. Marchez donc, hommes, habituellement par cette synthèse, vous découvrirez alors de magnifiques lumières dans tous les sentiers analytiques que vous parcourrez ; car l'analyse ne doit être et n'est que le témoin de la s synthèse.<o:p></o:p>

Ce qui fait que dans les sciences humaines, ainsi que dans la science divine de l'homme, les docteurs avancent si peu vers la vérité, c'est qu'ils marchent par une fausse analyse, au lieu de marcher par une véritable s synthèse ; et en effet, par quelle analyse marchent-ils ?<o:p></o:p>

Dans l'ordre des sciences humaines et naturelles, ils ne marchent point par l'analyse des principes, mais par l'analyse des simples faits, qui n'est plus qu'un recueil historique sans connexion, ou par l'analyse des parties intégrantes et des agrégats, qui n'est que la science mécanique de l'addition et n’établit aucune vie ni aucun accroissement dans les rapports.<o:p></o:p>

Enfin, l'étude de la nature, à la manière humaine, ne va que jusqu'à la recherche de son mode particulier actuel et nullement à celle de ses mobiles constitutifs et régulateurs et, cependant, l'esprit de l'homme n'étant pas de ce monde, la nature ne devrait nous servir que comme image de la nature antérieure et régulière, qui doit toujours résider dans celle-ci, comme un modèle est censé résider dans son portrait.<o:p></o:p>

Dans l'ordre de la science divine de l'homme, ils ne marchent pas davantage par l'analyse des principes vivants et féconds dont leur foi obscure et aveugle les éloigne, mais par l'analyse d'un enseignement purement théorétique et sans liaison avec la source du feu qui devrait sans cesse l'engendrer, ou bien par l'analyse de leurs simples institutions ; toutes choses qui, ne présentant rien d'animé et de véritablement générateur, ne font pas monter l'esprit d'un degré au-dessus du cercle où s’il le font circuler, tandis que l'analyse des choses vives porterait en effet cet esprit vers des régions où la clarté et la vie s'accroîtraient à mesure qu'il monterait.<o:p></o:p>

Mais, s'ils sont si loin de l'analyse vive, combien donc sont-ils plus loin encore de la véritable synthèse, ou de cette voie féconde dont le principe est comme une lumière universelle qui porte une clarté sûre et positive sur tous les points de la progression où elle peut descendre ?<o:p></o:p>

Oui, la synthèse est la seule clef qui ouvre complètement le champ des sciences, soit divines, soit naturelles, parce qu'elle est la seule qui nous porte au centre de chaque cercle et qui nous aide à en mesurer tous les rayons. Elle nous donne le germe des choses et nous développe tout le cours de leur fructification.<o:p></o:p>

Mais les docteurs, à force de s'ensevelir dans leur analyse stérile ou morte, ne peuvent plus suivre la vérité, la mesure et la vie dans ses divers développements et ils finissent par ne plus croire à l'existence de ces germes vifs, par l'habitude où ils sont d'en vivre éloignés.<o:p></o:p>

Aussi, on ne doit point être surpris de ne pas trouver grand nombre de ces docteurs qui croient à l'existence de l'Être des êtres, à l'existence de l'homme esprit, à l'existence du principe de vie de la nature avec toutes les qualités et propriétés vives, mais cachées, qu'il produit et qu’il manifeste pour l'exécution de tous ces actes et de toutes ses opérations ; et voilà comment la science de tout genre a dépéri entre les mains des hommes.<o:p></o:p>

Au reste, c'est l'état mixte de cette nature et en outre, le système des agrégats que les savants ont introduits partout, qui les a portés à s'enfoncer si universellement dans l'analyse ; car en effet, cette loi convient, dans beaucoup de cas, à l'étude de la nature et à l'étude de la nature externe qui est le seul objet des recherches des savants.<o:p></o:p>

Mais quand il s'agit de percer dans les principes, on n'y peut parvenir que par la synthèse et dans le vrai, si cette marche est mille fois plus sûre que l'autre, elle n'est pas à beaucoup près si facile, à n'en juger que par les simples calculs supérieurs humains, où l'intégration des valeurs éprouve bien plus de difficultés que leur différentiation, parce que, dans la différentiation on ne s'occupe que des rapports externes, au lieu que, dans la réintégration, on s'occupe des rapports internes et radicaux.<o:p></o:p>

Ainsi, la sagesse de l'observateur consisterait à bien discerner les cas où il doit marcher par l'analyse et ceux où il doit marcher par la synthèse ; il devrait enfin avoir la plus grande attention à ne pas confondre ces deux voies, comme il le fait tous les jours.<o:p></o:p>

C'est une erreur de dire ; comme on l'a fait, que le but des décompositions analytiques est uniquement la composition. Cette composition ou recomposition peut avoir lieu dans le règne minéral, encore ne se fait-elle pas sans déchet pour le minéral décomposé, lorsqu'on n'y emploie que les parties extraites de ce même minéral. Elle n'a point lieu pour le règne végétal, d'où l'on se borne à extraire des sucs, des huiles, des sels et autres substances dont on compose des aliments et des remèdes salutaires, mais avec lesquels on ne compose ni ne recompose les plantes dont ils ont été extraits. Elle a bien moins lieu encore pour le règne animal, où malgré tous les secours que les corps vivants peuvent retirer des connaissances que fournit l'anatomie des corps morts, jamais on ne recompose un autre corps, quelle que soit l'étendue de toutes ces connaissances.<o:p></o:p>

L'analyse, ramenée à son véritable objet, n'a donc pour but que de chercher les moyens de restaurer les corps dégradés, quand cette restauration est possible. C'est l'instrument avec lequel on dissèque toute la circonscription des êtres, afin de connaître ce qui leur manque, en le comparant avec ce qu'ils devraient avoir. Mais après que cet instrument a fait découvrir ce qui leur manque, ce n'est pas lui qui est chargé de le leur rendre. C'est la synthèse qui est censée investie de ce pouvoir, puisque restaurer un être, c'est le rétablir dans la plénitude de ses droits, ou dans une unité synthétique et que cette réhabilitation ne peut avoir lieu que par l'emploi et l'application de l'unité synthétique elle-même qui rassemble et réunit tout ce qui est divisé et non point par l'analyse qui divise tout ce qui est rassemblé et réuni.<o:p></o:p>

Et ici, pour se convaincre de la supériorité de la synthèse sur l'analyse, il suffit d'observer que, lors même que l'instrument analytique parcourt toute la circonscription des êtres, pour en évaluer les altérations, cette évaluation ne se fait que par la vertu de la synthèse qui présente toujours son unité régulière et régulatrice en opposition avec les dégradations qui la blessent.<o:p></o:p>

Ainsi, l'analyse ne peut faire un pas sans être accompagnée de la synthèse. L'analyse est le scalpel du chirurgien ; la synthèse est le sang du malade ; c'est ce sang qui renaît toujours de sa propre source pour réparer les brèches que l'opération chirurgicale a faites au patient ; et ce sang, le chirurgien sent lui-même tellement la nécessité de s'en occuper spécialement, comme attendant de lui seul le succès de son entreprise, que son plus grand soin doit être d'éviter l'hémorragie.<o:p></o:p>

On a cité, en faveur de l'analyse, cet horloger qui ne prend la peine de démonter une montre que pour la raccommoder et que pour apprendre à en faire une autre. Ce que nous venons de dire suffit pour montrer ce qu'il y a de défectueux dans cet exemple.<o:p></o:p>

En décomposant la montre, l'horloger porte toujours avec lui le flambeau de sa synthèse, sans quoi il ne pourrait pas raccommoder la montre ; ainsi, dans ce cas-là, comme dans tous les autres, l'analyse suppose nécessairement et antérieurement la synthèse, au lieu que la synthèse embrasse bien à la vérité l'analyse, mais ne la laisse marcher qu'après elle et même elle n'a aucun besoin de sa présence, tant que l'être ou le corps est dans sa régularité ou dans son unité synthétique, parce que l'analyse n'offre que des divisions ou des altérations.<o:p></o:p>

D'ailleurs, si l'on étudiait attentivement dans quelle source les hommes ont puisé l'invention des montres, on verrait bien que cette espèce de production est une véritable oeuvre synthétique et que si les horlogers décomposent les montres, ce n’est que dans des cas de dérangement et non point pour leur instruction personnelle dans leur art qu'ils sont censés posséder, quoique néanmoins cette marche soit indispensable pour l'instruction de leurs élèves, qui sont ignorants ; et encore dans ce cas-là, doit-on leur montrer des pièces régulières et non altérées, puisqu'on cherche à leur apprendre la synthèse de l'art et non pas une simple analyse de restauration.<o:p></o:p>

 

De l'esprit des sciences<o:p></o:p>

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À la manière dont l'esprit humain marche communément dans la carrière des sciences, on serait tenté de leur faire un vif reproche, celui de nous faire passer notre vie à chercher comment on les apprendra. Les mathématiques, par exemple, en passant par la main des hommes, nous font parcourir une immensité de circuits qui se succèdent sans cesse, pour nous amener à des formules dont, la plupart du temps, les unes sont inapplicables et dont les autres ne le sont que par approximation, c'est-à-dire qu'elles nous amènent continuellement jusqu'à la porte du vrai et ne nous y font jamais entrer qu'intellectuellement, comme si, dans l'ordre régulier des choses, le principe et l'opération pouvaient être isolés et indépendants l'un de l'autre.<o:p></o:p>

Ainsi, l'inconvénient essentiel que les mathématiques partagent avec toutes les autres sciences physiques, c'est de nous faire consumer nos jours à chercher comment nous appliquerons ces sciences à leur objet et cet objet ne serait moins, sans doute, que d'ouvrir la nature entière, puisque nous faisons tant d'efforts pour en découvrir la clef.<o:p></o:p>

Or, les hommes sont assez peu clairvoyants pour se laisser mener ainsi, sans s'en apercevoir, jusqu’à la consommation des choses ; et quand même, pendant la durée du temps, ils seraient parvenus à rassembler toutes les formules et que, par cette collection, ils seraient prêts d'en tirer le fruit ; dès qu'il leur faut en effet toute la durée du temps pour cela, la nature alors cesserait d'être et leur montrerait le néant de leurs propres lumières, puisqu'elle ne leur laisserait plus de quoi les appliquer et leur ferait comprendre par le fait, qu'il n'y a que l'ordre vif où le principe et l'opération soient inséparables.<o:p></o:p>

Aussi, ceux qui sont vraiment éclairés passent-ils leurs jours dans la douleur. Ceux qui sont encore réduits à chercher, même dans le réel, passent leurs jours comme dans une énigme. Ceux qui n'en sont qu'aux sciences apparentes, passent leurs jours dans l'illusion ; ceux qui n'en sont pas là, c'est-à-dire le vulgaire passe les siens dans la folie et l'imbécillité.<o:p></o:p>

Mais quand même, dans les mathématiques, l'opération serait liée au principe, ou, ce qui est la même chose, quand l'exécution serait aussi juste que la formule, cela ne nous avancerait encore que médiocrement puisque cela ne nous instruirait que sur un ordre de vérités qui semble être à côté de nous et ne pas être constitutif avec nous qui, enfin, semble être moins que nous, sans cependant être étranger pour nous.<o:p></o:p>

Aussi, ceux qui s'adonnent à ces sciences conviendront, s'ils veulent s'observer, que c'est une espèce de supplément à leur être qui s’introduit en eux, qui y pense, qui y combine, qui y démontre toutes ces merveilles laborieuses et pénibles, mais que leur véritable être qui aurait besoin d'un autre aliment, se replie sur lui-même, suspend son action, comme n'ayant là aucun rôle à jouer, et attendant toujours sa nourriture qui ne serait autre chose que les rapports fondamentaux et actifs qui doivent se trouver entre lui et cet amas de vérités, rapports qui, à son grand regret, ne se manifestent point là pour lui.<o:p></o:p>

L'effet principal des mathématiques est donc de préserver l'esprit, plutôt que de l'avancer ; elles lui donnent de la justesse et le mettent en garde contre les faux raisonnements et les faux systèmes scientifiques qui s'appuieraient sur des démonstrations peu rigoureuses ; mais elles ne lui donnent pas la clef de ces rapports qui seraient cependant, comme je l'ai dit, sa véritable nourriture. Ainsi, on peut dire qu'elles le préservent, mais qu'elles ne l'allaitent point. Elles sont comme les frontaux et les bourrelets de l'enfant qui l'empêchent bien de se blesser extérieurement la tête dans ses chutes, mais qui ne l'empêchent pas d'en faire de fréquentes qui, d'ailleurs, ne garantissent son corps d'aucun accident ni d'aucune maladie, et qui, surtout, ne contribuent en rien à sa croissance.<o:p></o:p>

Au contraire, on voit que les mathématiques, en renfermant l'esprit dans des sentiers exacts mais limités, lui interdisent le libre essor de la chaleur et de la lumière ; et la preuve que l'on en a, c'est qu'elles ne lui permettent que de calculer, peser et mesurer, et ne lui passent pas, dans son langage, une seule figure qui annoncerait qu'elles percent le voile et qu'elles commercent dans deux régions. Elles le tiennent dans la région de la contrainte et non point dans la région de la liberté ; dans la région passive et non point dans la région active ; dans la région qui est comprise et non point dan s la région qui comprend ; aussi l'esprit ne pouvant point comparer là une région à l'autre, ne peut faire de rapprochements ni d'alliances.<o:p></o:p>

C'est pour cela que les deux ordres de clartés relatifs à ces deux régions, quoiqu'ils dussent chercher à sympathiser ensemble, paraissent cependant l'un devant l'autre avec une certaine circonspection qui nuit à la fraternité. L'ordre des vérités supérieures cherche sans cesse à vivifier l'autre et à le serrer comme dans ses bras pour le réchauffer ; celui-ci, au contraire, ne lève les yeux sur le premier qu'avec défiance, et comme sur une voie nulle ou suspecte dans laquelle il croit absolument ne devoir pas marcher : essayons de les concilier.<o:p></o:p>

 

Les deux puissances et les coordonnées<o:p></o:p>

Si la loi combinée de la force et de la résistance est universelle dans la nature des choses, il était impossible que les mathématiques ne nous présentassent pas cette loi à tous les pas qu'elles voudraient faire, puisqu'elles ne s'occupent qu'à découvrir et exprimer les rapports des dimensions, des quantités et des poids : rapports qui sont chacun dans leur classe l'expression ou le résultat de la résistance et de la force agissant dans tout ce qui existe.<o:p></o:p>

En effet, la numération montre ces puissances toujours liées deux à deux en sens inverse, dans l'addition et la soustraction, dans la multiplication et la division, dans l'élévation des puissances et l'extraction des racines, dans le calcul différentiel et intégral. On les voit même évidemment dans la simple multiplication, soit que les deux facteurs y soient différents, soit qu'ils y soient égaux comme l'élévation d'une racine à son carré, etc. (Je ne veux point m'arrêter ici à spéculer sur les diverses opérations numériques qui, en dernière analyse, ne sont toutes que des additions et des soustractions depuis que nous sommes privés de nos véritables droits et je me sers des dénominations reçues).<o:p></o:p>

Enfin, elles sont éminemment sensibles dans le binôme, où l'exposant du premier terme va en diminuant et celui du dernier terme va en croissant et cela dans une exacte proportion qui montre que dans cette opération, les deux puissances ou les deux quantités qui composent le binôme tendent à s'allier par l'union la plus intime et à se confondre, pour ainsi dire, l'une dans l'autre, pour nous offrir un résultat qui soit le fruit complet de leur alliance.<o:p></o:p>

La géométrie nous montre sensiblement ces deux puissances dans toutes les figures, qui ne sont, en effet, que l'expression visible de la force et de la résistance ou des éléments essentiels, renfermés en elles et de leur enveloppe ou du périmètre ; mais, après nous les avoir montrées là, sensiblement, aux yeux de notre corps, elle les montre intellectuellement aux yeux de notre esprit, dans le jeu simple et fécond des abscisses et des ordonnées qui, à elles seules, sont en apparence l'union active et radicale de la force et de la résistance : union d'où sont censés provenir médiatement ou immédiatement, pour les mathématiciens, tous les résultats géométriques.<o:p></o:p>

Sans doute que des observateurs prudents remarqueront déjà ici quelques moyens de rapprocher les deux classes de vérités dont nous avons parlé et de les faire sympathiser entre elles, puisque la classe inférieure est évidemment la copie de l'autre.<o:p></o:p>

Ces moyens s'augmenteront encore, si nous considérons les immenses services que Descartes a rendus aux sciences, par la merveilleuse découverte qu'il a faite et par laquelle on trouve dans les équations la courbe à laquelle elles appartiennent et réciproquement, dans les courbes, l'équation qui en exprime la nature.<o:p></o:p>

Et vraiment, s'il a tant fait par là pour les mathématiciens, il n'a pas moins fait pour l'ordre des vérités supérieures et actives dont les mathématiques nous offrent tant d'images. En effet, pouvait-on nous montrer un indice plus significatif et un aperçu plus expressif du jeu qui se passe entre les coordonnées naturelles et vives qui servent de base à la nature entière et les productions qui leur sont perpétuellement analogues ? Car c'est nous dire que, dans cet ordre vif dont nous n'approchons, il est vrai, que de loin, dans nos o opérations mathématiques, l'équation ne manque jamais de se réduire en proportion, tout aveugles que nous sommes sur leur procédé caché ; et que, réciproquement, toute proportion porte sûrement là son équation avec elle-même.<o:p></o:p>

C'est surtout nous montrer un vestige frappant de cet ancien privilège qui devait nous appartenir par notre origine et par lequel nous étions appelés à être les administrateurs de l'univers. Car, ce que l'on nous offre dans cette célèbre découverte est une imitation de la clef vivante qu'on nous avait remise lorsqu'on nous confia cette précieuse montre que nous étions chargés de monter et de régler, selon nos pouvoirs et notre sagesse. Et de même que nous ne pouvons faire un pas dans les opérations mathématiques qui ne tienne médiatement ou immédiatement à la loi des coordonnées, de même, nous ne pouvons rien connaître à la nature que par le mobile central qui la gouverne et la produit continuellement.<o:p></o:p>

Mais, tout en admirant les trésors renfermés dans la découverte en question et combien ils nous retracent de sublimes vérités, nous ne devons pas nous oublier jusqu'à confondre les coordonnées employées par notre industrie, avec celles que nous sentons exister nécessairement dans toutes les opérations de la nature et dans la racine des choses. Non, les coordonnées de la nature sont vives et elles ont le pouvoir de développer par elles-mêmes leu r activité, de passer de l'état de centre à l'état de cercle, de l'état de germe à l'état de fruit.<o:p></o:p>

En elles, la force et la résistance sont dans une harmonie appropriée aux résultats qu'elles doivent produire ; et cette harmonie est également exacte dans le germe et dans la production, afin qu'il n'y ait rien qui ne soit plein et vif dans tout le domaine de la nature.<o:p></o:p>

Car, indépendamment de ce coup d'oeil intellectuel qui nous fait sentir cette nécessité, nous en avons la preuve sensible dans le cercle qui provient du centre ou de l'union secrète et radicale de la force et de la résistance et qui ne nous offre une figure si parfaite que parce que toutes ses coordonnées ou tous ses rayons sont dans la plus entière harmonie avec leur résistance ou la circonférence.<o:p></o:p>

Au contraire, les coordonnées que nous employons par notre industrie n'étant que des images de puissance, ne peuvent produire que des images de résultats ; elles ne peuvent que tracer le plan de l'édifice et non pas l'élever ; et encore ne tracent-elles pas ce plan aussi complètement que nous le désirerions.<o:p></o:p>

En outre, pour elles, il n' y a point de lieu fixe, puisque nous sommes les maîtres de placer où il nous plaît l'origine des coordonnées, tandis que, dans l'ordre vif et réel, toutes les coordonnées ont leurs places déterminées par la nature des choses et ce n'est point à nous à la leur donner.<o:p></o:p>

Enfin, les coordonnées que nous employons, ne faisant point leur explosion ou leur développement par la compression harmonique de la résistance, comme cela arrive dans la nature, mais n'étant que l’œuvre de notre esprit et de nos mains, il est sûr que nous n'employons là réellement qu'une seule de nos deux puissances, qui est la force, encore cette force que nous employons, n'étant point réactionnée par un stimulant naturel, n'est en effet qu’une force apparente et simplement figurative de la force vive de la nature qui est complète. Comment résulterait-il de là une oeuvre complète et régulière ?<o:p></o:p>

Il est donc inévitable que, dans ce genre d'opérations, il ne manque quelque chose aux résultats de la science mathématique humaine ; aussi, malgré toutes les merveilles que ses coordonnées lui en engendrent, malgré les efforts qu'elle fait pour atténuer le caractère de la ligne courbe et faire évanouir sa différence d'avec la ligne droite ; enfin, malgré toutes les ressources que son industrie lui suggère, en étendant à volonté ses petits rectangles et ses infinis de plusieurs ordres, au moyen de ses variables et de ses différentielles, il n'en est pas moins vrai que les lieux géométriques des courbes, qu'elle est censée se procurer par là, n'offrent réellement que des solutions de continuité, ce qui est dire en effet que ces lieux géométriques sont pour elle comme en attente et que nous ne pouvons qu'esquisser leur périmètre et non pas le créer nous-mêmes, comme le fait la nature pour ses productions, puisque nos coordonnées ne sont pas vives.<o:p></o:p>

Les mathématiciens parviennent bien, à la vérité, à trouver les produits de leurs coordonnées x et y. Mais ce ne sont jamais des produits circulaires, puisque les extrémités de x et y sont toujours liées par de petites lignes droites, tandis que, dans la nature des choses, x et y ne sont pas différents l'un de l'autre ; qu'ils portent chacun avec eux leur production qui se ressemble et qu'ils ont tous la même tendance et le même emploi, comme on le voit dans le cercle.<o:p></o:p>

Ainsi, les mathématiciens ont beau indiquer le lieu géométrique de leurs courbes, ce lieu géométrique ne paraît jamais réellement par ce qu'il ne peut pas être un rectangle, attendu qu'alors, la force aurait fléchi devant la résistance. Aussi, ce lieu géométrique doit-il être le fruit de la combinaison d'une autre puissance avec celle des abscisses et des ordonnées. La puissance des x et des y n'est que la force, l'autre est la résistance ; et vouloir les assimiler l'une à l'autre, ou les faire engendrer l'une sans l'autre, c'est vouloir absolument tout confondre.<o:p></o:p>

Il n'y aurait qu'un seul moyen de remplir cet intervalle et de voir disparaître les faces de ces petits rectangles avec lesquelles nous voulons composer nos lieux géométriques, ce serait d'admettre la vive activité du centre qui, à la fois stimulé et contenu par sa résistance, l'évite et s'y soumet sans cesse, agit perpétuellement et universellement, quoique dans la gêne, circule en s'engendrant et s'engendre en circulant et étend ainsi sa propre enceinte, en la remplissant sans interruption de toute la fécondité de ses rayons ou de ses coordonnées.<o:p></o:p>

C'est là ce terme naturel dont nous ne pouvons pas nier l'existence dans l'ordre des choses et si nos moyens bornés ne nous permettent pas d'y atteindre dans nos opérations géométriques, nous devrions, au moins, regarder les résultats qu'elles nous rendent, comme étant propres à nous mettre sur la voie, en nous retraçant, quoique imparfaitement, ce qui se passe dans la région vive d'où nous sommes exclus depuis la chute et dont nous voudrions si bien encore avoir l'air d'imiter les opérations.<o:p></o:p>

 

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

De la quadrature et des lunules d'Hippocrate de Chio<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

L'existence des êtres corporels, soit généraux, soit particuliers, n'est qu'une véritable quadrature universelle et continuelle, parce que la force ou la puissance des coordonnées ne peut fléchir dans aucun point et qu'elle ne laisse aucune ouverture à la résistance ou à la courbe. Ainsi, cette courbe ou cette résistance est toujours combinée et modelée sur cette force et elle n'occupe jamais que l'espace que celui-ci lui cède. Pour que le cercle ne fût que la limite d'un polygone inscrit ou circonscrit d'une infinité de côtés, il faudrait que la force ou la puissance ne fût pas égale, ce qui pourrait donner alors une infinité d'apothèmes ou de tangentes ; mais dans le cercle, la plénitude de la puissance s'oppose à ce principe.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Dans les courbes d'une autre nature que le cercle, cette plénitude de puissance s'y oppose encore : car elle peut varier ses mouvements dans quelques points, soit en s'étendant, soit en se repliant ; mais elle ne peut jamais faire de mouvements brusques et tranchés, ainsi elle ne s'étend ou se replie que par des progressions qui tiennent à son caractère essentiel et radical et dans lesquelles, par conséquent, elle ne laisse aucune ouverture à la résistance ou à la courbe. Je suis même entièrement de l'avis de ceux des géomètres qui, en dernier résultat, considèrent toutes les portions des courbes les plus bizarres et les plus composées, comme n'étant que des petites portions d'une infinité de différents cercles, combinées les unes avec les autres : car il est bien vrai que nous pouvons tout transposer, comme nous le faisons dans nos courbes ; mais non pas changer la nature des choses.<o:p></o:p>

Peut-être aussi qu'avec ce principe, il ne serait pas impossible de former une géométrie descriptive circulaire comme on en forme une angulaire par des lignes droites : du moins, ce n'est que par là que nous aurions le complément de ce qui nous manque encore en ce genre.<o:p></o:p>

Ce n'est que dans ce seul sens de la combinaison de la force avec la résistance qu'on peut avoir une véritable idée de la quadrature, puisqu'en effet c'est toujours la force ou les coordonnées, combinées avec la résistance qui indiquent et qui constituent les lieux géométriques ou la nature de la courbe ; ainsi la courbe elle-même n'est que l'expression de tous ces éléments et non pas seulement l'expression des coordonnées et elle contient réellement un espace égal à toutes les forces de x et y ; mais le rapport de la force à la résistance ne nous est pas plus connu pour cela, quoique nous soyons sûrs qu'il y en a un.<o:p></o:p>

Les géomètres sont donc mus par cette idée fondamentale de la quadrature universelle et continuelle, d'où résulte la nature, quand ils cherchent avec tant de soin les équations de leurs coordonnées, mais ils ne seraient pas conséquents, s'ils voulaient confondre la courbe avec la droite, ou la résistance avec la force, puisqu'elles ont, par nature, un caractère tout différent.<o:p></o:p>

Néanmoins, les géomètres, en prenant dans leurs quadratures apparentes la ligne droite pour base au lieu de la ligne courbe, rendant par là témoignage au principe que j'ai exposé sur la force et la résistance qui opèrent la quadrature universelle : car il est sûr que tout provient primitivement de la force ou de la puissance ; que c'est, à cette base, que tout se rapporte et que tout revient ; mais il est sûr aussi que nous ne savons comment ni selon quelle mesure et quel nombre ; que pour y parvenir, il nous faudrait recouvrer cette antique et fameuse clef qui nous ferait pénétrer jusqu'à leur centre et que tant que nous sommes privés de ce puissant moyen, nous sommes réduits à des connaissances très limitées et très précaires. Cette clef est le second membre ou l'équivalent de toutes les équations quelconques, que nous puissions essayer de former tant dans le calcul que dans la géométrie et en général dans toute la nature ; et prétendre obtenir un résultat exact, sans cette clef centrale, ce serait vouloir regarder comme complète une équation qui n'aurait qu'un membre.<o:p></o:p>

Les lunules d'Hippocrate nous démontrent bien, sans qu’il soit possible d'y opposer la moindre difficulté, qu'il y a une égalité incontestable entre l'espace contenu dans l'une de ces lunules et entre celui contenu dans le rectangle sur lequel elle s'appuie, le retranchement du segment leur enlevant à tous deux une portion égale ; mais cette certitude ne nous apprend point à sonder ce rapport d'égalité. Nous sentons bien là le pouvoir évident de la quadrature qui, comme nous l'avons dit, n'est que la combinaison complète des deux puissances, savoir :  de la force et de la résistance ; mais nous ne sommes pas plus avancés sur leurs éléments ; nous ne pouvons pas davantage les déterminer ni les évaluer : car, si nous le pouvions, il nous serait alors aussi facile pour atteindre à  nos quadratures, de prendre la courbe pour base, que de prendre la ligne droite, comme nous le faisons tous les jours. Or, nous n'avons la racine ni de l'une ni de l'autre et quoi que nous soyons convaincus de l'identité visible de leurs fruits, nous ne pourrions pas ramener ces fruits à la base particulière, ce qui est propre à chacun d'eux, mais diverse : voilà pourquoi nous ne pouvons jamais évaluer ces fruits en eux-mêmes et c'est pour cela que nous sommes réduits à n'exprimer que des rapports.<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Hippocrate de Chios :Armateur, il se serait rendu à Athènes afin de récupérer un de ses navires confisqué par la douane. Ayant rencontré les philosophes et mathématiciens de l'époque, il se serait alors converti aux mathématiques.<o:p></o:p>

Lunules d'Hippocrate <o:p></o:p>

Hippocrate est resté célèbre pour l'étude de l'aire de ses lunules (ou croissants), portions de plan (à droite en bleu clignotant...) limitées par deux arcs de cercle de rayons distincts à travers ses travaux tendant à réaliser la quadrature du cercle<o:p></o:p>

ABC désignant un triangle rectangle en A, on trace le demi-cercle de diamètre BC et les demi-cercles de diamètres AB et AC extérieurs au triangle. On pose a = BC, b = CA et c = AB.<o:p></o:p>

 

<v:shapetype coordsize="21600,21600" filled="f" id="_x0000_t75" o:preferrelative="t" o:spt="75" path="m@4@5l@4@11@9@11@9@5xe" stroked="f"><v:stroke joinstyle="miter"></v:stroke><v:formulas><v:f eqn="if lineDrawn pixelLineWidth 0"></v:f><v:f eqn="sum @0 1 0"></v:f><v:f eqn="sum 0 0 @1"></v:f><v:f eqn="prod @2 1 2"></v:f><v:f eqn="prod @3 21600 pixelWidth"></v:f><v:f eqn="prod @3 21600 pixelHeight"></v:f><v:f eqn="sum @0 0 1"></v:f><v:f eqn="prod @6 1 2"></v:f><v:f eqn="prod @7 21600 pixelWidth"></v:f><v:f eqn="sum @8 21600 0"></v:f><v:f eqn="prod @7 21600 pixelHeight"></v:f><v:f eqn="sum @10 21600 0"></v:f></v:formulas><v:path gradientshapeok="t" o:connecttype="rect" o:extrusionok="f"></v:path><o:lock aspectratio="t" v:ext="edit"></o:lock></v:shapetype>

<v:imagedata o:title="lunule" src="file:///C:DOCUME%7E1PROPRI%7E1.NOMLOCALS%7E1Tempmsohtml1%EF%BF%BD1clip_image001.gif"></v:imagedata><o:lock cropping="t" v:ext="edit"></o:lock><w:wrap type="square"></w:wrap>

<v:shape alt="" id="_x0000_s1026" o:allowoverlap="f" style="margin-top: -77pt; z-index: 1; margin-left: -7.5pt; width: 123.75pt; position: absolute; height: 76.5pt; text-align: center;" type="#_x0000_t75"></v:shape>

:
 

<v:shape alt="" id="_x0000_i1027" style="WIDTH: 27.75pt; HEIGHT: 12.75pt" type="#_x0000_t75"><v:imagedata o:href="http://serge.mehl.free.fr/cgif/exo.gif" src="file:///C:DOCUME%7E1PROPRI%7E1.NOMLOCALS%7E1Tempmsohtml1%EF%BF%BD1clip_image002.gif"></v:imagedata></v:shape>   Prouver que :<o:p></o:p>

<v:shape alt="" id="_x0000_i1028" style="WIDTH: 152.25pt; HEIGHT: 42pt" type="#_x0000_t75"><v:imagedata o:href="http://serge.mehl.free.fr/chrono/chrono_gif/Hippoc6.gif" src="file:///C:DOCUME%7E1PROPRI%7E1.NOMLOCALS%7E1Tempmsohtml1%EF%BF%BD1clip_image003.gif"></v:imagedata></v:shape>
Indications : l'aire d'un disque de diamètre d est
pd2/4. L'aire coloriée en rouge est (pa2/4)÷2 - bc/2...
<o:p></o:p>

Finalement : <v:shape alt="" id="_x0000_i1029" style="WIDTH: 38.25pt; HEIGHT: 33.75pt" type="#_x0000_t75"><v:imagedata o:href="http://serge.mehl.free.fr/chrono/chrono_gif/Hippoc7.gif" src="file:///C:DOCUME%7E1PROPRI%7E1.NOMLOCALS%7E1Tempmsohtml1%EF%BF%BD1clip_image004.gif"></v:imagedata></v:shape><o:p></o:p>

La somme des aires des lunules est donc égale à l'aire du triangle rectangle sous-jacent<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

 Considérons un cercle de diamètre [AB], et un autre arc de cercle ayant A et B pour extrémité. La surface du demi-disque privé de l'arc précédemment tracé s'appelle une lunule. <o:p></o:p>

 

<v:shape alt="" id="_x0000_i1025" style="WIDTH: 139.5pt; HEIGHT: 80.25pt" type="#_x0000_t75"><v:imagedata o:href="http://www.bibmath.net/dico/l/images/lunule1.png" src="file:///C:DOCUME%7E1PROPRI%7E1.NOMLOCALS%7E1Tempmsohtml1%EF%BF%BD1clip_image005.png"></v:imagedata></v:shape><o:p></o:p>

  Trois lunules particulières découvertes par Hippocrate au 5ième siècle avant notre ère ont une importance particulière. Détaillons la première. On considère un triangle ABC rectangle isocèle en C, et on considère son demi-cercle circonscrit.

<o:p></o:p>

 

<v:shape alt="" id="_x0000_i1026" style="WIDTH: 135.75pt; HEIGHT: 75pt" type="#_x0000_t75"><v:imagedata o:href="http://www.bibmath.net/dico/l/images/lunule2.png" src="file:///C:DOCUME%7E1PROPRI%7E1.NOMLOCALS%7E1Tempmsohtml1%EF%BF%BD1clip_image007.png"></v:imagedata></v:shape><o:p></o:p>

Les segments [AC] et [BC] définissent chacun deux "segments de cercle", hachurés en rouge sur la figure ci-dessus. Notons S1 l'aire d'un de ces segments de cercle. Chacun de ces segments de cercle est semblable à la surface tracée en vert, le rapport de similitude valant AB/AC. Notons S2 l'aire de cette surface. On a S2=(AB)2/(AC)2S1. Soit la lunule jaune, et notons S son aire. S vaut l'aire du demi-cercle moins S2. D'autre part, l'aire du triangle ABC vaut l'aire du demi-cercle moins 2 fois S1. Mais, on a avec le théorème de Pythagore :

<o:p></o:p>

2S1=(AC)2/(AB)2S2+(BC)2/(AB)2S2=S2.<o:p></o:p>

Ceci démontre que la lunule et le triangle ABC ont la même aire! Cet exemple est très important, car c'est la première fois dans l'histoire des mathématiques qu'on a réussi à quarrer des figures non rectilignes, c'est-à-dire à trouver leur aire. <o:p></o:p>

  Hippocrate réussit la même prouesse avec deux autres lunules. Son espoir était de réussir la même chose pour un cercle, ce qui hélas est impossible!<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

 

De la géométrie transcendante<o:p></o:p>

<o:p> </o:p><o:p></o:p>

Il y en a qui ont dit que la métaphysique était les mathématiques de Dieu et de la vérité ; que les mathématiques dont les hommes s'occupent, étaient la métaphysique de la nature et que la géométrie transcendante était la métaphysique des mathématiques : or, on sait que la théorie générale des courbes, des figures qu'elles terminent et de leurs propriétés constitue proprement ce qu'on appelle la haute géométrie ou la géométrie transcendante.<o:p></o:p>

Il faut, cependant, faire attention ici que l'on ne trace point de courbe, qu'on n'ait auparavant tracé son axe qui est toujours une ligne droite ; il faut savoir que sur cet axe on trace les ordonnées qui sont aussi toujours des lignes droites ; il faut savoir que c'est de là seulement que l'on tire l'équation de la courbe ; il faut savoir que, pour décrire une courbe, par le moyen de son équation, il faut résoudre une équation à deux variables, c'est-à-dire se donner la valeur de l'une pour trouver celle de l'autre qui lui est relative.<o:p></o:p>

Ainsi, les géomètres conviennent par là qu'ils ont besoin de connaître la ligne droite avant de déterminer leurs courbes. Ajoutons que c'est en ramenant leurs courbes à la ligne droite, qu'ils parviennent à les rectifier et à les carrer. La ligne droite est donc le principe et la fin de toute la géométrie.<o:p></o:p>

D'après cela, j'oserai avancer une idée qui paraîtra bizarre, mais qui, peut-être, n'en sera pas moins vraie ; c'est que la géométrie des lignes droites est la véritable géométrie transcendante, puisqu'elle est la génératrice de la géométrie des courbes ; en outre, cette géométrie des lignes droites est plus centrale, plus interne et plus réellement cachée à nos connaissances que la géométrie des courbes, puisqu'elle n'agit que dans le cercle ou l'enveloppe des choses, tandis que la géométrie des courbes n'agit qu'à leur surface et n'en compose que la circonférence et le périmètre.<o:p></o:p>

Mais les géomètres, en entrant ainsi dans les courbes ou dans le cercle, sans connaître la géométrie transcendante des lignes droites dont elles dérivent, y entrent comme des usurpateurs et des despotes. Ils s'y emparent d'un bien (ou de ces lignes droites), dont ils ne connaissent pas la valeur ; ils lui en assignent une ou ils admettent celle que l'on leur donne et, en se livrant ainsi à l'arbitraire, ils font comme les conquérants barbares qui gaspillent les trésors qui leur tombent sous la main et ne savent pas les employer à leur véritable usage. Enfin, ils entrent dans le temple scientifique de la nature, non pas par la porte, mais par la fenêtre, comme des voleurs qui ensuite font la loi à tous ceux qui n’ont ni la force ni l'adresse de se défendre.<o:p></o:p>

La géométrie des lignes droites est si transcendante qu'il faut remonter jusqu'à l'unité universelle pour en découvrir l'origine.<o:p></o:p>

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De l'application des mathématiques aux diverses sciences<o:p></o:p>

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Nous voyons tous les jours que les mathématiciens s'efforcent d'appliquer leur superbe science à toutes les autres sciences qui n'en sont, pour ainsi dire, que des parties telles que les mathématiques mixtes, la physique, l'astronomie, la mécanique, la dynamique, l'hydrostatique, etc. ; quelques-uns même ont voulu en faire l'application à la médecine, aux probabilités, au hasard, etc.<o:p></o:p>

Que nous prouvent-ils par là ? Qu'il y a réellement une mathématique et une arithmétique universelles qui accompagnent toutes les lois et toutes les opérations des êtres ; mais qu'ils ne peuvent arriver à ce haut terme, parce que chacune de ces diverses sciences est une action ou une production vive et qu'ils ne marchent que par les connaissances spéculatives générales des principes universels, si toutefois il n'est pas encore plus vrai, qu'ils ne marchent que par l'extérieur et la surface de ces principes, comme nous l'avons déjà vu.<o:p></o:p>

Ce ne serait pas même assez pour connaître les différentes lois des êtres, de connaître, en grand, les principes généraux de la nature, il faudrait savoir, en outre, les voies particulières par lesquelles ces principes généraux opèrent et se modifient dans leurs diverses opérations naturelles.<o:p></o:p>

Sans doute, ce n'est pas une raison que les mathématiques sont au premier rang parmi les sciences remises aux hommes, puisque toutes les autres sciences ne sont, pour ainsi dire, qu'autant de sujets sur lesquels ces mathématiques peuvent s'appliquer.<o:p></o:p>

Mais, indépendamment de ce qu'il faudrait posséder ces principes généraux eux-mêmes, il faudrait encore les suivre dans leurs diverses progressions et dans leurs divers caractères et ne pas vouloir subordonner ces principes généraux à une seule forme, que nous ne pouvons même leur faire atteindre alors que par des tâtonnements et des approximations et qui ne peuvent rendre autre chose à l'homme ; dès qu'il ne sait pas les suivre dans leur esprit de vie partiel. C'est comme si l'on voulait diriger, composer et expliquer les différents sucs des plantes par la seule connaissance générale de l'eau élémentaire et par les manipulations de notre industrie, à quelque degré que l'analyse chimique nous fît arriver dans la science de cet élément. Aussi, disent-ils que l'application de la géométrie est plus difficile que la géométrie même.<o:p></o:p>

Quoique les mathématiciens soient peu disposés à croire ce que je vais leur dire, il n'en est pas moins vrai que, pour sortir de l'embarras où ils se trouvent, il faudrait qu'ils en vinssent à nombrer les valeurs intégrales des choses, au lieu de compter seulement leurs dimensions et leurs propriétés externes ; ce qui est dans le vrai leur occupation universelle et c'est parce qu'ils se tiennent bien loin de cette espèce de numération (tout en calculant jour et nuit comme ils le font), qu'ils sont obligés de se retourner de tant de manières et de revenir ou à des suppositions ou à de véritables destructions.<o:p></o:p>

Ainsi, l'obstacle réel qui s'oppose à leurs progrès et à leurs succès dans ce genre, tient à ce qu'en effet ils ne possèdent pas les principes généraux et fondamentaux des mathématiques et du calcul ; ils ont observé les lois externes écrites sur les surfaces des corps, sur les effets ostensibles du mouvement, sur la marche extérieure de la numération ; ils ont ramassé tous ces faits qui sont vrais, mais qui ne sont que des résultats et ils en ont fait des principes.<o:p></o:p>

Or, quoique ce soient effectivement des principes, ce ne sont cependant que des principes secondaires en comparaison des lois fondamentales et actives des choses.<o:p></o:p>

Quand, ensuite, ils ont voulu entrer dans le sanctuaire des diverses parties de la nature et qu'ils ont voulu le pénétrer, l'évaluer, le gouverner avec ces principes secondaires, ils ne pouvaient remplir qu'imparfaitement leur objet, puisqu'ils ne se présentaient à cette entreprise qu'avec des moyens inférieurs et insuffisants.<o:p></o:p>

Tel est l'état fragile et précaire des mathématiques usuelles, pour ne pas dire celui de toutes les sciences humaines. On peut se confirmer dans cette opinion, en voyant combien elles se tiennent universellement à la surface des choses : car, c'est une loi irréfragable et sans réplique, que l'on ne peut ouvrir que les espèces de trésors dont on a la clef et malgré les efforts continuels et nombreux que font les mathématiciens pour percer plus avant, il est clair que cela leur est interdit, tant qu'ils ne se procureront pas des clefs plus actives et plus centrales ; ils seront sans cesse aux prises avec leur impuissance et jamais toutes les ressources de leur industrie ne suppléeront à cet instrument efficace auquel ils ne croient pas et dont ils se privent eux-mêmes en appliquant exclusivement leur superbe science à des objets inférieurs, pendant qu'elle aurait pu aussi leur ouvrir l'accès dans les régions les plus sublimes.<o:p></o:p>

 

Des fractions et des infinis<o:p></o:p>

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Il n'y a point de fractions dans les puissances de la nature ; il n'y en a point non plus dans leurs produits. Ainsi, les entiers que nous employons et admettons dans notre numération, ne représentent autre chose que la limite et le dernier terme du développement de ces puissances qui se fait toujours complet à chaque degré que nous appelons intermédiaire ou fractionnaire, mais qui peut se faire là des degrés infinis, comme infiniment variés. Aussi peut-on dire qu'il n'y a réellement pas plus de fractions dans notre numération usuelle, qu'il n'y en a dans les puissances de la nature ; car, chacun de nos entiers n'étant qu'une somme de valeurs infinies, chaque fraction que vous en voudrez extraire n'en sera pas moins une valeur véritable ou un entier, selon sa classe.<o:p></o:p>

Si l'on voulait donc faire le procès aux mathématiciens, au sujet de leurs infinis, ce ne devrait point être de ce qu'ils en auraient admis de plusieurs ordres, parce qu'il est vrai que les puissances de la nature peuvent être infinies et infiniment variées dans leur développement ; mais ce serait de ce que, ne connaissant que la seule espèce d'entiers compris dans notre numération et ne possédant point la clef des entiers fractionnaires, leur esprit s'est trouvé en combat avec leur science et qu'ainsi, d'un côté, ils ont voulu avoir comme infini, ce qu'ils ne pouvaient avoir que limité et de l'autre, ils étaient forcés de ne voir que comme limité, ce qu'ils avaient besoin d'avoir comme infini.<o:p></o:p>

Oui, chacun de nos nombres entiers et même chacun de tous les nombres fractionnaires que nous puissions imaginer dans notre numération, n'est que comme le dernier terme de maturité d'un fruit, lequel fruit a passé auparavant par tous les degrés de la croissance et de la végétation, par lesquels il a reçu progressivement toutes les valeurs et toutes les virtualités appartenant à son espèce ; c'est enfin comme la surface et l'enveloppe de ce même fruit, laquelle contient et renferme en soi toutes les propriétés et les sucs naturels de son ordre ; ils sont tous très complets et très déterminés, selon leur classe, quoique très incalculables pour nous, et ils sont non seulement un infini particulier dans leur ordre, relativement à l'infini renfermé dans un fruit d'une autre espèce, mais même relativement à l'infini d'un fruit de la même espèce et appartenant au même arbre parce que c'est une chose constante et avérée que tout est différent dans les productions et qu'il n'y en a pas deux qui soient égales.<o:p></o:p>

Hélas ! Si les infinis n'étaient pas des entiers et qu'ils fussent simplement fractionnaires, l'homme primitif et sa postérité n'eussent pas été sujets à tant d'illusions. C'est parce que toutes les puissances sont des entiers, qu'elles nous absorbent chacune complètement, selon leur espèce.<o:p></o:p>

 

Des différents objets de la numération<o:p></o:p>

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Dans les mathématiques connues, la numération n'a pour objet que des agrégats et des dissections ; aussi ne fait-elle que des assemblages et des retranchements ou bien des additions et des soustractions ; enfin, ce n'est, pour ainsi dire, qu’un démembrement continuel et comparatif, aussi voit-on qu'elle n'étend pas son règne au-delà des êtres non organisés.<o:p></o:p>

Mais s'il y a une numération pour les êtres non organisés, il faut bien qu'il y en ait une pour les être organisés, car nous nous sentons un besoin vif de tout compter.<o:p></o:p>

Cette numération doit alors avoir un caractère différent de celui de la numération précédente ; il faut qu'elle agisse par des élévations de puissance ou de véritables multiplications et par des extractions de racines qui soient des divisions réelles et plus instructives que ne le sont les divisions et extractions de racines des mathématiques ordinaires.<o:p></o:p>

Il faut que, dans cet ordre de choses, les valeurs étant actives et se trouvant auprès les unes des autres, il en provienne des résultats plus positifs, plus vivaces et plus réguliers que ne le sont les résultats de nos numérations d'agrégats ; et en même temps les lois en doivent être plus simples, car c'est une vérité certaine que la grandeur des résultats est en raison directe de la simplicité des moyens.<o:p></o:p>

En effet, que l'on mette en regard, d'un côté, le peu de fruit des mathématiques ordinaires ; et l'immense complication de leurs formules et de leurs théorèmes ; et de l'autre, l'abondante magnificence des êtres organisés et le petit nombre d'éléments qui leur servent de base et de mobile et l'on verra quelle idée l'on doit concevoir de la numération qui a pour objet les êtres organisés.<o:p></o:p>

L'algèbre a conservé quelque trace de la virtualité des éléments de cette numération, en ce que, dans cette algèbre, les valeurs ou les lettres qui les représentent ne peuvent pas être placées les unes à côté des autres sans se multiplier, comme le font les puissances de la nature ; elle a conservé aussi quelques indices du mode de cette multiplication dans ce signe X, qui exprime un croisement de puissances ou l'union et l'équilibre entre la force et la résistance. Enfin, elle porte un indice frappant de ses rapports avec cette précieuse clef qui nous fut confiée et que nous n'avons plus. Cet indice se trouve dans le s éléments matériels de l'algèbre, qui sont les coefficients, les signes, les lettres et les exposants ; éléments qui sont essentiellement constitutifs et qui sont tellement indivis que jamais un seul d'entre eux ne peut marcher sans toutes les autres, ou bien, il n'exprimerait rien ; tandis qu'il y a, pour cette science algébrique, plusieurs autres éléments secondaires qui n'ont que des emplois accidentels.<o:p></o:p>

Enfin, s'il y a une numération pour les êtres non organisés et une pour les êtres organisés, il faut qu'il y en ait une pour les êtres organisants ; et celle-là est sans doute encore plus vive et plus simple que les deux autres, car elle doit être de nature à ne pouvoir se faire connaître que par l'action même.<o:p></o:p>

Ce sont toutes ces réflexions qui m'ont engagé à dire précédemment que les mathématiciens auraient besoin de nombrer les valeurs radicales des choses, au lieu de compter seulement leurs dimensions externes. Et cependant, non seulement ce n'est pas à moi à leur enseigner la science des nombres, mais je ne me proposerais pas même de leur en donner une définition ; car, le plus grand préjudice que la vérité reçoive par la main des hommes, ce sont les définitions qui le lui ont occasionné, parce que, dans nos langues et dans les conceptions rétrécies, soit de celui qui écoute la définition, soit de celui qui la donne, elle n'embrasse qu’un point de l'objet et que bientôt, une autre définition embrassant un autre point, va nécessairement porter la confusion là où on attendait la lumière.<o:p></o:p>

Un fleuve parcourt nombre de contrées, des plaines, des vallons, des bois, des champs, des lieux arides, des pays fertiles. Qu'un habitant de chacune de ces contrées me peigne le fleuve dans le lieu où il passe devant lui, chacune de ces peintures sera vraie et cependant, elles se contrediront de manière qu'il me faudra les oublier toutes, ou les fondre ensemble, pour avoir une juste idée du fleuve.<o:p></o:p>

On pourrait trouver le même défaut dans ce que les hommes appellent une explication ; car expliquer n'est pas démontrer : souvent même l'explication est la mort de la démonstration. Aussi les savants veulent tout nous expliquer et c'est peut-être par cette raison-là qu'ils nous démontrent si peu de chose.<o:p></o:p>

C'est surtout dans les nombres où le danger des définitions paraît renfermer le plus d'inconvénients ; aussi, nous n'en ferons aucune et on ne doit les peindre que par des images, quand on ne peut pas les peindre par leurs lois et par leurs faits ; car il ne faut pas confondre une image avec une définition. Si l'image est juste, elle représente l'objet aussi complètement que l'esprit peut le désirer, au lieu que la définition la plus parfaite ne peut manquer de le réduire, pour ne pas dire de l'estropier.<o:p></o:p>

Enfin, les nombres ne sont que la traduction des vérités et des lois, dont le texte est dans Dieu, dans l'homme et dans la nature. Or, une traduction ne se définit ou ne s'explique et ne se prouve que par son texte même. II faut donc, en fait de nombres, commencer par s'instruire à fond de ce qui est contenu dans le texte, si l'on veut avoir le vrai sens de la traduction et pour pouvoir se garder des fautes que les hommes ou les traducteurs ont pu faire et font tous les jours dans leurs versions.<o:p></o:p>

Mais aussi nous sentons que si nous prenions bien soigneusement l'utile précaution d'étudier ces textes, nous ne pouvons plus limiter ce que nous aurions à attendre des nombres ou de ce qui n'est en effet que la vivante et active traduction de ces textes.<o:p></o:p>

C'est pour cela que, quand on se réduit à les considérer bien paisiblement, bien respectueusement et en les mettant sans cesse en aspect de leur texte correspondant, ou en les asseyant sur leur base, on ne peut plus borner les clartés qu'ils pourraient nous rendre sur tous les objets quelconques de nos spéculations et personne ne pourrait dire où ces nombres s'arrêteraient pour nous, puisqu'ils sont vivants.<o:p></o:p>

Cela suffira pour faire pressentir aux mathématiciens la différence de ces nombres vifs à ceux qui sont les seuls guides des sciences humaines, où même encore, on n'emploie les nombres morts que sur des objets morts, ou sur l'écorce et les simples lois externes des choses physiques. Je ne sais pas même comment, dans la simple région des choses physiques, les hommes n'ont pas présumé qu'il leur fût possible d'aller plus loin qu'ils ne vont avec la numération, tandis qu'ils ont fait successivement différentes découvertes en ce genre, qui sembleraient autoriser leurs espérances.<o:p></o:p>

En effet, l'arithmétique simple a déjà un avantage considérable sur la numération matérielle ; l'algèbre en a encore plus sur l'arithmétique simple et le calcul différentiel et intégral en a sur l'algèbre. Comment donc ne sentirait-on pas que la région vive et active des choses physiques pourrait avoir un calcul qui lui fût propre et qui nous approchât autant de la vérité dans cet ordre-là que le calcul vulgaire nous en approche dans l'ordre externe ?<o:p></o:p>

Si nous montons plus haut que le physique matériel, il n'est pas douteux que le calcul montera aussi avec nous, pour nous guider dans ces sublimes régions ; mais nous remarquerons là, comme dans les autres régions que, plus nous nous élevons, plus le calcul devient simple, de façon que nous pourrions peut-être arriver jusqu'à un terme où le calcul et les choses fussent tellement unis que nous ne pussions pas les séparer, c'est-à-dire, jusqu'à un terme où les nombres ne fussent plus que les choses en activité et où les choses ne fussent plus que les nombres en expression.<o:p></o:p>

C'est alors que nous serions à couvert de l'erreur car, au lieu d'étudier les choses, nous n'aurions plus qu'à les regarder et au lieu de calculer les nombres, nous n'aurions plus qu'à peindre et recueillir leurs éternelles et invariables formules. Et je ne crains point de tromper l'homme, en lui disant que telle a été et telle est encore sa destination. Car enfin, les nombres ne peuvent manquer de nous montrer leurs racines dans leurs produits, puisqu'elles en sont inséparables.<o:p></o:p>

Fin du tome premier.<o:p></o:p>

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