Notre époque est celle des incertitudes sur nombre de sujets et nous sommes de plus en plus à percevoir que nos sociétés progressistes sonnent le glas quant au promesses qui furent les leurs. Nous assistons à une danse macabre en laquelle telles des
SOGYAL Rimpoché
Rencontre autour de son Livre Tibétain de la Vie et de la Mort
Comment comprendre le sens véritable de l'existence, comment accepter la mort,
comment aider les mourants et les morts, tels sont les thèmes sur lesquels Sogyal Rimpoché met l'accent.
La mort fait partie du cours naturel de la vie et, tôt ou tard, nous devrons l'affronter.
En tant que bouddhiste, j'envisage la mort comme un processus normal, une réalité que j'accepte.
Sachant que je ne peux y échapper, je ne vois aucune raison de m'inquiéter à son sujet.
Cependant la mort est imprévisible. Il semble donc raisonnable de prendre certaines précautions.
Extraits de l'avant-propos par le Dalaï Lama
De la pratique spirituelle
F. Vous passez une grande partie de votre temps à l'enseignement ?
S. L'enseignement est une pratique (spirituelle), j'enseigne avec dévotion, peut-être même avec compassion et avec la compréhension de la nature de l'esprit.
Quand je le fais avec inspiration, j'en bénéficie aussi, et c'est une source de purification pour ceux qui m'écoutent mais aussi pour moi-même.
F. Quand je travaille sur ce journal, sur des textes de spiritualité, je ressens comme une forme de pratique (spirituelle).
S. C'est tout à fait cela.
Comme l'a dit le Dalaï-Lama: "La meilleure manière d'apprendre est d'enseigner". Je suis très reconnaissant d'avoir la possibilité d'enseigner. Cependant j'envisage de prendre une année de retraite spirituelle.
Un lama du XXIe siècle
F. Etes-vous d'une nouvelle génération de lamas,
peut-être le lama du 21ème siècle?
S. Peut-être, effectivement. Je sens que je suis venu dans le monde à ce moment particulier pour une certaine raison. J'ai été élevé dans une certaine tradition , une longue tradition d'enseignement, à une époque où le Tibet est confronté à des transitions majeures. Nous sommes devenus réfugiés, certains sont venus en Occident, en exil.
J'ai l'impression que ma vie est comme une traduction de l'enseignement. Comme ma propre vie s'est élevée à la lumière de ces changements, je n'ai pas eu besoin de faire de changements, ils me sont apparus et les circonstances ont mené mes pas.
Toute l'expérience que j'ai acquise sert le but de communiquer.
Comme l'a dit le Dalaï-Lama: "Le futur du Bouddhisme va peut-être venir de l'Ouest".
Je vois comment l'enseignement, qui est en soi universel, trouve une bonne application à l'Ouest et je suis un peu comme un pont.
Du "Karma des Tibétains"
F. Le Dalaï-Lama a suggéré: " Le karma des Tibétains est peut-être d'être temporairement expulsés de leur pays pour pouvoir présenter le Bouddhisme Tibétain à travers le monde."
S. On peut effectivement dire que cela est l'aspect positif de la tragédie. A cause de cette tragédie, les enseignements qui étaient confinés autour de l'Himalaya sont maintenant accessibles au monde entier. Mais il faut se souvenir, tous ceux qui reçoivent ces enseignements doivent se souvenir de la tragédie dont souffre le Tibet qui est la source de cette sagesse et qui ne doit pas tarir.
La question du Tibet n'est pas seulement historique ou politique mais beaucoup plus globale.
J'ai préparé ce livre pendant dix ans. C'est le premier de toute une série. Il y a un large public réceptif.
J'ai l'impression d'être un instrument du bouddhisme et de mes maîtres. Je leur en suis très reconnaissant. Maintenant j'ai une voix qui me permettra d'évoquer les questions les plus importantes, encore plus profondes et spirituelles.
Principal message du livre
S. Je voudrais inspirer une révolution dans la manière dont nous regardons la mort et les soins aux mourants, la vie et les soins aux vivants. Egalement aider les gens à aborder la dimension spirituelle, trouver le bonheur, un sens à la vie et un certain espoir dans la mort.
Et leur montrer que la mort n'est pas une tragédie à redouter mais une extraordinaire opportunité de transformation. Et pour les mourants, une façon de voir la mort d'une manière plus inspirante et les aider à réaliser que souffrir est un processus naturel de purification, les aider à dissoudre ressentiment et amertume causés par leurs souffrances.
Comment donner à la mort un but, la transformer en un acte de compassion.
Et aussi pour ceux qui soignent, docteurs et infirmières et la famille, il y a d'énormes ressources d'amour et de compas-sion qu'il est essentiel de donner aux mourants, ainsi qu'une atmosphère, un environnement plus spirituels.
Et finalement aider à vivre dans ce monde avec plus de sagesse et de compassion.
J'espère avoir présenté dans ce livre un certain nombre d'outils.
Etudier la mort pour comprendre la vie
S. La mort est comme un miroir dans lequel se reflètent les deux significations de la vie. La mort n'est pas qu'une fin amère, un échec. Si on la regarde vraiment en face, derrière la peur de la mort, on trouve la peur de se regarder soi-même.
Faire face à la mort enrichit la vie, lui donne son vrai sens, donne les clefs pour comprendre la vie. Face à la mort, à qui fait-on face? A soi-même. C'est le moment de vérité. Plus on est en accord avec la vie, plus on arrive accompli au moment de la mort. De différentes manières, la mort nous enseigne le sens de la vie.
La vraie compréhension de la vie et de son sens, nous donne des outils pour mieux comprendre la mort.
Il existe comme un tabou que l'on attache à la mort, qui nous empêche de voir plus loin et qui encourage l'ignorance.
De la pratique d'un rituel
S. J'ai le plus profond respect pour le rituel traditionnel tibétain, mais si vous ne le comprenez pas, cela peut avoir des effets perturbants. Je préfère enseigner les racines de l'arbre avant ses branches. Les étudiants viennent aux pratiques au moment qu'ils choisissent.
Cela doit être fait avec attention et compréhension.
Le rituel dans la vie, c'est une manière de faire.
Mais tout est un rituel, lorsque je bois le thé, ou prends un repas, c'est un rituel.
Un rituel, c'est donner une expression spirituelle aux faits de tous les jours.
Celui qui pratique, doit comprendre le vrai sens derrière le rituel, et si c'est fait avec grâce alors, par exemple un mouvement pourra avoir plus de grâce, parce que c'est cohérent. Je pense donc que c'est important.
Le danger est d'être ritualiste.
Si on ne cherche pas le sens profond, on est mécanique, il y a un danger.(.)
Vers un nouveau système
F. Notre système de société, basé sur l'économie, ne donne plus de satisfaction.
S. Je pense qu'il doit y avoir un changement dans les curs.
Regardez le monde, il semble avoir besoin de quelque chose comme une éducation spirituelle, très important l'éducation, parce que tous les maux, violences, drogues, viennent d'un climat particulier, qui est le résultat de négligences.
Nous sommes trop spécialisés dans certains domaines et cela nous subjugue, comme les technologies qui nous font oublier le côté humain. Nous avons tellement de grands esprits, ces intelligences pourraient être utilisées pour de bonnes raisons, utilement. C'est de là que viennent les souffrances, parce qu'il y a un manque d'attention, d'amour dans la société. Et c'est pourquoi nous devons repenser tout cela et nous avons besoin de sagesse et compassion.
C'est l' extraordinaire contribution du message du Dalaï-Lama qui enseigne la compassion.
Si la compassion pouvait être le coeurdu système dans le monde, elle pourrait prendre des aspects très pratiques et devenir action. Notre vision est trop limitée, il faut chercher les racines des problèmes.
De la beauté et des Arts
F. La Beauté et les Arts peuvent-ils contribuer à l'éveil spirituel?
S. Je le pense, cela peut-être une source d'inspiration pour ouvrir les yeux.
Les Arts peuvent toucher profondément.
Les sens sont très importants, si on peut les utiliser pas seulement sous la forme de sensualité, qui peut mener aux plus grandes formes de dégradations, mais on peut élever la sérénité par la beauté, par exemple, dans un très beau jardin, devant une belle montagne.
Ces choses peuvent vous toucher, créer un climat d'éveil. Les artistes participent à encourager l'éveil, ils ont aussi des responsabilités.
Entretien avec Sogyal Rimpoché
autour de son livre: Le livre Tibétain de la Vie et de la Mort Editions de La Table Ronde Entretien recueilli et traduit de l'anglais par F.Mantel,
à Lerab-Ling en 1995
Informations pratiques
Rigpa est le nom donné par Sogyal Rimpoché au réseau de centres et de groupes d'étudiants qui, de par le monde, suivents les enseignements et la pratique du Dzochen sous sa direction spirituelle.
En France: Rigpa, 22, rue Burq 75018 Paris Tel: (1) 42 54 53 25
Lerab-Ling, L'Engayresque, 34650 Roqueronde Tel: 04 67 44 41 99
(environ à 1h de Montpellier)