• FULCANELLI ENFIN REVELE



    L'énigme de l'alchimiste inconnu, désormais résolue

    Par Patrick Rivière



    Après plus de quinze années de réflexion, nous nous sommes enfin décidé à révéler la véritable identité de l'énigmatique FULCANELLI. Qui était le magistral auteur du Mystère des Cathédrales et des Demeures Philolosophales, dont la portée demeure considérable encore de nos jours, à l'orée du XXIème siècle

    FULCANELLI a légué dans son oeuvre, outre un enseignement inégalé en matière d'Alchimie et de Symbolisme Hermétique, de précieux éléments permettant de cerner sa véritable personnalité et d'établir ainsi avec certitude son identité patronymique.



    Suivant le fil conducteur habilement laissé aussi par Eugène Canseliet qui était l'unique disciple de FULCANELLI, nous nous sommes livré ici à une véritable enquête qui nous amené à nous pencher sur le milieu alchimique mais aussi scientifique des années 1880-1920. Il apparaît ainsi peu à peu clairement que celui qui se dissimulait derrière le pseudonyme de FULCANELLI, était également un membre prestigieux de l'Institut. En effet, ses divers mémoires et communications retenus par l'Académie des Sciences furent légion. Il est donc nullement étonnant qu'il ait fréquenté, suivant le propre témoignage d'Eugène Canseliet, des savants de son époque, tels le vieux Chevreul, Marcellin Berthelot ou bien encore Pierre Curie, mais aussi des hommes politiques très en vue, qu'il rencontrait chez son ami Ferdinand de Lesseps, l'homme à l'origine du fameux Canal de Suez !

    Cette minutieuse enquête fait revivre les moments intenses et les passionnantes découvertes qui jalonnèrent la vie du grand alchimiste dont le pseudonyme de FULCANELLI signifiant le Feu du Soleil, était parfaitement approprié. Celui-ci désignait en effet tout aussi bien ses préoccupations hermétiques que ses recherches d'ordre scientifique, qui lui valurent d'accéder à double titre à ... l'immortalité !



    Son élève et disciple Eugène Canseliet s'est efforcé de placer le lecteur sur la piste en laissant derrière lui de nombreux indices permettant de découvrir la réelle identité du Maître qui se profilait derrière le pseudonyme de FULCANELLI.

    A qui n'a-t-on pas attribué la véritable identité de FULCANELLI, dans l'entourage d'Eugène Canseliet ? Après avoir prétendu, par commencer, qu'il s'agissait de lui-même, ainsi que le pensait Paul le Cour, l'éminent fondateur d'Atlanta, les auteurs Jules Boucher, Robert Ambelain, Robert Amadou et plus récemment Geneviève Dubois (1) n'hésitèrent pas à proclamer haut et fort qu'il ne pouvait s'agir que du peintre Jean-Julien Champagne, à moins que ce ne fut R. Schwaller de Lubicz que fréquentait ce dernier, ou bien encore le célèbre écrivain Rosny-Aîné, auteur de la Guerre du Feu, ou peut-être l'érudit Pierre Dujols dont la librairie parisienne accueillait les hermétistes de l'époque.



    Selon Richard Khaitzine (2) , FULCANELLI n'était autre que le Dr Jobert qui, passionné d'Alchimie, aurait réalisé en public, en 1905, une authentique transmutation en or.

    Il faut savoir en outre, que Pierre Pelvet, dans une thèse de doctorat intitulée "L'Alchimie en France dans la première moitié du XX' siècle", identifiait FULCANELLI à F. Jollivet-Castelot, alors président de la "Société Hyperchimique de France. Quant à l'écrivain Jacques Bergier, il affirmait avoir rencontré un alchimiste qui n'était autre que FULCAGNELLI (in "Le Matin des Magiciens") et prétendait qu'il s'agissait de R.Schawaller de Lubicz

    Dans un récent ouvrage, un jeune auteur, Frédéric Courjeaud (3) est allé jusqu'à prétendre que FULCANELLI n'était autre que le célèbre astronome Camille Flammarion. Mais, en réalité, il n' en est rien, la vérité étant bien différente ainsi que nous allons le découvrir.

    - LE "BLASON" DU MAITRE



    Dans notre livre L'Alchimie : Science & Mystique (éd. De Vecchi, Paris), nous avions déjà examiné en son temps, 1"'écu final" qui clôt Le Mystère des Cathédrales et dont l'anagramme - à une lettre près - désigne F-U-L-C-A-N-E-L(L)-I !

    Eugène Canseliet en fournit ainsi la lecture héraldique :

    Sur champ de gueules, cette céréale /un épi de blé/ surmontant l'hippocampe, tous deux d'or et issant de champagne (4) de même.

    selon Robert Ambelain (in La Tour Saint-Jacques), la devise "Uber Campa Agna "aurait tout simplement désigné le peintre Champagne dont le prénom, pour la circonstance, aurait été emprunté à son père : Hubert; ce prénom figurant après ceux de Jean-Julien sur l'acte officiel de décès de l'artiste et sa soeur l'utilisant dans une lettre adressée à R. Schwaller de Lubicz. Quoi qu'il en soit, rien n'interdisait en effet que l'illustrateur de FULCANELLI signât son oeuvre d'un ultime dessin sous la forme d'un écusson doté d'une devise pour le moins équivoque, d'autant que le principe d'assonnance phonétique propre à ceux qui maîtrisent le Langage des Oiseaux, ajoutait encore à la légende !

    Il est assez singulier de remarquer en outre que 1'hippocampe était synonyme de la "corne du dieu Amon" égyptien, pour les hermétistes et qu'il servait à désigner ainsi leur "Sel d' Harmonie" présidant à la réalisation du Grand OEuvre alchimique. Peut-être, est-ce pour cette raison - comme nous leconfia Serge Hutin - que le symbolique "cheval marin" était à l'honneur dans la famille des Lesseps à laquelle appartenait le fameux Ferdinand qui avait percé le Canal de Suez ? Sans doute, ce blason à l'hippocampe servait-il d' "écusson d'agrément"à la prestigieuse famille ! Notre regretté ami pensait quant à lui, que sa présence avenue Montaigne, désignait sans conteste Pierre de Lesseps, qui s'intéressait à l'Alchimie, comme étant FULCANELLI lui-même !

    Et si, dans un tout autre registre, "uber" était à prendre dans le sens de "rébus", le blason du Maître se lisant comme tel ?

    Alors, rien ne s'opposerait à y voir la queue de l'hippocampe désigner la lettre "J" comme initiale d'un prénom (Jean, Jacques, Joël ? ... ). En outre, le "J" pénétrant la champagne héraldique (5), il semblait la "violer" (phonétiquement violet). De plus, la champagne d'or formant la lettre "V", on pourrait y deviner l'initiale du mot précédent !

    Une dernière hypothèse subsiste : si l'on sait en effet que le totem ou emblême archaïque du pays d'Armor, l'Armorique, était un hippocampe (6), n'aurait-on pu y déceler une allusion à la cité bretonne d'Hennebont d'où était originaire l'épouse de Pierre Dujols et qui aurait alors désigné logiquement ce dernier comme étant FULCANELLI. Mais alors, pourquoi aurait-il signé son Hypotypose au Mutus Liber, du pseudonyme de Magophon (littér."la voix du mage") plutôt que de celui de FULCANELLI ? On s'explique mal en effet une telle incohérence ! Toutefois, un élément cabalistique ne manquera pas de retenir toute notre attention : songeons qu'Eugène Canseliet ne manquait jamais de rappeler que de même que Julien Champagne était l'ami intime de Pierre Dujols, FULCANELLI l'affectionnait et se plaisait à voir en lui le descendant des prestigieux Valois qui avaient régné sur la France. Or, le mot "Valois" fournit l'anagramme "violas", accusatif latin du sustantif viola, désignant ... une "violette" !

    - Le "Sieur de La Violette"

    Si Eugène Canseliet mentionna le spagyriste "Joseph Duchêne alias le Sieur de La Violette et pas moins de douze fois le nom de Viollet le-Duc dans ses livres, c'est qu'il ne manqua jamais l'occasion de faire allusion à l'homophonie du patronyme du Maître. De même, il n'omit pas davantage d'évoquer le Feu du Soleil ("Vulcain-Hélios") servant à désigner le pseudonyme de FULCANELLI. Souvenons-nous également que l'allusion qu'il fit souvent au distingué auteur de "La Poussière de Soleils", Raymond Roussel - que J-J Champagne surnommait "la classe" - n'y était certes pas plus étrangère ! Eugène Canseliet ajoutait d'ailleurs, à propos de cette oeuvre singulière, l'interprétation hermétique qu'en donna le poète "à l'étoile scellée". André Breton, en effet, s'interroge dans Fronton Virage, concernant un "secret" de grande envergure dissimulé par celui qu'il considère comme "le plus grand magnétiseur des Temps modernes", dont l'oeuvre est jalonnée de procédés "cabalistiques" faisant appel au langage des Oiseaux qui voile d'énigmatiques vérités : "Est-il bien concevable qu'un homme, étranger à toute tradition initiatique, se considère comme tenu à emporter dans la tombe un secret d'un autre ordre (qui ne serait après tout que le sien seul), tout en fournissant des indications qui paraissent témoigner d'un très vif désir de le faire retrouver ?"



    Ce "secret" était bien-entendu, outre celui du déroulement du Grand OEuvre, celui de la personnalité profane de FULCANELLI que Raymond Roussel connaissait parfaitement pour l'avoir rencontré plus d'une fois avenue Montaigne, à l'hôtel particulier des Lesseps. L'auteur de La Doublurey fréquentait par ailleurs J-J Champagne pour lequel il nourrissait une grande estime.

    Au nombre de ces indices semés par Eugène Canseliet figure également la légendaire rencontre qu'il fit avec FULCANELLI, en 1915, à Marseille. Il précise dans ses Alchimiques Mémoires que celle-ci se serait déroulée rue Dieudé où le Maître logeait alors dans un bel immeuble. Après avoir consulté 1"'Annuaire des rues de Marseille" de l'époque, il apparaît effectivement qu'au numéro 4 demeurait un certain Ch. Violette, relieur de son état. Cette qualification faisait-elle allusion à la célèbre sentence du Mutus Liber des alchimistes : "Lege, lege, relege ... labora et invenies" (Lis, lis, relis... ) par le truchement de la cabale phonétique ? Toujours est-il que l'homme en question ne pouvait que "s'întéresser aux vieux livres" ainsi que sa femme de ménage l'avait présenté en ces termes à Eugène Canseliet, alors étudiant aux Beaux-Arts, place Carli. Mais cette fabuleuse rencontre entre le Maître et le disciple tenait-elle davantage de l'histoire ou de la légende, en son sens étymologique du terme : legenda=ce qui doit être lu ? La question demeurait inéluctablement posée quand on sait à quel point les hermétistes sont férus de cabale phonétique !

    En tous cas, le patronyme de Violette était clairement postulé, de même que l'appartenance de FULCANELLI à la communauté scientifique de la fin du XIX' siècle ne semblait faire aucun doute, compte-tenu des témoignages figurant dans ses oeuvres et que nous allons brièvement évoquer ci-dessous.

    Après avoir passé en revue un certain nombre d'éminents scientifiques, dont des membres de l'Institut, manifestant leur intérêt pour l'Alchimie, tels Raspail, le vieux Chevreul, jeanBaptiste Dumas, Marcellin Berthelot ... FULCANELLI n'hésite pas à écrire : "Si nous n'étions tenu par la promesse que nous leur avons faite, nous pourrions ajouter à ces savants les noms de certaines sommités scientifiques, entièrement conquises à l'art d'Hermès, mais que leur situation même oblige à ne le pratiquer qu'en secret..." (in Les Demeures Philosophales)

    Dans un second passage, FULCANELLI souligne toute la difficulté du chemin à accomplir pour un scientifique, afin d'appréhender la réalité alchimique : "Défiez-vous donc de faire intervenir, en vos observations, ce que vous croyez connaître, car vous serez amenés à constater qu'il eût mieux valu n'avoir rien appris plutôtque d'avoir tout à désapprendre.



    Ce sont là, peut-être des conseils superflus, parce quels réclament, dans leur mise en pratique, l'application d'une volonté opiniâtre dont les médiocres sont incapables. Nous savons ce qu'il en coûte pour troquer les diplômes, les sceaux et les parchemins contre l'humble manteau du philosophe. Il nous a fallu vider, à vingt-quatre ans, ce calice au breuvage amer. Le coeur meurtri, honteux des erreurs de nos jeunes années, nous avons dû brûler livres et cahiers, confesser notre ignorance et, modeste néophyte, déchiffrer une autre science sur les bancs d'une autre école..."

    L'aveu du Maître est ici patent. Comment en effet, FULCANELLI aurait-il pu se montrer plus éloquent quant à sa qualité de scientifique appartenant au sérail !

    Au vu de ce qui précède, il semblerait pour le moins expédient de chercher à identifier FULCANELLI parmi les membres de. la prestigieuse Académie des Sciences, où tout au moins parmi les scientifiques qui virent retenus et donc publiés leurs Mémoires concernant leurs découvertes et présentés à l'Institut de France. De même, paraîtrait-il logique qu'il faille le chercher parmi les chimistes, voire les physiciens éminents de son temps !

    Dans un autre registre, il conviendrait de ne pas oublier que si les allusions à la couleur violette étaient fréquentes dans l'ouvrage en question de Raymond Roussel :"lys d'or du drapeau violet" (pp.122-124-125), toutefois, c'est le titre même de Poussière de Soleilsqui retenait l'attention d'Eugène Canseliet; cette expression faisant allusion, de toute évidence, au rayonnement Solaire. Eugène Canseliet désignait-il ainsi les recherches scientifiques effectuées par l'éminent savant dont le pseudonyme de FULCANELLI ("le Feu du Soleil") aurait tout autant servi à illustrer son état d'alchimiste que son identité réelle ?

    Si l'on se réfère à l'idée que le blason du Maître doive être analysé tel un "rébus", la lettre "J" (formée par la queue de l'hippocampe) semblerait alors violer la champagne de l'écu, celle-ci pouvant suggérer de plus la lettre "V". Ainsi, les initiales du patronyme de FULCANELLI auraient très bien pu être J.V. son nom devenant, pourquoi pas J. V.(iollet) ?

    Nous avons examiné avec force détails et moult intrusions dans l'univers de l'Institut de France, toutes les hypothèses possibles qui nous ramènent à une seule et unique solution qui est mise en lumière dans notre livre: "Fulcanelli révélé", à paraitre ces jours-ci (oct. 2000) aux éditons De Vecchi, le "mystère FULCANELLI" s'y trouvant ainsi définitivement éclairci ! (7)

    FULCANELLI et les mystères de Séville



    Au cours des années cinquante, Eugène Canseliet effectua un bien curieux périple en Espagne, dont il confia secrètement le récit à son ami l'écrivain Claude Seignolle. Celui-ci désirait publier cette bien étrange histoire dans un recueil de témoignages plus ou moins fantastiques mais dans lequel devait apparaître le nom de leurs auteurs. Claude Seignolle céda toutefois à la tentation de publier ce récit, moyennant la condition expresse de demeurer dans le plus strict anonymat. Ce qui fut fait lorsque l'ouvrage parut en 1969, sous le titre générique d'Invitation au château de l'étrange (éd. Maisonneuve et Larose).

    Eugène Canseliet eut certainement connaissance de la publication de son témoignage demeuré dans l'anonymat et il décida deux ans plus tard, soit en 1971, de parler et de s'ouvrir davantage à propos de cet étrange voyage qui l'aurait mené dans la région de Séville, en Andalousie. Le journaliste Henri Rode l'interviewa à ce sujet dans le premier numéro de la revueLeGrand Albert : "Je voyageais en Espagne, avoura-t-il, non loin de Séville, où j'étais l'hôte d'amis possédant une belle demeure avec terrasse et double escalier donnant sur le parc. Je sentis tout de suite Fulcanelli dans l'ambiance. Surtout lorsque je découvris de ma fenêtre - ajoutant encore au charme du tableau - la présence d' un bambin d'environ dix ans et d'une petite fille, qui semblaient descendus d'un tableau de Vélasquez. Un poney et deux lévriers les accompagnaient. Mais, après une de ces longues nuits de travail dont je suis coutumier, la découverte que je fis me parut plus persuasive encore : dans une grande allée au feuillage dense, une jeune femme, une reine,s'avançait, portant le collier de la Toison d'or et suivie d'une duègne. Tout cela très vif, très lumineux. La jeune femme me fit un chaud signe de tête, et j'étais sûr que Fulcanelli me soufflait : 'Tu me reconnais ?" A quoi je répondis : "oui." Mais comment traduire de telles certitudes..."

    Que peut-on en déduire ? Qu'il s'agissait d'une proche parente du grand Adepte, apparue ainsi dans un tel accoutrement ? Ou bien, tel que le suggère d'ailleurs Kenneth Rayner Johnson (in The Fulcanelli Phenomenon, éd.Neville Spearman, Jersey), qu'il s' agissait d'un phénomène de type "initiatiques" comme lors d'une transe chamanique et symbolisant de plus ici parfaitement l'archétype de lAndrogynat hermétique !

    Quoi qu'il en soit, le caractère prodigieux revêtu par ces expériences relatées par Eugène Canseliet mérite bien qu'on s'y appesantisse quelque peu. Il fournit d'ailleurs d'autres détails au cour de divers entretiens ultérieurs. Il livra à ce propos dans Le Feu du Soleil (avec R. Amadou, éd. J-J Pauvert) : "Il (Fulcanelli) n'est plus là. Il est sur la terre, mais c'est le Paradis terrestre. Qu'est-ce qu'il fait maintenant ? Je n'ai rien vu. Je l'ai vu en arrivant, quand il m'a reçu en complet-veston/... / Et puis, je l'ai vu quand je travaillais au laboratoire. Il est venu me voir où je travaillais, au laboratoire, et je 1 'ai vu, je 1 'ai vu deux fois.

    Il faut encore ajouter à cela, un témoignage posthume qui fut fourni cette fois par le regretté Jean Laplace. Celui-ci, en effet, peu de temps après le décès d'Eugène Canseliet (en 1982), découvrit avec Isabelle, la fille du défunt, dans la propriété familiale de Savignies, une chemise cartonnée contenant des documents relatifs au fameux Finis Gloriae Mundi, le troisième ouvrage, non publié, de FULCANELLI, ainsi qu'une précieuse relique afférente au mystérieux voyage à Séville, qu'il évoqua en ces termes : "I...I un petit rectangle de bristol phographique dentelé sur ses bords à la mode des années cinquante. Je suis tellement impressionné par ce que représente cette vénérable relique, que je n'ose en révéler l'existence... Qu'en faire? Détruire ? Il serait regrettable de volatiliser à tout jamais l'esprit magistral fixé sur la plaque sensible à tout ce qui irradie."

    Puis, dans une note en bas de page : "Il ne faut pas comprendre qu'un ectoplasme s'y soit imprégné. Je parle ici du visage qui n'a gardé du commun des mortels que la forme humaine et s'est enrichi d'une indescriptible expression." (in J. Laplace, Index général..... dans l'OEuvre complète d'E. Canseliet,éd. J-J Pauvert)

    Aurait-on été étonné si FULCANELLI s'était adressé ainsi à son disciple, lors de leurs retrouvailles à Séville : "Ne me touche pas !..." lui aurait-il déclaré, renouvelant en cela le Mystère pascal où triomphe le Corps de lumière, seul digne d'immortalité glorieuse ...

    C'est précisément ce que la plaque sensible de l'appareil photographique avait dû saisir et que Jean Laplace, aujourd'hui disparu, tenta sincèrement de nous faire accroire !



  • Introduction à l’opérativité
    et au mystère des religions


    Centre d’Etudes Métaphysiques de Milan


    Encore une fois, les tendances récentes du milieu des soi-disant
    études traditionnelles semblent confirmer que la maladie inguérissable
    de l’individualisme occidental assume toujours davantage,
    dans ce contexte, les formes de l’ « élitisme » et de l’occultisme
    « mystériosophique » derrière lequel on voudrait cacher
    une science que l’on ne possède pas.
    On continue à débattre de façon anachronique et livresque autour
    de présumés arguments guénoniens, en oubliant les enseignements
    les plus élémentaires du Maître au sujet des qualifications
    essentielles, non pas tellement de l’élite, mais de ceux qui aspirent
    à en faire partie, c’est-à-dire à ne pas être trompés, « si
    possible » ou « si Dieu le veut ». A propos de ceux-ci, Guénon a plusieurs
    fois insisté sur le fait qu’ils ne devront pas nécessairement
    posséder des qualifications de type érudit ou livresque, mais surtout
    la qualité de s’en remettre à Dieu et d’avoir foi en Lui.
    Certes, Guénon, en nous transmettant un dernier rappel de la
    Tradition dans des temps où tout ce qui présente un caractère
    formel est tôt ou tard retourné en parodie, a dû nécessairement reconduire
    toute chose à sa quintessence métaphysique, mais cela
    ne signifie pas qu’il ait sous-évalué tout ce qui en est la conséquence
    sur le plan de l’application pratique, c’est-à-dire de la réalisation
    effective, vers laquelle son oeuvre est, en revanche, totalement
    orientée.
    Introduction à l’opérativité et au mystère des religions
    Il suffit de l’exemple de son témoignage à propos de la pauvreté
    spirituelle pour comprendre l’importance attribuée par le
    Maître aux vertus dans le cadre d’une réalisation cognitive. Même
    si les enseignements de Guénon, conformément à sa fonction,
    reconduisent le contenu des vertus spirituelles à leur essence métaphysique
    la plus sublime, cela ne dispense sûrement pas ceux qui
    aspirent à la connaissance véritable de mettre en oeuvre de telles
    vertus, ce que lui-même a su faire, comme cela apparaît clairement
    par les témoignages qui nous sont parvenus.
    Nous ne pouvons certes pas attribuer au Shaykh ‘Abd-al-Wâhid
    Yahyâ — qui nous a enseigné comment l’aspect intérieur de la
    zakâh, l’aumône rituelle islamique, consiste à supporter la stupidité
    et l’incompréhension des hommes — cet esprit polémique
    et dialectique qui anime beaucoup des prétendus continuateurs de
    son oeuvre. La rigueur de certaines de ses prises de position trouve
    son origine dans des nécessités et des intentions d’un ordre
    bien plus profond.
    Le noyau de l’incompréhension relative à ses enseignements
    est constitué par une virtualité dangereuse qui se montre complice
    des pires suggestions antitraditionnelles. Si le témoignage
    du Maître est apparemment confié à son oeuvre écrite, c’est vraiment
    un signe de limitations préoccupantes que de penser que sa
    mise en oeuvre doive se produire selon la même modalité. D’autre
    part, ces tentatives de poursuite purement littéraire de son oeuvre
    ne présentent pas les caractères de rayonnement constructif et articulé
    des enseignements du Maître, mais ceux d’une application
    vide de certains aspects de la science du symbolisme, qui tourne
    autour des choses de façon vague et allusive, comme en une caricature
    de son style.
    Il y a une chute de niveau inévitable quand on cherche à singer
    les supérieurs « connus » en empêchant en outre le développement
    de ces possibilités vraiment supérieures qui pourraient
    nous caractériser positivement. Cette chute de niveau cor-
    104
    105
    respond toujours à une tendance, plus ou moins consciente, à limiter
    la Possibilité universelle, dans l’incapacité de préserver
    une ouverture spirituelle sur tous les développements opératifs
    possibles, même ceux qui pourraient nous apparaître comme les
    plus improbables.
    C’est ainsi que l’on se « dépêche » d’anticiper, sur un plan
    mental, certaines possibilités d’ordre spirituel, avec la prétention
    d’affirmer, de façon extérieure et conventionnelle, la supériorité
    d’une forme sur les autres. Celui qui ne se soumet pas à Dieu
    finit par prétendre que les autres se soumettent à une forme
    derrière laquelle ne se cache rien d’autre que sa propre volonté
    de puissance. Quelle conception universelle et métaphysique se
    manifeste dans les tendances de celui qui prétendrait à une
    reconnaissance « officielle » de l’ « excellence » formelle de l’islam
    et de son rôle eschatologique de guide de toutes les réalités
    traditionnelles ?
    D’autre part, cette tendance est réellement antéchristique
    dans la mesure où elle prétend anticiper, sur un plan formel, ce
    que sont les vérités d’un autre ordre, lesquelles devront se manifester
    au moment opportun de façon évidente et sans appel.
    Une telle tendance, symptomatique du désir incontrôlé d’affirmation
    individuelle qui caractérise toute « hérésie », n’est rien
    d’autre, en définitive, qu’une expression de cette « haine du secret
    » dont parle René Guénon.
    En outre, sur quelle base a-t-on le front d’affirmer que l’on ne
    serait pas entièrement « guénonien » si l’on ne pensait pas devoir
    accomplir une synthèse livresque et érudite des enseignements
    de René Guénon et de Muhyî-d-dîn Ibn ‘Arabî, et se soumettre
    à l’autorité et à la méthode de celui que l’on prétend être
    leur unique héritier, Michel Vâlsan, considéré comme la seule
    « porte » d’accès au Centre du monde ?
    Le respect que nous devons aux vrais maîtres nous impose de
    réaffirmer comment, dans l’islam aussi, la dimension initiatique,
    CENTRE D’ETUDES MÉTAPHYSIQUES DE MILAN
    donc le rattachement effectif au Centre suprême, ne peut se passer
    de la pratique la plus orthodoxe de la Tradition, et de la référence
    constante à l’enseignement et à la présence du Prophète
    Muhammad (çallâ-Llâhu ‘alayhi wa sallam), à travers l’influence
    du shaykh fondateur de la voie initiatique à laquelle on s’est
    rattaché de manière effective. C’est seulement lorsque ces conditions
    sont pleinement vécues de l’intérieur d’un cadre opératif
    précis que pourront s’ouvrir des « portes » par lesquelles accéder
    à des degrés particuliers de connaissance.
    Pourtant, il ne s’agit pas de faire du personnalisme, ni d’identifier
    ces portes avec la praxis méthodologique ou avec la forme
    spécifique de témoignage, qui ont caractérisé l’action de certains
    maîtres, mais d’en reconnaître la présence spirituelle vivante. Servir
    Dieu dans des modalités formellement différentes de celles
    des maîtres qui nous ont précédés — en raison des natures diverses
    des êtres et en présence de conditions différentes — ne signifie
    en aucune façon en méconnaître la fonction, ni encore moins
    s’interdire l’accès à l’intégralité de la Connaissance.
    Guénon a toujours montré le plus grand respect pour l’objectivité
    des filiations spirituelles réelles et l’articulation des diverses
    branches de la Tradition, et il a été particulièrement attentif à éviter
    que sa propre oeuvre ne soit comprise comme une idéologie à
    substituer ou superposer à une insertion effective. L’universalité
    propre à son enseignement ne peut être réalisée qu’au sein d’un
    cadre traditionnel régulier, aussi bien exotérique qu’initiatique, et
    non à travers une projection imaginaire et virtuelle.
    En outre, il est nécessaire de toujours garder cette perspective
    d’opérativité spirituelle dans sa totalité, sans tomber dans la
    tentation d’isoler certains aspects particulièrement élevés de la
    doctrine initiatique en perdant la vision d’ensemble et la référence
    opérative à une régularité à laquelle on ne peut renoncer.
    Que l’on se rappelle ici, dans la perspective initiatique, l’image utilisée
    par le Shaykh ‘Abd-al-Wâhid Yahyâ à propos de la nécessi-
    106 Introduction à l’opérativité et au mystère des religions
    107
    té de l’exotérisme, selon laquelle « si l’on veut construire un édifice,
    on doit tout d’abord en établir les fondations ; celles-ci sont
    la base indispensable sur laquelle s’appuiera tout l’édifice, y compris
    ses parties les plus élevées et elles le demeureront toujours,
    même quand il sera achevé. »1
    D’un autre côté, il faut dénoncer la tendance paroxystique qui
    consiste à vouloir enfermer l’héritage guénonien dans des formalismes
    extérieurs, en prétendant que « tous — qu’ils soient
    maîtres ou disciples, Orientaux ou Occidentaux »2, même s’ils
    sont les représentants légitimes de voies initiatiques « complètes
    par en haut », se soumettent publiquement à une autorité présumée
    d’ « ordre plus élevé », dont on se présente, sans aucune
    discussion, comme les héritiers, autorité représentée par une prétendue
    filiation spirituelle qui se pose en dehors, sinon directement
    à l’opposé, de la régularité initiatique.
    Ce qui manque, c’est un sens véritable du mystère qui permette
    de passer « de la pensée humaine à la compréhension divine
    », en reconnaissant que la synthèse se trouve en Dieu même,
    sans prétendre embrasser mentalement ce que sont, en définitive,
    les mystères du Pôle, lesquels « sont assurément bien
    gardés »3, malgré les tentatives de les trahir au moyen d’allusions
    complaisantes de la plus totale vacuité, qui laissent cette
    sensation désagréable d’ambiguïté dont on chercherait en vain
    l’équivalent dans l’oeuvre du Maître.
    Certaines personnes se sont peut-être lassées du caractère nécessairement
    concret et évident des organisations traditionnelles
    dans leur dimension extérieure, lesquelles doivent garantir une
    fonctionnalité et une accessibilité à ceux qui, tout en étant quali-
    1 René Guénon, Initiation et réalisation spirituelle, Editions traditionnelles,
    p. 74.
    2 Charles André Gilis, Introduction à l’enseignement et au mystère de René
    Guénon, Editions traditionnelles, p. 19.
    3 René Guénon, Aperçus sur l’initiation, Editions traditionnelles, p. 258.
    CENTRE D’ETUDES MÉTAPHYSIQUES DE MILAN
    Introduction à l’opérativité et au mystère des religions
    fiés, se situent encore dans le domaine des contingences. La prétention
    à dévoiler ce qui est, par nature, incommunicable, et de
    maintenir secret ce qui doit être communiqué et déclaré ouvertement,
    présente de façon manifeste les caractères de la subversion.
    En Orient, et dans le monde islamique en particulier, on a maintenu
    une transparence absolue à l’égard des descendances spirituelles,
    des différents anneaux de transmission du rattachement initiatique,
    de la nature des influences spirituelles transmises, et des
    modalités selon lesquelles de telles influences ont été reçues. Ces
    indications fondamentales ne peuvent être tues, et permettent la
    vérification préventive indispensable de la régularité initiatique,
    ainsi qu’une prise de connaissance du cadre spirituel auquel on
    fait référence. Le caractère concret, dans un domaine si délicat,
    permet en effet de se concentrer sur la présence spirituelle plutôt
    que sur les individualités, celles-ci, aussi exceptionnelles qu’elles
    puissent apparaître, étant rigoureusement nulles face à celle-là.
    Cette même transparence permet en outre d’éviter, au moins
    en partie, ce danger de manipulation qui dérive de la confusion,
    toujours aux aguets, entre le psychique et le spirituel, en raison de
    l’ineffabilité des réalités spirituelles qui doivent être véhiculées. La
    « règle » s’avère nécessaire et efficace, indépendamment des attitudes
    impropres qui se sont imposées de façon toujours plus
    évidente dans le milieu de certaines dégénérescences.
    En dehors de situations particulières, aucun shaykh véritable
    n’a jamais caché sa fonction, mais, au contraire, il a tenu à en
    rendre compte et, à l’occasion, à fournir les références de sa propre
    régularité initiatique. Pourquoi une telle déclaration serait-elle le
    signe d’une limitation cognitive et de l’appartenance à un centre
    spirituel secondaire par définition « d’une autre nature »4 (c’est
    nous qui soulignons) que celle du Centre suprême ?
    4 C. A. Gilis, Introduction à l’enseignement et au mystère de René Guénon,
    Editions traditionnelles, p. 19.
    108
    109
    Quels que soient les efforts que l’on veuille faire pour minimiser
    ce qui est considéré comme des confréries « bien structurées
    », en associant indûment à un tel caractère des intentions
    et des finalités extériorisantes et limitées, on ne peut oublier que
    Guénon lui-même a toujours insisté sur le caractère positif, certain
    et inévitable des moyens opératifs comme le rattachement,
    la méthode et la maîtrise, pour entreprendre un chemin effectif
    vers la réalisation spirituelle. Il a aussi parlé de l’élite comme
    d’une réalité qui devra bien se structurer, et qui se servira de
    moyens qui échappent à la compréhension profane. Tout cela
    rend suffisamment clair qu’il ne devra pas s’agir seulement de
    livres et de revues, surtout lorsqu’on en arrive à la folie de considérer
    l’une d’elles à l’instar du Purusha primordial, du démembrement
    duquel seraient sorties d’autres revues destinées à une
    partialité inguérissable ! Certes, nous ne voulons pas nier que
    toute ambiance particulière et tout symbole récapitulent l’entière
    réalité et le processus cosmogonique, mais prendre au sérieux
    des considérations de ce genre, et s’y complaire, nous paraissent
    vraiment peu respectueux envers la dignité spirituelle dont le
    Shaykh ‘Abd-al-Wâhid Yahyâ a porté témoignage.
    CENTRE D’ETUDES MÉTAPHYSIQUES DE MILAN


  • UN EXEMPLE EN OCCIDENT
    "RENE GUENON"



    Il est des esprits qui bouleversent le cours de leur temps et secouent la succession
    des idées sans que pour autant ils deviennent les étincelantes vedettes des
    engouements fugitifs. René Guénon est de ceux-là. Humble et effacé, ayant mené
    une vie silencieuse, il semble passer lentement d'un clair obscur à la nuit complète
    sans s'occuper beaucoup des figures de son époque et des recettes qui assurent la
    célébrité. Ce solitaire amoureux éperdu des grandes perceptions spirituelle fut-il un
    philosophe? Assurémént pas. Il contempla la philosophie et put, chose insigne et
    légitime dans son cas, se permettre d'en sourire. Fut-il un orientaliste de talent, mais
    simplement un orientaliste quand même; un de ceux qui ont l'Inde facile? Non
    point, il "aperçut" l'Orient, et s'y arrêta bien moins qu'on se plait à dire. En fait, il le
    survola, mais le survola comme un aigle: en oiseau de proie qui plonge chaque fois
    qu'il découvre la victime qui assurera son alimentation. De toute façon son propos
    couvrait trop de choses et dévoilait trop de richesses pour qu'il soit possible d'en
    faire l'homme d'une spécialité. Nul "dada" ne fut son domaine. La synthèse de
    l'homme et de l'univers seule le préoccupait réellement. Et, ayant peut-être
    découvert des arcanes de la grande mécanique céleste il put bientôt se moquer de
    nos agitations, de nos concepts sitôt remplacés par d'autres concepts tout aussi
    éphémères. Son style est celui des rois et des mages (toujours il courtise le "nous").
    Son pluriel est celui de la majesté incontestable. Guénon ne propose pas, ne
    suggère pas. Il affirme. Sa devise serait bien celle de quelques Brahmane védique:
    "connaître et imposer". Nul dogmatisme pour autant, mais l'assurance de celui qui
    revient d'un voyage étonnant. Un voyage pendant lequel il aurait été transporté sur
    une montagne d'où il aurait pu découvrir, de l'extérieur enfin, les choses des astres
    pour, une fois revenu, pouvoir en rire délicieusement et assurer comme fait
    inexorable ce qui est gros encore dans le ventre de l'avenir. Car le chemin de
    Guénon passa par un sentier où l'instant dépasse le futur pour rejoindre le passé.
    Peu d'oeuvres effacent avec autant de vigueur la figure de leur créateur, René
    Guénon. Mais peut-on même imaginer l'enfant qu'il fut? Nulle part ses angoisses ne
    transparaissent; toujours sa plume, qui est celle d'un des grands maître du style au
    vingtième siècle, glisse vers les contrées qui ne concernent pas le corps et ses
    caprices. Le monde est ébranlé par les plus violentes secousses que la civilisation
    ait eu à subir; pourtant l'oeuvre guénoniène se continue impavidement: il est là,
    sans colère, étranger à jamais aux caprices de l'actualité. Il a trente-et-un ans quand
    la sainte Russie, devenant la République des Soviets met fin au monde des
    certitudes et intronise le temps de l'angoisse. Il a cinquante-neuf ans quand la
    connaissance à rebourgs inonde le ciel de deux villes du Japon et que le néant
    nucléaire boucle la boucle des mythes et suscite, par son affirmation pratique de la
    désintégration matérielle, le vertige et l'attente de la réintégration en Dieu. Certes
    ces ouvrages sont là pour marquer les années, mais en aucun cas ils ne forment une
    maturation suivie et réellement chronologique. Dès son premier livre publié,
    "l'introduction générale aux doctrines hindoues", sa formation est structurée comme
    elle le demeurera jusqu'à sa mort. Rien n'aura évolué au sens fort de ce terme. Il y
    aura eu des approfondissements, mais l'âge de l'auteur disparaît devant sa création.
    René Guénon immole le temps pour que demeure l'immédiat de la réalité
    métaphysique. Tout son propos sera décidément construit dans cette oblation faite à
    l'immédiateté de thèmes à la fois immémoriaux et intemporels. Ses historiens,
    biographes ou hagiographes, ont bien mentionné ses origines profondement
    françaises et son appartenance ancestrale à ces pays de la Loire qui sont comme la
    quintessence de notre civilisation. René Descartes et René Guénon sont issus du
    même terroir; le premier naquit en Touraine et le segond en terre blésoise. Il n'y a là
    de hasard qu'en apparence; en réalité les deux formes d'intelligences sont proches et
    appartiennent à la même discipline intérieure, à la même horreur des formules
    vagues et des dissertations éperdues. La lumière austère de la Loire nous offre des
    écrivains épris d'absolu, pas un absolu facile, et surtout de dépouillement. La
    mystique n'est nullement dans le tumulte et les formules rodomontantes; elle réside
    dans l'absence de tout attrait extérieur à l'objet même de la quête, qui, en lui-même,
    s'évanouit dans la conscience ultime de l'être qui pénètre tout l'univers. Ni St Jeande-
    la-Croix, ni René Guénon ne nous contrediraient. On nous parle trop de
    mystique, parce que le monde de la mystique est défunt; toujours l'on parle d'une
    chose, d'une entité, quand déjà elle n'est plus. Ce cahier sur Guénon nous offre bien
    la chance de pouvoir réajuster quelque peu les mots et leur sens. Trop de
    galvaudages proposèrent des vues inconsistantes sur les plus profondes réalités.
    Trop d'écrivains pris de spasmes névrotiques crurent "réinventer" un langage
    inspiré parce qu'ils étaient incapables de savoir encore ce que penser veut dire.
    Des formes extérieures à la révélation intérieure:
    Il est né le 15 Novembre 1886 à Blois; son acte de baptême porte les noms de
    Guénon René-Jean-Marie-Joseph, son acte de décés établi le 08 Janvier 1951
    (lendemain de sa mort) porte les noms de Abdel Wahed Yahia. Quoi de plus
    chrétien d'une part, quoi de plus musulman de l'autre? Quels furent donc les
    évènements et les découvertes qui conduisirent cet homme sur des sentiers
    tellement éloignés de nos routines? En fin de compte cette brève étude n'aura
    d'autre but que de cerner ces questions en les esplicitant par le biais de la vie. Fils
    d'un architecte, Jean-Baptiste Guénon et d'une fille de la bourgeoisie bléroise,
    Anna-Léontine Jolly, il ne connut à Blois que les charmes d'une enfance et d'une
    adolescence feutrées, ponctuées par de très fréquents succès scolaires, mais aussi
    cependant par quantité de maladies dues à une santé qui, dès le départ, s'avèra
    délicate.
    A la recherche d'un savoir authentique:
    Brillant élève dans différents établissements religieux de la ville,il ne devait guère
    connaître que les plaisirs de la lecture et des rêveries quand ses condisciples ne
    parlaient que de plaies et de bosses. De tels détails le prédisposaient, certes, à n'être
    "pas comme les autres". Rien de plus mais le hasard existe. Ce genre d'enfant
    solitaire fait aussi bien de grands généraux que de profond religieux. Un choc, une
    rencontre, la lecture d'un livre ou une réaction impromptue risquent d'orienter toute
    l'existence d'un jeune timide, méditatif et doué. Pour René Guénon nous ne savons
    vraiment pas ce qui se passa. Pourquoi ce bon mathématicien ne devin pas un
    honorable savant ou un maître de la stratégie? La découverte de Paris en octobre
    1904 à la suite de sa réussite au baccalauréat de 1903? Paris ne fut quand même que
    le catalyseur de virtualités plus profondes que le jeune homme charriait depuis les
    mystères de la naissance. Paris, ce fut tout d'abord le collège Rollin où il fut admis
    pour y préparer une licence mathématiques. Excellent élève à Blois, il ne désira
    plus, une fois dans la capitale, faire carrière. Nous sommes en 1906, il avait 20 ans.
    Quels sont les causes de ce changement, radical en apparence? Nous devinons
    seulement que dés lors la vie spiritualiste parisiènne possédait des attraits chaque
    jour plus puissants. Le mouvement occultiste avec son chef le docteur Encausse,
    mieux connu sous le pseudonyme de Papus et une multidude d'autres sectes se
    réclamant de l'ésotérisme, d'une pseudo-maçonnerie et des sciences traditionnelles
    donnaient alors au Paris des chercheurs de la "Parole perdue" un singulier aspect de
    ruche et de marché de la gnose. René Guénon allait désormais se mouvoir dans ce
    labyrinthe. Quelquefois il s'arrêtera dans une officine: ce sera le cas auprès de
    Papus et de son école Hermétique de la rue Séguier. Toujours il écoutera, voudra
    retrouver les fondements de la véritable tradition, et chaque fois il repartira vers son
    petit appartement du 51 de la rue Saint-Louis-en-l'Ile un peu sceptique, un peu plus
    acide. Il lui fallait le véritable enseignement, et les ésotéristes de cette grande foire
    lui offraient des bribes volées ci et là à quelques rêveries issues des différents
    fantasmes qui peuplèrent l'horizon spirituel de l' occident. Il guettait le maître,
    l'inconnu au pouvoir révélé, il se heurtait à quantité de petits papes aux prétentions
    paranoïques. Son acrimonie vis-à vis de tout savoir non étayé par une profonde
    connaissance et sa sévérité intellectuelle furent, pour une part, des réactions à ces
    expériences. Il convient de dire un mot de son séjour chez les papusiens, lequel
    séjour fut sans doute sa première véritable expérience néo-spiritualiste. Celle aussi
    qui devait, dès le départ, le mettre en garde contre les périls charriés par toutes les
    sectes. En 1906 il se fait admettre comme élève de l'école supérieure libre des
    sciences hermétiques dont Papus est le maître. Rapidement il gravit les échelons de
    la hiérarchie martiniste et devient "Supérieur inconnu". Successeur en titre-chez les
    Martiniste- de Saint-Yves-d'Alveydre (dont les oeuvres, les célèbres "missions",
    qui sont au départ de l'idéal synarchique, inflencèrent Guénon, notamment dans le
    "Roi du Monde", Encausse Papus prétendait que son Ordre martiniste était bien le
    descendant régulier de celui des "Elus-Coens" de Martinez de Pasqually qui, fondé
    au XVIIIème siècle, compta parmi les plus illustres membres, Louis Claude de
    Saint Martin- dit "le philosophe Inconnu"- et Joseph de Maistre.
    Bien vite René Guénon s'aperçut à quel point cette transmission était fictive. Rien
    dans l'enseignement de Papus ne pouvait le satisfaire. Une incompatibilité réelle
    existait déjà entre l'austérité intellectuelle du jeune homme et les brumes
    occultistes. Pourtant il cherchait encore. Parallèlement aux occupations
    papusiennes, il entreprit de se faire initier par les francs-maçons d'bédiances
    irrégulières. Ainsi ceux de la maçonnerie espagnole, Loge Humanidad, et ceux du
    Rite primitif et originel swédenborgien. Auprès de ces derniers il reçut de Théodore
    Reuss, grand maître du Grand-Orient et souverain sanctuaire de l'Empire
    d'Allemagne, le cordon de Kadosh. Le fait ne manque pas de piquant quant on sait
    que le même Reuss devait observer, un peu plus tard, avec curiosité et sympathie la
    création de Thulé. Laquelle fut, avec des membres tels que Rudolf Hess, pour une
    part dans l'origine du phénomène national-socialiste Allemand. Pendant deux
    années Guénon supporta les vues obscures et pathologiques de ces gens. En 1908 il
    devait même assister, en tant que secrétaire du bureau, au Congrès Spiritualiste et
    Maçonnique. Choqué par les outrances de Papus, qui voyait dans la doctrine de la
    survivance et de la réintégration la panacée des futures générations, il se retira, non
    sans avoir reçu une patente de haut grade pour le rite de Memphis-Misraim. Ce qui
    fut important c'est la rencontre en ces circonstances avec Fabre des Essarts, connu
    sous le nom de Synésius, le patriarche de l'église Gnostique, puisqu'il demanda
    aussitôt à celui-ci à être admis au nombre des adeptes de cette curieuse "église".
    Des expériences décevantes mais nécessaires:
    Ses nouvelles occupations gnostiques allaient le détacher peu à peu des premières
    sollicitations. Vers 1909 les martinistes et les maçons irréguliers l'exclurent. Il n'en
    avait pas moins vu ce qu'il voulait voir: la caricature occidentale des antiques
    initiations. Par la même occasion il constatait que grande était encore la nostalgie
    des ordres chevalresques et des cérémonies mystiques parmi tous ces petits
    bourgeois qui se jouaient la grande comédie à force de titres mirobolants et et de
    fausses décorations maçonniques. Toutefois son attitude par trop curieuse peut
    choquer ceux qui ne connaissent de lui que ses oeuvres, qui jamais ne s'attardent
    auprès des choses communes et quotidiennes. On le croit trop volontiers sans autres
    préoccupations que celles qu'il édictera dans des oeuvres magistrales. Pourtant dans
    les premières années de son séjour parisien il tirera peut-être ses aliments d'une
    nourriture trop facile qui ne pourra satisfaire son goût profond et absolu. Dans la
    suite on lui chercha injustement grief pour ses engouements du début. Sa réponse
    fut haute et sans appel, laissant bien entrevoir à ses détracteurs combien il méprisait
    de telles mesquineries: "Si nous avons dû, à une certaine époque, pénétrer dans tels
    ou tels milieux, c'est pour des raisons qui ne regardent que nous" (in,"le voile
    d'Isis", mai 1932). En 1909, Synésius, (Fabre des Essarts) lui facilitera la création
    d'une revue, "La Gnose" qui tint jusqu'en février 1912. Grâce à cette revue Guénon
    allait pouvoir approfondir les idées qui lui étaient déjà chères et qui devraient rester
    les fondements de ses recherches métaphysiques. Au départ la "Gnose" se
    présentait comme "l'organe officiel de l'église gnostique universelle" et Guénon la
    dirigea sous le nom de Palingenius. Cependant il devait se dégager très vite de
    l'inflence de Synésius pour transformer sa revue en une continuation de la "Voie",
    revue qui avait paru de 1904 à 1907 sous la direction de Léon Champrenaud, qui
    avait adhéré à l'Islâm sous le nom de Abdul Haqq, et de Albert de Pouvourville qui
    avait adhéré à la tradition taoïste sous le nom de Matgioi.


  • LE MESSAGE CACHÉ DES STÈLES DISCOÏDALES


    "Le symbole (est) une fenêtre ouverte sur le mystère."
    ("Introduction au monde des symboles" de Gérard Champeaux et Sébastien Sterckx)
    QUAND on voyage en "Pays Cathare", et plus encore au Pays Basque, l'occasion peut
    se présenter de découvrir de curieux monuments circulaires en pierre que les spécialistes
    désignent sous le terme générique de stèles discoïdales. Ces dernières se rencontrent le plus
    souvent dans les anciens cimetières ou à proximité des églises, quelquefois même à certains
    croisements de routes. De nos jours, beaucoup d'entre elles ont aussi trouvé refuge dans les
    musées afin d'être mises à l'abri des dommages causés par le temps ou les actes de
    vandalisme.
    La principale particularité des stèles discoïdales réside dans les décorations, parfois
    simples ou extrêmement complexes, dont elles sont généralement parées. Comme on le verra
    par la suite, ce serait commettre une grave erreur de penser que celles-ci ne sont dues qu'à la
    "fantaisie" de leurs sculpteurs. Croire également que ce type de monuments ne se rencontre
    que dans le sud de notre pays en serait une autre.
    En réalité, il en existe des centaines un peu partout en Europe, que ce soit en Espagne,
    au Portugal, en Italie, en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Autriche, dans l'ex-
    Tchécoslovaquie, en Bulgarie, dans l'ex-Yougoslavie, et jusque dans certains pays baltes ou
    scandinaves comme la Suède et la Norvège (cette liste n'étant, par ailleurs, nullement
    exhaustive, puisque le nombre des pays augmente chaque année en fonction des nouvelles
    découvertes archéologiques).
    Compte tenu de cette très vaste répartition, il semble impossible d'attribuer l'apparition
    de ces monuments à l'influence exclusive du Catharisme. Mais s'ils paraissent réellement issus
    d'une tradition plus ancienne et étendue, cette dernière a fort bien pu être familière aux
    Cathares (comme le laissent à penser de nombreux éléments), de même qu'à toutes les
    personnes ayant été en mesure d'interpréter correctement la nature de leur message
    symbolique.
    Les stèles appartiennent à la grande famille des "pierres levées" dont elles ont hérité
    des fonctions caractéristiques. A l'instar des mégalithes , leur rôle ne se limite pas à servir
    de monuments funéraires ; elles sont, avant tout, chargées d'une très forte connotation
     Il est à remarquer que l'aire de répartition géographique des stèles correspond,
    grosso modo, à celle de la civilisation mégalithique dont "l'action se faisait sentir de la Suède
    au Portugal d'un côté, au Caucase de l'autre." 
    symbolique se rapportant à des concepts religieux universels qui apparaissent dès l'époque du
    néolithique. C'est ainsi que l'on peut retrouver sur ces stèles les "grands symboles vénérés à
    l'époque dolménique" , dont les deux éléments majeurs sont le cercle et la croix à branches
    égales (dite "croix grecque").
    Le  et la  sont étroitement liés au culte du feu sacré et leur symbolisme se
    complète ou se renforce suivant qu'ils sont associés (croix cerclées) ou dédoublés (cercles
    concentriques ou croix "chrismatiques"). Le cercle divisé par la croix – qui est la figure de
    base des stèles discoïdales – servit de préfiguration aux rouelles gauloises, ces "roues du
    soleil" directement inspirées de l'art celte et des religions solaires de l'Orient. Ce symbole
    constitue, entre autres, la représentation archaïque du déplacement annuel du soleil dans le
    ciel zodiacal, lequel ouvre (avec un mois d'avance suivant l'ancienne tradition celtique) les
    quatre portes des saisons marquées par les constellations du Verseau (printemps), du Taureau
    (été), du Lion (automne) et du Scorpion (hiver) . C'est donc par l'intermédiaire de l'astre
    solaire que "le cercle perçu dans le ciel entre en rapport avec la croix d'orientation terrestre"
    .
    Si la croix, qui engendre le carré, est le symbole du monde matériel, le cercle, sans
    début ni fin, est celui de la transcendance qui échappe aux lois de l'espace et du temps. Le
    cercle et la croix forment, de cette façon, une dualité parfaitement complémentaire, celle de
    l'union du ciel et de la terre. C'est tout le secret de la "quadrature du cercle" qui, contrairement
    à son homologue mathématique, est une opération tout à fait réalisable sur le plan
    métaphysique.
    Sous l'action de l'agent céleste, la création s'anime d'un mouvement permanent et
    cyclique que figurent les motifs de la spirale et des croix "tournoyantes" de type svastika. Ce
    dernier est l'un des plus vieux symboles (ses premières représentations remonteraient à l'âge
    du bronze) et fut employé dans différentes parties du monde, comme "en Asie Mineure, en
    Grèce et dans les îles helléniques, à Chypre, à Rhodes, en Italie, en Gaule, en Angleterre, en
    Irlande, dans la vallée du Danube, au Caucase, en Scandinavie, dans l'Inde et jusqu'au Tibet
    et au Japon" .
    Il faut encore ajouter à cette liste le continent nord-américain où ce signe, de même
    que la roue solaire à laquelle il est étroitement associé, est bien connu de certaines tribus
    indiennes (en particulier des Hopis qui occupaient les régions désertiques des états du Sud-
    Ouest).
    En France, c'est au Pays Basque (où il est devenu la fameuse croix basque appelée
    "Lauburu") et dans les vallées pyrénéennes qu'il fut le plus répandu. On le retrouve dans la
    plupart des formes d'art traditionnel , mais aussi, et surtout, "sur de petites cippes 
     Le lecteur perspicace aura remarqué la correspondance de ces quatre signes
    zodiacaux avec les quatre symboles associés aux évangélistes : l'Homme Angélique, le Boeuf,
    le Lion et l'Aigle. Quant au Christ, il joue bien évidemment le rôle du soleil triomphant.
     Une fois encore, on peut noter que cette répartition coïncide, approximativement,
    avec celle des stèles.
     Il va même jusqu'à apparaître parmi les marques des troupeaux (en compagnie
    d'autres symboles solaires) relevées en 1923 à une foire de Tarascon, en Ariège. 
     Les cippes sont de petites stèles funéraires ou votives.
    ou autels anépigraphes où il est manifestement un symbole divin" . De l'avis des experts, il
    ne fait aucun doute que ces monuments gallo-romains sont dédiés à une divinité lumineuse du
    nom d'Abellio , l'équivalent de l'Apollon romain et de l'Hélios grec. "Dans ses "Inscriptions
    des anciens dieux pyrénéens", (Julien Sacaze) ne compte pas moins de huit cippes dédiés au
    dieu Abellio ou Abelio (qui) était la divinité pyrénéenne dont l'aire d'adoration [qui est dans
    ces vallées la même que celle du svastika] avait le plus d'étendue." 
    Ce dieu de lumière a donné son nom à la croix d'Abellion, "symbole solaire des
    Celtibères" , laquelle est devenue notre célèbre croix occitane "cléchée et pommetée" .
    Comme on retrouve la croix d'Abellion (sous une forme plus ou moins schématisée) sur de
    nombreuses stèles discoïdales, ainsi que sur divers médaillons et pièces (méreaux) trouvés à
    Montségur et dans ses environs, certains ont voulu voir en elle une authentique "croix
    cathare" (opposée à la croix latine, symbole de torture et de mort, tant pour le Christ que pour
    toutes les victimes de l'inquisition romaine). En réalité, ce symbole est bien antérieur à la
    venue du catharisme dans la région. De plus, celui-ci n'apparaît pas seulement dans le sudouest
    de la France, mais également en Provence et dans certaines parties de l'Espagne, de
    l'Italie et des Balkans. Ainsi que le remarque l'historien Roger Camboulives, "ces croix
    jalonnent la voie de cheminement des civilisations antiques qui nous relient à l'Orient
    lointain d'où elle est peut-être venue, expression d'un culte des premiers âges." 
    Ce culte ancien et mystérieux se rapporte assurément à celui que l'on rendait à la
    lumière solaire, lequel fut extrêmement répandu, et tout particulièrement dans les montagnes
    pyrénéennes. Selon une vieille légende, un immense incendie aurait ravagé les Pyrénées à la
    suite duquel elles prirent leur nom de "montagnes embrasées, du grec pur, puros, le feu" .
    Mais il y a deux sortes de "Feu" , suivant que celui-ci agit sur le plan matériel ou
    spirituel. Le premier est un élément destructeur synonyme de mort ; alors que le second, par
    son action purificatrice, apparaît comme le symbole de la vie éternelle. En tenant compte de
    ce dernier aspect, l'incendie légendaire peut revêtir, dès lors, une toute autre signification.
    Ce qui est venu "embraser" les montagnes pyrénéennes, à l'aube de la civilisation, c'est
    l'apparition d'une croyance aux concepts si élevés qu'elle se révèle génératrice d'illumination
    spirituelle. La lumière est aussitôt devenue un très puissant symbole, d'autant qu'à l'image
    même de la divinité, celle-ci est absolue et éternelle, comme l'a si justement remarqué
    l'écrivain Jean Blum :
     Chez les Crétois, Abellio était assimilé au Soleil.
     En termes héraldiques, cléché se dit d'une "pièce dont les extrémités ont la forme
    d'une clef antique" et pommeté signifie que "ses extrémités portent une ou plusieurs boules."

     Tout comme il y a deux sortes de "lumière", ainsi que le comprit le génial Newton :
    "La lumière phénoménale, physique, matérielle, visible, celle du dehors, et la lumière
    nouménale, virtuelle, invisible, celle du dedans… c'est le Verbe, la lumière, l'esprit qui a
    fabriqué la matière au commencement." 
    "Le temps, qui appartient à la Maya ( à l'illusion) dans la tradition asiatique et fut
    suspecté de satanisme par les Cathares, n'a rien d'absolu. Il peut être aboli ou au moins
    freiné dans le monde sensible. En revanche, la lumière est un absolu ; pour si étrange que
    cela puisse paraître, la lumière voyage dans l'espace en sa propre éternité immobile, sans
    concéder au temps… La lumière a, de ce fait, une connotation quasi-sacrée, ainsi que l'ont
    démontré à peu près toutes les grandes traditions." 
    C'est le feu qui apporte la lumière, mais il faut qu'il descende du ciel (sa "chute"
    rappelant celle des âmes humaines) pour posséder la pureté nécessaire à sa sacralisation. Et
    quoi de plus normal que le soleil, source de chaleur et de vie, soit devenu l'emblème vivant de
    ce feu céleste. Pour autant, les religions solaires n'ont jamais voulu déifier l'astre en lui-même
     (comme on le croit généralement), ne voyant en celui-ci que le symbole physique d'une
    réalité transcendante : "La plupart des gens pensent que les Anciens étaient des adorateurs du
    soleil visible alors qu'en fait ils adoraient l'esprit universel et les pouvoirs divins qui se
    trouvent à l'intérieur et derrière le coeur du système solaire." 
    Actuellement, les traditions spirituelles des indiens d'Amérique du Nord  continuent
    à nous offrir le plus parfait exemple de cette vénération du principe intrinsèque par delà
    l'apparence matérielle. Ce savoir traditionnel est d'autant plus précieux qu'il constitue une
    expression toujours intacte des cultes originels d'où sont directement issues les grandes
    religions monothéistes. Ainsi, sous les dehors trompeurs d'un polythéisme élémentaire, la
    spiritualité des amérindiens véhicule des notions suffisamment profondes et élaborées pour
    détruire à tout jamais l'image stéréotypée de l'indigène idolâtre.
    Pour commencer, les indiens ne s'attachent nullement à la forme, mais au principe
    sous-jacent qu'elle renferme. "Ils ne voient dans la chose apparente qu'un faible reflet d'une
    réalité principielle. C'est pour cela que tout chose est Wakan, sacrée, et possède un pouvoir,
    selon le degré de réalité spirituelle qu'elle reflète" . De ce fait, la nature entière apparaît,
    à leurs yeux, comme étant la manifestation d'un principe supérieur qui trouve son essence
    dans le "Grand-Esprit" (Wakan Tanka ). Il est important de souligner que cette vision
    animiste du monde (devenue si étrangère à l'esprit de l'homme moderne) était aussi celle des
    hommes et des femmes du Moyen Age qui, comme le remarquent Gérard de Champeaux et
    Sébastien Sterckx, "étaient restés sensibles au langage de la Nature et à ses symbolismes. Ils
    se rangeaient en cela du côté des peuples primitifs" .
    Les symboles, par leur puissance évocatrice, constituent un véritable langage universel
    comportant différents niveaux d' interprétation. Même s'ils semblent transmettre des messages
     Mais, au fil du temps, les principes fondamentaux de ces religions furent pervertis
    au point de se changer en croyances superstitieuses plus accessibles aux masses qui les
    véhiculèrent. De même que le polythéisme constitua une forme dégénérée du monothéisme
    l'ayant précédé : "Les premiers hommes ignoraient le polythéisme… La religion archaïque et
    primordiale avait pour fondement le culte d'un dieu unique."  Aujourd'hui, la plupart des
    spécialistes reconnaissent que les divinités multiples des cultes polythéistes correspondent, en
    fait, aux différents attributs d'un dieu suprême.
     Que trop d'historiens continuent d'ignorer, ce qui est profondément dommage.
     Terme sioux que l'on peut également traduire par "Grand-Mystère" ou "Grand-
    Pouvoir-Mystérieux".
    apparemment très simples, ils recèlent en général un degré d'abstraction insoupçonné. Voici
    ce que disait Tahca Ushté (célèbre Homme-Médecine Sioux) à ce propos : "Le symbolisme
    nous a aidés à écrire sans alphabet. Par le moyen des symboles, nous pouvons décrire même
    les pensées les plus abstraites avec assez de précision pour que chacun comprenne…" 
    Chez les indiens des plaines, le soleil représente le feu sans fin de "l'Esprit de
    création, une force indescriptible et monumentale (qui) est contenue dans toutes les choses et
    fait part de toutes choses" . Les Sioux pensent que cet esprit igné est à l'origine de la vie
    et de son mouvement. C'est pourquoi ils disent que le feu "précède tout le reste. Bien avant
    Einstein, nous savions que l'énergie était au coeur de la matière (mais) l'énergie du soleil qui
    rayonne sur nous et notre planète n'est pas seulement physique, elle est aussi spirituelle"
    .
    L'énergie solaire évoque ainsi l'action du Grand-Esprit dont l'essence impersonnelle se
    diffuse à travers l'ensemble du monde créé. C'est l'étincelle cachée au sein de la matière, l'âme
    secrète des choses ou, dans un sens plus large, l'Anima Mundi. Vu sous cet angle, le soleil
    physique n'est, ni plus ni moins, que le reflet du "soleil intérieur" qui représente le coeur
    vibrant de la création. Et de même que notre étoile se situe au centre du système solaire, le feu
    sacré de l'esprit constitue le "centre de l'Être"  : "…au centre de l'univers habite le Grand-
    Esprit et en réalité ce centre est partout; il est dans chacun de nous… Le coeur est le
    sanctuaire au centre duquel se trouve un petit espace où habite le Grand-Esprit, et ceci est
    l'OEil (Ishta). Ceci est l'OEil du Grand-Esprit par lequel il voit toute chose, et par lequel nous
    le voyons. Lorsque le coeur n'est pas pur, le Grand-Esprit ne peut être vu, et si vous deviez
    mourir dans cette ignorance, votre âme ne pourra pas retourner immédiatement auprès de
    lui, mais devra être purifiée par des pérégrinations à travers le monde" .
    Puisque les amérindiens considèrent que l'homme est le seul, parmi toutes les créatures
    terrestres, à pouvoir parvenir à la connaissance du Grand-Esprit, ils estiment, en conséquence,
    qu'il s'agit là de son devoir le plus sacré. Mais il pensent que cela nécessite une purification de
    l'individu qui l'obligera à vivre de multiples incarnations.
    Compte tenu du fait que le feu constitue l'élément purificateur par excellence, et que la
    course annuelle du soleil incarne le temps cyclique qui fait tourner la "roue de la vie"
    (symbole de "l'éternel retour" des saisons et des âmes, "morts et renaissances se succédant
    régulièrement comme les révolutions d'une roue" ), il semble maintenant évident que les
     C'est la raison pour laquelle l'illustre Giordano Bruno adhéra avec autant
    d'enthousiasme à la théorie copernicienne de l'héliocentrisme qu'il considérait – d'une manière
    toute pythagoricienne – comme le symbole éclatant de cette vérité métaphysique professée
    par son disciple Hennequin : "Nous découvrons que la divinité n'est pas lointaine mais qu'elle
    est en nous, car son centre est partout…"  Le philosophe disait aussi que "la naissance
    est l'expansion du centre… et la mort, une contraction en ce centre". Par ailleurs, la tradition
    druidique, qui présente d'étonnantes similitudes avec celle des Amérindiens, considère que "le
    soleil, au centre de notre cosmos, c'est notre âme… la source de toute existence, le lieu où
    tout s'accomplit et se résout, le point immobile de l'être et du non-être" . On retrouve des
    notions similaires dans les textes sacrés de l'Hindouïsme : "De même qu'un seul soleil
    illumine le monde entier, ainsi l'Esprit unique illumine chaque corps…" (extrait de la
    "Bhagavad-Gîta") .
    notions de purification et de réincarnation puisent directement leur origine au sein des
    religions solaires. De même que les concepts dualistes expriment la double nature du feu
    emprisonné dans la matière. Les sioux assimilent ce dernier au "pouvoir de l'éclair" des
    Wakinyans ("Oiseaux-Tonnerre") qu'ils comparent à l'énergie atomique. Son symbole est
    celui d'une flèche possédant deux extrémités, l'une bonne et l'autre mauvaise . "La partie
    bonne est la lumière. Elle provient du Grand-Esprit. Elle contient la première étincelle qui
    illumina la terre… Cette lumière a donné à l'homme le premier feu" .
    La croyance en ce feu originel s'est transmise depuis les temps préhistoriques pour
    finir par se retrouver au coeur même des grandes religions monothéistes. Le christianisme
    primitif (celui des Cathares) constitua, en l'occurrence, l'un des plus beaux flambeaux de cette
    tradition séculaire, Jésus – est-il besoin de le rappeler ? – n'étant pas venu instaurer le
    baptême de l'eau, mais celui du feu, symbole de l'Esprit Saint .
    Le catholicisme romain n'hésita pas non plus à se servir de la fabuleuse puissance
    archétypale du symbolisme solaire en associant, entre autres, la figure du Christ au Sol
    Invictus (le soleil invaincu) qui "renaît" après chaque solstice d'hiver :
    "On retrouve ce culte astral au Ier siècle avec celui de Mithra… Très rapidement, le
    christianisme apostolique l'emprunta aux cultes païens, adoptant et assimilant, parmi tant
    d'autres, ce puissant symbole" .
    Saint Augustin l'a dit lui-même : "Le christianisme n'est qu'une forme nouvelle d'une
    religion éternelle" .
    Après ce long préambule, nous pouvons commencer à mieux cerner la nature du
    message symbolique délivré par les stèles – message qui, bien que venant du fond des âges, a
    conservé toute la force de son authenticité. Mais avant d'étudier l'aspect décoratif des stèles, il
    est nécessaire de s'attarder un instant sur le symbolisme attaché au monument lui-même.
    Par sa verticalité, la stèle relie la terre au ciel ou, sur un plan plus subtil, le monde
    physique des vivants au monde spirituel des morts. C'est le rôle principal de toutes les pierres
    dressées, comme les menhirs que l'on associe au feu  et à son symbole, un triangle avec la
    pointe dirigée vers le haut. Le pied rectangulaire ou trapézoïdale (souvent enfoui dans la terre)
    qui soutient le disque de la stèle rappelle également l'union du carré terrestre au cercle céleste
    que nous avons mentionnée plus haut. L'ensemble évoque une silhouette anthropomorphe, à
    l'image des statues-menhirs, dont l'aspect se trouve accentué lorsque les monuments possèdent
     Les ravages engendrés par le feu nucléaire nous donnent une idée assez précise du
    "mauvais coté". La flèche à deux têtes représente aussi le bon et le mauvais usage que l'on
    peut faire de toute chose. Les religions solaires et leurs conceptions élevées de la divinité
    n'ont malheureusement pas échappé à cette règle, puisqu'elles furent dénaturées au point de
    donner naissance à d'horribles cultes sacrificiels (comme ce fut le cas en Amérique Centrale,
    au temps de l'empire Aztèque). Et de nos jours encore, celles-ci sont parfois "récupérées" pour
    servir les intérêts de groupuscules sectaires plus ou moins criminels…
     Dans l'évangile de St Marc, St Jean-Baptiste dit en parlant de Jésus:
    "Moi, je vous ai baptisés d'eau.
    Lui vous baptisera d'Esprit Saint."
    (Chapitre 1, Verset 8)
    Le coeur de la mystique cathare résidait tout entier dans ce sacrement connu, à l'époque
    des Bonshommes, sous le nom de Consolament, le "Baptême de l'Esprit".
    deux protubérances que les spécialistes comparent soit à des "ailerons", soit à des "épaules"
    ou à des "bras" (plusieurs stèles à Montmaur, dans l'Aude, présentent notamment cette
    particularité).
    Cette forme spécifique rappelle aussi les croix anthropomorphiques retrouvées dans
    certaines grottes de l'Ariège qui, à leur tour, ressemblent étrangement à l'Ankh égyptien,
    symbole bien connu d'immortalité. Toutefois, de l'avis de Robert Aussibal et de l'abbé Giry,
    "le symbolisme morphique des stèles discoïdales est avant tout lié au Christ ressuscité dont le
    soleil est l'image, figurée par le disque" .
    Même s'il est dépourvu du moindre symbole, le disque de la stèle représente donc, à
    lui seul, une "figuration solaire, aussi est-il orienté à l'Est  pour mieux participer à la
    renaissance de l'astre" ; tout comme l'esprit du mort doit renaître dans l'autre monde où il
    brillera tel un "nouveau soleil".
    La décoration des stèles fait appel à une très large gamme de figures géométriques,
    tout en présentant d'importantes variations suivant le lieu et l'époque de sa réalisation. On
    remarque, par exemple, que les monuments du "pays cathare" paraissent, de ce point de vue,
    beaucoup moins élaborés que ceux du Pays Basque, de l'Espagne ou du Portugal. Ils sont
    pourtant suffisamment révélateurs pour nous permettre de pénétrer au coeur de la symbolique
    des stèles, derrière laquelle semble se dégager une véritable ligne directrice. Nous trouvons
    ainsi parmi eux certains motifs majeurs qui sont les suivants :
    - Les croix grecques et latines.
    - La croix d'Abellion.
    - Les fleurs de lys et les rosaces à six branches.
    - Les christs de type bogomile et les "arcs anthropomorphiques".
    Bien entendu, ces différentes figures ont fait l'objet de multiples adaptations et leur
    association révèle, en général, un symbolisme complémentaire. Néanmoins, si l'on veut
    accéder à une interprétation globale, il faut tenir compte de la valeur intrinsèque de chacune
    d'entre elles que nous allons rapidement exposer ici.
    L'origine de la croix grecque remonte à la préhistoire. Symbole élémentaire
    d'orientation, puisqu'elle indique les quatre directions de l'espace, elle évoque aussi
    l'alternance immuable des saisons rythmée par les deux équinoxes et les deux solstices (la
    branche horizontale représentant la durée égale des jours en période équinoxiale, et la branche
    verticale la position la plus haute et la plus basse du soleil au moment des solstices). Cette
    alternance cyclique forme un cercle à l'intérieur duquel la croix incarne le soleil et son
    déplacement annuel [ou journalier, l'année pouvant symboliquement se réduire à un jour :
    Lever (équinoxe de printemps), Zénith (solstice d'été), Coucher (équinoxe d'automne) et
    "Soleil de Minuit" (solstice d'hiver)].
    Les branches de la croix peuvent aussi figurer les quatre éléments (Terre, Eau, Air,
    Feu), le centre étant, quant à lui, le siège de la quintessence ou cinquième élément : l'éther (du
     C'est également le cas pour un très grand nombre de monuments mégalithiques et
    d'édifices religieux. Au Pays Basque, "depuis la préhistoire et de façon constante jusqu'à nos
    jours, on a inhumé les défunts face au soleil levant" .
    grec aithêr qui signifie "air pur"). Ce fluide subtil et purificateur serait, de même que l'esprit,
    au "centre de tout" et aurait pour symbole la fameuse croix de Lorraine que l'on retrouve sur
    de nombreuses stèles, comme celles d'Usclas-du-Bosc, dans l'Hérault.
    Avec l'arrivée de l'ère chrétienne, la croix solaire deviendra, pour toutes les raisons
    évoquées plus haut, le symbole de la résurrection  et de la gloire du Christ, les deux notions
    les plus fondamentales du christianisme. R. Aussibal affirme même que "le vieux symbole
    solaire du disque, du cercle, de la croix à branches égales, employé dès la plus haute
    antiquité, repris par les chrétiens du IVe siècle et les Wisigoths, sera jusqu'au XIe siècle
    l'unique symbole du Christ ressuscité et glorieux" .
    Il est indispensable de bien distinguer ces deux aspects de la divinité pour mesurer
    toute la valeur symbolique de la croix. Le christ ressuscité s'assimile au christ cosmocrator qui
    règne sur l'univers physique et ses rythmes temporels ; le christ glorieux se rapporte, de son
    côté, au christ chronocrator, le maître du temps, qui "contrairement au soleil physique, se
    maintient à jamais en sa position d'apogée (et) met fin au cycle absurde du perpétuel
    recommencement ne menant nulle part" . Ce dernier correspond, bien entendu, au centre de
    la croix où les lois de l'espace-temps s'abolissent pour donner accès à la dimension spirituelle.
    Dans cet "au-delà", passé, présent et futur s'interpénètrent et ne forment plus qu'un éternel
    présent (ce que les physiciens appellent un "temps total") : "Depuis Einstein, la physique
    moderne nous rappelle ce que les sages taoïstes enseignent depuis toujours : le temps n'existe
    pas. C'est une illusion… l'éternel présent contient en lui les germes de l'immortalité" .
    La croix latine, dont la forme rompt l'équilibre générateur de cycles, évoque également
    cette transcendance du temps. C'est pourquoi elle constitue, symboliquement parlant (et à
    condition d'exclure toute connotation morbide), le parfait complément de la croix grecque.
    C'est ce que nous montre l'une des stèles d'Usclas-du-Bosc qui met en parallèle les symboles
    du christ cosmocrator (croix grecque) et chronocrator (croix latine).
    Par ailleurs, l'élévation du bras horizontal qui déplace le centre vers le haut confère à
    la croix latine un symbolisme ascensionnel lié à la "remontée de l'esprit" . Comme l'a dit
    Mircéa Eliade, "toute ascension est une rupture de niveau, un passage dans l'au-delà, un
    dépassement de l'espace et de la condition humaine" . Ce détachement s'opère à partir du
    centre et débouche sur ce que les orientaux appellent la "grande voie verticale", laquelle doit
    mettre fin à "la nécessité de renaître" .
    En un mot, il s'agit de l'illumination spirituelle qui libère des illusions de l'espace et du
    temps ainsi que du cycle interminable des réincarnations. Voilà sans doute pourquoi on alla
    jusqu'à appliquer cette forme "latinisée" à la croix d'Abellion elle-même, comme c'est le cas
    sur le sceau du comte Raimon VI .
     Ou de la "renaissance", si l'on se place dans une optique réincarnationniste.
     Les indiens disent que "l'esprit est comme l'aigle : il doit s'élever vers les hauteurs."
     Pour expliquer cet anachronisme, certains ont émis l'hypothèse d'obligations
    esthétiques en raison de la forme triangulaire des boucliers de l'époque. Mais, en ce cas,
    comment expliquer qu'on la retrouve sur des stèles dont la forme discoïdale convient bien
    mieux aux croix à branches égales ?
    La croix d'Abellion, comme toutes les croix solaires de type celtique, donne une
    impression de mouvement circulaire par ses branches évasées. Cette dernière a la particularité
    de posséder 12 boules à ses extrémités que beaucoup considèrent comme une représentation
    des 12 signes zodiacaux (rappelons que le zodiaque correspond, en astronomie, au plan de
    l'écliptique qui forme une courbe décrivant le mouvement apparent du soleil dans le ciel). De
    par leur répartition aux quatre points cardinaux, celles-ci peuvent aussi faire référence aux "12
    vents du monde" dont l'imagerie était répandue au Moyen Age. "Aux quatre points cardinaux
    se situent les portes (qui) livrent passage au souffle des vents" . Ces vents étant d'une triple
    nature, ils prirent l'apparence de douze anges soufflant dans des instruments à vent, comme
    des trompettes, et reçurent chacun un nom précis :
    - A l'Est, se situent les vents de Vulturus, de Subsolanus et d'Eurus.
    - Au Sud, les vents d'Austri, d'Auster et d'Africus.
    - A l'Ouest, les vents de Corus, de Fabionus et d'Africus.
    - Au Nord, les vents de Circius, de Septentrio et d'Aquilo.
    A noter que sur les cartes anciennes, on situait le vent du Nord à gauche pour que le
    vent d'Est se retrouve au sommet de la figure, associant ainsi le symbole de l'élévation
    spirituelle à la "naissance de la lumière" venant de l'Orient.
    Le vent a toujours revêtu un caractère universellement sacré. Synonyme du souffle
    vital, il symbolise le Verbe créateur, ce flux spirituel qui anima le corps des premiers
    hommes. Un concept qui demeure encore très vivace parmi les croyances amérindiennes.
    Pour les Sioux, "l'air sacré" (Woniya Wakan) représente l'esprit de la vie. De même, les
    Navajos disent que Nilch'i, le vent, apporta la vie. C'est ce "même vent qui souffle des quatre
    directions. Le même vent qui sort de notre bouche de nos jours quand nous parlons et
    respirons. Le vent qui apporte l'esprit dans nos corps et qui, lorsqu'il cesse de souffler en
    nous, peut nous rendre tous muets pour nous faire mourir". Ils ajoutent aussi que "la parole
    fait partie des divers pouvoirs dont dispose l'homme car elle résulte de l'âme du vent donnée
    à l'être humain à sa naissance" et que "la trace laissée par ce même vent peut être vue
    aujourd'hui à l'extrémité de nos doigts" . C'est à croire que la conscience spirituelle d'un
    individu est aussi unique que ses empreintes digitales…
    Nous tenons peut-être là l'explication des "grandes mains" propres aux personnages
    d'inspiration bogomile, lesquels chercheraient, de cette façon, à attirer notre attention sur la
    seule partie du corps humain présentant les "marques de l'esprit". A la nécropole de Radimlja,
    en Herzégovine, plusieurs stèles funéraires possèdent ce type de personnage à la main droite
    surdimensionnée (la main gauche restant cachée derrière le dos). Il y a, à n'en pas douter, une
    raison précise à cette position particulière (que l'on retrouve sur une stèle audoise). Celle-ci
    est probablement un rappel au fait que l'être humain, de par la constitution même de son
    cerveau, se divise en deux parties à la fois distinctes et complémentaires : la partie gauche
    étant le siège de la pensée rationnelle et matérialiste (masculine) et la partie droite celui de
    l'intuition spirituelle (féminine). Une main droite disproportionnée pourrait alors devenir le
    signe de l'illumination, d'autant que, pour les Bogomiles, ce personnage symbolisait "soit le
    Christ immortel, soit l'Homme angélique" . Cette interprétation se trouve renforcée par la
    présence, aux côtés du personnage principal, du symbole solaire de la divinité  et d'un arc
    armé d'une flèche.
    Ce dernier se retrouve sur des monuments mégalithiques situés des deux côtés des
    Pyrénées ainsi que sur plusieurs stèles. Il se présente tantôt sous la forme d'un arc fléché posé
    sur une espèce de socle, tantôt sous un aspect nettement plus anthropomorphe, une "tête"
    venant remplacer la pointe de la flèche de ce qui apparaît, dès lors, comme la silhouette d'un
    "homme ailé" détaché du sol (le socle, situé sur son côté gauche, ayant disparu ou subi une
    forte inclinaison, comme c'est le cas sur une stèle de la Navarre).
    La flèche symbolise le pouvoir spirituel. Quand sa pointe est dirigée vers le bas, elle
    incarne l'action que le divin exerce dans le monde  ; à l'inverse, quand elle se dresse vers le
    haut, elle devient le symbole de l'esprit humain qui tente, par ses efforts, de s'affranchir des
    conditions terrestres. La volonté de l'homme joue le rôle de l'arc : elle donne l'impulsion
    nécessaire pour que l'esprit (la flèche) s'élève vers son but. La cible (dont il faut atteindre le
    "centre") n'étant autre que le retour à l'unité originelle d'où il provient. L'ascension vers les
    sphères spirituelles transforme ainsi l'individu en "homme angélique" pourvu d'ailes… Et
    comme l'a dit René Nelli, "tout porte à croire que les mêmes contextes dogmatiques et
    mythiques ont amené les Cathares et les Bogomiles à faire… le même usage sacré de ces
    éléments figurés (chasse au cerf, le héros aux trop larges mains, les roues solaires, l'arc,
    etc…)" .
    Il faut ajouter à cette liste certains motifs floraux dont l'un des plus répandus fut celui
    de la fleur de lys. Habituellement, on explique sa large diffusion dans le Languedoc du XIIIe
    siècle par le mariage de la fille de Raimon VII avec Alphonse de Poitiers, fils du roi Louis
    VIII. Pourtant, le fait est que l'"on trouve aussi ces fleurs de lys – ou fleurs d'iris – dessinées
    sur les marges du Rituel Cathare – où il n'est guère vraisemblable qu'elles se rapportent à
    l'emblème royal – et sur les monuments bogomiles de Yougoslavie, où il est évident qu'elles
    ressortissent à une tout autre tradition…" 
    En réalité, bien avant que Louis VII décide, sous l'influence (inspirée ?) de St Bernard,
    d'en faire l'emblème tout puissant de la royauté, la fleur de lys "existait déjà parmi les
    symboles courants des Celtes" . C'est pourquoi elle apparaît sur divers objets d'origine
    celtique, de même que sur de nombreuses monnaies gauloises où elle est représentée en
    compagnie de symboles solaires tels que la roue ou le triskèle . La fleur de Lys celte paraît
    elle-même dériver, dans sa stylisation, d'un très vieux symbole originaire de l'Inde, le Triçula,
    lequel est fréquemment associé à la roue solaire et au svastika. Il s'agit d'une "espèce de
    trident qui joue dans cette symbolique, le même rôle que le foudre dans la symbolique
    grecque" .
    En tant qu'attribut de Zeus (Jupiter) et du dieu Indra, le foudre est "une figuration du
    feu céleste. Bipolaire, il symbolise de façon générale le pouvoir créateur et destructeur de la
    divinité" . Et de même que le pouvoir de l'éclair revêt, chez les amérindiens, l'apparence
    d'une flèche à deux bouts, la foudre se présente sous l'aspect d'un double trident qui symbolise
    son bon et son mauvais côté. Le poète Virgile l'a également décrit comme "un dard enflammé
    à douze rayons" , ce qui le rapproche de la croix d'Abellion.
     "La relation (que le divin) entretient avec le monde sorti de ses mains est…
    exprimée par les symboles de la ligne droite tels que l'éclair, la flèche, le rayon…"  Dans
    un manuscrit d'inspiration cathare (le Manuscrit de Dublin), il est dit également que "le
    créateur a lancé dans le monde des "cordes" ou des "liens" comme des faisceaux de sa
    propre lumière, qui relient les substances entre elles et les meuvent" .
     Le Triskèle est un "motif décoratif celtique fait de trois jambes recourbées qui
    suggèrent un mouvement giratoire autour d'un centre." ("Le Petit Larousse Illustré" – 1995)
     Plusieurs stèles portugaises portent une "croix grecque aux extrémités fleurdelisées"
    qui peut correspondre à une représentation du foudre à douze rayons.
    D'ailleurs, celle-ci apparaît sur certaines stèles audoises en association avec la fleur de
    lys. Ainsi, en s'élevant au rang de symbole christique (spécialement au pays Basque) et
    marial, la fleur de lys n'a fait que retrouver sa fonction première qui est celle d' "un symbole
    religieux et non profane"  ; emblème d'un pouvoir (ou d'une royauté) tout(e) spirituel(le),
    et non temporel(le). 
    Enfin, avec la rosace à six pétales, nous abordons le domaine de la "géométrie sacrée",
    si familier aux anciennes confréries de bâtisseurs dont les "marques" constituent un véritable
    langage d'initiés. Cette "rosa mystica", comme l'appellent R.Aussibal et l'abbé Giry, se trace à
    l'aide d'un compas  en entrelaçant six cercles de dimensions égales. "La rosace à six pétales
    orne beaucoup d'objets et de monuments wisigothiques, voire mérovingiens" . Il
    semblerait qu'elle appartienne aussi à la famille des motifs celtiques puisqu'elle est présente
    sur le célèbre chaudron de Gundestrup (retrouvé au Danemark et daté du Ier siècle avant
    Jésus-Christ). On la découvre également sur des sarcophages bogomiles et des méreaux de
    plomb retrouvés à Montségur, ainsi que sur un très grand nombre de stèles .
    Certains édifices templiers la mettent aussi particulièrement en valeur, comme c'est le
    cas de la splendide église romane de Montsaunès (Haute-Garonne) et de la chapelle Ste
    Matrone qui dépendait de la même commanderie.
    La décoration de ces deux édifices nous fait pénétrer de plein pied dans les arcanes du
    symbolisme qui, bien avant d'être à l'honneur dans les écoles pythagoriciennes, faisait partie
    intégrante des connaissances sacrées des premiers peuples de la terre : "Chez les autochtones,
    la compréhension des nombres et de la géométrie est considérée comme une science
    spirituelle. Les chiffres sont les reflets d'archétypes très puissants dont les lois forment la
    charpente de l'univers… La géométrie renferme également des enseignements sacrés et
    reflète les archétypes qui oeuvrent dans l'univers de la forme" .
    Autrement dit, la structure de ces symboles doit permettre à l'homme intuitif de
    découvrir la nature exacte de l'action exercée par le principe spirituel dans l'agencement du
    monde et, par analogie, des lois présidant à la vie de l'Être. Seulement, comme l'a dit le sage
    Elan Noir, "cette compréhension ne doit pas venir de la tête, mais du coeur" . C'est pour
    cela qu'il est impossible d'interpréter ce genre de figure "rationnellement".
    Dans le cas de l'église de Montsaunès – exceptionnel à plus d'un titre – nous avons
    vraisemblablement affaire à un schéma allégorique de la création par la manifestation de
    l'esprit transcendant. Mis à part la curieuse figure d'un triangle isocèle rectangle, tous les
    autres motifs sont d'une nature essentiellement circulaire. Les quatre figures centrales
    évoquent notamment le passage du cercle au carré, symbole universel de l'incarnation ou du
    Verbe qui s'est fait chair (Jean, Chapitre 1, Verset 14). Quant à la rosace à six pétales, elle est
    l'image même de ce processus de "création-émanation" (le 6 étant le chiffre de la création
    puisqu'il se rapporte à l'oeuvre des 6 premiers jours.
     Les anciens alchimistes, adeptes de "l'Art Royal", le savaient fort bien et ce n'est
    pas un hasard s'ils l'utilisèrent pour symboliser leur pierre philosophale (la "pierre solaire" qui
    transmute les métaux en or ; la "pierre lunaire" ne les changeant qu'en argent).
     Le compas est l'outil du divin puisqu'il engendre le cercle céleste ; celui-ci se
    complète avec l'équerre qui forme le carré terrestre. "Les deux instruments par lesquels tout
    commence sont le compas et l'équerre" . D'où leur importance en maçonnerie spéculative.
     En particulier, sur les stèles espagnoles où elle est représentée entre les branches de
    la croix d'Abellion. 
    Le 7ème s'obtient "lorsqu'on ajoute au compte des six branches le point central dont elles
    émanent toutes et où elles se résorbent dans l'unité indifférenciée" .
    De par sa configuration, la rosace se transforme en croix tridimensionnelle qui associe
    la croix d'orientation terrestre à la verticalité spirituelle symbolisée par l'axe polaire (le "centre
    céleste"). C'est de cette façon que l'on obtient la figure du chrisme, ce "symbole polyvalent
    vieux comme le monde que la symbolique chrétienne s'est félicitée de rejoindre"  ; ce
    dernier constituant, à son tour, la "charpente" de l'hexagramme (ou étoile à six branches).
    Outre la représentation d'outils professionnels , les stèles de l'Espagne et du Portugal
    montrent une très grande variété de symboles géométriques constitués, pour la majorité
    d'entre eux d'étoiles à 5 (pentalpha), 6 (hexalpha) ou 8 branches.
    La "règle d'or" en géométrie sacrée consiste à donner aux figures planes une nouvelle
    dimension par le volume (les cercles devenant des sphères, les carrés des cubes, les triangles
    des tétraèdres, etc…). D'un point de vue conceptuel, cette opération ouvre de fabuleuses
    perspectives car elle réclame, de la part de l'observateur, un élargissement de conscience
    débouchant sur une vision du monde multidimensionnelle , laquelle rejoint les plus récentes
    théories scientifiques sur la structure de l'univers. Ce qui fait dire au physicien Patrick Drouot
    que "ce nouveau paradigme (l'accès à une conscience globale) n'est pas un credo, mais l'éveil
    d'une sensibilité nouvelle, alignée tant sur l'essentiel des enseignements mystiques
    traditionnels des grandes religions du monde que sur les visions les plus avancées de la
    physique actuelle" .
    Evidemment, il peut paraître assez étonnant, pour ne pas dire impossible, que des
    hommes du moyen Age (qui fut loin d'être l'époque d'obscurantisme que l'on s'est plu à nous
    dépeindre, comme le reconnaissent aujourd'hui la plupart des historiens) aient pu être en
    mesure d'appréhender de tels concepts. Toutefois, les peuples primitifs, suivis des alchimistes,
    ont bien pressenti qu'il résidait une formidable énergie au coeur de la matière ; et cela
    plusieurs siècles avant que n'éclatent les premières bombes atomiques. Il n'est donc pas
    improbables que leurs connaissances dans le domaine de la conscience furent aussi avancées,
    sinon plus.
    "Dieu a merveilleusement respecté l'homme et sa nature psychologique. Il s'est révélé
    à lui non pas n'importe comment et n'importe où, mais dans une magistrale orchestration
    d'éléments symboliques" . C'est sans doute pour avoir oublié ce savoir élémentaire que nous
    avons fait, du monde actuel, le reflet de notre propre inconscience.
    Même s'ils ne constituent qu'un très modeste aperçu de l'étendue des recherches que
    nécessite un tel sujet , les éléments qui viennent d'être exposés suffisent à prouver (du
    moins, je l'espère) l'étendue de la richesse symbolique des stèles discoïdales, et combien il
    s'avère indispensable de préserver ces dernières des outrages du temps… ou des hommes.
     Les outils peuvent, eux aussi, posséder une signification symbolique profonde,
    comme c'est le cas, notamment, en Franc-Maçonnerie.
     (Dans la dimension spirituelle), "le temps n'existe plus et… l'espace tri-dimensionel
    disparaît" .
     Il serait, en particulier, très instructif d'étudier l'influence de cette symbolique sur
    les "marques" des tailleurs de pierre ainsi que sur la numismatique et le symbolisme
    hermétique en général.
    Si les stèles se sont plus spécialement répandues entre le XIe et le XVe siècle
    (atteignant leur apogée au Pays Basque au cours du XVIe et XVIIe siècle), elles représentent,
    en réalité, l'aboutissement d'un art religieux remontant à la préhistoire et véhiculant des
    notions symboliques qui se rapprochent étonnamment des concepts scientifiques les plus
    avancés.Mais en dépit – ou en fonction ? – de leur utilisation funéraire, ces monuments ont été
    conçus pour transmettre un fabuleux message de vie que l'on peut résumer de la manière
    suivante : notre corps n'est que l'habitat provisoire d'un esprit qui ne cesse de renaître, d'un
    monde à l'autre, jusqu'à ce qu'il devienne pleinement conscient de son éternité.
    Cette connaissance, toutefois, n'a jamais été la propriété exclusive des peuples
    indigènes, pas plus que celle des Cathares ou des Templiers. Elle appartient simplement à tous
    ces "hérétiques"  qui, quelles que soient leur nationalité et leur confession, ont d'abord
    choisi de croire en eux-mêmes ainsi qu'en l'humanité tout entière.
    Magali CAZOTTES
     Le terme d'hérétique, du grec hairetikos, signifie celui qui choisit. "Ainsi, tous ceux
    qui choisissent de penser par eux-mêmes, plutôt que de croire aveuglément, sont des
    hérétiques" .
    BIBLIOGRAPHIE :
     "Hil Harriak – Actes du colloque international sur la stèles discoïdale" – 1984.
     "La religion des Gaulois – Les druides et le druidisme" d'Alexandre Bertrand –
    Editions Jean de Bonnot – 1994.
     "Introduction au monde des symboles" de Gérard de Champeaux et Sébastien
    Sterckx – Editions du Zodiaque – 1989.
     "Trésor de la mythologie pyrénéenne" d'Olivier de Marliave – Editions Sud Ouest
    – 1996.
     "Raimon VI – Le comte excommunié" de Bertran de La Farge – Editions
    Loubatières – 1998.
     "Précis de science héradique" de Ch.-M. de Saint-Melaine – Editions Pays &
    Terroirs – 1995.
     "Toulouse d'après les plans anciens" de Claude Rivals, Roger Camboulives et
    Georges Angely – Editions J.Laffite – 1998.
     "A la recherche des Cathares" de Jean Blum – Editions du Rocher – 1997.
     "Le livre de la réincarnation" de Joseph Head et S.L. Cranston – Editions Le
    Livre de Poche – 1991.
     "Dieu était déjà là" d'Ivar Lissner – Editions Robert Laffont – 1965.
     "Les rites secrets des indiens Sioux" d'Elan Noir et de Joseph E.Brown –
    Editions Le Mail – 1992.
     "De mémoire indienne" de Tahca Ushte et Rochard Erdoes – Editions Pocket –
    1996.
     "Sagesse des indiens d'Amérique" de Joseph Bruchac – Editions La Table
    Ronde – 1995.
     "La leçon indienne – Les secrets d'un Homme-Médecine" de Wallace Black
    Elk et Paco Rabanne – Editions Michel Lafon – 1996.
     "Giordano Bruno et la tradition hermétique" de Frances A.Yates – Editions
    Dervy – 1996.
     "La force des Celtes – L'héritage druidique" de Philip Carr-Gomm et Paco
    Rabanne – Editions Michel Lafon – 1996.
     "Les stèles d'Usclas-du-Bosc" de Robert Aussibal et l'abbé Joseph Giry –
    Editions du Zodiaque.
     "Le grand secret des pierres sacrées" de Myriam Philibert – Editions du Rocher
    – 1992.
     "Des vies antérieures aux vies futures" de Patrick Drouot – Editions Pocket –
    1994.
     "Le livre des indiens Navajos – Diné Bahané" de Paul G.Zolbrod – Editions du
    Rocher – 1992.
     "Histoire et guide de la France secrète" d'Aimé Michel et Jean-Paul Clébert –
    Editions Planète – 1968.
     "Le consolament cathare – commentaire sur un fragment de rituel, le
    manuscrit de Dublin 269" de Philippe Roy – Editions Dervy – 1996.
     "Le musée du catharisme" de René Nelli – Editions Privat – 1991.
     "Dictionnaire des symboles" de Jean Chevalier et Alain Gheerbrant – Editions
    Robert Laffont/Jupiter – 1993.
     "Contribution à l'étude des stèles discoïdales du Languedoc" de Pierre Ucla –
    Archéologie du Midi Médiéval – Tome 1 – 1993.
     "L'héritage sacré des peuples amérindiens" de Luc Bourgault – Editions de
    Mortagne – 1994.
     "Signalisations de sépultures et stèles discoïdales – Ve-XIXe siècles – Actes
    des journées de Carcassonne 4-5-6 septembre 1987" – Centre d'Archéologie Médiévale du
    Languedoc – 1990.
     "Nous sommes tous immortels" de Patrick Drouot – Editions du Rocher – 1987.
    Je tiens à remercier tout particulièrement M. René PEYRIGUER pour l'aide
    inestimable qu'il m'a apportée dans la réalisation de cette étude.


  • Le Feu

     

    Introduction

    Un travail sur le feu enflamme de suite mon envie de savoir, d’investiguer. J’aime le feu depuis toujours. C’est le feu dans la cheminée de la cuisine de notre maison familial en Normandie. Ma fascination pour son pouvoir de destruction, par la combustion, pour sa douce chaleur et sa dangereuse et douloureuse brûlure et la facilité de sa création. Grâce à Marc qui a découvert Le Feu, dans la collection Symboles de Jean-Pierre Bayard, je me lance dans son étude.


    Le voyage est passionnant. Les chapitres sont très cours mais très denses. Chaque chapitre laisse le front un peu plus chaud, à tel point que je dois souvent faire une pause dans le monde profane pour laisser décanter la somme d’information que chaque chapitre implique. Je me rend rapidement compte que, au travers de la porte du T\ de la F\M\ je suis rentrer dans une véritable école de la gnose tout azimut. Comme j’aime à penser. En utilisant toutes les sciences, humaines et exactes et toutes les cultures, des quatres coins du monde en passant par mon ethnocentre.


    Mais le livre n’en fini pas de changer d’horrizont, d’époque , de langage, de code, de religion, bientôt je me sens noyé dans un océan inconnu. Mais petit à petit se dessine une logique, un fil conducteur. Elle se devine petit à petit. Voici le fil conducteur qui m’a permis de sortir la tête de l’eau, ou plustot, en l’occurrence, de la fummée : tout tourne autour de la compréhension d’un symbole. Alors le symbole doit en lui-même être défini.

    Selon le Petit Robert, le symbole est un signe de reconnaissance. Un objet de caractère imagé qui évoque, par sa forme ou par sa nature, une association d’idées avec quelque chose d’abstrait ou d’absent.

    A travers cette lecture on trouve une multitude de lien entre le feu et des choses abstraites ou absentes tel que l’être suprême, le soleil, la magie des saisons, la fertilité de la chaleur du printemps ou des cendres générées par combustion des végétaux.

    D’autres multitudes de symboles s’entrelacent avec celui du feu pour former des mythes, d’autres types de symboles abstraits à leur tour contenant le credo, la formule dans laquelle la religion résume sa foi, ou le mythe, autre formule dans laquelle les civilisations mettent en scène une fable symbolique pour décrire la nature, l’univers ou aussi le plus souvent pour décrire la condition humaine ou celle de ses divinités.

    Comme exemple de symboles liés au feu il y a le Rythme, cette répétition de mouvement ou de bruit que produit la vie qui nous entour comme le rythme cardiaque, la cadence de la pluie, du galop, des saisons, la mélodie du chant des oiseaux ainsi que pour les observateurs plus attentifs, les cycles cosmologiques ou le chant des étoiles. Il y a aussi le Verbe, parole de dieu, du prophète mais aussi simplement langage et contenu de tous nos symboles, qu’encore aujourd’hui nous utiliseront pour communiquer, souvent sur un mode symbolique, sans nous en rendre compte.

    Je découvre la Kabbale, l’Hindouisme et l’alchimie. Quel étonnement de découvrir qu’autant de cultures si éloignées dans le temps et dans l’espace soient finalement aussi proches dans le traitement des symboles, dans leur organisation cosmologiques. Les éléments comme le feu, l’eau, l’air ou la terre et les faits des saisons, de la mort, la vie, la jeunesse, de l’esprit, du corps, toutes les religions semblent se rejoindre, être presque d’accord. Comment est-ce possible ?

    Une récapitulation méthodique de cette œuvre de Jean Pierre Bayard sur le Feu serait interminable. Je vous propose un aperçu rapide des notions de bases puis d’analyser plus en détail un chapitre qui m’a justement interpellé : les feux de saint jean.

    Notions de bases sur le feu

    La mort et la résurrection par le feu
    Comme le cycle solaire le montre, la nature meurt alors que le soleil décrois puis renaît lorsque le soleil reprend le dessus sur la nuit. A travers l’analogie entre le feu et le soleil, toutes deux sources de chaleur et de lumière, l’homme se préfigure que sa combustion dans le feu, de son corps, va le faire renaître à une autre vie. Le baptême c’est longtemps effectué par le feu, comme il s’est fait par l’eau par la suite. Certains rois ont été ainsi incinérés, ou leur fils, ou un animal, ou un ersatz de paille le symbolisant. Le peuple gagnait ainsi la sécurité d’une nouvelle année, d’un nouveau cycle solaire fertile. Tel le Phénix, l’homme baptisé par le feu est consumé dans sa partie impure, antérieure, profane pour entrer dans une nouvelle vie illuminée.


    La fécondation par le feu
    Le feu représente la fécondation puisque ses cendres sont fertilisantes et que sous les feux du soleil printanier renaissent de nouvelles récoltes. Symboliquement, l’homme gagne par le feu une fécondité lumineuse représentée par sa spiritualité.

    Le rajeunissement par le feu

    Le feu du soleil qui fait renaître de nouvelles pousses et de nouvelles générations d’animaux représente aussi le rajeunissement de la nature. Le feu symbolise donc le passage vers une vie rajeunie, le corps est brûlé pour que ne reste que le corps spirituel, l’âme et pourvoir ainsi accéder à l’élévation vers l’Etre suprême ou une suprême condition de l’Etre.

    L’immortalité par le feu
    Puisque le soleil implique l’éternel renouveau de la nature et donc primitivement le dieu créateur de l’univers, le feu symbolise l’immortalité.

    La purification par le feu 

    Lors de notre initiation, le feu, l’eau, la terre et l’eau agissent comme agent purificateur. Par le feu nous brûlons notre enveloppe profane, matérielle, notre lien aux métaux pour devenir pur et ainsi pouvoir accéder aux lumières de la F\M\. Le paradis est souvent entouré de flamme interdisant l’accès aux hommes corporels.

    La lumière du feu

    Le feu spirituel est représenté par la lumière. C’est la lumière qui éclaire, permet à l’œil de voir mais plus symboliquement, de comprendre, par opposition à l’absence de lumière, comme quand nous étions les yeux bandés, dans l’obscurité qui représente l’incompréhension. Les adeptes de la F\M\ sont les Enfants de la Lumière. Analogiquement, les prophètes sont des lumières qui illuminent le monde de leur amour, de leur puissance, de leur savoir…Dans le temple, les officiers sont possesseurs, chacun d’entre eux de la lumière, mais la Lumière Flamboyante, le G, est au-dessus du Véné\. La lumière, émanation du Feu spirituel, est le but de l’initiation. Rechercher la lumière c’est aller vers la Vérité Primordiale.

    Le feu du soleil

    Le soleil a été le culte de tous les peuples de la terre et le christianisme est une exacte reconstitution du paganisme antique. On retrouve les douze mois du cycle solaire dans les douze dieux romains ou les douze apôtres. L’initiation par le rituel du feu solaire rappel que le Soleil peut guider les âmes au royaume des morts comme il le fait toutes les nuits pour les ramener le lendemain. On détruit ainsi le vieil homme qui renaît nouveau et pur et peut ainsi participer à la célébration des mystères. C’est aussi pourquoi les temples sont tournés vers l’orient, comme dans notre temple le Grand Architecte de l’Univers est placé symboliquement à l’orient parce que de lui émane la Lumière.

    La chaleur du feu et du sang

    Le feu est associé au sang en tant qu’autre source de vie et de chaleur. Le sang des martyres, du dont de soi, est la preuve d’amour absolu. Le feu symbolise donc aussi l’amour, l’amour fraternel.

    L’eau et le feu

    L’eau est complémentaire du feu comme symbole de vie comme le soleil puis les pluies se complètent pour apporter la fertilité c’est pourquoi nombre de rites anciens associaient l’eau et le feu, ou l’eau et le sang qui sont analogues. Pour les templiers l’eau servait au baptême exotérique et le feu au baptême ésotérique. C’est le baptême de la lumière des FF\MM\.


    L’alchimie du feu
    « L’alchimie est une œuvre spirituelle qui étudie la matière qui se transmute vers une ascendance vers la Lumière libératrice ». « Tout s’accomplie de soi-même dans la nature ( …) l’alchimiste, tout en conservant la valeur spirituelle de ce processus, aide la vie cosmique à se réaliser plus rapidement. C’est par le feu qu’il active l’expérience. Selon le double aspect magique et religieux. C’est un maître du feu ». « La pierre philosophale c’est l’homme transformé par la transmutation mystique ». Le vitriol philosophique est le premier être de la pierre philosophale. (Pour Robin) Le feu philosophale ou feu d’amour de la sagesse est la lumière astrale humanisée. Le soufre qui résiste au feu est l’âme, la semence incombustible. L’alchimiste est à la recherche de l’abolition partielle ou totale du temps de façon à gagner le plus rapidement l’état supérieur.

    La kabbalistique du feu
    La Kabbale, source de lumière, fait intervenir l’ésotérisme hébraïque. Elle tente de retrouver l’explication de la Loi (divine) à travers une science secrète égyptienne. L’adepte communique avec la Lumière qui représente la Vérité. Les kabbalistes pensent que le Verbe, ou lumière divine, a donné naissance à la Pensée, ou Lumière intellectuelle.

    La formation et la conservation du feu
    La formation et la conservation du feu ont créés elles aussi une multitudes de symboliques telles que le principe du feu igné. Car le feu naît de la friction des pierres ou du bois, le bois et la pierre contiendrai le feu et deviendrai ainsi sacrés. La création du feu a partir du frottement d’un bâton de bois dans un petit orifice de bois était tellement comparable au coït que le feu devient une expression sexuelle et ainsi les grottes primitives qui abritais le feu étaient administrées par des femmes souvent vierges, appelées vestales au temps des romains qui étaient désignées ainsi esclaves préposées au feu et épouses du feu. De l’union d’une vestale et du dieu du feu naquit Servius Tullius, fondateur de Rome.


    La chaleur du feu
    La chaleur est associée au feu et au sang mais aussi aux humeurs, à la fièvre et au coït. Le feu est donc encore une fois symbole de Vie. La chaîne d’union est l’union de la chaleur sanguine et des rythmes cardiaques des individus qui la composent, en communion avec un idéal commun, qui permet au tout ainsi conformé, de communiquer et d’accéder à la lumière astrale.

    Les funérailles par le feu

    Le rite funéraire de la crémation pouvait représenter une forme d’hygiène, ou le pouvoir de chasser les mauvais esprits, ou encore de purifier le corps matériel pour accéder au divin, préserver les cendres pour fertiliser les terres ou les vénérer, ou de matérialiser le souvenir des défins. Le catholicisme à suprimé ce rite funéraire mais à gardé son symbole à travers de la crémation d’encens.

    Le Feu de la Saint Jean


    Les feux de la Saint Jean du 24 juin correspondent au solstice d’été et à l’un des plus anciens et des plus universels des rituels, avec la fête des morts. C’est principalement le rite de mort et de résurrection. Ce rite de passage fait partie d’un cycle initiatique : lire le paragraphe sur les feux place de grève à Paris.


    Qu’est-ce que représente ce feu. C’est un feu placé dans le temps et dans l’espace. Il a une forme multi symbolique qui rallie la somme la plus complète de symboles car c’est un des éléments central de la vie terrestre : le feu, la lumière et le soleil. (Faire un graphique en croix espace temps). Le soleil est Rythme et Harmonie, c’est aussi le Verbe puisque la création est attribuée à Dieu. Le feu de saint jean est aussi un feu placé dans le temps car il symbolise le changement radical du cycle solaire. Les nuits vont se rallonger tandisque les jours vont raccourcir. C’est aussi le jour le plus long, où la présence divine du soleil est la plus marquée.

    Célébré au solstice d’été, le feu de Saint Jean représente la fin du cycle de croissance du jour vis-à-vis de la nuit. C’est le changement du cycle de croissance végétale vers celui de la floraison puis de la récolte. Les animaux aussi, qui ont coités au printemps vont mettre bas pendant cette période à venir. C’est aussi, car le feu s’allume la nuit, la lutte de la lumière de l’homme sur les forces obscure de la nuit. C’est un feu situé dans l’espace de manière précise. Il est le lien vertical entre la terre et le ciel. Par ces racines les plus profondes il est lié au nadir, aux entrailles de la terre et par ces plus hautes branches il est lié au zénith, au ciel, à l’être suprême. Pour les druides l’arbre était l’Etre Suprême. Le feu est immense, alimenté de bois sacrés, par tout le peuple, au sommet du plus haut des sommets de la zone géographique concernée et de surcroît surmonté d’un bois vert, symbole du dieu arbre, de l’arbre de vie, telle une échelle de Jacob, lien entre les entrailles de la terre et le ciel infini, entre l’homme et Dieu. En son sommet, des animaux représentatifs tantôt du démon tantôt de dieu, comme des chats, son brûlé pour être purifiés et ainsi divinisés. Les couples qui sautent au-dessus des flammes annoncent leur futur mariage et les femmes qui font de même annoncent leur prochaine fécondité.

    La religion catholique a tenté en vain d’interdire ce rituel qui persiste aujourd’hui dans des pays ou la même inquisition a sévi comme l’Espagne. Saint Jean est donc devenu symbole du feu. Il est intéressant de noter que les naissances de Jésus et de Jean sont placées à des points aussi symboliques, dénommés la Noël d’Hiver, la Noël d’Eté, ou même plus souvent la Saint-Jean d’Hiver et la Saint-Jean d’Eté.

    Pour la maçonnerie, le feu représente donc la purification, le feu détruit le superflu, les métaux inutiles, c’est la mort ce cet homme prisonnier de la nuit profane puis, instantanément c’est la résurrection, tel le phénix, d’un homme nouveau, comme rajeuni, car doté d’un nouveau sens ou d’un sens plus affiné avec lequel il peut regarder la Lumière en face. C’est l’initiation. Cette purification par le feu se déroule près de la colonne du midi, colonne du soleil au zénith, bien évidemment. La FM fête particulièrement les deux Saints Jean. Jean le Baptiste, celui de l’eau du baptême de jésus, du commencement, de la purification, et Jean l’Evangéliste, celui de la mort et de la résurrection donc correspondant au solstice d’été. La correspondance entre les dates de naissance des deux Jeans est un choix de l’Eglise catholique. L’Eglise de Saint Jean l’Evangéliste est celle de l’Esotérisme, longtemps persécutée tandisque celle de Pierre est celle de l’Exotérisme. Les deux Saints Jeans sont les deux patrons de la F\M\

    Symbole et Signe de la F\M\ : le cercle, le centre et les deux lignes parallèles, chacune d’elles représentant un Jean, à gauche le commencement, le baptême, S Jean B, à droite la fin, la mort et la résurrection, l’amour de S Jean l’E. Le Grand Architecte à posé la pointe du compas au centre, tracé un cercle qui représente le Fils et une surface, le Saint Esprit.

    Conclusions personnelles


    L’arbre de viesemble être le symbole unificateur de tous les éléments car il prend racine dans la terre, ses branches s’élancent dans les air. Il naît et crois de l’eau et son bois s’enflamme pour devenir feu, cendre et fumée, ou purification du tout par le feu, fertilisation de la terre par les cendre et ascension dans les air vers le divin par la fumée.


    Le feu de la purification n’ai pas suffisant pour atteindre l’Etre Suprême, la lumière est le moyen d’éclairer la vérité, la chaleur d’aimer son prochain. L’amour de la sagesse et des autres est symbolisé par le feu (philo sofia et philo antropia).


    J\D\

    Par fréres jumeaux





    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique